Pour une transition scientifique

Call for a scientific transition (here)

Appel de chercheurs européens (pdf ici)

Appel en cours encore ouvert à de nouveaux signataires.

Chercheurs européens, nous sommes confrontés régulièrement à un grand écart entre les recherches qui nous sont proposées ou financées et celles que nous jugeons devoir développer d’urgence face à la crise climatique et à la préservation de la vie sur terre.

Il sera vain d’enseigner à nos étudiants le développement soutenable vis-à-vis des enjeux écologiques si nous n’offrons pas par nos recherches les outils pour le mettre en œuvre.

Une information passée presque inaperçue peut nous réveiller. Les chercheurs de l’école Polytechnique Fédérale de Lausanne viennent d’abandonner la recherche sur les transports à très grande vitesse, lancée par un concours organisé par le milliardaire Elon Musk. Ils choisissent désormais de se consacrer à la recherche sur l’efficience énergétique.

Alors que nous continuons massivement la « research-as-usual » traitant d’enjeux parfois inutiles voire nuisibles aux transitions, un travail gigantesque est à entreprendre dans tous les domaines scientifiques.

Par exemple, en biologie, un rééquilibrage de la recherche est nécessaire au profit de la connaissance et de l’utilisation soutenable des écosystèmes, dont les fonctionnements réels ont peu à voir avec les expérimentations de laboratoire et dont la méconnaissance fait fleurir les fausses bonnes solutions. Autre exemple en économie et finance : la recherche sur les impacts des produits financiers et de leurs cadres réglementaires, sur l’environnement et sur les sociétés reste quasi inexistante, sans parler de l’adaptation du système financier lui-même à la fragilité actuelle de la biosphère.

L’inertie du « paquebot Science » est visible dans les grandes revues internationales qui laissent peu de place aux thèmes en rapport avec les transitions, notamment ceux nécessitant une approche pluridisciplinaire. Les jeunes chercheurs aspirent naturellement à publier dans ces revues et ont du mal à s’orienter sur ces thèmes de recherche considérés comme risqués par les évaluations classiques et pourtant si urgents. Les équipes de recherche hésitent à sacrifier leur visibilité académique, base du classement international de leurs institutions et délaissent aussi ces thèmes.

Sans le soutien direct des présidents de nos institutions, le publish or perish continuera à dominer et les équipes de recherche continueront à dépendre de financements privés dont beaucoup préfèrent que le sujet sensible du changement des productions et des consommations dans nos sociétés soit évité. Comme il est préconisé dans le rapport mondial sur le développement durable 2019, les universités, les décideurs et les bailleurs de fonds de la recherche doivent accroître leur soutien à la recherche orientée par des missions dans le domaine des sciences de la durabilité et dans d'autres disciplines, tout en renforçant l'interface science-politique et société.

Nous ne voulons pas être piégés par les « indicateurs d’efficacité » de nos recherches inadaptées. Nous voulons faire bouger nos institutions pour préparer notre société à un monde en bouleversement rapide.

En incluant les chercheurs des associations et autres structures de la société civile, nous proposons de mettre en place de nouveaux programmes de recherche dans chaque grande école, chaque université et chaque institution de recherche dont nous sommes membres.

Nous soutenons la recherche fondamentale.

Nous demandons que nos états et l’Union européenne arrêtent les financements alloués aux recherches qui favorisent des productions incompatibles avec les transitions indispensables.

Nous demandons que les projets de recherche favorisant les transitions soutenables soient privilégiés et ne soient pas contraints à trouver un financement privé pour accéder au financement public. Pour soutenir ces projets, les équipes de recherche travaillant sur la transition ne doivent plus être jugées exclusivement sur les publications académiques, mais aussi sur l’évaluation ex-ante des possibles contributions de leur recherche à résoudre nos défis, c’est-à-dire sur le risque scientifique qu’elles ont le courage de prendre.

Nous, chercheurs européens, remercions tous ceux qui appuieront notre demande auprès des décideurs et dans le grand public pour que cet enjeu collectif de l’orientation de la recherche n’ait pas une issue tragique.

La question de la transition scientifique est aujourd’hui vitale.


Liste des signataires (here)

Pour être dans la liste des signataires, envoyez un courriel à denis.dupre@univ-grenoble-alpes.fr en précisant votre fonction et votre institution.

Si vous avez un contact dans des grands journaux européens pour publier cet appel, n'hésitez pas à le signaler.