L'APPAREIL / LE LIORÉ ET OLIVIER LeO 451

L’impressionnant canon HS404

LeO 451 de 1940 avec camouflage classique à trois tons (vert foncé, gris-bleu foncé, marron).

Détail du poste de pilotage

Le Lioré et Olivier LeO 451 possédait deux moteurs Gnome-Rhône 14N radiaux à cylindres refroidis par air, de 1140 CV chacun.

L'armement de bord était constitué par :

1 canon HS 404 de 20 mm,

2 mitrailleuses MAC 34 de 7,5 mm

et d'une charge de 2000 kg de bombes.

L' ÉQUIPAGE

Adjudant Robert Mathonnière

(1913 - 1993)

Chef d'avion

Lieutenant Etienne Dominique Filippi

(1898 - 1940)

Pilote

Caporal Chef Edouard Jacquemin

(1919 - 2007)

Canonnier

Caporal Chef Edmond Dumont

(1919 - 1940)

Radio/Mitrailleur

Lors de nos recherches, nous avons constaté que les deux survivants du crash avaient été évacués aussitôt par les troupes Françaises pour être soignés. Nous découvrons que le pilote et le radio qui sont décédés seront emmenés avec eux.

A Montmarquet, une trentaine de kilomètres plus au sud, dans la salle de classe du village qui est réquisitionnée est installée l’ambulance 823. Les deux blessés y seront rapidement pansés et évacués ensuite vers l’hôpital de Beauvais. Les deux défunts seront eux inhumés dans un petit cimetière créé pour la circonstance dans un pré situé à l’arrière de l’école. Ce cimetière comptera 30 à 40 tombes de militaires de toutes armes décédés de leurs blessures dans cette ambulance, les membres d’une famille qui fut mitraillée lors de l’évacuation, ainsi que trois soldats allemands.

L'école de Montmarquet où se trouvait l'ambulance 823

en juin 40

Le pâturage qui fut cimetière militaire jusqu'en 1950

Les plaques et certificats d'identification de Filippi et Dumont. (Notez l'erreur sur le nom de Filippi)

Adjudant Robert MATHONNIERE (1913-1993)

Le 31 mai 1940, c’est le jour de son anniversaire, le jour de ses 27 ans !

Après avoir été soigné, il retournera dans son unité. Pour ce fait d’arme du 31 mai, il obtient la Médaille Militaire le 24 juin 1940.Il quittera l’armée et s’installera comme commerçant à REIMS. Dans les années 70, avec sa fille, il passera à WANEL, mais ne retrouvera pas l’endroit du drame. Très discret à ce sujet, il avait été profondement bouleversé d’avoir été obligé d’abandonner son pilote.

Lieutenant Etienne Dominique FILIPPI (1898-1940)

Né en Corse, cet officier de 42 ans, s’était engagé à 18 ans en 1916, durant la guerre du Maroc, dans un régiment de spahis. En 1922, il s’engage dans l’aviation, il passe des examens pour devenir officier et espère rejoindre la Chasse. En 1936, il est affecté à la 12ème escadrille de bombardement, au sein de laquelle il mènera de nombreuses missions.

Mort pour la France en service aérien commandé. Inhumé à MONTMARQUET (80) son corps est restitué à la famille en 1949, il repose depuis au cimetière de BASTIA (2B).

Inscrit sur le Monument aux Morts de SORIO (2B).

Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume.

Médaille Militaire.

Croix de Guerre 14-18

Croix de Guerre 39-45 avec palme et deux étoiles.

Médaille Coloniale « Maroc ».

Médaille de la Victoire

Sa Légion d’honneur remise à son fils en février 1943, à titre posthume

Caporal Chef Edouard JACQUEMIN (1919-2007)


Après avoir été soigné à Beauvais, il est évacué en Bretagne, fait prisonnier à l’hôpital de Morlaix, un médecin lui obtient une réforme “définitive”. En décembre 40, il passe en zone libre et rejoint l’escadrille I/12 à ISTRES. Refusant de partir combattre en Syrie, il part en Afrique du Nord et travaille dans un domaine viticole. En novembre 42, il prend contact avec les américains qui viennent de débarquer. Début 1943, il rejoint les groupes lourds Tunisie et Guyenne en Angleterre. Opérant comme mitrailleur sur Halifax, il effectuera 36 missions. A la fin des hostilités il poursuit sa carrière dans les transports militaires. En 1964, il prend sa retraite avec le grade de Commandant. Il poursuivra une carrière civile comme directeur de société jusqu’en 1981.

Commandeur de la Légion d’Honneur en 2002.

Médaille Militaire.

Croix de Guerre 39-45 (5 citations).

Croix de la Valeur Militaire (3 citations).


Il garda toujours des liens avec la famille du pilote.

Caporal Chef Edmond DUMONT (1919-1940)

Ce jeune Mosellan ne voulant pas subir de nouveau le joug allemand, qu’avait connu ses parents, s’engage dès le début du conflit.

Tué à son poste de combat. Inhumé à MONTMARQUET (80). Son corps est restitué à la famille le 11/01/1949. Il repose depuis au cimetière de AUBOUÉ (54).

Inscrit sur le Monument aux Morts de AUBOUÉ (54).


RÉSUMÉ DES RECHERCHES

Dernière mission du LeO-451 N° 24 du GB I/12

Vendredi 31 mai 1940 - 18h30

Décollage de ORLEANS-BRICY (Loiret)


Mission :

Bombardement des colonnes ennemies sur les routes de Bernaville-Amiens et Doullens-Amiens dans la Somme.

Composition de l’escadrille :

8 appareils (4 du GB I/12 et 4 du GB II/12 )

Pas d’escorte de chasse...

Résumé des recherches


Nous avions répertorié sur le village de Wanel (30 Km N.O. d'Amiens - Somme) 4 avions (Spitfire, P 47, Mosquito et Léo 451), mais bien sûr nous ne connaissions pas le lieu exact des crashs de ces avions. Après avoir fait du porte à porte, nous avons rencontré Monsieur Alain Damonneville qui nous a indiqué que, dans sa jeunesse, il avait trouvé des pièces d’aluminium près d’une haie dans une de ses pâtures. Il nous a également suggéré d’interroger son frère Serge Damonneville qui réside en Charentes (ce que nous avons fait) car il pouvait peut-être se rappeler d’informations utiles à l’identification du lieu des crashs.

Nous nous sommes ensuite rendus en juillet 2009 dans la pâture indiquée et nous avons effectivement trouvé quelques fragments d’aluminium et deux douilles de 20mm qui avaient été percutées. Nous les avons immédiatement identifiés comme appartenant au LéO. Certaines pièces en aluminium sont typiques du LéO 451, par exemple les passages de lisse dans le fuselage. Ces pièces formaient les cadres intérieurs du fuselage (voir photos des pièces).

Témoignage des deux survivants sur les derniers instants du vol


Témoignage de l'Adjudant Robert MATHONNIERE (Chef d'avion)


" ... A 30 km de l'objectif, le leader rentre dans les nuages. Nous essayons de le suivre un moment, mais la visibilité devenant nulle nous dégageons en piquant vers la gauche. Nous sortons de la couche quelques minutes plus tard, seuls ! Je donne le cap de l'objectif au pilote. Celui-ci est atteint à 19 h 10. A part quelques tirs de DCA, rien, ni véhicule ni troupe. Après une dizaine de kilomètres, nous inspectons les routes voisines. Quand soudain, notre canonnier nous annonce un Messerschmitt 109 nous attaquant par l'arrière.

Nous piquons, des rafales se font entendre, le CLC Jacquemin annonce avec joie que le chasseur descend en flammes. L'euphorie est de courte durée, car aussitôt 3 autres ME 109 arrivent dans nos 6 heures. Je dis au pilote de continuer à piquer en direction du Nord-Ouest. Le moteur droit s'arrête, consternation ! Il va être dur de regagner nos lignes. Tout à coup j'entends le radio pousser un grand cri. Je quitte ma place, pour trouver le CLC Dumont, qui n'avait pas hésité à descendre sa cuve dans le combat et tirer sur les chasseurs, la tête pleine de sang, couché sur son arme. L'avion est criblé sans arrêt de balles et d'obus. Le canonnier blessé aux jambes, continue de tirer. Nous repassons les lignes à 300 mètres en descente. Le canon se tait, les munitions sont épuisées. Les ME 109 se rapprochent. Nous ne sommes plus qu'à une vingtaine de mètres du sol. Puis le second moteur lâche, l'aile accroche un arbre.

Je perds connaissance et, quand je reviens à moi, je vois une ouverture à ma droite par laquelle j'arrive à sortir. L'avion est brisé et en flammes. Alors qu'il m'est impossible de dégager le pilote, le canonnier réussit à sortir. Puis une explosion formidable pulvérise le LéO ".

Témoignage du Caporal Chef Edouard JACQUEMIN (Canonnier)

" … Nous avons eu quatre chasseurs allemands sur le dos. J’ai réussi à en abattre un, mais quelques minutes après, nous avons été abattus, nous sommes tombés dans un verger.

L’avant du Léo s’est coupé, la queue de l’appareil s’est rabattue vers l’avant. Le pilote et le radio ont été tués et l’observateur qui était devant est sorti miraculeusement indemne et moi qui était derrière j’ai pu sortir seul malgré mes blessures. Nous sommes tombés juste dans les lignes françaises. J’ai vu arriver des soldats je leur ai dit : "faites pas les cons je suis français". Ils m’ont sorti de là et mis dans un trou d’obus. Je leur ai dit de faire attention car l’avion allait sauter. Les soldats m’ont assommé avec une forte ration de rhum pour me calmer.

Ils m’ont emmené à travers les lignes pour recevoir les premiers soins. De là, j’ai été évacué sur Beauvais…"

Tombés près d’une position anti-chars qui barre le débouché de la route d’Abbeville, tenue par des hommes du 22ème RIC, Mathonnière et Jacquemin tenteront de sortir le pilote, qui est vivant mais coincé dans la carlingue écrasée, leurs efforts seront vains, les bombes sont toujours à bord et l’incendie fait rage, Filippi leur dit de le laisser là et de fuir avant que tout saute.

Coté Allemand

Au regard des listes des victoires allemandes de cette journée, dans ce créneau horaire et cette zone géographique, nous pouvons estimer que l’équipage du LéO n° 24, a probablement été victime des Bf109E du Stab III/JG53 et plus particulièrement de l’Oblt Heinz Wittenberg, du Ltn Walter Radlick et du redoutable Hptm Werner Mölders qui revendiquent un LéO451 à 30Km au Sud d’Abbeville