Close-up: Interview with Dean Pierre François

© Martin Argyroglo / Sciences Po

Close-up : Entretien avec le doyen Pierre François

(English below)


Quel avenir pour l’École de la recherche à Sciences Po ? Entretien avec le doyen de l’École de la recherche, Pierre François

Nouveau campus, nouveau directeur… et nouveaux défis à l’horizon pour l’École de la recherche. Rencontre avec Pierre François, doyen, pour nous parler du futur de l’École de la recherche et de ses étudiants.

L’école de la recherche et le nouveau campus au 1 Saint-Thomas : « une révolution totale »

Entre la fin du mois de décembre et le 10 janvier, L'École de la recherche est passée du 199 Boulevard Saint-Germain au 1 Saint-Thomas. Un déménagement d’une centaine de mètres, mais qui n’est pas sans conséquences pour le doyen : « En 15 jours, c’est une révolution totale. ». Pierre François souligne notamment l’apport des nouveaux locaux dans la proximité de l’École de la recherche avec les centres de recherche et la facilitation des rencontres, qui se font de manière moins formelle : « Vous sortez pour acheter votre sandwich et vous tombez sur des collègues. D’habitude, les rencontres se seraient faites en prenant rendez-vous, et maintenant ils sont à quelques couloirs d’ici ! ». Le déménagement au 1 Saint-Thomas permet ainsi de renforcer l’intégration de l’École de la recherche comme « bras armé de la communauté scientifique », faisant écho à son changement de nom récent (l’École de la recherche étant auparavant appelée École doctorale).


Un autre élément particulièrement souligné par le doyen est la relation renouvelée avec les autres écoles. Pointant du doigt l’étage en-dessous de son bureau, Pierre François se réjouit de la proximité avec l’École urbaine – dont les locaux se situent dans le même bâtiment que l’École de la recherche – ou encore de l’accès facilité à l’École de droit au 13 rue de l’Université, le site communicant maintenant directement avec celui du 1 Saint-Thomas : « Je peux quasiment y aller en chaussettes » déclare-t-il avec un sourire. Ce rapprochement physique avec les autres écoles rappelle leur rapprochement en termes de programmes, des research tracks ayant éclos à l’École urbaine ou encore à l’École d’Affaires Publiques. En bon sociologue, le doyen rappelle l’importance de la fluidité comme étant une dynamique absolument déterminante pour la vie des organisations : le déménagement au 1 Saint-Thomas semble en être un parfait exemple.

Un dernier élément de changement que le doyen a observé : « Au 199, les étudiants étaient dans le bâtiment mais à des étages où l’on ne les voyait pas. Au 1 Saint-Thomas, on a une proximité visuelle avec les gens pour qui fondamentalement on travaille, les étudiants. » Faisant directement référence aux anciens locaux situés au troisième étage du bâtiment du 199 Boulevard Saint-Germain, les étudiants devaient auparavant sortir de Sciences Po et passer par une cage d’escaliers partagée par des appartements de particuliers. De quoi déboussoler plusieurs étudiants de première année.

Les ambitions « considérables » pour la recherche de Mathias Vicherat, nouveau directeur de Sciences Po

En ce qui concerne la recherche plus généralement, le doyen est revenu sur la démarche entamée il y a 25 ans de Sciences Po de s’internationaliser, dans laquelle ce qui fait la valeur de l’école c’est la recherche. Ainsi pour lui, il est impossible de faire machine arrière, d’autant plus que d’autres institutions telles que les écoles d’ingénieurs commencent à s’engager dans ce même mouvement.

Mais comment répondre à cet enjeu ? Mathias Vicherat l’a dit, Sciences Po augmenterait l’investissement en personnels, se traduisant par une augmentation de la faculté permanente. Mais cela passe aussi par la question du périmètre disciplinaire couvert par la communauté scientifique de l’école, bousculé par l’arrivée des computer sciences qui proposent des nouveaux outils aux sciences sociales. Que fait-on avec ces nouveaux outils ? Comment les intègre-t-on ? Pierre François insiste sur le fait que tous les laboratoires et les écoles se soient dotés de spécialistes, et que toutes les autres institutions se posent également les mêmes questions : tant les universités que les écoles d’ingénieurs ou les écoles de commerce.

L’École de la recherche, étant donné son positionnement spécifique à l’intersection de la politique de formation et de la politique scientifique de la maison, doit décliner en matière de formation à la recherche, et ce de la manière la plus efficace possible, les grandes options scientifiques qui sont prises au sein de Sciences Po.

Les objectifs futurs pour l’École de la recherche

Un autre défi majeur à relever pour l’École de la recherche est de suivre le rythme d’un espace de communautés qui sont extraordinairement dynamiques : « On a aujourd’hui une dynamique de la production scientifique qualitativement et quantitativement sans commune mesure avec ce qu’elle était il y a 20 ans. Il faut rester dans cette dynamique, et y progresser. »

Un second défi aux yeux du doyen est de faire en sorte que les étudiants de l’École de la recherche soient très bons et très bien formés, mais qu’ils soient aussi heureux dans leurs activités professionnelles. Pierre François précise : « Les débouchés académiques, en particulier ceux des docteurs en France, sont des débouchés eux-mêmes soumis à des formes de tension très fortes entre des jobs qui correspondent très clairement à ce à quoi nous formons nos étudiants, et des jobs qui en sont très éloignés. »

Bien que les positions auxquelles les étudiants aspirent soient légitimes, en France elles sont très peu nombreuses. Tout l’enjeu est d’élargir l’espace géographique, au niveau européen notamment, mais qui n’est pas sans complications comme le note le doyen : « Cet espace géographique est lui-même très segmenté avec des marchés qui restent pour partie des marchés nationaux. L’ambition, qui ne peut être que collective, est partagée avec d’autres écoles et d’autres formations à la recherche en Europe. L’objectif est de construire un véritable marché du travail européen. » À cet égard, l’on peut notamment penser au partenariat CIVICA rassemblant 8 universités européennes en sciences sociales (des noms qui ne seront pas inconnus aux étudiants avertis, tels que Bocconi, LSE etc.) L’objectif est de mettre en place des dispositifs permettant aux étudiants de se préparer efficacement à ce marché du travail élargi, et des actions susceptibles de faire en sorte que ces barrières très étanches – entre les disciplines ou entre les pays – tombent.


Par Jeanne-Louise Roellinger

What future for the School of Research in Sciences Po? Interview with the dean of the School of Research, Pierre François

New campus, new director… and new challenges on the horizon for the School of Research. Meeting with Pierre François, dean, to talk about the future of the School of Research and its students.

The School of Research and the new campus at 1 Saint-Thomas: “a total revolution”

Between the end of December and the 10th of January, the School of Research moved from the 199 Boulevard Saint-Germain to the 1 Saint-Thomas. The relocation was only a hundred meters move but it was not without consequences for the dean: “In 15 days, it is a total revolution.” Pierre François especially underlines the benefits of the new buildings in the proximity with the centers of research, facilitating formal meetings: “You go out and buy your sandwich and you meet one of your colleagues. Usually, meetings would have been done taking an appointment, now they are only a few hallways from here!” The relocation to the 1 Saint-Thomas therefore enables the integration of the School of Research as the “armed wing of the scientific community”, echoing its recent change of name (the School of Research was previously called Doctoral School).

Another crucial element for the deam is the renewed relationship with other schools. Pointing at the floor downstairs, Pierre François gets excited by the proximity with the Urban School – of which the rooms are located in the same building as the School of Research – or the accessibility to the School of Law located at 13 rue de l’Université. The “13 U” now communicates directly with the buildings of the 1 Saint-Thomas: “I can almost get there only wearing socks.” Pierre François says in a smile. Bringing schools closer together physically echoes the common features of their programs, such as the research tracks which opened in the Urban School or at the School of Public Affairs. As the good sociologist that he is, the dean reminded the importance of fluidity as a crucial dynamic for the life of organizations. The relocation to the 1 Saint-Thomas seems to be quite the perfect example.

One last element that has changed in the dean’s view: “At the 199, the students were in the building but on floors where we couldn't see them. At the 1 Saint-Thomas, we have a visual proximity with the people we first and foremost work for, meaning the students.”. Directly referring to the previous rooms located on the third floor of the 199 Boulevard Saint-Germain building, the students needed to get out of Sciences Po and climb stairs shared with private individuals. Needless to say that first year students were a bit disoriented.

Mathias Vicherat’s “tremendous” ambitions for research as the new head of Sciences Po

When it comes to research more broadly, the dean came back on the steps towards internationalization that Sciences Po started 25 years ago. For him in this process what makes the value of Sciences Po is research. Hence, it is impossible to back down, given that other institutions such as engineering schools are starting to move towards this direction.

But how to deal with this challenge? Mathias Vicherat said it, Sciences Po will increase investments in staff which will translate in an increase in the permanent faculty. The dean also underlined that it will be done also through the question of the disciplinary perimeter covered by the scientific community residing in Sciences Po. Indeed, it has been challenged greatly by computer sciences which propose new tools to social sciences. What do we do with these new tools? How do we integrate them in our research methods? Pierre François insists that all research centers and schools in Sciences Po have specialists on the matter and that all institutions ask themselves the same questions, be it universities, engineering schools or business schools.

Given the position of the School of Research, at the crossroads of the training policy and the scientific policy of Sciences Po, it must translate the scientific decisions taken inside Sciences Po into a training to research for its students.

The future objectives of the School of Research

Another major challenge to tackle for the School of Research is to follow the rhythm of communities that are extraordinarily dynamic: “Today the dynamic of scientific production, qualitatively as well as quantitatively, is not comparable at all with what it was 20 years ago. We need to remain in this dynamic, and ideally progress there.”

A second challenge in the dean’s opinion is ensuring that students of the School of Research are well trained, but also that they are happy in their professional activities. Pierre François precises: “The academic opportunities, especially in France, are opportunities submitted to very strong tensions between the jobs matching their training and jobs that are very distant from it.”

The jobs that students look up to are legitimate, but in France they are not numerous. The very challenge is to enlarge the geographic space, at the European level notably, but it is not without hurdles as underlines the dean: “This geographic space is itself very segmented with markets that remain national markets. This ambition can only be collective, and it is shared with other schools and formations to research in Europe. The goal is to build a concrete European labor market.” We can think here about the CIVICA partnership gathering 8 European universities (nouns that will not be unknown to students, such as Bocconi, LSE etc.). The goal is to set up devices potentially affecting these barriers that are hermetic between disciplines and countries as well as enabling students to prepare effectively for this enlarged labor market.


By Jeanne-Louise Roellinger