Lioré et Olivier LeO 451 N° 151 - 6 juin 1940 BRACHES

Lioré et Olivier LeO 451 n° 151

Groupe de bombardement II / 12 de l’Armée de l’Air Française

Tombé sur le territoire de la commune de Braches (Somme) le jeudi 6 juin 1940

Résumé réalisé par Pierre Ben

LES RECHERCHES

Pierre Ben et les membres de son association connaissaient depuis déjà un certain temps le point de chute d’un Lioré et Olivier LeO 451 sur le territoire de la petite commune de Braches.

Cet avion de l’armée de l’air française avait été abattu par la chasse allemande le 6 juin 1940 lors d’une mission de bombardement.

La visite à Warloy-Baillon chez Pierre Ben, de Michel Decelle, habitant de cette région de Braches, fera que ce dernier se rendra avec quelques uns de ses amis les dimanches 16 août et 5 septembre 2009 sur les lieux de ce crash.

Michel Decelle qui avait trouvé, il y a un certain temps, quelques fragments d’aluminium dans les champs, facilitera la localisation précise de la zone d’impact de cet avion français.

Au cours de cette investigation, la petite équipe découvrira quelques petites pièces dont une partie de boucle de réglage d’un harnais.

Pierre Ben décidera donc d’effectuer des recherches complémentaires le samedi 19 septembre 2009.

Monsieur Wasse, propriétaire de la parcelle, habitant du village de Braches était présent. Il se souvenait que son père avait remonté une pale d’hélice au cours des années 1950.

Les vestiges n’étaient en fait pas profonds : au maximum à un mètre de profondeur mais beaucoup de pièces étaient brûlées.

Cependant plusieurs pièces correspondaient bien à un appareil français de type LeO 451 :

    • Une magnifique plaque BRONZAVIA où est indiqué SARAM. Cette plaque est la plaque de la radio de type 310. SARAM était une filiale de la société BRONZAVIA. Elle fut créée par M. Merles en 1936. SARAM : Société d’Application Radioélectrique pour l’Aviation et la Marine. BRONZAVIA était l’un des principaux accessoiristes aéronautique français.

    • Une petite plaque de réglage de canon ;

    • La bonbonne d’air comprimé du canon avec sa plaque ;

    • Le chargeur d’obus du canon ;

    • Une boucle de harnais endommagée ;

    • Le tube Pitot en bon état, d’une longueur d’environ 30 cm. Ce tube Pitot fonctionne par dépression. C’est un tube à déflecteur ;

    • Le poids, en bronze et en forme d’ogive pour le fil antenne extérieur ;

    • Des douilles de 20 mm portant les indications 404, pour le canon Hispano Suiza 404, ensuite copié par les Anglais et monté sur le Spitfire et les autres chasseurs britanniques ;

    • Des douilles de 7,50 mm de calibre français ;

    • Une partie en aluminium d’un support ou cadre où est indiqué SNCA SE, ce qui signifie Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Est. En effet, les LeO ont été construits à Marignane.

      Ont encore été trouvées :

    • Quatre boites cylindriques en cuivre, non identifiées pour l’instant ;

    • Un renvoi de commande en bon état d’environ 50 cm ;

    • Trois plaques de blindage et divers raccords (probablement moteur).


En tout, environ 150 kilogrammes de pièces ont ainsi été découverts.
Se trouvaient à Braches sur les lieux, au cours de cette matinée légèrement ensoleillée :
Pierre Ben, Ghislain Lobel, Alain Boutté et son fils Vincent, Amédée de Francqueville, Albert Berthet, Joël Scribe, Guy Troché, Jackie et Jean-Pierre Ducellier (Membres de l’association Somme-Aviation 39-45).
Etaient également présents :
M. Wasse, M. Douchet (le maire du village), Philippe Delaruelle, Michel Decelle, M. Legrand (le grutier) ... et quelques autres personnes.

L’impressionnant canon HS404

LeO 451 de 1940 avec camouflage classique à trois tons (vert foncé, gris-bleu foncé, marron).

Détail du poste de pilotage

Le Lioré et Olivier LeO 451 possédait deux moteurs Gnome-Rhône 14N radiaux à cylindres refroidis par air, de 1140 CV chacun.

L'armement de bord était constitué par :

1 canon HS 404 de 20 mm,

2 mitrailleuses MAC 34 de 7,5 mm

et d'une charge de 2000 kg de bombes.

LA MISSION

Résumé réalisé par Jean-Pierre Ducellier

Le jeudi 6 juin 1940 sur le terrain de Tavaux, près de Dôle, cinq équipages du Groupe de bombardement II / 12 sont en alerte depuis l’aube.

A 13 heures, l’ordre est donné d’attaquer et de bombarder à 16h15 des groupes d’éléments motorisés allemands se trouvant aux environs de Chaulnes dans la Somme.

Ciel bleu prévu sur toute la France ce qui est catastrophique pour les équipages étant donné la supériorité des forces aériennes de chasse allemande.

Pour les bombardiers, les conditions météorologiques sont estimées bonnes lorsque dans le ciel, des bancs de nuages permettent éventuellement de se dissimuler ou encore lors de l’aube ou du crépuscule mais ce jeudi 6 juin 1940, il y a urgence car le front de la Somme a été enfoncé.

Cinq LeO 451 décolleront ainsi de l’aérodrome de Tavaux mais l’un de ces avions ayant des ennuis mécaniques, devra faire demi-tour et regagnera le terrain. Deux sections de deux avions poursuivront cependant la mission.

Première section

LeO 451 n° 152 :

Avion Leader

Lt André Mayer Chef de bord

Sgt / Chef Cadiou Pilote

Sgt Verlet Opérateur-radio / mitrailleur

Sgt Baert Canonnier

LeO 451 n° 44 :

Ailier droit

Lt Deprette Chef de bord

Lt Mercier Pilote

Caporal-Chef Lesueur Opérateur-radio / mitrailleur

Caporal Guerchon Canonnier

Deuxième section qui devait suivre à vue

LeO 451 n° 151 :

Lt Genty Chef de bord

Sgt / Chef Petit Pilote

Sgt Jacquot Opérateur-radio

Sgt Caillet Canonnier

LeO 451 n° 38 :

Lt Saussine Chef de bord

Sgt / Chef Paumier Pilote

Sgt Gentier Opérateur-radio / mitrailleur

Sgt Arachequesne Canonnier

Il sera aux environs de 16 heures dans l’après-midi de ce jeudi 6 juin 1940 lorsque les quatre LeO 451 du GB II / 12 venant de Tavaux / Dôle, après avoir volé sans ennuis, vont arriver au-dessus de la ville de Roye qui est en feu, laissant au-dessus d’elle un grand nuage de fumée noire.

Les avions se dirigent en effet vers la région de Chaulnes où ils doivent attaquer des blindés allemands en opération.

Très peu de temps après, avant l’arrivée des bombardiers au-dessus de l’objectif, l’apparition de plusieurs formations de Messerschmitt Bf 109 (une quinzaine au total) va obliger le Lt André Mayer, le leader de la formation, à donner l’ordre de faire demi-tour, de tourner ainsi le dos aux chasseurs ennemis en espérant de cette façon pouvoir utiliser plus facilement les canons et mitrailleuses qui seront alors dirigés vers ces derniers arrivant de l’arrière …

Devant le nombre d’assaillants, 15 contre 4, l’espoir de regagner les lignes françaises où la chasse française pourra peut-être plus facilement venir à leur secours, entre, bien sûr, dans le raisonnement du Lt Mayer.

Le LeO 451 n° 152 (Lt Mayer – Leader général), le LeO 451 n° 151 (Lt Genty – Leader de la seconde section), le LeO 451 n° 38 (Lt Saussine – ailier du Lt Genty) vont ainsi parvenir, à priori tous les trois, à faire demi-tour … Mais ils vont être très rapidement submergés par l’attaque des Bf 109 allemands.

Le LeO 451 n° 44 du Lt Deprette – ailier droit de la première section – n’est pas parvenu à virer sur la gauche (ou son commandant de bord n’a pas entendu l’ordre). Toujours est-il que cet avion va ainsi poursuivre sa trajectoire rectiligne jusqu’au-dessus de l’objectif … (région de Chaulnes).

L’ensemble des Messerschmitt Bf 109 attaquant les trois LeO 451 qui font demi-tour laisseront ainsi un peu de répit à ce bombardier du Lt Deprette qui parviendra même à larguer ses bombes vers les Panzers allemands avant de réussir à regagner sa base malgré une attaque des chasseurs ennemis survenant après le largage des bombes.

Les trois LeO 451 qui ont fait demi-tour seront cependant abattus :

    • Le premier LeO 451 n° 38 du Lt Saussine s’écrasera entre Mézières-en-Santerre et Beaucourt, près de la côte Saint-Christophe. Les quatre membres de l’équipage seront tués ;

    • Le LeO 451n° 151s’écrasera à Braches au Sud-Ouest de Moreuil. Deux membres d’équipage seront tués. Deux parachutistes auront cependant eu la vie sauve ;

    • Le LeO 451 n° 152 du Lt Mayer – Leader de la formation – s’écrasera entre Ferrières et Dompierre dans le département de l’Oise au Sud-Ouest de Montdidier. Les quatre parachutistes seront blessés mais vivants.

Le LeO 451 n° 152 du GB II / 12

Avion leader de la première section :

Lt André Mayer Chef de bord

Sgt / Chef Cadiou Pilote

Sgt Verlet Opérateur-radio / mitrailleur

Sgt Baert Canonnier

Le LeO 451 n° 152 (Lt Mayer – leader) s’écrasera entre Ferrières et Dompierre dans le département de l’Oise au Sud-Ouest de Montdidier.

4 parachutistes blessés mais vivants.

Les 4 membres de l’équipage de cet avion avaient eu la vie sauve.

Victime à priori des Messerschmitt Bf 109 du I /JG 1 et peut-être du I / JG 51, ce bombardier français s’est en effet écrasé sur le sol vers 16h15 dans le département de l’Oise au Nord-Est du bois de Maignelay, entre Ferrières et Dompierre, au Sud-Ouest de Montdidier.

Les hommes d’équipage ont été recueillis dans la région de ces localités du département de l’Oise.

Blessés assez sérieusement, les quatre hommes seront conduits à l’hôpital de Chantilly.

Le LeO 451 n° 44 du GB II / 12

Avion ailier droit du leader de la première section :

Lt Deprette Chef de bord

Lt Mercier Pilote

Caporal-Chef Lesueur Opérateur-radio / mitrailleur

Caporal Guerchon Canonnier

Ce LeO 451 n° 44 commandé par le Lt Deprette n’a en fait pas pu suivre exactement la manœuvre ordonnée par le leader, le Lt Mayer.

S’étant trouvé déporté sur la droite, cet avion va bénéficier ainsi tout au moins à l’origine, d’une position qui se situera hors de la zone d’attaque des chasseurs allemands.

Il parviendra alors à poursuivre sa route directement vers l’objectif et à le bombarder … "Le chef de bord, recroquevillé sur son siège, regardant dans son viseur placé entre ses jambes et tirant sur la poignée de largage des bombes lorsque apparaîtront les blindés allemands. Explosion, colonnes de fumée …".

La mission du LeO 451 n° 44 étant accomplie, l’avion va maintenant tenter de regagner sa base mais deux Bf 109 attaqueront ce bombardier alors qu’il vire pour faire demi-tour. Pourtant cet avion français parviendra à regagner en rase-mottes les lignes françaises.

Le mitrailleur et le canonnier ouvriront le feu sans relâche poussant un cri de triomphe lorsqu’ils verront un Messerschmitt basculer en flammes, une colonne de fumée s’élevant à la place où l’avion allemand s’est écrasé sur le sol.

Le second Bf 109 poursuivra un instant son attaque avant de dégager …

Mission accomplie mais immense tristesse car l’équipage a vu l’un des leurs abattu tomber en flammes vers le sol.

Le LeO 451 n° 151 du GB II / 12

Avion leader de la seconde section : qui devait suivre à vue

Lt Genty Chef de bord

Sgt / Chef Petit Pilote

Sgt Jacquot Opérateur-radio / mitrailleur

Sgt Caillet Canonnier

Nous avons vu dans le rapport établi par le Lieutenant Mayer les circonstances de la fin de cet avion.

Après avoir survolé Roye puis viré sur la gauche pour prendre le chemin du retour ce bombardier a été assailli par plusieurs Messerschmitt Bf 109 …

3 Messerschmitt Bf 109 dessous … 3 Messerschmitt Bf 109 dessus …

Au cours des combats 2 aviateurs seront mortellement touchés par les obus allemands :

Le Sgt / Chef Charles Jacquot et le SGT Lucien Caillet ont trouvé la mort sous les obus des chasseurs allemands et gisent dans l’avion.

A bord de ce LeO 451 un violent incendie va se déclarer à l’arrière de l’avion tandis que le moteur gauche sera lui aussi en feu.

Après plusieurs tentatives infructueuses les deux survivants vont parvenir à sauter en parachute et se poseront sains et saufs à proximité de Braches.

Quant au LeO 451 n° 151, ce bombardier s’écrasera à environ 400 mètres du point où se sont posés les parachutistes.

Le corps des deux sous-officiers morts sous les obus allemands seront regroupés dans une tombe unique.

Une petite médaille de Sainte Thérèse portée par le Sgt Jacquot retrouvée dans l’amas de ferraille permettra l’identification de l’équipage de cet avion.

Le LeO 451 n° 38 du GB II / 12

Avion ailier de la seconde section :

Lt Saussine Chef de bord

Sgt / Chef Paumier Pilote

Sgt Gentier Opérateur-radio / mitrailleur

Sgt Arachequesne Canonnier

Porté disparu à l’origine, les débris calcinés d’un bombardier abattu le 6 juin 1940 seront retrouvés entre Mézières-en-Santerre et Beaucourt près de la côte Saint-Christophe, sur la gauche de la route auprès duquel se trouvait une tombe d’inconnu.

D’après la déposition d’un officier de la VIIème Armée, il s’agissait d’un présumé sergent-radio Maurice Gentier, membre de l’équipage du LeO 451 n° 38 – avion dont on avait retrouvé le carnet de bord.

Les Allemands occupant cette zone, les recherches seront difficiles mais Madame Saussine qui s’acharnait à retrouver des traces de son mari réussira à infléchir les consignes allemandes. Elle apprendra qu’un morceau de dérive de l’avion portant l’immatriculation 38 se trouvait dans un hangar.

Il n’y avait donc plus de doute sur l’identité de cet avion. Elle parviendra à faire exhumer le mort présumé Gentier mais il sera alors découvert que ce corps était celui du

Sgt Arachequesne et en aucun cas le Lt Saussine.

On apprendra également que le Sergent-Chef pilote Paumier avait sauté en parachute de l’avion en perdition.

Son parachute s’était ouvert mais mitraillé, l’aviateur tomba sur le sol agonisant. Il mourut auprès de l’Abbé Mandrin de la 7e D.I.N.A. et du médecin militaire Lieutenant Gaslonde du 31e Tunisien.

Son corps sera emmené à Hangest puis inhumé au cimetière de Sains-Morainvillers dans l’Oise.

Malgré de nombreuses recherches ultérieures, le corps du Lt Saussine ne sera jamais retrouvé.

Il avait 35 ans et en février 1940 avait été nommé Chevalier de la légion d’honneur.

L'équipage du LeO 451 n° 151 du GB II / 12

Sergent Chef Raymond Petit

Pilote

Lieutenant René Genty

(1914 - 1972)

Chef d'avion

Sergent Charles Jacquot

(1919 - 1940)Radio/Mitrailleur

Recherchons une photo

Sergent Lucien Caillet

(1918 - 1940) Canonnier

Recherchons une photo

S/C Raymond PETIT

Pas ou peu d'informations sur ce pilote, il semble qu'il fut adjudant affecté en novembre 1942 au GB I/31.

LT René GENTY

René GENTY rejoindra plus tard les FAFL, et continuera le combat au sein du Groupe Lorraine, Squadron 342. Poursuivant après la guerre sa carrière dans l’Armée de l’Air, il deviendra général et commandera notamment le CoTAM (Commandement du Transport Aérien Militaire). En 1965, il est l'un des membres créateur du Club de la Ferté-Alais aux cotés de Jean-Baptiste Salis. Il décède en 1972, à l’âge de 58 ans. Il repose au cimetière de Stenay (Meuse).

Sgt Charles JACQUOT

Charles Jacquot est né le 21/09/1919 à Villeurbanne (Rhône), mort le 06/06 /1940 à Braches (Somme) il fut en premier lieu inhumé au cimetière du village. Rendu à la famille en 1949, nous ignorons à l’heure actuelle à quel endroit il repose.

Sgt Lucien CAILLET


Le Sgt Lucien Caillet est né le 03/08/1918 à Ceffonds (Haute-Marne) mort le 06/06 /1940 à Braches (Somme) il fut en premier lieu inhumé au cimetière du village. Rendu à la famille en 1949, il repose maintenant au cimetière de Autruche dans les Ardennes.

Médaille Militaire

Croix de Guerre 39-45 (1 palme)

(Seule photo retrouvée par la famille, Lucien enfant, avec ses parents).

COMPTE RENDU DU COMBAT AÉRIEN PAR LE Lt ANDRÉ MAYER

(Source : Archives SHAA – Service Historique de l’Armée de l’Air)

"Ce jour là nous étions cinq équipages en alerte au Groupe depuis le matin. Et la météo annonçait : beau temps, ciel clair partout, pas un nuage. L’ordre arrive vers 13 heures de bombarder, à 16h15, un rassemblement d’éléments motorisés ennemis.

Le front de la Somme était percé, il ne s’agissait pas d’attendre le temps ni l’heure propices.

Nous partons.

J’ai un équipage à toute épreuve. Il a été bien entraîné avant la bagarre.

Mon pilote, le Sergent-Chef Cadiou est un vrai Breton. Il est adroit et discipliné, il exécute scrupuleusement et habilement les ordres.

Mon canonnier, le Sergent Baert et mon radio-mitrailleur, le Sergent Verlet sont des gars du Nord bien "gonflés" et qui visent bien.

Est-ce un présage ? La trappe d’évacuation arrière mal verrouillée, tombe au sol avec un bruit sourd. Un bruit insolite lorsque l’avion roule ou vole, voilà qui a toujours fait battre brutalement le cœur d’un aviateur tant qu’il n’a pas reconnu sa provenance.

Tout en faisant le tour du terrain à 500 mètres d’altitude, j’observe les autres avions qui décollent et qui vont nous rejoindre.

Voilà mon ailier, le Lieutenant Deprette, qui a déjà réussi de belles missions, il a un bon équipage aussi : le Lieutenant Mercier, Caporal-Chef Lesueur, Caporal Guerchon.

Ma section n’aura que 2 avions, le sien et le mien.

La deuxième section qui doit nous suivre à vue, a pour chef le Lieutenant Genty "un" des Ardennes et qui "en veut" …

Et puis une émulation familiale est en jeu : le Lieutenant ne veut pas être en retard sur son frère aîné, l’adjudant / Chef Henry, un chasseur qui a déjà collectionné quelques palmes.

Son équipage est de longtemps entraîné sous sa direction.

Pilote : Sergent-Chef Petit, canonnier : Sergent Caillet, radio-mitrailleur : Sergent Jacquot, un jeune qui promet.

Un seul ailier le suit : l’autre a dû faire demi-tour par suite d’une panne mécanique. Le Lieutenant Saussine est le commandant de cet avion. Arrivé depuis peu en renfort au groupe, c’est un officier élégant et fin qui travaille d’une manière réfléchie. Il a un équipage de jeunes qu’il a pris en main avec autorité : Sergent-Chef Paumier, Sergent Arachequesne, Sergent Gentier.

Voilà la formation : quatre bombardiers qui vont aller "sonner" les motorisés.

La navigation est facile : on voit à des kilomètres. On a tout de même à chaque fois un petit pincement au cœur lorsqu’on approche des lignes. Tout le monde suit bien. Pas de "gros noirs" mais ça ne va pas tarder.

Les équipiers fouillent le ciel de leurs yeux aux paupières plissées par l’effort pour voir.

Je sens ma gorge se serrer. A droite, un brasier dans une ville ... C’est Roye.

Allons, il ne faut pas s’apitoyer. On en a tant vu depuis Namur. L’énorme fumée monte très haut jusqu’à notre altitude et le vent l’étend vers nous.

Je pense à cette expression si souvent entendue, dans les "discutages de coups" : chouette, un nuage … et celui-ci est bien ténu et bien vite traversé.

Tout de même il nous cachait quelque chose : de petits avions croisent un peu plus bas. Des ailes à bout carré de mauvaise augure. Ils ont l’air de s’éloigner vers la droite …

Peut-être protègent-ils un point sensible par là ? Eloignons nous un peu et prenons de la vitesse.

"Allo, Cadiou !"

"Oui, mon Lieutenant ?"

"Allo, Baert, Verlet !"

"Oui, Oui"

"Alerte, Messerschmitt attaquent par la droite !"

Ils les avaient vus d’ailleurs, les braves petits gars, et les armes étaient prêtes à cracher. Un coup d’œil sur l’ennemi qui s’est multiplié.

Ce n’est plus 5 Messerschmitt 109, il y en a 5 autres au-dessus et 5 Messerschmitt 110 plus haut encore.

15 contre 4, la proportion habituelle est atteinte !

Et j’écoute le cœur serré le bruit de la bataille …

Deprette n’a pas pu suivre exactement la manœuvre. Il s’est trouvé déporté vers la droite. L’objectif est là … il continue et bombarde les engins motorisés sur la route.

2 Messerschmitt se sont détachés pour l’attaquer. Il a le temps de faire demi-tour et essaie de se dégager vers le sol pour rentrer en rase-mottes.

Guerchon et Lesueur tirent sur les assaillants et voient l’un d’eux tomber en flammes vers le sol. L’autre continue un instant, puis dégage, de peur sans doute de s’engager seul dans nos lignes …

Alors c’est le retour à 50 mètres du sol dans l’ivresse de la victoire et de la vitesse. Mais aujourd’hui il n’a pas le cœur joyeux il a aperçu un des notres qui piquait à la verticale, avec son moteur gauche en feu et qui a percuté le sol et explosé avec de grandes flammes.

A combien rentrerons nous au terrain ce soir ? Songe-t-il … et il n’imagine tout de même pas qu’il sera le seul.

Saussine s’est trouvé lui aussi déporté vers la droite, dans le virage ; Genty l’aperçoit qui suit avec un intervalle trop grand.

Lui-même est maintenant attaqué tout de suite. Il a donné ses ordres :

"Ne tirez qu’à coup sûr ménagez les munitions".

Et il entend Jacquot qui annonce :

"3 Messerschmitt par-dessous ! Je tire" … et la mitrailleuse qui crépite.

Puis Caillet :

"3 Messerschmitt par-dessus" … et le canon crache sa sourde rafale …

Le téléphone transmet un gémissement et la mitrailleuse s’est tue : Jacquot est touché …

Genty reste cependant à son poste de commandement à l’avant. Le combat n’est pas fini. Trois autres Messerschmitt attaquent maintenant par le côté droit. Genty entend Caillet :

"Ca y est" …

C’est un Messerschmitt qui bascule et tombe. Puis un cri plus sourd. Caillet serait-il touché à son tour ?

Les vitres de l’avant et celles du pilote se brisent avec fracas. Une balle passant au ras du menton de Genty coupe le fil du laryngophone, une autre brise le relai.

Un éclat d’obus frappe son avant-bras gauche, un autre déchire son casque de cuir à la hauteur de la nuque, un troisième traverse la combinaison et la veste, il s’arrête par bonheur sur la boucle de la ceinture.

Genty veut parler au pilote, il ne s’est pas rendu compte que son téléphone était coupé.

Rien ne répond … alors il se lève et va vers l’arrière.

Son parachute est dans le couloir près de la porte d’évacuation.

Son regard ne s’y arrête pas car il a vu des flammes à l’arrière. Il s’y précipite. Caillet est allongé dans le couloir. C’est un cadavre qu’il retourne.

Il va dans les flammes pour tâcher de manœuvrer le canon mais la place est intenable …

Il revient au radio. Celui-ci est accroupi dans sa cuve et penché en avant. Il le prend à l’épaule et le relève. Jacquot est tué lui aussi.

Le moteur gauche est en flammes. L’avion crépite. Genty ne cherche pas à s’expliquer cette invraisemblance.

Il crie à Petit :

"Réduisez et cabrez, on évacue !".

L’avion en flammes pique vers le sol à une vitesse prodigieuse.

Petit répond dans le fracas des moteurs des obus et des balles :

"Mon Lieutenant, les commandes sont coupées" … et il se met en devoir d’ouvrir son plafond d’évacuation qui résiste …

Genty au milieu de ce drame effroyable boucle posément son parachute. Il regarde Petit qui s’acharne désespérément sur sa trappe. Alors il largue la porte. A peine a-t-il la tête dehors que le vent enflammé qui passe lui arrache son casque.

Le moteur droit brûle aussi. Il fait signe à Petit de passer par la porte et se jette dans l’espace, dernier refuge.

Tout cela n’a duré que quelques secondes …

On dirait que pour l’aviateur même les plus grands évènements marchent avec la même rapidité que son avion.

On vit parfois de longs drames en quelques secondes, celles qui suffisent à parcourir des kilomètres.

… et pendant cette chute rapide dans le calme retrouvé, le drame continue … Le câble d’ouverture automatique s’est déroulé et tenu verticalement par la vitesse, menace de gêner l’ouverture du parachute.

Genty essaye de l’écarter et tire sur la poignée : le parachute ne s’ouvre pas. Il tire de nouveau : rien. Alors pris de rage, il tire si fort que tout lui reste dans la main …

Le parachute s’est enfin ouvert, le coup de frein brutal qui lui est appliqué sur les côtes le renseigne mieux que la masse blanche déployée au-dessus de lui. L’avion s’écrase en flammes à 400 mètres de lui.

Et au-dessus plane un autre parachute, celui de Petit, qui a vu lui aussi l’avion frapper le sol quelques secondes après l’avoir quitté. Par un réflexe professionnel sans doute, miraculeux à coup sûr, le pilote a regardé sa montre avant de se jeter dans le vide : il est 16h15, l’heure prévue pour le bombardement.

A quelques kilomètres de là un autre avion vient de s’abattre en flammes : celui de Saussine. Tout l’équipage a été porté disparu. Plus loin encore un autre parachute fleurit le ciel, celui du pilote allemand que Caillet a descendu.

Je n’ai rien vu de ces drames, je les ai appris à mon retour au groupe, longtemps après.

A l’avant de l’avion de tête, j’attends l’attaque. Elle ne tarde pas à se produire. Le canon de Baert me renseigne tout de suite, puis le téléphone.

"A toi Verlet" dit Baert. L’assaillant est passé par-dessous, dans le champ de la mitrailleuse qui ne tarde pas à crépiter. A mon tour maintenant. L’ennemi va tirer, je vais manœuvrer pour sortir de son axe de tir au bon moment.

"Attention, Cadiou, à droite !".

L’avion vire tout de suite. Brave Cadiou ! On n’est pas touché puis le jeu recommence : canon, mitrailleuse.

"A gauche" ! Nous allons sous le feu de ci de là. En conservant notre cap moyen et je pense ce pauvre Morel qui dans pareille circonstance n’aurait pas manqué de dire - "ça marche".

Je commence soudain un virage plus brutal à droite en montant pour faire lâcher l’ennemi. Il ne lâche pas. Et soudain un bruit sourd, un obus vient de nous toucher.

Il faut tout de suite connaître les dégâts.

J’interroge … Pas de réponse : le téléphone est coupé. Cadiou me fait des signes que je ne comprends pas.

Il faut continuer la manœuvre et par gestes, j’ordonne - "A gauche". L’avion vole tout droit, les commandes de direction ne répondent plus. Je n’entends plus le canon ni la mitrailleuse.

Par contre, à des intervalles réguliers des obus et des rafales de mitrailleuses nous frappent sans répit. Je regarde vers l’arrière : Baert et Verlet se tiennent debout, ensanglantés, près de la porte.

Baert a tiré tout son chargeur et au moment d’en changer, il a constaté que le feu prenait à la nourrice arrière.

Il n’a eu que le temps de passer dans le couloir. Tout brûle à son poste. Il a un éclat d’obus dans la jambe.

Verlet a tiré comme un forcené et vu sans même un cri de victoire, tomber en flammes, l’un de ses adversaires … Soudain sa mitrailleuse a basculé devant lui, fauchée par une rafale. Désarmé, inutile, il a rejoint Baert, la mort dans l’âme et ils attendent les ordres.

Le moteur gauche brûle aussi et le plan est percé sur plus d’un mètre carré. Cadiou tient les commandes avec son même calme et ne réagit même pas en entendant les claquements des rafales de mitrailleuses dans la plaque de blindage qui constitue son dossier. Il a deux éclats d’obus dans le bras droit. Je lui fais comprendre qu’il doit cabrer.

Il n’y a plus rien à espérer …

Je fais signe à Baert et à Verlet d’évacuer. Au moment où Baert pousse sur la porte, un obus vient frapper celle-ci, la coince et projette les éclats sur le visage de Verlet et l’avant-bras de Baert qui miraculeusement protège les yeux de son camarade.

Baert résigné attend mais Verlet frappe la porte à grands coups de pieds et finit par la chasser. Je vois le pâle visage de Baert s’amenuiser dans la perspective. Baert le suit.

Alors je reviens auprès du pilote qui s’est rendu compte de tout le drame et attend cependant avec sang-froid.

Oui mon vieux Cadiou c’est fini il faut sauter. Mais il ne prétend pas s’en aller avant de me voir près de la porte. Ce n’est qu’alors qu’il largue sa trappe et saute …

Le réservoir brûle aussi maintenant, barrant la sortie d’un immense jet de flammes et de parcelles métalliques en fusion.

Je n’ai pas le choix, je passe au travers. Trois secondes après, l’avion basculait et s’écrasait.

Je me suis laissé tomber en chute libre (ce qui est très agréable) pour éviter le feu des poursuivants et n’ai ouvert mon parachute qu’à 150 mètres du sol.

Alors seulement je me suis vu plein de sang par suite d’un éclat à la main.

Au sol, j’ai retrouvé Cadiou. Il s’était fait une entorse en touchant terre. Je l’ai embrassé, bien que j’eusse le visage brûlé et pas beau à voir.

Un quart d’heure plus tard, j’ai reconnu la douleur d’un éclat d’obus dans la cuisse.

Tout l’équipage était sauvé. J’en ai remercié le Sacré Cœur à qui je l’avais confié quelques mois auparavant.

Les dangers des lignes ennemies, après cela, nous semblaient peu de choses et pourtant c’est une vaste chance qu’aucun de nous n’ait été fusillé pour avoir été confondus avec un parachutiste ennemi".

LE REPÉRAGE

L' EXCAVATION

LES PIÈCES RETROUVÉES

Chargeur Hispano Suiza et douilles de 20 mm et 7.5 mm

Le même chargeur après nettoyage

Soupape

Douilles retrouvées sur place

Bâti en aluminium d’un support ou cadre où est indiqué SNCA SE (Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Est). Les LeO étaient construits à Marignane, avant et après restauration par Albert Berthet.

Plaques de construction

Poids en bronze et en forme d’ogive pour le fil antenne extérieur

Boucle de harnais

Tube Pitot d’une longueur d’environ 30 cm. Il s’agit d’un tube à déflecteur qui fonctionne par dépression

Pièces non identifiées (merci des informations que vous pourriez nous fournir)