Cas d'étude

Après avoir présenté le cas d'étude, les consommations globales du quartier et le potentiel de production photovoltaïque, les principaux résultats liés à l'intégration de batteries pour l'auto-consommation énergétique sont détaillés.

1. Zone d’étude

Le quartier sélectionné pour mener l’étude est un IRIS de la commune de Saint-Denis (Figure 1). Ce quartier est composé en grande majorité de bâtiments de bureaux (213000 m²). On note aussi la présence de bâtiments résidentiels au Nord (474 résidences principales). Les bâtiments de bureaux ont été repérés et cartographiés via Google Street View® et QGis® (Figure 2).

Figure 1 : Quartier sélectionné pour le cas d'étude

Figure 2 : Identification des bâtiments de bureaux

2. Simulation de la consommation électrique des bâtiments

La consommation des bâtiments de bureaux et des logements est simulée à l’aide de modèles physiques simples qui sont paramétrés avec des données géographiques (issues de l’IGN) et statistiques (issues de l’INSEE) . L’outil Smart-E est utilisé pour le calcul des consommations des bâtiments résidentiels et tertiaires. Les consommations simulées pendant un été (de juin à septembre) des 474 résidences principales et des 213000 m² de bureaux sont affichées en Figure 3. Les hypothèses de calcul des consommations sont affichées ici : Détail des consommations.

Figure 3 : Consommation électrique (énergie finale) des 474 résidences principales et des 213000 m² de bureaux, simulées pendant un été (de juin à septembre)

3. Production d’électricité par panneaux photovoltaïques (PV)

L'ensoleillement des toitures est calculé à l'aide d'un modèle de projection des surfaces apparentes irradiées selon la position du soleil au cours de la journée (voir Détail des consommations : Gains liés à l’ensoleillement).

La production d’électricité photovoltaïque est calculée selon le pourcentage de toitures couvertes. Les toitures recevant une quantité d’énergie inférieure à 900 kWh/(m².an) sont exclues (environ 5% des surfaces, voir illustration en Détail des consommations). Les panneaux sont supposés être inclinés de 30° par rapport au sol et orientés au sud. Les rangées de panneaux sont écartées les unes des autres d’une distance égale à largeur au sol des panneaux. Le rendement des panneaux PV est supposé constant et fixé à 15%.

En Figure 4, la production instantanée moyenne des panneaux au cours d'une année est affichée.

Figure 4 : Production électrique instantanée moyenne des panneaux photovoltaïques (annuelle, hebdomadaire et journalière)

4. Étude de l’intégration de batteries pour l’autoconsommation

L’intégration de batteries électrochimiques type Lithium-ion d’une capacité unitaire de 20 kWh a été simulée. Pour cela le modèle physique simplifié issu de la thèse de JB. Bouvenot (Bouvenot, 2015) est utilisé. Dans ce modèle sont pris en compte les phénomènes suivants :

-cyclabilité : diminution de la capacité de charge maximale en fonction du nombre de cycles et des profondeurs de décharge,

-autodécharge : diminution de l’énergie stockée dans les batteries au cours du temps,

-rendement de charge (95%).

Afin de limiter la dégradation de la charge maximale, le maximum de décharge est fixé à 80% de la capacité totale. Enfin, il est supposé que l’ensemble des batteries se charge et se décharge de manière synchronisée.

Trois indicateurs sont utilisés afin de comparer les différents scénarios d’intégration des batteries:

-Indicateur 1 : part des besoins d’électricité du quartier couverts par l'auto-consommation.

-Indicateur 2 : rapport entre l'énergie déchargée par les batteries et la capacité de stockage installée.

-Indicateur 3 : part d’électricité produite par les panneaux photovoltaïques, consommée par le quartier.

Remarque: les indicateurs sont calculés sur la période d'été (de juin à septembre).

En Figure 5, ces trois indicateurs sont tracés selon le nombre de batteries (de 20 kWh) installées, les toitures étant couverte à 50 % de panneaux PV. La figure montre d'abord que la courbe représentant la part des besoins d’électricité auto-consommée (indicateur 1) augmente de manière logarithmique pour atteindre un maximum. La courbe affiche ensuite une légère décroissance avec l'augmentation du nombre de batteries. Cette décroissance est due aux pertes d’autodécharge en période de non utilisation des batteries. Durant cette période les batteries sont chargées à 20% et l'énergie perdue au court du temps est propositionnelle à la quantité d'énergie stockée. Ces pertes augmentent donc avec le nombre de batteries. On retrouve exactement le même comportement pour le dernier indicateur : la part d'électricité produite par les panneaux PV auto-consommée. En revanche le deuxième indicateur: la quantité d'énergie déchargée par les batteries, divisée par la capacité totale des batteries, présente une décroissance logarithmique régulière. Cet indicateur donne une image du rendement économique de l’installation puisqu’il représente un rapport entre gain annuel et investissement . Un dimensionnement d’installation nécessitera de trouver le nombre de batteries satisfaisant au vu des objectifs d’autoconsommation et du coût des batteries.

Figure 5 : Indicateurs liés à l’intégration de batteries pour l’autoconsommation pour une couverture de toiture en panneaux photovoltaïques de 50%

Étude de l’intégration de batteries selon le taux de couverture des toits en panneaux PV

En Figure 6, les indicateurs sont affichés selon la part de toitures couvertes par des panneaux PV.

Il ressort de ces graphiques que pour des taux de couverture réalistes (inférieurs à 50%) l’énergie produite par les panneaux PV est déjà fortement auto-consommée par le quartier sans utilisation de batterie. La part d’électricité photovoltaïque auto-consommée (indicateur 3) sans utilisation de batterie varie de 100 % à 98 % pour des taux de couverture des toits allant de 30 % à 50 %. Pour des taux de couverture supérieurs à 30%, la puissance photovoltaïque dépasse cependant parfois les besoins des bâtiments. Cette surproduction intervient les weekends, lorsque les bâtiments de bureaux sont faiblement occupés (voir Figure 7). Ainsi pour ces scénarios, l’intégration de batteries dans le quartier peut permettre d’augmenter la part d’énergie locale auto-consommée. Une augmentation de 2% (indicateur 3) est notamment possible pour une couverture des toits de 50% et environ 200 batteries. Cette marge de progression atteindrait 10% pour une couverture de 90%. A l'échelle des besoins énergétiques du quartier, l'augmentation de l’énergie auto-consommée reste faible (moins de 4%) (indicateur 1). L'indicateur 2 représentant l'efficacité de l’installation, atteint des maximums de 20 à 50 kWh déchargés par les batteries par kWh de capacité installé, pour des taux de couverture de 50% à 90%.

Figure 6 : Indicateurs liés à l’intégration de batteries pour l’autoconsommation selon la couverture de toiture en panneaux photovoltaïques

Figure 7 : Surplus de puissance photovoltaïque (50% de couverture des toitures)

Étude de l’intégration de batteries selon la stratégie de gestion

Deux stratégies de pilotage sont envisagées. La première stratégie (stratégie 1) consiste à simplement charger les batteries quand il y a une surproduction des panneaux PV et les décharger dès que la production photovoltaïque passe en dessous de la consommation du quartier. La deuxième stratégie (stratégie 2) consiste à contraindre les décharges des batteries pendant les jours de semaine, à partir de 9h (voir Figure 8) où les centrales de production sont plus sollicitées que le weekend.

Les deux stratégies de gestion envisagées sont comparées pour des couvertures de 90% et 50% en Figure 9. Sans surprise, la stratégie de régulation numéro 2, consistant à autoriser la décharge des batteries uniquement en semaine à partir de 9h, limite la part d'énergie auto-consommée par rapport à la stratégie 1. Cela provient de la capacité maximale de stockage des batteries qui est plus souvent atteinte pendant le weekend (voir figure 8). En ce qui concerne la part de la production photovoltaïque auto-consommée (indicateur 3), pour une couverture de 90%, une baisse maximale d'environ 2% est engendrée par la stratégie 2. Ce maximum est atteint pour environ 500 batteries. Pour une couverture de 50% l'écart est inférieur à 1%.

Pour une couverture de 50%, l’efficacité de l’installation (indicateur 2) observe une chute maximale d'environ 10 kWh déchargés par les batteries par kWh de capacité installé, entre les stratégies 1 et 2. Cette chute atteint environ 15 kWh/kWh pour une couverture des toits de 90%. Ces écarts maximums sont atteints lorsque les capacités de stockage installées sont les plus basses, les batteries sont alors rapidement saturées. Les écarts tendent ensuite vers zéro lorsque le nombre de batteries augmente.

Figure 8 : Illustration des stratégies de régulation des batteries envisagées: à gauche: stratégie 1, à droite : stratégie 2

Figure 9 : Indicateurs liés à l’intégration de batteries pour l’autoconsommation selon la stratégie de régulation

Comment atteindre l’auto-suffisance énergétique ?

La Figure 7 a montré que même avec un taux de couverture de 90% des toitures et une grande quantité de batteries, la part des besoins d'électricité produite localement (indicateur 1) ne dépasse pas 40%. Quelle surface de toiture couverte serait donc nécessaire pour atteindre 100% des besoins du quartier ? La Figure 10 présente les indicateurs en fonction des taux de couverture photovoltaïque : 200%, 300% et 400%. Il ressort qu'une consommation de 100% pourrait être atteinte avec une couverture de 400% et plus de 3000 batteries. Une couverture de 300% et environ 400 batteries permettent déjà d'atteindre un taux d'autoconsommation de plus de 80%. De telles installations ne sont pas envisageables sur le lieu de production. L’auto-suffisance énergétique est donc loin d'être atteignable avec cette densité de besoins en électricité. Dans un contexte ou l’on souhaiterait se rapprocher de l’autonomie énergétique d’un quartier, des stratégies de diminution des besoins pourront être étudiées: ventilation naturelle, systèmes de climatisation performants, confort adaptatif, gestion automatique des masques solaires…

On pourra également objecter que de tels niveaux d'autoconsommation ne sont pas forcément souhaitables. Une étude du cycle de vie complet sera nécessaire afin de conclure sur l’intérêt sociétal de l’installation des batteries (coût économique et environnemental).

L’utilisation des batteries pour stocker les surplus de production photovoltaïque pendant les weekends d’été pourra être complétée par une utilisation hivernale. En hiver, les panneaux solaires produisant peu, il pourrait être pertinent de stocker l’énergie du réseau pendant les heures creuses afin de la réinjecter pendant les heures de pointe afin d'éviter le recours à des centrales plus polluantes à ces périodes.

Figure 10 : Indicateurs liés à l’intégration de batteries pour l’autoconsommation, pour atteindre 100% d'autoconsommation

Principales conclusions:

-La production d'électricité à partir de panneaux photovoltaïques est adaptée aux besoins de climatisation des quartiers de bureaux.

-L'installation de panneaux solaires sur un quartier de bureaux peut mener à des surproductions d'électricité les weekends qui peuvent être stockés pour une utilisation en semaine. Cependant pour une couverture en panneaux PV réalistes, l’électricité pouvant ainsi être récupérée reste très faible par rapport aux besoins du quartier.

-La densité surfacique de besoin électrique de ce type de quartier est trop élevée pour atteindre l'indépendance énergétique au moyen de panneaux photovoltaïques et systèmes de stockage.

-Pour se rapprocher de l’indépendance énergétique en combinant systèmes de stockage et production photovoltaïque, des surfaces de panneaux de l'ordre de 3 à 4 fois la surface de toits du quartier seraient nécessaires.