Lioré et Olivier LeO 451 - N°106 GB I/31 de Lawarde Mauger

Au cours du mois d'octobre 2009, à la suite d'une enquête dans la région de Conty, nous rencontrions un témoin ayant le souvenir de quelques chutes d'avions dans ce secteur. Il nous emmena tout d'abord à Lawarde Mauger où disait-il, un bombardier s'était écrasé au cours du mois de mai 1940.

En fait, nous avions déjà visité ce site en 2005 et quelques fragments de cet avion avaient été retrouvés mais à cette époque notre équipe ne possédait pas de moyens suffisants d'investigations.

Après enquête, deux témoins du village étaient formels. Ils avaient vu tomber ce bombardier le 20 mai 1940, juste avant qu'ils n'évacuent. L'équipage avait été vu sauter en parachute.

Le lundi 20 mai 1940 en fin d'après-midi, Charles Graux alors âgé de 17 ans, se préparait à évacuer avec ses parents lorsqu'il verra l'avion français s'écraser au Nord-Ouest de son village, non loin de sa ferme. Il courut alors vers la zone de crash mais fut refoulé par des soldats français qui l'empêchèrent d'approcher à cause du danger. Il évacua ensuite comme prévu et retrouva à son retour les restes de cet avion.

Il se souvient encore d'un cratère rempli de débris avec l'arrière du fuselage et de la dérive surplombant ce cratère. A sa connaissance, de nombreux débris furent jetés beaucoup plus tard dans un trou à ordures.

Après la guerre un aviateur qui avait eu les jambes brisées, vint au village. (il ne peut s'agir que du Lt. Hourtic, qui eut les membres inférieurs fracturées au moment où il sautait ses jambes ayant été heurtées par la partie arrière de l'avion).

Il se souvient enfin, qu'un voisin qui avait récupéré l'une des cocardes tricolores du fuselage, la donna à un jeune avocat intéressé par les LeO451, venu un jour, bien après la guerre, poser des questions sur cet avions mais personne n'aura plus jamais de nouvelles de cet homme*.

Claude Selvoy, lui, avait 9ans à cette époque. Il était en train d'évacuer et se trouvait sur la route de Fransures avec sa famille fuyant avant l'arrivée des troupes allemandes lorsqu'il aperçut le bombardier français en feu tomber. Il aperçut également plusieurs parachutes.

Ces parachutes semblent selon ces deux témoins être tombés vers le Sud-Est de la localité.

En septembre 2010 après avoir obtenu les autorisations nécessaires, nous sommes retournés sur le site pour tenter de retrouver des vestiges de cet avion.

Bombardement de colonnes motorisées sur la route N.29 entre ALBERT et AMIENS.

Décollage de quatre LeO451 du GB I/31 du terrain de Claye-Souilly.

LéO451 N° 79 Lieutenant Picelet

LéO451 N° 95 Capitaine Moncheaux

LéO451 N° 106 Lieutenant Hourtic

LéO451 N° 109 Lieutenant Scavizzi

Seuls 3 bombardiers parviendront à participer à cette mission, le LéO n° 79 faisant demi-tour à cause de difficultés de navigation.

Plan de vol approximatif du LéO451 N° 106 du GB I/31

S/C Jacques TANCHOUX (Pilote)

22/03/1902 - 15/06/1941

LTN Henri HOURTIC (Chef d'avion)

11/09/1914 - 18/05/1971

C/C Jean DESNEUX (Radio/Mitrailleur)

10/12/1916 - 06/06/1946

Caporal Jean ROGER (Canonnier)

décédé en 1991

Photo prise après la guerre (Vincent Lemaire)

Récit du combat par Henri Hourtic


« Nous avions quitté Lézignan dans la journée du 13 mai. Depuis le 14 nous sommes engagés dans la bataille. Pendant six jours nous n'avons pas connu un seul instant de répit. En alerte tous les matins à partir de cinq heures, nous ne quittons le terrain qu'à la nuit, chargeant nos avions, faisant le plein nous-mêmes, car l'échelon roulant ne nous a pas encore rejoint.

Notre groupe a déjà été cruellement éprouvé, quatre équipages ne sont pas rentrés et le 19, nous avons été durement fortement bombardé sur le terrain de Person-Beaumont, perdant encore des camarades.

Toute cette journée du 20 mai s'est passée en position d'alerte, ce n'est que le soir vers 19 heures que l'ordre nous est donné d'attaquer des colonnes motorisées progressant sur la route d’Amiens à Albert en direction d'Amiens.

Du groupe I/31, il ne reste que deux avions disponibles : celui du capitaine Moncheaux, le LeO 45 n° 95, et le mien n° 106.

Le capitaine Moncheaux commande la mission, je dois me placer derrière lui et six appareils du deuxième groupe doivent nous suivre, mais pendant toute la mission je ne les verrai pas, j'ignore ce qu'ils ont fait.

Nous décollons du terrain de Claye-Souilly. Lorsque nous passons à la verticale du terrain de Beauvais, la D.C.A. française nous prend à parti, sans dommage heureusement. De très loin nous voyons Amiens qui brûle, nous contournons la ville par l'ouest, et prenons la route d'Albert en enfilade. Nous sommes à 800 mètres d'altitude, depuis un moment déjà on nous tire du sol. Derrière nous, il n'y a personne, nous sommes seuls sur l'objectif. Mon regard est rivé sur la route : elle est vide. À quelques kilomètres d'Amiens, nous voyons quelques voitures. Le capitaine Moncheaux lâche ses bombes et vire. J'ai vu plus loin un autre fort groupe de camions qui va traverser le village de Pont-Noyelles, je lâche toutes mes bombes sur un rassemblement de voitures à l'entrée du village, afin de couper la route. Par un coup heureux, l'objectif est touché en plein.

Je donne l'ordre de dégager, et c'est en léger piqué, pleine gomme, que nous rejoignons le capitaine Moncheaux, à l'ouest d'Amiens.

Du sol, montent toujours vers nous les trajectoires rouges des balles traçantes. Heureux d'avoir rempli notre mission, nous fonçons en direction du terrain. Plus que quelques minutes de vol, et nous retrouverons nos camarades. Mais une forte odeur de brûlé arrive jusqu'à ma place, en même temps mon radio, le caporal Roger me dit son inquiétude. Je me retourne et vois mon canonnier, le sergent Desneux qui fait des gestes que je ne comprends pas, je n'ai plus de liaison téléphonique avec lui, mais je lui fais signe de regarder le ciel, car je crains la chasse plus que ces traînées rouges qui montent vers nous.

Plus tard, Desneux me dira que lorsque nous avons bombardé, le moteur droit laissait déjà derrière lui une traînée de fumée noire. Nous avions été touché à l'aller par un projectile venu du sol. Nous sommes toujours à la hauteur du capitaine Moncheaux. Je le vois à son poste de commandant d'avion, mesurer la route sur sa carte. C'est la dernière vision que j'aurai de lui.

À ce moment les obus éclatent dans le fuselage, des gerbes de feu entourent mon appareil et malgré le miaulement des moteurs qui tournent à plein régime, j'entends mon pauvre taxi craquer de partout. Nous sommes attaqués par la chasse ; tout à l'heure des soldats me diront que 22 chasseurs étaient à nos trousses. Je regarde l'heure à ma montre de bord : il est 19h50. J'aperçois l'avion du capitaine Moncheaux qui laisse derrière lui une longue traînée de feu et descend légèrement : son canonnier tire sur les chasseurs que je ne peux voir de ma place, puis l'avion disparaît de ma vue.

Mon canonnier tire aussi. Hélas ! il n'y a qu'un chargeur de 60 obus sur le LeO 45 : quelques secondes de tir, le chargeur est vite épuisé !… Maintenant ça brûle dur à droite. Je quitte ma place et vais trouver mon pilote, le sergent-chef Tanchoux. Par signes, car le téléphone est coupé, je lui donne le cap plein Sud pour m'éloigner au plus vite des lignes allemandes ; les commandes sont bloquées, l'avion a tendance à passer sur le dos. Au bout de quelques instants, jugeant que nous sommes dans nos lignes, je fais signe au radio et au canonnier d'évacuer le bord. Desneux est blessé, un obus a éclaté près de lui ; il arrive à peine à ouvrir sa trappe d'évacuation. Et l'avion veut toujours passer sur le dos. D'une main, je pousse sur le manche avec Tanchoux ; de l'autre, je l'aide à se libérer de sa ceinture et de son relais de poitrine. Roger n'arrive pas à larguer la porte d'évacuation, je vais à côté de lui et exécute les manœuvres nécessaires : la porte est larguée. Les flammes lèchent le fuselage qui commence à fondre : il faut traverser le feu pour évacuer. Je fais signe à Roger de sauter et le pousse à l'épaule : il saute. Maintenant, j'attends mon pilote ; il a accroché le câble d'ouverture de son parachute au levier de sécurité du train. Je regarde le « badin » : l'aiguille est bloquée à la vitesse maximum. Au moment où Tanchoux se dégage, un remous se produit. Happé par le déplacement d'air, je suis projeté hors de l'appareil. Je sens un choc brutal : ma jambe gauche vient de heurter ce qui reste de l'empennage. Je perds connaissance. Le vent de la vitesse me fait reprendre mes sens. Le sol arrive très vite, je tire sur la poignée de mon parachute et j'entends le claquement de la toile qui s'ouvre.

Mon pied gauche est dans un triste état. J'ai seulement le temps de penser « l'atterrissage ne sera pas drôle » et c'est le choc très dur. J'apprendrai par la suite que mon parachute n'a pas eu le temps de s'ouvrir complètement. Lorsque je reviens à moi, je vois mon pauvre taxi qui achève de brûler, loin, dans un vallonnement. Mais les balles sifflent à mes oreilles ce sont les soldats français qui nous prennent pour des parachutistes allemands et tirent sur mon pilote. Je leur crie de ne pas tirer, que nous sommes Français : ils ne m'écoutent pas, un sous-officier et deux hommes viennent vers moi et me mettent en joue, je crie à nouveau que nous sommes français, ils menacent toujours. Alors j'essaie de me lever. Impossible. Je réussis à me mettre à genoux et j'ouvre ma combinaison pour leur montrer ma tenue. Enfin, ils ont compris. Heureusement qu'ils étaient maladroits. Tanchoux revient vers moi : il est légèrement brûlé au visage, et une balle lui a effleuré le pied. Il aide les soldats à me transporter dans une voiture de réfugiés. Je suis dans un piteux état. Ma jambe gauche est broyée, la droite cassée ; j'ai des côtes enfoncées, un poignet foulé et des contusions à la tête. On nous conduit près d'un P.C. installé dans un bois (j'ai su plus tard que c'était le bois de Lawarde-Mauger). Là je retrouve Desneux, gravement blessé à la jambe par des éclats d'obus : il parle avec peine, paraît oppressé. On s'apercevra à l'hôpital que l'ouverture brutale du parachute lui a occasionné une lésion du poumon. Roger est légèrement brûlé à la face et aux mains.

Du P.C., en 402, nous sommes évacués sur Breteuil ; mais Breteuil est désert ; on nous conduit jusqu'à Beauvais. Le trajet est long en pleine nuit. Trois fois, pour éviter des obstacles, le chauffeur a freiné brusquement, et trois fois je suis tombé sur mon canonnier, allongé sur le plancher de la voiture. Nous arrivons à Beauvais qui vient d'être bombardé ; l'hôpital ne reçoit plus de blessés. Nous arrivons enfin à l'ambulance installée dans la gare. Après un pansement sommaire, nous sommes embarqués dans une automotrice sanitaire déjà remplie de civils et militaires. Une femme hurle de désespoir, sa fille vient de mourir : on emmène la mère pendant qu'on emporte le corps de son enfant. Le voyage durera toute la nuit avec de multiples arrêts. À chaque station les civils nous portent de l'eau, du café. Une garde-barrière me fait passer un kilo de sucre que je fais distribuer par Tanchoux. Le matin, vers 10 heures, nous sommes à Pontoise. Il faut me débarquer, je suis à bout de forces. Mon équipage continue jusqu'à Chartres.

Je fais téléphoner à mon groupe, par un sous-officier de service à la gare.

Puis c'est l'hôpital bondé de blessés. Pendant huit jours je connais la table d'opérations, les pansements. On essaie de sauver ma jambe.

Je ne sais rien de Moncheaux. J'ai envoyé un compte rendu de la mission à mon commandant, et suis sans nouvelles de mon groupe. La première infirmière qui me soigne m'apprend que son cousin est aviateur. Tragique coïncidence, c'est la cousine du lieutenant Sudres, qui pilotait l'avion du capitaine Moncheaux. Je lui raconte notre combat. J'ai confiance en Sudres, très bon pilote, il a peut-être posé le taxi quelque part en campagne. J'écris à Madame Moncheaux ; je lui dis mon espoir.

Hélas…

(Extrait du livre « Disparu dans le ciel » de Germaine L’Herbier Montagnon - Fasquelle Editeurs Paris)



LE SITE DU CRASH

Samedi 18 septembre 2010, rendez-vous sur le site du crash avec les membres de l’association.

Nous restituons rapidement le point de chute qui avait été relevé l’année dernière lors de notre premier repérage. Aussitôt nous délimitons l’aire de recherches, et la pelleteuse se met à l’oeuvre. Une belle terre, qui nous livrera de belles plaques de construction, qui ne font aucun doute quant à l’appartenance de ces pièces à un LéO451. Seule grosse pièce, une longue barre de métal riveté d’environ 2 mètres, provenant sans doute des structures d’ailes.

LES RECHERCHES

Les recherches effectuées pour trouver des informations plus précises sur cet équipage, nous a amené à traverser la France.

Tours : Grièvement blessé, notamment aux poumons, le 20 mai 1940, Jean DESNEUX restera invalide. Il décède des suites de ses blessures le 6 juin 1946. Déclaré Mort pour la France par décision du 20 mars 1947, il repose au cimetière La Salle, à Tours, carré 16 tombe 158. Cette tombe est malheureusement abandonnée et fait l'objet d'une reprise par la municipalité et risque de disparaitre à tout moment.


Périgueux : Au cours de nos recherches, le hasard nous fit découvrir qu’une trappe de visite du LéO451 n° 106, se trouvait au musée militaire du Périgord à Périgueux (Dordogne). Après quelques contacts téléphoniques et une visite sur place en septembre 2010, nous découvrons cette trappe de 20x18cm, gravée des noms de l’équipage.

Nous n’avons pas pu établir avec précision, la provenance ni l’itinéraire de cette pièce entre Lawarde-Mauger dans la Somme et Périgueux en Dordogne. Le lieutenant HOURTIC peut-être, le seul à notre connaissance qui revint sur le site du crash en 1941.

Le Musée Militaire du Périgord

32 rue des Farges

24000 Périgueux

Tél. 05 53 53 47 36


Arcachon : la ville du Lt. Henri Hourtic, il y naît en 1914 et y repose depuis 1971.

  • Henri Hourtic après ce 20 mai 1940 est un grand blessé, des complications obligent l'amputation de l'une de ses jambes. Mais ce n'est pas sans courage qu'il surmonte ce handicap, ayant une formation d'architecte, il oeuvre sur de nombreux projets dans la région d'Arcachon, le Lycée du Grand Air, la Chapelle du sanatorium de Moulleau, du temple de Mérignac ou encore à la transformation de Grand Hôtel d'Arcachon.

Trés actif et sportif il pratique la voile sur Dragon un voilier très technique et très complexe, il pilote également, Officier de Réserve, il a le grade de Lieutenant Colonel.

Personnalité reconnue de la ville d'Arcachon, membre et président de plusieurs associations civiques, patriotiques et humanitaires, il décède subitement à l'âge de 57 ans. Il repose au cimetière allée Fénelon à Arcachon. La stèle de sa tombe a été réalisé par son ami le sculpteur Claude Bouscau.

Remerciements pour leurs aides à Nelly et Madame HOURTIC, à Messieurs, Antoine ROS, Vincent LEMAIRE, C. DUTRONE, A. J. FAUCOULANCHE, A. NOUILHAS, aux archives Municipales d'Arcachon, et à la ville de Tours.