La calligraphie arabe : entre art spirituel et géométrie sacrée
La calligraphie arabe, ou al-khatte, est bien plus qu’une simple écriture ; c’est un art sacré aux racines profondes. Comme l’exprimait le calligraphe Yaqout Al-Moustassimi, elle est une « géométrie spirituelle » qui manifeste visuellement des vérités immatérielles. Contrairement à l’écriture ordinaire faite pour être lue, la calligraphie est conçue pour être contemplée, porteuse de symboles et d’une dimension méditative.
L’alphabet arabe, composé de 28 lettres (soit 4 fois 7), possède une symbolique forte. Le chiffre 7 évoque la complétude et la spiritualité, tandis que le chiffre 4 rappelle les fondements du monde. L'écriture s'étend de droite à gauche, reliant l’infini (à droite) à la finitude (à gauche). Ainsi, chaque lettre devient un pont entre le visible et l’invisible.
Depuis le calame (roseau taillé) jusqu’à l’encre et au papier, chaque outil du calligraphe est chargé de signification. L’encre, omniprésente mais souvent invisible à nos yeux, symbolise la source de vie des lettres. L’encrier, quant à lui, est vu comme une matrice de création. Le papier artisanal, porteur de l’œuvre, rappelle la pureté originelle de l’âme humaine.
Le point (nuqta), base de toutes les lettres, est fondamental. Il incarne l’unité primordiale et la source de la création. Dans la pensée soufie, comme chez Ibn Arabi, le point représente l’Unicité divine (Tawhid). De ce point naît la lettre Alif, premier trait vertical, qui donne ensuite naissance à tout l’alphabet par des variations subtiles. Le Alif, image de la transcendance, est au cœur de cette symbolique, tout comme le chiffre Un qui, invisible dans les nombres, les fonde tous.
Au fil des siècles, de nombreuses écoles de calligraphie ont émergé, comme celle de Bagdad avec Ibn al-Muqla, qui structura les styles grâce à des lois géométriques. Plusieurs styles sont aujourd’hui encore utilisés : koufique, thuluth, naskhi, roq‘a, diwâni, nastaliq, ou encore andalou-maghrébin.
La calligraphie arabe s’est aussi étendue à l’architecture, à l’artisanat, à la bijouterie, et même à la mode. Elle incarne un art total, où chaque geste est prière, et chaque lettre, un écho du divin.