On pourrait penser que l’exécution du tueur du Tadla et de son complice signerait la fin de cette équipée meurtrière de 1951. Que cette sordide histoire finirait aux oubliettes, mais elle traîne encore dans certaines mémoires ; dans des livres et sur Internet particulièrement. N’oublions pas également les rues, les avenues ; les boulevards portant le nom « Ahmed el-Hansali », un barrage et des établissements scolaires ou de formation. Même si ce nom ne signifie probablement plus grand-chose pour la jeunesse actuelle marocaine, ou les touristes ; Ahmed el-Hansali sera-t-il évoqué dans les plaquettes, les guides, les accroches Internet, à destinations du million de touristes chinois espéré ?
source, LA VIGIE MAROCAINE, du jeudi 26 novembre 1953 (reconnaissance OCR, avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres) (Source, gallica.bnf.fr / BnF)
Leur recours en grâce ayant été rejeté LES TUEURS DU TADLA ONT ÉTÉ FUSILLÉS La double exécution a eu lieu ce matin à 6 heures 45, à la batterie d’El-Hank Ce matin, à l’aube, à 6 h. 45 exactement, les deux tueurs du Tadla, Ahansali et Smiha, sont tombés sous les balles du peloton d’exécution. Une heure auparavant, ils avaient été avisés, à la Prison Militaire où ils étaient détenus depuis le procès, que leur recours en grâce avait été rejeté, rejet qui avait été signifié, hier, dans le cours de la journée aux autorités militaires. Quelques personnes seulement assistaient à leur exécution, dont le secret avait été rigoureusement gardé : le commissaire du gouvernement, le commandant Floury, M. Varlet, sous-directeur de la Sécurité publique, M. Agniel, contrôleur général de la Sécurité, M. Tossan, chef des Services de Sécurité de Casablanca, le commandant Lagache-Blanchet, juge au tribunal militaire, M. Gelezeau, juge d’instruction, le commandant Garbe, de la gendarmerie, le commandant Capel, commandant les gardiens de la paix de Casablanca, le commissaire Rocatché qui mena l’enquête dans le Tadla, le capitaine Favreau, responsable du service d’ordre. Les condamnés avaient reçu, à la prison, l’assistance de l’iman de ia mosquée de la Nouvelle-Médina, qui assista également à l’exécution. Me Benjelloun, absent, défenseur de Smiha, s’était fait représenter par un confrère : Me Degrave, défenseur de Ahansali était lui-même présent. Les deux hommes sont tombés sans prononcer un seul mot. Après la salve réglementaire tirée par un peloton de douze hommes et le coup de grâce, les deux condamnés, pour être fusillés, avaient été attachés à genou, tournant le dos à la mer, et qui avaient eu les yeux bandés, ont été placés dans un fourgon qui démarra immédiatement en direction de Ben-M’Sik, où l’inhumation eut lieu immédiatement. C’est dans l'enceinte de la batterie côtière d’El-Hank que s’est déroulé le dernier acte de cette affaire du Tadla dont les tragiques circonstances, sont encore la mémoire de chacun. Jamais une telle vague d’horreur et d’indignation n’avait soulevé le Maroc quand furent connues les circonstances précises dans lesquelles, avec une froide détermination, les hommes qui ont, ce matin, payé leur dette à la société, avaient tué un Marocain, leur première victime, et, par la suite, six Européens, frappant indistinctement hommes et femmes sans autre désir que d’assouvir une soif de meurtre qui semblait inextinguible.
La tragique Pentecôte de 1951 Le 13 mai 1951, les premières victimes des tueurs étaient, frappées sur la route d’Afourer à Bin-el-Ouidane. Deux morts, M. André Sauvignon et sa mère, Mme Carmen Sauvignon, deux blessés, M. et Mme étaient tout d’abord atteints. Un peu plus tard, dans la journée, deux autres cadavres devaient être trouvés : celui de M. Hervé du Bourg et Mme Hélène Meunier, des campeurs venus de Fédala pour le congé de Pentecôte et qui avaient été également tués à coups de mousqueton sur la même route. L’alerte était alors donnée et une difficile chasse commençait afin d’arrêter les tueurs dont l’identité était encore inconnue : des forces considérables de police, renforcées par d’importants groupements supplétifs, battaient la montagne, fourré par fourré, des milliers d’hommes traquaient jour et nuit les tueurs dont la trace se dessinait peu à peu à la lumière d’enquêtes activement menées dans différentes directions par la police et par la gendarmerie. Cependant, avant d’être arrêté, les tueurs devaient frapper encore deux fois mortellement. Le 15 mai, trois Casablancais se promenaient sur les bords de l’oued Amerzid, près d’Azilal. Les tueurs étaient là, qui les guettaient depuis plusieurs heures, et brusquement, sans un mot, sans provocation, c’était le drame : M. Chantot était tué, Mlle Marie-Rose Creugnet étant massacrée à son tour. MmeChantot ne devait son salut qu’à la fuite. Cependant, avant d’être arrêtés, autour des coupables : le 23 mai, l’un d’eux était arrêté par deux bergers qui le maîtrisèrent alors qui leur avait demandé l’hospitalité. L’homme s’appelle Ahansali. Il possédait encore son mousqueton et six cartouches. Il avait abattu, avant de s’attaquer aux européens, un moghazni dont il partageait la demeure à Bou-Noual, afin de lui voler son arme et ses munitions. L’existence d’un véritable, complot était découverte et parmi les complices de Ahansali, on trouvait Smiha qui avait été son compagnon de tuerie ...
Le procès Le procès de cette douloureuse affaire devait s’ouvrir devant le tribunal militaire de Casablanca, le 10 février 1953. Les débats se terminèrent six jours plus tard. Le tribunal était présidé par M. le conseiller Gayral, de la cour d’appel de Rabat, le commandant Floury occupant le siège de commissaire du gouvernement.Au terme d’une longue délibération, deux condamnations à mort étaient prononcées à l’encontre de Ahmed ould Moha ou Hamou, dit Ahansali, 43 ans, et de Moha ou Lahoucine, dit Oulad Smiha, 57 ans.Quatre complices étaient condamnés à des peines variant entre 3 et 8 ans de prison. Deux étaient acquittés.Ce matin, les deux condamnés à mort ont expié … deux ans et demi après leurs crimes.
© Copyleft Q.T. 01 octobre 2025
Le Petit Marocain, 28 mai 1951 (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(capture d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
LE DRAME DU TADLA - LE MOGHAZNI DE BOUNOUAL N'AVAIT PAS DE BAÏONNETTE
À KSiba, l’interrogatoire du tueur Ahmed Ahansali et de son complice Smiliah s’est poursuivi durant la matinée d'hier. On sait que les révélations des deux bandits portent à l’heure actuelle sur des questions qui dépassent le cadre des drames de Bin el Ouidane et d’Azilal. Cependant, nous apprenions hier que Mlle Meunier, l’une des victimes du dimanche de Pentecôte n’avait pas été lardée à coups de baïonnette. Le moghazni tué par Ahmed Ahansali ne possédait qu’un mousqueton et pas d'arme blanche. Les blessures relevées sur le corps de la jeune femme peuvent avoir été faites par un poignard ou une arme tranchante … Smiliah sur qui on trouva un rasoir lors de son arrestation, peut très bien être l’auteur de ces horribles blessures.
Le Petit Marocain, 07 juin 1951 (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(capture d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
AUJOURD'HUI À BOUNOUAL
RECONSTITUTION DU PREMIER CRIME du tueur du TADLA
EL KSIBA, 6 Juin. (D.N.C.P.)* - C’est ce matin qu'aura lieu à Bou Noual la reconstitution du premier crime du tueur Ahansali, On se souvient que le 9 mai dernier, l’assassin tuait un moghazni de permanence au poste téléphonique de Bou-Noual et s’emparait du mousqueton de sa victime et des cartouches qui devaient lui permettre d’accomplir ses forfaits. Le Parquet de Casablanca se rendra sur les lieux et dirigera la reconstitution en présence des autorités de la région.
* DNCP = de notre correspondant particulier [note de Q.T.]
Le Petit Marocain, samedi 09 juin 1951 (Source, gallica.bnf.fr / BnF)(reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
LE DRAME D’AZILAL RECONSTITUÉ - Mme CHANTOT A REVÉCU LA SCÈNE D'HORREUR - AVEUX COMPLETS DES ASSASSINS
Il ne s’est rien passé dans le Tadla. Présentement il ne s’y passe rien. Tous les Marocains en sont intimement persuadés. Ce que les journalistes ont pu écrire sur de prétendus assassinats, sur l'arrestation d'un soi-disant tueur et d’un soi-disant complice, relevait de la plus haute fantaisie. Il n’y a pas plus d’événements au Tadla que de liberté derrière le rideau de fer. Qu’on se le tienne pour dit ! Mais si vous craignez que les journalistes marocains ne sombrent dans la démence, ou la mythomanie, vous aurez la ressource de puiser vos informations dans la presse parisienne. Les nouvelles seront sans doute moins fraîches, mais les journaux français vous diront ce qu’il m'est pas permis aux journaux marocains de publier. C’est peut-être idiot, mais il parait que l’intérêt de la France exige qu’il en soit ainsi. Toutefois, nous ne sommes pas plus sots au Maroc qu’en France, et pour notre part nous étions hier à l’écoute à Kasba-Tadla et à Afourer. Ce n’est pas parce qu’on nous a menacé d’arrestation que nous nous sommes pour autant laissé impressionner. Nous conservons quant à nous tout notre sang-froid. D’Afourer, porte du Tadla, grâce à nos informateurs, nous avons assisté aux reconstitutions des crimes et nous sommes en mesure, malgré l’interdiction des autorités, d’en faire revivre les scènes et l’on constatera, ce faisant, le dommage qu’en peut subir l’intérêt de la France.
Vers Bin-el-Ouidane Or donc, hier matin, M. Leussier, directeur de la Sécurité, venant de Kasba-Tadla où il avait été l’hôte de nuit de M. Tallec, chef du territoire débouchait à Afourer dans Delage crème. Cinq autres voitures, Citroën noires, se présentaient au barrage de la route d’Afourer. La voiture du « Petit Marocain-Progrès » n’eut pas droit au passage. Pas de journalistes ! « Si Vous essayez de passer, je crève vos pneus » nous dit entre autres amabilités un fonctionnaire de service. « Si je vous trouve là-haut, vous descendez avec les menottes ».
Pourtant, nous y sommes allés, là-haut, et les autorités demeurèrent pétrifiées, le soir, quand notre voiture, allègrement, descendit par le chemin interdit et se fit ouvrir les chaînes. Comment nous sommes allés sur les lieux, des crimes ? cela, c'est nous qui le censurons.
Reconstitution Vers 9 heures, le Parquet de Casablanca conduit par le Procureur Couëtoux du Tertre arrivait sur les lieux du second crime de la route d’Afourer à Bin-el-Ouidane, là où trouvèrent la mort, les deux motocyclistes. Se trouvèrent sur glace pour la reconstitution, outre le Procureur, M. Gelezeau, juge d’instruction ; le commandant de gendarmerie de Casablanca ; le lieutenant de gendarmerie d'Oued-Zem ; M. Agniel, commissaire divisionnaire ; M. Léandri et ses inspecteurs; un gendarme interprète. Ahmed Ahansali et Moha, enchaînés, sont tenus à distance et sous bonne garde. Voici l’endroit où s’étaient arrêtés pour pique-niquer, en bordure de la route, M. Hervé du Bourg, attaché commercial à la SOPECO, de Fédala, et Mme Hélène, Madeleine Meunier. À quelques pas deux leur motocyclette. Le gendarme interprète, sur les ordres du Juge d’instruction, place Ahansali et Moha derrière les buissons où ils se dérobaient. Ils refont leurs gestes tragiques. Ahansali, le plus jeune, a le regard lointain, comme s’il était étranger à l’affaire. Moha, son complice avec sa couronne de cheveux blancs apparaît plus présent. On devine en lui l’ancien goumier, le fin tireur. L’un et l’autre avouent. Oui, ils ont tué. D'un commun accord. Pourquoi s’attarder plus longtemps en cet endroit maudit ? Partons
Vers Azilal Ce sera pour retrouver dans l’après-midi d’autres lieux où le sang coula. Toutes les autorités se retrouvent vers 16 heures au pont d’Azilal où le plus effroyable des drames s’est produit. Toutes, les autorités précédemment citées, mais aussi la malheureuse Mme Chantot à qui l’on a cru devoir faire gravir un nouveau calvaire. Sa présence était-elle indispensable ? N’était-ce pas là un souci de légalité dont on pouvait se passer. Elle fut courageuse. Sur la berge de l’oued, elle indiqua l’emplacement qu’occupaient son mari, Marie-Rose Creugnet, l’assassin, qu'elle reconnut avec effroi. Elle déroula le film sanglant, devant les assassins impassibles, froids … monstres odieux. Moha reconnut qu’il accompagnait Ahansali. Il avoua être allé dimanche au souk faire l’acquisition d'une théière, de deux verres. Il ne se déroba pas quand le gendarme interprète lui demanda de retracer l’itinéraire de sa fuite. N’épiloguons pas. Il ne servirait à rien de raviver la douleur des familles. Laissons la justice à ses procédures et les assassins à leur sort, au sort qu’ils m'ont que trop largement mérité.
Commentaires : Dans cet article non signé, on devine l’irritation des journalistes. Pourquoi les autorités ne souhaitaient pas leur présence ? On découvre l’existence de Jean-Marie Tourlan, chauffeur de car de la C.T.M., qui évacua Mme et M. Gouet sur Afourer, le 13 mai 1951. Belle photographie du poste de garde à l’entrée d’Afourer, avec des gens assis. Dans quel souk, un dimanche, Moha acheta théière et verres, le 13 mai 1951 ? Celui de Bin-el-Ouidane ?
© Copyleft Q.T. 21 avril 2025
extrait (page 115) de Ben Barka - une vie, une mort, par Zakya Daoud et Maâti Monjib (Éditions Michalon, 1996)
Dans le Tadla, Mohammed el-Hansali, considéré comme le premier résistant, attaque les 15 et 16 mai 1951 des postes français entre Afourer et Bin el-Ouidane : six personnes sont tuées et deux autres blessées. Il se fait arrêter le 23, après qu'une prime d'un million de francs eut été offerte pour sa capture.
Commentaires : les deux auteurs sont des gens sérieux, reconnus par ailleurs pour leurs analyses pertinentes sur le Maroc et le Maghreb et pourtant, sur ce coup là, bien superficiels et imprudents, « attaque les 15 et 16 mai 1951 des postes français entre Afourer et Bin el-Ouidane », on hallucine. On note l’absence du moghazni tué à Bou Noual et l’absence de précisions sur les six personnes tuées, des soldats français probablement car les postes attaqués sont français … non Zakya Daoud et Maâti Monjib, six civils français dont trois femmes, froidement abattus pour rien.
© Copyleft Q.T. 27 septembre 2024
Georges Andraud publia en 1958, probablement à compte d’auteur, (Éditions Georges Andraud) un livre, un pamphlet anti-communiste, anti-socialiste, anti-Mohammed V, intitulé HÉROS SANS UNIFORME (La Perte d’un Protectorat) vendu au prix de 600 Frs (ACHEVÉ D'IMPRIMER SUR LES PRESSES DE l'UNICA - ROULLET (Charente) Dépôt légal : 3° Trimestre 1958)
Livre dans lequel Georges Andraud évoque le Tueur du Tadla, Ahmed el-Hansali. Je mets en ligne dans un premier temps l’Introduction, Pentecôte Sanglante et la « Conclusion ». Il est probable que je scanne l’entièreté de ce livre assez rare de 160 pages pour le mettre en ligne au format PDF, et cela malgré le tampon bleu « TOUS DROITS RÉSERVÉS, COPYRIGHT BY Georges ANDRAUD » en début de livre. L’exemplaire que je possède affiche une dédicace de l’auteur datée du 26 octobre 1958 « à Monsieur Pizon [ ? ; note de Q.T.] Tous mes remerciements pour ton [ ? ; note de Q.T.] accueil chaleureux dans un moment difficile. Ma reconnaissance de vieux Marocain à un ancien des A.I. le 26.10.58 Andraud » (voir photographie).
Document personnel scanné (photographies) et photographié (textes) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
(pages 11 à 14)
Mon livre sera sans prétention. J’ai simplement pensé que certains détails de ce qu’on a appelé « Les affaires du Maroc » n’avaient pas été suffisamment diffusés en France et que par là même, l'optique d'une partie de l'opinion métropolitaine s'en était trouvée faussée. Voulue ou non cette erreur devait être, dans ce qu'il est possible de dire, relevée. Je m'y suis modestement essayé. C’est pour cela que, sans romantisme comme sans recherche littéraire, le lecteur qui voudra bien s’y intéresser, trouvera dans ces quelques pages, avec la relation de moments tragiques que j'ai moi-même vécus, une relation des faits qui, après quarante années d’une vie nord-africaine et plus spécialement marocaine, n’ont pu que nous conduire au désespoir. Un fait paraît dominer et résumer notre histoire en A.F.N. que nous occupions en entier, domination qui ne s’exerçait pas partout de manière semblable. Le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, avaient leurs propres organisations qui correspondaient dans chacun des pays à la façon dont la France y avait étayé son autorité. Mais les mêmes problèmes tant politiques qu’économiques se posaient dans cette A.F.N., sans oublier les institutions sociales. Il paraissait donc inutile, plus nos représentants prenaient connaissance de la similitude des mœurs de vouloir compartimenter l'A.F.N. Alors que la création de certains organismes pouvait laisser croire à une coordination des efforts des trois pays mis en commun, les faits de ces dernières années ne laissaient hélas aucun doute sur l’incompréhensible inutilité coupable de ces efforts mal dirigés. Le résultat ne s’est pas fait attendre : la France est chassée de tous les pays qui lui doivent leur évolution. Pourquoi ? Parce que vingt années ont suffi à la désintégration d’une situation où le respect des musulmans pour la France a fait place à du mépris hostile, qui s’est mué rapidement en haine sanglante. Tous nos sacrifices pour le Maroc, nos techniciens, notre industrie, nos milliards mis à la disposition de ce peuple, nous ont valu des menaces d’abord, puis des injures pour finir par des tueries d’une bestialité inouïe. Et cela parce que, aucun de ceux chargés du département de l’Outre-Mer, n'a su s’imprégner des finesses de l'esprit oriental, finesse qui très souvent confine à la ruse, dont seuls savent se déjouer ceux qui on étudié l'Islam et l’ont fréquenté. Il est très difficile de pénétrer l'âme musulmane et c'était là un travail de longue haleine, car aucun musulman n’exprime sa pensée sans détours et, à ces reptations si bien orientales, nous n’avions depuis quelques temps à opposer, que les émanations d’esprit, peu subtils, tous inféodés à un parti, qui pour complaire à un cartel électoral ou répondre à une motion cantonale urgente, n’ont jamais eu le temps d’étudier sagement les décisions à prendre. Trop d’entre elles ont été prises avec une légèreté plus que coupable et nous en connaissons malheureusement le triste résultat. Plus d’arabisants voilà le mal. Et, parmi nos dirigeants personne pour soutenir les français d'A.F.N. parmi lesquels seulement il pouvait s'en trouver de capables d'apporter au Gouvernement des conseils éclairés, issus d’une longue fréquentation des marocains. Ceux-là auraient pour le moins conseillé la prudence … Mais il semble qu'il ne fallait pas que la situation fut sauvée, car vraiment rien n'a été tenté dans ce sens. Les français du Maroc ont dans leur majorité été durement touchés par ces tristes expériences qui les ont ruinés. Mais habitués de longue date à la lutte, ils ne sont pas abattus. Il y a parmi eux de « vieux baroudeurs » qui n’amèneront pas le pavillon. J’en suis, et c'est pour cela que j'ai considéré qu’il était nécessaire de dire à nos compatriotes où était le véritable danger, pour les mettre en garde. Sur d'immenses territoires où l'anarchie empêchait toute vie organisée, la France avait su, par l'énergie et la volonté de quelques-uns de ses fils, au prix d’immenses sacrifices, apporter avec la paix, une fécondation bienfaisante - et combien utile. Tout a été détruit par l’ignorance des uns et la volonté malsaine d'intellectuels « libéraux » et aussi par le peu d’honneur de certains. Il est souhaitable que les français refusent d’entendre plus longtemps tout ce verbiage de camelot dont on lui abreuve les oreilles afin de mieux l'égarer et brouiller les cartes. Car au lieu de s'incliner devant une minorité arabe au Maroc, qui ne doit son existence qu’à une erreur fondamentale de la part de nos premiers Pro-Consuls en Algérie, la France se devait de maintenir la majorité berbère dans son intégrité politique et sociale, comme elle avait tenté de la rétablir par le dahir berbère de 1936. Alors, et alors seulement notre pays aurait répondu aux aspirations légitimes de la majorité réelle du peuple marocain en lui apportant, avec ses droits ancestraux, une vraie liberté ...
Il y a lieu semble-t-il de noter que l'emploi des trois initiales « A.F.N.» pour la désignation des trois pays Nord-Africains sert à alléger le récit. Toutefois il ne faudra jamais perdre de vue que seule l'Algérie doit être considérée comme terre française, alors que le Maroc et la Tunisie n'étaient que des « Protectorats ».
(pages 63 à 66)
Un nouvel avertissement d’une gravité exceptionnelle nous était venu au cours de la Pentecôte 1950, dans la région située entre le Tadla et Marrakech, près du fameux barrage de Bin el Ouidane. Là, un marocain à qui l’on avait fait croire, dans un but bien déterminé, que l'émeute généralisée avait éclatée contre les européens, avait aussitôt tué un moghazeni (force supplétive) de garde dans un poste, lui avait dérobé son mousqueton et sa cartouchière. Puis se rendant dans un endroit champêtre, dont le site agréable attirait le dimanche et les jours fériés de nombreux promeneurs, il avait ouvert une liste qui ne devait être close que six années plus tard, un an après la réinstallation du Sultan. Puisque lors de l'affaire de Meknès, Sa Majesté Chérifienne avait depuis un an retrouvé plus que ses anciennes attributions. Donc, le fameux Hansali avait massacré en ce lundi de Pentecôte, sept promeneurs inoffensifs, confiants et surtout heureux de vivre. Puis il avait gagné la montagne. Il avait pendant longtemps, trop longtemps, échappé à toutes les recherches de l'autorité, soit de contrôle, soit de police, qui était chargée de le mettre hors d'état de nuire. Devant l’inefficacité des moyens cependant très conséquents mis en œuvre, il a été décidé à grand tapage, d'envoyer sur place un renfort militaire, renfort numériquement très élevé. Mais, malgré ce déploiement spectaculaire, l’assassin demeurait introuvable. Plusieurs semaines passèrent. Et c'est alors qu'un million était offert en prime à
quiconque fournirait des renseignements utiles permettant la capture. Peu après, un musulman de la région a donné les indications qui devaient permettre l'arrestation d'Hansali, encore en possession du mousqueton et de la cartouchière. Dans les journaux de l’époque l'on pouvait voir un cliché représentant un officiel en uniforme remettant à l'indicateur, le million qu’il avait gagné. Mais il n'aurait pas fallu oublier de tirer des enseignements de ce premier massacre inaugural. Au cours de son interrogatoire, en effet, le tueur avait déclaré qu'il lui avait été dit que « la guerre sainte était déclenchée ». Qui donc osait parler de guerre sainte alors que la collusion de l'Istiqlal avec les extrémistes de gauche n'était plus à démontrer et que déjà les peuples arabes d'Orient faisaient des sourires engageants au communisme, chantage en nette contradiction avec leurs mœurs religieuses, mais par lequel ils savaient affoler l'Occident. Qui donc parlait de guerre sainte alors qu'il s’agissait d'un différent politique, voulu par le Sultan qui, pour hâter notre éviction refusait systématiquement de convenir de toute réforme libérale en faveur du peuple, réforme qui nous aurait gardé la confiance de celui-ci. Déjà la propagande mensongère des extrémistes coûtait sept innocents. Ces mensonges constamment guider nos ennemis et nous n'ignorons pas combien ils excellent en la matière. Qui parlait de la force du droit et de la justice ? Pourquoi ne pas avoir, puisque nous savions qu'alors le peuple et la majeure partie des Chefs marocains nous étaient encore acquis, promulgué ces réformes, en expliquant à ce peuple la conduite de son souverain, ses conséquences et affirmé ainsi notre désir de droit et de justice. Pourquoi avoir capitulé par la suite, puisqu'en 1953, la destitution qui était le fait d’une majorité berbère et non la nôtre, avait été entérinée par la majeure partie des Oulémas et Chorfas de Fez, ainsi qu'acceptée par 95 % des chefs indigènes qui la souhaitaient, car ils risquaient de perdre leurs privilèges. Je me souviens non sans tristesse, des nombreux européens, qui, à l’époque des crimes de la Pentecôte, se posaient avec angoisse cette question : « Qu’allons-nous devenir si les « nationalistes » bougent ... et si l’on est incapable, avec autant de forces mises en branle, d'arrêter un homme ... ». Nous, nous savions déjà qu’inéluctablement venait l'heure où la question ne serait plus posée, mais résolue ; nous savions que nous ne pourrions mater les agitateurs parce que déjà ils se muaient en tueurs, parce que aussi, déjà, ils avaient en France leurs champions, nous savions que cette impuissance à réduire un homme, malgré je le répète l’énormité des moyens mis en œuvre, était bien à l’image de notre malheureux pays et que cela était du plus mauvais augure. Les faits l’ont suffisamment prouvé.
(pages 169 à 171)
C'est donc l’irresponsabilité officialisée en quelque sorte, qui nous à amené aux bords de notre ruine, nous laissant dépouiller de nos biens nationaux. En faisant leur révolution de 89, nos pères avaient cru que leur geste les libéreraient d'un fardeau. Mais n'est-ce pas un humoriste anglais qui à dit : « qu'une révolution changeait tout simplement le fardeau d’épaules ». Cela est vrai. Mais pour que ce fardeau ne soit pas trop lourd, il faut des épaules solides, et les héritiers de ceux qui avaient assuré la relève paraissent les avoir bien frêles … et la tête bien légère ... ou alors ils sont au contraire très forts suivant la façon d’envisager les faits … À la valeur morale, à la valeur intrinsèque de l'homme, il a été instauré une valeur qui découle uniquement d’une obédience politique à un point tel que, le moindre farfelu, après un stage de syndicaliste plus ou moins conséquent, peut prétendre par son appartenance à devenir l’un des maîtres de la destinée de la Nation. Cette façon de faire ne peut en aucun cas être de la démocratie mais, s'apparente à la plus outrancière démagogie. Les dés paraissent pipés depuis assez longtemps et nos meneurs de jeu semblent plus près du joueur de bonneteau que des grands tribuns qui les ont précédés à la tête du pays, pour le plus grand bien de celui-ci. Dépouillés, presque vaincus, nous Français du Maroc, menons une vie de proscrits, parce que depuis trop longtemps l'on a généralisé ici à notre égard, une étiquette qui ne conviendrait qu'à certains, heureusement très rares, et qui peut-être aussi pourrait très bien convenir à quelques métropolitains. Depuis trop longtemps on a aussi voulu masquer le travail persévérant toujours pénible, souvent héroïque des Français du Maroc. Il faut croire qu’on craignait peut-être en haut lieu je ne sais quelle polémique. La France semblait honteuse de notre travail qui très souvent a été un succès. Cependant le XXe siècle qui avait vu s'achever la formation de l'Empire Colonial Français, qui comptait plus de 100 000 000 d'habitants aura aussi vu, son écroulement ; si au-delà des frontières, des Français accomplissaient courageusement une œuvre grandiose, notre pays, à l'intérieur donnait au monde de spectacle attristant d'un désordre sans pareil. Le Maroc avait été conquis plus pacifiquement que militairement en vingt ans. C'est exactement le même laps de temps qu'il aura fallu pour le perdre. Le « Maghreb », plus beau joyau de notre couronne coloniale, devait être pour nos jeunes, la preuve de notre vitalité. Elle était visible partout, de la cote aux abords sahariens, aussi bien qu'elle éclatait dans les plaines de la Chaouia, du Gharb, des Doukkalas et sur l’Atlas. Il ne reste rien de tous ces efforts, unanimement reconnus cependant par les nations saines. Devant tant de désastres, devant tant des nôtres sacrifiés, je considère en conscience, comme mon devoir de vieux Marocain, de dire que l’heure d’un sursaut national paraît venue pour que toutes nos douleurs ne soient pas vaines, pour que nos fils et nos soldats qui tombent en Algérie, soient assurés de la validité de leurs sacrifices et surtout pour que cette terre nous reste et Vive la France.
Montpellier, janvier 1958.
Commentaires : au-delà du caractère pamphlétaire, gorgé d’arguties, de l’ouvrage de Georges Andraud, les quelques pages consacrées aux meurtres commis par Ahmed el Hansali à la Pentecôte 1951 sont globalement inexactes : date « 1950 », « massacré en ce lundi de Pentecôte, sept promeneurs inoffensifs », « Plusieurs semaines passèrent ». Inexactitudes qui permettent de douter très sérieusement de la véracité factuelle des autres événements rapportés dans ce livre. Georges Andraud se targue d’être un vieux Marocain – en se définissant ainsi, il accrédite l’idée que le Maroc, contrairement à ce qu’il écrit, était pour lui et d’autres colonialistes Terre Française – connaissant l’arabe, pétri de culture islamique, ayant cerné l’âme marocaine, arabo-musulmane : « Et cela parce que, aucun de ceux chargés du département de l’Outre-Mer, n'a su s’imprégner des finesses de l'esprit oriental, finesse qui très souvent confine à la ruse, dont seuls savent se déjouer ceux qui on étudié l'Islam et l’ont fréquenté. Il est très difficile de pénétrer l'âme musulmane et c'était là un travail de longue haleine, car aucun musulman n’exprime sa pensée sans détours et, à ces reptations si bien orientales ... ». Georges Andraud n’est, en vérité, au moment de l’écriture de son livre, qu’un vieux crétin français aigri, anti-communiste, pétri de certitudes colonialistes, ayant apporté Les Lumières Françaises sur l’obscurité Marocaine, sur l’obscurantisme Musulman. C’est désolant, mais malheureusement, il ne fut pas le seul à réagir ainsi, à penser comme cela. À lire ce type de textes on pourrait croire que sans la France, ses Lumières, son « œuvre grandiose », une vaste partie du Monde serait encore moyenâgeuse. Le pire étant, qu’aujourd’hui encore, ses idées de grandeurs, de mission civilisatrice - érigées en certitudes, en valeurs absolues - colonisent l’imaginaire de nombreux.euses Français.es, dont certain.es … gouvernent.
Après un peu de travail de numérisation, voilà, ici, l'ouvrage complet de Georges Andraud au format PDF, bonne lecture.
© Copyleft Q.T. 20 avril 2024 modifié le 14 septembre 2024
Début février 1953 se déroula le procès du tueur du Tadla ; procès concomitant avec le décès et l’enterrement de la maréchale Lyautey. La presse locale envoya donc des journalistes. Voici une première série d’articles parus entre le 09 février et le 17 février 1951, articles signés par Gabriel Carre (ou Carré). J’ai un peu changé la mise en page et corrigé quelques erreurs. Ce « travail » prit un certain temps malgré le fait que les exemplaires du Petit Marocain mis en ligne par la Bibliothèque Nationale de France soient bien numérisés. Des relectures de cette « contribution » permettront de corriger des erreurs qui y traînent encore probablement.
Le Petit Marocain (Source gallica.bnf.fr / BnF)(reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
LE PROCÈS DU TUEUR du Tadla s'ouvre demain
Réapparaissant au premier plan de l'actualité marocaine, le tueur Hansali et ses complices vont enfin affronter leurs juges. Demain, à 9 heures, s'ouvrira la session spéciale du tribunal militaire de Casablanca consacrée au procès des bandits du Tadla.
M. le conseiller Gayral, de la Cour d'Appel de Rabat, dirigera les débats, cependant que le commandant Floury, commissaire du Gouvernement, soutiendra l'accusation. Nous avons publié, d'autre part, la liste telle qu'elle figure au rôle au Tribunal militaire, des accusés et de leurs défenseurs, celle aussi des témoins. [pas trouvée à ce jour ; note de Q.T.] Nous ne saurions mieux rappeler l'horreur des crimes du Tadla, vieux déjà de deux années, qu'en extrayant les passages, qu'on lira plus loin, d'une lettre adressée par M. Gouet à notre confrère et ami Georges Creugnet.
M. René Gouet, chef de culture au Paysannat, à Beni-Mellal, alors que, le 13 mai 1951, il se trouvait en compagnie de sa femme sur la route d’Afourer, fut grièvement blessé par les balles du tueur. Mme Gouet était également atteinte. Georges Creugnet est le père de la jeune Marie-Rose, lâchement assassinée le 16 mai 1951 [15 mai 1951 ; note de Q.T.], tout près de Bin-El-Ouidane. Depuis cette date, qui fut pour lui un drame effroyable, Georges Creugnet n'a cessé de demander justice ; il reçoit la correspondance des familles des victimes et leur prodigue tout le réconfort moral qui est en son pouvoir.
Une lettre émouvante
« Je vous écris de mon lit de douleurs, je souffre le martyre, comme au lendemain de mes opérations. Le moindre mouvement de ma jambe blessée me fait pousser des hurlements. Le médecin appelé à mon chevet ne peut se prononcer. Il faut une nouvelle radio ! Je suis intransportable tant la douleur est abominable. Il faudrait m'endormir pour me mettre sur un brancard, et nous sommes à 40 km de la ville. En attendant ... piqûres de morphine … Ceci pour vous dire que ma femme ne peut venir au jugement. Tout était prêt : passeport, billet … etc. Que l'absence de ma femme ne vous paraisse pas un abandon. Nous serons près de vous par la pensée. Mes parents, âgés de 75 ans, sont actuellement malades et à la charge de ma femme. Pour le principe, notre témoignage est évidemment nécessaire. Mais pourquoi avoir attendu près de deux ans ? Je crois que mon séjour à l'hôpital Colombani (13 mois et demi) aurait pu suffire pour mon témoignage. Si j'étais intransportable, ma femme pouvait se déplacer. Que veut-on subitement nous demander alors que l'on nous a ignorés pendant 21 mois ? Un fait est certain. Des troubles existaient en montagne. Pourquoi nous avoir délivré des laissez-passer de promenade sur Bin-El-Ouidane, le 13 mai à 9 h du matin, laissez-passer rédigés au Contrôle civil de Beni-Mellal le samedi 12 mai ? À Afourer, j'ai présenté mon autorisation à la barrière de contrôle, à l'entrée de l'agglomération et le vieux Français qui était là a pris note. Pourquoi le chef de Cercle n'a t’il pas avertit le Contrôle [proposition le mot étant illisible ; note de Q.T.] du drame du moghazni ? Toujours est-il que voici vingt et un mois que je suis couché et que l'on s'efforce de me remettre sur pied. J'ai subi douze opérations, je dois en subir encore deux ou trois. Mon pied est définitivement paralysé, mon genou totalement bloqué. Toutes mes qualités de créateur (je suis ingénieur horticole), qui sont le fruit de 15 ans de travail, sont perdues. Par mon activité physique, j'étais un pionnier au service du Paysannat. Je suis actuellement un grand mutilé, victime d'une brute fanatique assoiffée de sang ! Ceux qui l'ont armée [proposition le mot étant illisible ; note de Q.T.] le sont bien plus ... Mes malheurs n'auront même pas servi d'exemple. Avec mon épouse je suis désarmé dans ma lutte pour la vie. J'ai 40 ans. Une vie brisée. Deux jeunes enfants à ma charge. Je ne bénéficie pas du statut du fonctionnaire. Les autorités n'ont pris encore aucun engagement. Va-t-on abandonner à leur sort les Français qui ont été frappés ? J'avais une situation sociale correcte. Je vivais ! Qu’allons-nous devenir maintenant, acculés par le besoin et la misère ? Mes enfants ne peuvent obtenir ure formation scolaire. Non ! La chose n'est pas concevable. Mes vieux parents sont bouleversés. Nous avons droit à une justice. On ne peut nous rejeter dans l'oubli ! »
LE PROCÈS DES BANDITS DU TADLA s'ouvre ce matin
Les tueurs du Tadla et leurs complices vont ce matin s'asseoir au banc des criminels, le procès s'ouvre à 9 heures à la caserne Heude. Ainsi, après deux années passées, les assassins Hansali et Smiha se sont acheminés vers leur destin, vers ce jugement que l'on eût souhaité plus prompt. À la face du Maroc tout entier, ils vont rendre compte des crimes qu'ils ont perpétrés et cyniquement exécutés. À la face des honnêtes gens de ce pays, ils vont avoir à expliquer d'une manière totale les raisons de leurs agissements inhumains afin que nulle ombre ne subsiste plus. Cette première journée sera consacrée à la lecture des arrêts de renvoi et de l'acte définitif, d'accusation. Il y sera procédé également aux premiers interrogatoires.
LE PROCÈS DU TUEUR DU TADLA
LE TRIBUNAL MILITAIRE SE DÉCLARE COMPÉTENT
L'atteinte à la sûreté de l’État s'applique AUX MAROCAINS COMME AUX FRANÇAIS
Un bien petit prétoire pour une aussi importante affaire. Le tribunal militaire de Casablanca, où l’on est accoutumé à n’entendre débattre que des méfaits de caserne, semble aujourd’hui bien insuffisant pour contenir le déploiement de l'appareil judiciaire des grands procès.
Avant même d’avoir achevé le tour de la salle d'audience, les regards impatients cherchent le groupe des accusés. Sauf deux, tous sont là ; deux tueurs : Hansali et Smiha ; deux instigateurs : Youssfi et Hassaïne ; six complices : El Bakkali, Brahim Zenouki [Zenoui dans le texte ; note de Q.T.], Abdelaziz ben M'hamed et Bouazza ou Zaïd. Ceux qui manquent sont : Benaceur qui est en fuite, et Haddou Yamina décédé.
Le crâne rasé de frais, enveloppés de leurs djellabas blanches, grises ou bleues, tous ont les yeux fixés sur la robe pourpre du Conseiller Gayral qui préside. Même une observation attentive ne permet pas de déceler tout au long de cette première journée quelle sorte de sentiment les habite. L'attitude du principal accusé ne laisse pas de surprendre : il paraît ne s’intéresser que médiocrement à tout ce qui l’environne. Certes, il n'entend point le français, mais le comprendrait-il que le processus liminaire de l'affaire lui échapperait. N'appartient-il pas à un monde où les formes juridiques sont moins alambiquées ? Six juges militaires et deux civils entourent le président Gayral, conseiller à la Cour d'Appel de Rabat. La partie droite de l'hémicycle que forme l'estrade appartient aux défenseurs, la gauche au Commissaire du gouvernement, le commandant Floury.
Les parents des victimes
Aux premiers rangs de l'assistance, quelques visages profondément tristes : ce sont les témoins des drames du Tadla, parfois les proches des victimes. Pour ces derniers, chaque heure de ces longs débats ravivera une plaie morale encore mal cicatrisée. Tout à côté de nous, à la table de la presse, notre confrère Georges Creugnet, le visage contracté, assume courageusement sa tâche de journaliste. Mais son regard, chaque fois qu'il le lève, inévitablement, rencontre la face grise d'Hansali, l'assassin de sa fille bien-aimée, d'Hansali dont il ne se trouve qu'à quelques mètres. Le public, relativement peu nombreux au cours de la matinée, remplira dans l'après-midi le fond de la salle. Ça et là, clairsemés on aperçoit des djellabas, des chèches, des visages voilés. Le maintien de l’ordre est assuré par un piquet de gendarmes.
L'accusation
Méthodiquement, le président procède à une rapide vérification de l'identité des accusés, fait l'appel des témoins présents : M. Yves Crinon, Mme Chantot, le commandant Rousseau, MM. Cholton, Gudey, Abibi Bensaïd, Izza bent Ahmed et M'Bark Ouali. Le lieutenant Luccini, greffier d'audience, donne alors lecture successivement de l'arrêt de renvoi, du jugement de la Cour de Cassation de Paris, enfin de l'acte d'accusation. De celui-ci nous ne rappellerons que les grands traits.
Le 13 mai 1951, au col de Tafrant entre Afourer et Bin-el-Ouidane, un car de la C.T.M. est soudain arrêté par un barrage de pierres. Une jeep de la police puis une 4 C.V. Renault arrivent à leur tour. La route est bientôt dégagée, le car et la jeep poursuivent leur chemin. C'est alors que commence la tuerie ; des buissons voisins part un coup de feu, l’un des occupants de la 4 C.V., M. André Sauvignon est mortellement atteint. Un Marocain armé d’un mousqueton bondit sur la route tire encore, une dame est frappée à l'épaule, Mme Gouet. La troisième balle abat Mme Carmen Sauvignon ; M. Gouet à son tour est blessé à la cuisse. Le Marocain qui s’est approché de la voiture s'empare d’un sac et disparaît. Quelques heures plus tard deux autres Européens tombent sous les coups du tueur. Il s'agit cette fois de deux motocyclistes : M. Hervé du Bourg et Mme Hélène Meunier. Le troisième attentat de cette même journée se déroule un peu plus loin dans ces mêmes parages. À nouveau ce sont deux motocyclistes qui essuient le feu du Marocain : MM. Crinon et Dordoni. Fort heureusement aucun d'eux n'est touché.
Or tandis qu'une émotion considérable s'empare de toute la région, une enquête de grande envergure est déclenchée.
Le 15 mai ...
Cependant, le 15 mai, nouveau drame. Trois européens pêchent dans l'Oued Amerzid, près d'Azilal, M. et Mme Chantot, leur bébé, et Mlle Marie-Rose Creugnet. Non loin d'eux, de l'autre côté de l'oued deux Marocains prennent le thé. Soudain, l'un d'eux, qui s’est légèrement éloigné, sort de dessous sa djellaba un fusil et tire. M. Chantot s'écroule. Une seconde balle blesse Mlle Greugnet, la troisième achève l'infortunée jeune fille. Mme Chantot s’enfuit, son bébé dans ses bras. Un camion passe sur la route, la prend à son bord, elle est sauvée.
Hansali le tueur
Deux bergers du Tadla livrent pieds et poings liés, le 23 mai, l'un des assassins qui s'est laissé prendre avec un mousqueton et ses six dernières cartouches. Le second meurtrier Smiha, les complices et les instigateurs ne tardent pas à tomber à leur tour aux mains de la police.
Hansali, coupable de la plupart des crimes, parle. Il indique qu'il se trouvait en relation avec un groupe d'individus qui avaient entrepris de fomenter un soulèvement des tribus de la montagne. Il s'agissait d'anéantir l'autorité du Maghzen, de chasser les Français. Les moghaznis et les goumiers, étaient, disait-on, sur le point de se joindre aux rebelles.
L'instigateur, principal, celui qui présidait chacune des réunions, celui qui donnait des ordres et préconisait la rébellion était un Marocain borgne, Maati ben Hadj dit « Youssfi ». Youssfi avait dit à Hansali : « Quand tu entendras parler du « Zaza » (soulèvement) tu assassineras le moghazni chez qui tu habites puis tu lui prendras son mousqueton et ses cartouches et tu viendras nous rejoindre ... ». Cet ordre se complétait de celui-ci : « Maintenant, disait-on aux Marocains qui possédaient un fusil, maintenant que vous avez des armes, il faut tirer sur tous les Européens et sur ceux du Maghzen qui les aident ». Et Hansall obéit, il tue le moghazni. Il se poste au long de la route et tire sur ceux qui passent à sa portée : Smiha vient à diverses reprises faire feu à ses côtés. Tels sont les événements rappelés par l'acte d'accusation. Ces crimes et les circonstances qui les entourent sont traduits en arabe et en berbère aux accusés qui ne paraissent pas impressionnés pour autant.
Atteinte à la sûreté de l’État
Avant que, selon l'ordonnance des débats, le président n'entame l’interrogatoire des accusés, deux interventions se succèdent. La première émanant de Me Vienney, avocat du barreau de Paris et défenseur de Youssfi ; la seconde de Me Abdel-Kader Benjelloun, défenseur de Smiha,
Youssfi, de même que tous les accusés, est notamment poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État en temps de paix, et partant tombe sous le coup de l’article 80 du Code Pénal qui prévoit : « Sera coupable d'atteinte à la sûreté extérieure de L’État et puni des peines portées à l’article 83 tout Français ou tout étranger ... qui aura entrepris par quelque moyen que ce soit de porter atteinte à l'intégrité du territoire français ou de soustraire à l'autorité de la France une partie des territoires sur lesquels cette autorité s'exerce ». Me Vienney entend démontrer que son client - et par extension tous les accusés - ne peuvent subir la rigueur de cet article. « Sans faire intervenir d'autres considérations politiques, s'écrie Me Vienney, je m'en tiendrai au droit … Les Marocains, considérés comme protégés français, ne sont pas citoyens français. Des mouvements autonomistes se sont dessinés [destinés dans le texte ; note de Q.T.] au début de la dernière guerre, en Bretagne et en Alsace. Pour combattre ces mouvements, le gouvernement a été emmené à adopter les décrets-lois sévères Mais ces décrets-lois, dont l’article 80 contient l'essentiel, ne visent que des Français. Ainsi donc, Messieurs, vous voilà obligés de vous en tenir au contexte de l’article 80 du Code Pénal que rien n'a modifié. Le Maroc est un pays protégé, il n’est pas un pays soumis à la France. On ne peut ici parler de souveraineté française et un territoire protégé resté un territoire étranger … C'est au Maréchal Lyautey que j'en prendrai référence : en 191? [illisible ; note de Q.T.] n'est-ce pas lui qui déclarait : « Le Maroc est un état autonome, et dans cet état c’est la formule de contrôle qui s'oppose à la formule administrative directe » ».
Réponse du commissaire du Gouvernement
Me Vienney en a terminé. Le commandant Floury, commissaire au gouvernement, réplique. : « La défense faisant allusion à un certain séparatisme provincial ne tendrait-elle pas à affirmer que votre tribunal est incompétent ? … Il n’est pas question de mettre en doute une atteinte à la sûreté de L’État. C’est un fait acquis d’autant mieux que la France exerce au Maroc la délégation de pouvoirs qui lui ont été conférés par divers dahirs » Le tribunal se retire pour délibérer. Il est 11 heures 45 quand il rend son jugement sur les conclusions déposées par Me Vienney. Ces dernières sont rejetées, le tribunal considérant qu'en ce qui concerne l'application du texte mis en cause, les Marocains doivent être assimilés aux Français.
AUDIENCE DE L'APRÈS-MIDI
La reprise d'audience a lieu à 16 heures. Me Benjelloun, dont nous avons annoncé plus haut l'intervention, remet au président le texte de ses conclusions tendant à soulever l'incompétence du tribunal. L'argumentation de Me Benjelloun se confond par certains côtés avec celle de Me Vienney, mais il étend le débat. « Pour que la justice militaire soit saisie, dit-il, il faut qu'il y ait soit atteinte à la sûreté extérieure de L’État, soit association de malfaiteurs. Or ni l'une, ni l'autre de ces deux accusations ne peuvent être retenues en l'occurrence. En ce qui concerne l'atteinte à la sûreté de L’État, je me suis associé ce matin aux conclusions de mon confrère, Me Vienney, et votre jugement a rejeté ses conclusions. Quant à l'association de malfaiteurs, elle ne saurait tenir puisque en fin de compte Hansali n'a tué que pour voler ... »
« Votre tribunal est incompétent »
Me Benjelloun s'en prend alors à l'état de siège qui persiste au Maroc et dont l'effet est de rendre les tribunaux militaires seuls compétents dans bon nombre de délits ou crimes. « Pourquoi, s’exclame-t-il, alors que la date de cessation des hostilités a été fixée au Maroc par, un dahir de 1946, faut-il que ce pays se trouve encore en état de siège ? L'état de siège n'est proclamé qu'en cas de péril imminent ... Or, y a-t-il un imminent péril ? Et si cet état de siège n'est point suspendu, il faut que chacun sache au Maroc, que malgré l'absence de circonstances exceptionnelles, les actes de tous les gens de ce pays sont passibles de la justice militaire … Méfiez-vous, Messieurs, de vouloir trop étendre la portée de l’article 80. Ne pourrait-on pas aussi parler d'atteinte à la sûreté de L’État à propos des agissements des Allemands vivant dans la zone de l’Allemagne occupée par les Français ... »
Hommage aux familles
Néanmoins Me Benjelloun termine sur une déclaration qu'il prononce d'un ton solennel et où l'on sent une profonde conviction : « Le peuple marocain n'a rien de commun avec cet assassin ... la souffrance des familles et leurs deuils ont été partagés par tous. » Le président Gayral s'associe à cette dernière déclaration de l'avocat et apporte aux familles durement éprouvées par les drames du Tadla l'hommage du tribunal. Il appartient une nouvelle fois au commissaire du Gouvernement de réfuter l'exposé de Me Benjelloun : « Nous n'avons pas, dit le commandant Floury, à débattre ici de l'état de siège, c'est un fait et nous ne pouvons que le constater. D'autre part il n'existe aucun acte résidentiel indiquant que cet état de siège ait été levé ; il est et demeure en vigueur … Vous ne pouvez non plus dire qu'il n'y pas eu association de malfaiteurs, cela figurera au nombre des questions posées à la fin de ce procès aux jurés, ce serait préjuger que d'examiner d'ores et déjà ce point particulier ». Un nouveau, délibéré entraîne une nouvelle suspension d'audience. Les conclusions de Me Benjelloun sont rejetées comme irrecevables et mal fondées.
Hansali reconnaît ses crimes
L'interrogatoire des accusés commence tout aussitôt. Hansali le tueur est appelé à la barre. De taille moyenne, 47 ans, l'air d'un personnage insignifiant, il tourne de l'un à l'autre un visage qui en d'autres lieux ne semblerait point être celui d'un assassin. L'interrogatoire est long et difficile. Hansali est un être fruste, la traduction des questions et des réponses ne s'avère pas particulièrement simple. Néanmoins Hansali qui précédemment avait beaucoup parlé et aussi beaucoup accusé, semble avoir modifié sa tactique. Sa position est simple : il a assailli, il a tué, il a blessé, il a volé ... mais lui seul ; il n’a pas eu de complice ... Jamais Smiha en sa compagnie n'a tiré sur quiconque.
Un assassin qui se défend
Mieux, Hansali, qui lors des précédents interrogatoires à l'instruction avait parlé de réunions, de mouvements insurrectionnels, de mots d'ordre, dit maintenant : « Mes aveux étaient des mensonges … » Et ce berger, dont nous avons dit qu'il était d'apparence fruste, se défend habilement :
LE PRÉSIDENT : Pourquoi avez-vous tué le Moghazni ?
HANSALI : Parce qu'il ne voulait pas me rendre l'argent que je lui avais prêté.
LE PRÉSIDENT : Pourquoi avez-vous raconté avoir assisté à plusieurs réunions ?
HANSALI : J'ai dit cela parce que l'on m'avait battu pour me l'arracher ...
LE PRÉSIDENT : N'a-t-on pas trouvé une théière et deux verres près de l'oued Amerzid … N'étiez-vous pas alors en compagnie de Smiha ?
HANSALI : Si j'avais deux verres c'était pour faire refroidir plus rapidement mon thé.
Qu'est devenu le million ?
Mais s'il s'efforce de décharger Smiha, Hansali par contre, accable un nommé Saïd Ou Bho, l'un des Marocains qui l'ont livré à la police. C'est Saïd ou Bho qui lui aurait conseillé de conserver le mousqueton volé au moghazni, qui l'aurait encouragé à tirer sur les Européens. Quelques questions sont posées à Hansali tant par l'accusation que par la défense. Il en est une de Me Jean-Charles Legrand sur laquelle nous serons sans doute bientôt éclairés : « Ce Saïd ou Bho a-t-il été cité ? » s'enquiert l’avocat casablancais, « il serait bon qu'il vienne s'expliquer ici. Nous aurons à lui demander entre autre ce qu'est devenu le million versé pour la remise du criminel Hansali. »
GABRIEL CARRE
LE TUEUR du Tadla : J'AI TUÉ POUR VOLER
LES ACCUSÉS NIENT le complot communiste - OBÉISSENT -ILS À UN ORDRE ?
Des débats de cette seconde journée, jaillit un doute : la Pentecôte sanglante de 1951 fut-elle le prélude d’une rébellion avortée, fut-elle seulement marquée d'actes effroyables mais bornés au banditisme ? Ainsi le procès du Tadla semble, après douze heures d'audience, être engagé dans une impasse d’où, espérons-le, il ne saurait tarder à sortir. Ces quelques heures n’ont encore amené qu’une ébauche, ébauche façonnée sur les seules déclarations de quatre des accusés. Toutefois, ces mêmes déclarations, les incidents soulevés, les heurts parfois vifs, qui décèlent les divergences de la défense, permettent d’entrevoir les positions adoptées et parfaitement respectées par les Marocains criminels. Ces positions, en effet, paraissent ainsi s'établir : Hansali reconnaît, nous l'avons déjà dit, avoir tué, il n'hésite pas à s'attribuer tous les crimes commis dans le Tadla les 13 et 15 mai 1951. Il nie avoir jamais reçu d’ordre de quiconque, il nie avoir jamais eu de complice. Ould Smiha, bien qu'accusé aussi d’assassinat, affirme n'avoir pas tué. Youssfi, l’instigateur, n’a, dit-il, incité personne au meurtre. Moha Ou Hassaïne, autre instigateur, ne reconnaît aucune participation directe ou indirecte à l'affaire. Certes, répétons-le, il ne s’agit là que des affirmations des accusés. Mais celles-ci présentent, a priori, une telle cohésion qu’elles suscitent des doutes ; pas sur leur culpabilité individuelle, mais sur les origines de leur attitude actuelle. Quoi qu'il en soit, le procès va désormais entrer dans sa phase vive. Les pôles de l'affaire, qui ne sont pas nécessairement l’accusation et la défense, se découvrent et s'affrontent. La question est posée : complot ou banditisme ? Mais peu importe, ces hommes sont d’abominables assassins.
Nouveaux incidents
De même que mardi, c'est par un incident que débute l'audience. Me Vienney, avocat de Youssfi, dépose de nouvelles conclusions sur lesquelles il appartient au Tribunal de se prononcer avant que de poursuivre les débats. En premier lieu, Me Vienney demande qu'il lui soit donné acte de ce que deux jugements rendus la veille n’ont pas été traduits à l'usage des accusés, ni en arabe ni en berbère. Le commissaire du gouvernement fait remarquer que le défenseur pouvait fort bien exiger ces traductions au moment même où les jugements étaient rendus. Le Tribunal, néanmoins, va délibérer ; puis donnant acte à l'avocat de ses conclusions fait procéder, séance tenante, aux traductions demandées. En second lieu, Me Vienney dépose un pourvoi en cassation à l'encontre du jugement rendu mardi stipulant que le crime d'atteinte à la sûreté de l’État s'applique aux Marocains. L'avocat demande par voie de conséquence que les débats soient suspendus jusqu’à ce que la Cour de Cassation se soit prononcée sur ce point précis. Nouveau délibéré du tribunal, qui, un quart d'heure plus tard, estime l'incident mal fondé et ordonne la poursuite des débats.
Smiha le dissident
Le président Gayral appelle à la barre le second des principaux accusés : Sidi Moh Ou Moha Ou Houssaine, dit « Sidi Ould Smiha ». Pieds nus, des haillons accrochés aux épaules plutôt qu’une djellaba, Smiha s'approche. Il a environ 58 ans, il en paraît bien davantage. C'est un ancien dissident qui, jadis, a fait le coup de feu contre les Français. Le président fait rappeler à Smiha l'accusation qui pèse sur lui.
LE PRÉSIDENT : Tout cela vous l'avez reconnu, vous avez fait des aveux.
SMIHA : Ce n’est qu'un tissu de mensonges. Je n'ai indiqué ces faits que parce que l’on me frappait.
LE PRÉSIDENT : Vous avez été examiné par un médecin, aucun sévices a été constaté.
SMIHA : On a utilisé pour me faire parler le courant électrique.
Me Benjelloun, défenseur de Smiha intervient et précise que, déjà, au cours des précédents interrogatoires, son client s'est plaint de ce traitement à l'électricité. Cette intervention provoque une vive réaction de la part du commandant Floury, commissaire du gouvernement.
125 fr. par jour pour faire de la propagande
LE PRÉSIDENT : Quand on vous a conduit sur les lieux, lors de la reconstitution du crime, vous avez refait vos gestes de mai 1951 !
SMIHA : Je n'ai agi que sous l'empire de la peur ...
LE PRÉSIDENT : Mais Hansali vous a accusé avec beaucoup de précision !
SMIHA : Il a fait cela pour m'accabler.
LE PRÉSIDENT : Avez-vous connu à Beni-Mellal, M. Marcel Lamoureux, militant du parti communiste ?
SMIHA : Oui, peut-être ... j'ai entendu prononcer son nom.
LE PRÉSIDENT : Mais vous lui avez apporté votre adhésion ?
SMIHA : Oui, en 1947. On me donnait 125 francs par jour pour faire de la propagande.
C'est au tour du commissaire du gouvernement de questionner Smiha [Hansali dans le texte ; note de Q.T.].
LE COMMISSAIRE : Smiha a-t-il donné asile à Hansali après ses crimes du 13 mai 1951 ?
SMIHA : Non, il n’est jamais venu chez moi !
LE COMMISSAIRE : Il prétend avoir, lors de la reconstitution des crimes, parlé sous l’effet de la terreur : mais était-il aussi apeuré lorsque ses avocats l’interrogeaient ?
Me J. C. LEGRAND : Supposeriez vous, M. le Commissaire que les avocats se sont livrés à des sévices ? La question est malheureuse.
Me BENJELLOUN : Smiha a nié avant même que je sois commis à sa défense. Mais je désirerais poser à l’accusé une question un peu particulière : Smiha a-t-il, en présence de son avocat, juré sur le Coran qu’il est innocent des crimes qu'on lui a imputés ?
SMIHA : Je l'ai juré !
Lever les bras au ciel n'est pas menacer
Cependant, Me Benjelloun a fait allusion à un incident qui se serait produit dans le bureau du commandant Simonin, juge d'instruction militaire. Ce dernier ayant procédé à l'interrogatoire de Smiha sur son activité politique, l'aurait influencé par des vifs mouvements d'humeur. En vertu de son pouvoir discrétionnaire, le président en appelle au témoignage du commandant Simonin qui vient s'expliquer sous la foi du serment. Le commandant retrace les circonstances de cet interrogatoire : « J'ai délivré à Me Benjelloun un permis de communiquer, alors que je n'y étais pas rigoureusement tenu. Lorsque par la suite, j'eus à questionner à nouveau Smiha, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre que celui-ci niait radicalement tout ce que précédemment il avait avoué. Dans un mouvement d'humeur, peut-être, j'ai alors levé les bras au ciel, mais c'est tout. D'ailleurs, Smiha, qui à un passé guerrier, n’est pas un enfant de chœur et ce n’est pas deux bras levés au ciel qui pouvaient l’effrayer. Ai-je été inhumain lorsqu'au cours d'un transfert sur les lieux du crime, alors qu'il faisait très chaud, j'ai fait porter du « Judor » aux criminels ? »,
Le témoignage du commandant Simonin est interrompu par une suspension d'audience, il est midi.
À 15 heures, le commandant se retrouve à la barre.
LE PRÉSIDENT : Vous souvenez-vous avoir fait un geste du pied, c’est avec le pied, paraît-il, que vous auriez menacé ?
LE COMMANDANT : Je ne m'en souviens absolument pas.
« J'ai voulu écarter les traînées de sang ... »
La déposition du commandant Simonin entraîne bientôt une intervention de Me Jean-Charles Legrand, avocat d'Hassaïne. Me Legrand a demandé mardi au président de vouloir bien faire citer - encore en vertu de son pouvoir discrétionnaire - trois nouveaux témoins, il s'inquiète de la suite donnée à sa requête.
Me LEGRAND : Je me sens saisi par la contagion des conclusions ...
LE PRÉSIDENT : Je sais, Maître, votre préoccupation.
Me LEGRAND : J'ai voulu écarter les traînées de sang pour ne chercher dans cette affaire que l'aspect politique ... mais j'ai besoin de ces témoignages. J'ai besoin de faire établir nettement les relations de ces hommes avec un certain M. Lamoureux. J'insiste donc pour que viennent à cette barre le lieutenant Hamont, le commissaire Rocatché, le commandant Comaret, le lieutenant Duverger et le contrôleur civil Tallec.
Me VIENNEY : Je ne suis pas d'accord avec Me Legrand.
Me LEGRAND : Je n'en suis pas surpris !
Me VIENNEY : Moi non plus. Je m'oppose à l'audition de Rocatché qui a fait de la part de mon client l’objet d'une plainte pour forfaiture. De par ailleurs, présent dans cette enceinte, Rocatché a suivi les débats.
Me LEGRAND : La plainte à laquelle vous faites allusion a abouti à un non-lieu, nous n'avons pas à tenir compte de cette objection.
Me VIENNEY : Je ne veux pas d'un témoin que l’un des accusés a montré du doigt !
Me LEGRAND : Vous n’en voulez pas ! ... Mais ce n’est pas vous qui dirigez les débats.
Le président met fin à ces échanges, particulièrement vifs, et fait venir le troisième accusé Youssfi.
Le militant borgne
De taille gigantesque, esquissant de son œil valide un perpétuel rictus, le militant borgne du parti communiste Youssfi vient lui aussi affirmer son innocence. Après qu'on lui ait rappelé qu'il est accusé d'atteinte à la sûreté de l’État et de complicité d'assassinat, Youssfi explique ce qu'il prétend être sa position dans cette affaire. « Je suis un pauvre homme, chargé de famille, j'aime la tranquillité et n'ai pas trempé dans ces crimes. Je suis communiste de pensée, mais je n'ai jamais rien fait susceptible de porter atteinte à la France ou à mon pays. Je n'ai donné aucun ordre à Hansali. Des policiers sont venus m'arrêter de nuit, contrairement à la loi française. Ils m'ont demandé si j'étais de l'Istiqlal ou si j'étais communiste. J'ai répondu : je suis communiste. On a tout fouillé chez moi et l’on a trouvé un portrait de Staline, un autre de Roosevelt, un troisième du général Giraud. »
LE PRÉSIDENT : Ainsi que des cartes d’adhérents au parti communiste et des cahiers relatant vos activités. Aujourd’hui ce n’est point vos convictions qui sont mises en cause, mais seulement les réunions que vous avez tenues.
Youssfi ne se souvient plus, lui aussi, des déclarations faites devant les magistrats au cours des deux années écoulées depuis les crimes du Tadla. Il nie tout ce qu'il a pu avouer précédemment.
YOUSSFI : J'ai été maltraité. On m'a couché à plat ventre, les mains liées derrière le dos. On a placé une planche en travers de mon corps sur mes mains et mes reins, puis deux hommes sont montés sur la planche, chacun à l’une des extrémités.
Me Vienney prie le président de confronter Youssfi avec Hansali et Smiha et fait demander à ces derniers de déclarer d’une façon solennelle si oui ou non ils ont reçu de lui l’ordre de tuer. « Non ! » affirment l’un et l'autre des deux accusés.
Me VIENNEY : Cette affirmation faite par des hommes qui tout de même jouent leur tête, n'est-elle pas décisive ?
Et l'avocat d'indiquer que Marcel Lamoureux (auquel de nombreuses allusions ont été faites) a été poursuivi pour son action subversive, mais ne fait pas moins maintenant l’objet d'un non lieu.
Me LEGRAND : Mais il a été expulsé !
Me VIENNEY : Ses avocats aussi ont été expulsés. Je ne suis pas sûr, moi-même, de rester si longtemps que cela à vos côtés !
Me LEGRAND : J'en serais navré.
Hassaïne
Mohamed Ou Moha Ou Hassaïne dit « Moha Ou Hassaïne » succède à Youssfi à la barre. Comme ses coaccusés, Hassaïne niera tout. Il n’a jamais autant entendu parler de l’Istiqlal que depuis qu'il est en prison. Il n'a pas suscité de rébellion. C’est un ancien cheikh [chirh dans le texte ; note de Q.T.].
HASSAÏNE : Ma maison n’a pas servi de lieu de réunion. Comment aurais-je incité ces gens à tuer des Français ou ceux des Marocains qui les aident, alors que moi-même je me trouve précisément appartenir à cette catégorie de Marocains !
LE PRÉSIDENT : Smiha vous a notamment accusé.
HASSAÏNE : C'est parce que j'avais eu de sérieuses difficultés avec lui à propos de l’une de mes épouses vis-à-vis de laquelle il s'était montré par trop incorrect.
LE PRÉSIDENT : Hansali aussi ne vous a pas épargné dans ses déclarations ?
HASSAÏNE : Il ne m’aimait pas parce que je lui avais fait infliger quinze jours de prison par le mokkadem.
Me LEGRAND : Mais si ces rétractations successives vous emmènent à estimer qu'il n'y a pas réunion de malfaiteurs, partant il ne saurait y avoir atteinte à la sûreté de l’État ; et sur ce point, exceptionnellement, je rejoindrais Me Vienney.
Il est 18 h 30, le président suspend les débats.
GABRIEL CARRE
Mme CHANTOT ACCUSE … MINUTES D'INTENSE ÉMOTION AU PROCÈS DU TADLA « C'est lui ... c'est bien lui » … s’écrie-t-elle, montrant le tueur
Avec la sage prudence dont il ne se départit en aucun moment, le président Gayral poursuit l'instruction de l'affaire du Tadla. Aux criminels succèdent les témoins. Mais si - à l'issue de cette nouvelle journée de débats - on fait abstraction du geste accusateur de Madame Chantot pointant le doigt vers l'assassin de son mari, rien encore ne s'établit qui paraisse définitif. Les interrogatoires d'El Bakkali [Bekkali dans le texte ; note de Q.T.], Zenouki [Zénouki dans le texte ; note de Q.T.], Abdelaziz et N'aït Mimoun n’apportent rien, ou presque, qui n’ait été déjà dit. Tout au plus si leurs déclarations révèlent de temps à autre certains points de détail. Les témoignages de MM. Crinon, Cholton et Gudet ne sauraient suffire à confondre les coupables. Mais un autre sentiment ce fait jour : c’est l'apparente impuissance de l'accusation à étayer, sur les déclarations recueillies jusque-là, la thèse du complot contre la sûreté de l’État. Après l'énoncé de l’acte d'accusation, on était en droit de s’attendre, sur ce point, à de plus graves révélations ; elles n'ont pas encore été faites. Il faudra cependant que la preuve de ce crime, qui rejaillit sur les huit Marocains - dont quatre ne répondent strictement que de cette seule inculpation - soit nettement rapportée. Considérons, en nous abstenant de préjuger, que malgré trois jours passés l'affaire n'en est qu'à ses débuts.
Ahansali le tueur serait-il dément ?
L'attitude d'Ahansali n'a pas seulement surpris le tribunal, mais son avocat, lui-même, estime opportun d'en exprimer son étonnement. Dès la reprise des débats, Me de Grave présente des conclusions où il requiert l'examen de son client par un médecin psychiatre. Ses conclusions, Me de Grave les développe. Ahansali jusque là n'avait avoué que quatre crimes, il s'en reconnaît maintenant sept. Pour l'avocat, ces aveux du dernier instant, faits en un moment si lourdement critique ne relèvent que de la démence. Une expertise médicale est donc nécessaire avant même que le procès s'achève. L'opinion de Me de Grave n'est pas celle du Commissaire du gouvernement. Ses conclusions doivent être rejetées purement et simplement, car si Ahansali n’avait pas tout son sens, ses coaccusés, les avocats et les magistrats s'en seraient déjà rendu compte ; or il n’en est rien. Le tribunal néanmoins délibère et quelques instants après rejette les conclusions de Me de Grave.
Les derniers accusés
Le processus judiciaire reprend son cours. Les quatre derniers accusés, ceux précisément qui sont seulement incriminés d'atteinte à la sûreté extérieure de l’État, vont être entendus, dans la matinée. Comme nous l'avons dit, cette audition n'apporte aucune lumière nouvelle ; tous confirment une position uniforme ; ils nient, quelles que soient les preuves contraires.
De petite taille, portant une barbe patriarcale, El Bakkali est le premier à subir l’interrogatoire du tribunal. Les renseignements recueillis sur son compte ne sont pas défavorables, il n'a jamais été condamné et ne se serait pas occupé de politique. Cependant certaines questions suffisamment précises lui sont posées :
LE PRÉSIDENT : Vous avez assisté à diverses réunions tenues par les dirigeants de l’Istiqlal, dont le but est - vous ne l'ignorez pas, de renverser le Maghzen et de soustraire le Maroc à l'autorité de la France ? Vous étiez à Tagzirt [Tarzit dans le texe ; note de Q.T.] responsable de l'Istiqlal et vous avez de concert avec d'autres membres de ce parti projeté de destituer le caïd du lieu ?
EL BAKKALI : Je suis un pauvre vieillard, on m'a arraché par la violence tout ce que l'on a voulu.
Mis en présence de Smiha, El Bakkali déclare : « Je ne connais cet homme que de vue et n’ai participé à aucune réunion. »
Brahim Zenouki succède à El Bakkali. Présentant bien, celui-ci fixe sur le tribunal des yeux aussi bleus que sa djellaba, propre et couleur de ciel. Un collier de barbe brune encadre son visage ; on préférerait rencontrer ce jeune homme ailleurs qu'au banc du crime. Au président qui lui rappelle les tragiques raisons de sa présence en cette salle, il réplique : « On m'a dénoncé par haine à seule fin de me porter préjudice ». Et ses dénégations sont du même ordre que celles jusque là entendues.
Vient ensuite Abdelaziz ben Ahmed [ben M’hamed le 11/02/1953, voir plus haut ; note de Q.T.], le tailleur de Kasba-Tadla, dont on dit que ses discours exerçaient dans la région une action néfaste. Il était membre de l'Istiqlal et dépositaire du journal « El Alam ». Abdelaziz ne nie pas son appartenance tout en assurant que son activité se bornait à la vente du journal.
LE PRÉSIDENT : N'êtes-vous pas allé à Ksiba pour assister dans la maison d'Hassaïne, à une réunion politique. Smiha l’a indiqué ?
ABDELAZIZ BEN AHMED : Non.
On procéda alors à la confrontation de Smiha avec Abdelaziz. Smiha déclare avoir menti. Il fallait s’y attendre !
Face à face avec Youssfi, ce dernier se contente de dire : « Il vendait son journal. »
LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT : « Messieurs, je note aujourd’hui que ce chef important de l’Istiqlal se dérobe. Mais en 1951 il avait bien reconnu être au nombre des dirigeants de l'Istiqlal, plus exactement il était « Moussir » (chef de cellule). Qu'il me soit permis de vous rappeler l'une de ses déclarations : « Lorsque j'étais moussir, il y avait à Kasba-Tadla 15 ou 16 cellules, je faisais la liaison. » Et plus loin : « Je ne suis pas communiste, parce que les communistes sont les ennemis des nationalistes en tous temps et en tous pays. » »
ABDELAZIZ (répondant aux derniers mots du commissaire) : Cela est vrai, car ainsi est-il dit par la religion !
LE COMMISSAIRE : Quoi qu'il en soit, il se trouvait être un personnage suffisamment considérable pour devoir se rendre à Fez lors d'une importante réunion de l’Istiqlal.
Me BENJELLOUN : Vous faites erreur. C'était une réunion du Part Démocrate de l'Indépendance. Ne confondez pas !
LE COMMISSAIRE : Peut-être, mais il n'en était pas moins assez considéré pour qu’on l’y invitât.
Me BENJELLOUN : Il n’y a pas invité, il est venu de lui même.
LE COMMISSAIRE : Cela prouve tout de même qu'il était assez intelligent pour se rendre compte de ce que l'on y pouvait dire.
Le dernier des accusés est Bouazza Ou Zaïd Ou Moha, dit « Bouazza N'aït Mimoun ». Celui-ci, très grand dans sa djellaba blanche, est un fellah de la montagne. Son attitude, ses paroles sont identiques à celles des Marocains qui l'ont précédé. Une seule incidence : il aurait contribué à l'arrestation de Smiha.
Témoignages
C'en est fini des accusés. Leur défense parait avoir été assez habile, mais résistera-t-elle aux charges qui vont être maintenant apportées ? M'Bark ou Ali ou Moha, le premier témoin appelé, se borne à raconter comment ayant un besoin de tabac, il s'était rendu dans la maison de Moha ou Zaïd (aujourd'hui décédé) et que là il se trouva en présence d'un groupe de gens tenant réunion. Il comprit qu'il y était question de destituer ou d'assassiner le caïd de Tagzirt [Tarzit dans le texte ; note de Q.T.].
Ben Naceur ou M’Bark, un autre misérable paysan du Tadla, se trouvant de passage devant la demeure du moghazni (celui que devait tuer Ahansali), avait été convié à s'asseoir et à partager le tajine que l'on était en train de manger. Ahansali se trouvait là, mais ne prit aucune part à la conversation changée entre Ben Naceur et le moghazni. Ce dernier s'enquit des événements du jour, demanda ce qui se passait dans la plaine ; toutefois ils ne parlèrent pas du « zaza » (soulèvement fomenté).
LE PRÉSIDENT : Savez-vous si Ahansali et le moghazni ont eu entre eux une querelle d'intérêt ?
BEN NACEUR : Pas en ma présence.
Le témoin suivant est la veuve du moghazni, Izza bent Mohamed ben Bouazza. Il lui est demandé de préciser de quelle nature étaient en mal 1951 les rapports de son mari avec Ahansali. « Nous ne connaissions Ahansali que depuis une quinzaine de jours quand survint le drame. Il n'était pas l'ami de mon mari, cependant il partageait très souvent nos repas. Je n'ai jamais eu l’impression qu'il y ait entre lui et mon mari une difficulté quelconque d’intérêt. Il ne nous versait rien pour la nourriture que nous lui donnions. »
LE PRÉSIDENT : Au cours de la conversation intervenue entre votre mari et Ben Naceur, avez-vous entendu parler de troubles et de soulèvements ?
IZZA : Non.
LE PRÉSIDENT : Quelle raison aurait eu Ahansali de tuer votre mari ?
IZZA : Je n'en sais rien.
Fusillades et cadavres
Le premier des témoins européens est M. Yves Crinon. Employé à l'Entreprise Fougerolles, à Afourer. M. Crinon roulait à motocyclette lorsqu'il entendit la détonation d'un fusil et le claquement d'une balle. Il eut le temps d’apercevoir un Marocain qui le mettait en joue, la vitesse de sa machine et les détours de la route le sauvèrent. Cependant, même en présence d'Ahansali, il ne reconnaît pas le tireur.
Colon à Fqih-ben-Salah, M. Jean Cholton, 53 ans, avait organisé avec des amis une sortie en montagne aux environs d'Afourer. Après le repas, alors, que les convives s’étaient égayés parmi les arbres et les buissons, retentit une fusillade ; deux coups de feu, un cri épouvantable de femme horrifiée, puis trois autres coups de feu. M. Cholton se rend sur les lieux où il a entendu les détonations et se trouve tout à coup en présence de deux cadavres, un homme et une femme qui, montés sur une motocyclette, avaient été rencontrés par lui dans la matinée : M Hervé du Bourg et Mme Hélène Meunier.
AHANSALI : Il est exact que j'ai tiré deux coups de feu sur l’homme et trois sur la femme.
La déposition faite par M. Gudey, du Service de l’Élevage à Khenifra, est sensiblement la même que celle de M. Cholton.
Me VIENNEY : Possédiez-vous un laissez-passer des autorités locales vous permettant de circuler dans cette région peu sûre ?
M. GUDEY : Non, si ce n'est une autorisation de l'Entreprise Fougerolles, laquelle voulait bien nous laisser accéder à ses chantiers.
« Qu'il ose donc la regarder ! »
Blême dans ses vêtements de deuil, oppressée et douloureuse, tant sa blessure est soudain ravivée, Mme Suzanne Chantot, la jeune veuve de 22 ans, se cramponne à la barre. « Il y avait environ un an que j'étais mariée ; le 15 mai 1951, nous sommes allés à Azilal puis au bord de l'oued Akalzaouit ; avec nous était Marie-Rose Creugnet. Deux Marocains étaient assis de l'autre côté de l'oued, en face de nous, l'un semble-t-il faisait le guet. Soudain un coup de feu abattit juste devant moi mon pauvre mari, je m’enfuis effrayée sur ma gauche. Un nouveau coup de fusil, un cri perçant, mon amie Marie-Rose Creugnet s'écroulait à son tour » La gorge pleine de sanglots, les joues ruisselantes de larmes, très pâle, Mme Chantot désigne du doigt Ahansali : « C'est lui, c'est bien lui ... l’assassin de mon mari ! », Comme l’interprète traduit à Ahansali une question du président Gayral, Mme Chantot s’écrit : « Mais il comprend et parle l'arabe. C'est bien en arabe qu'il nous a dit, quand nous étions derrière le buisson : « Sors, sors de là ! » et c'était pour mieux nous fusiller. »
AHANSALI : Tout cela est exact, mais j'étais seul.
L'émotion a gagné toute la salle, la douleur de la jeune femme fait peine à voir. Mais brusquement le commissaire du gouvernement se lève et s’écrit : « Depuis que cette dame est là j’ai observé Smiha, pas une fois il n'a levé les yeux, pas une fois il ne l’a fixée ... qu’il ose donc la regarder ! ... »
Des applaudissements crépitent dans la salle, des approbations fusent. Smiha baisse obstinément la tête.
LE PRÉSIDENT : La justice n'est pas un spectacle, on n'applaudit pas ici.
GABRIEL CARRE
TADLA : LA ZAZA PRÊCHÉE DÈS 1945 par les communistes
Le procès prend un tour passionné
Voici qu'enfin, après les accusés, le tribunal en a terminé avec l'interrogatoire des témoins. Parmi les dernières dépositions faites, celle du commissaire Rocatché n’a pas été sans animer les débats au point qu’il fallut toute l'énergie du président Gayral pour éviter qu'ils ne devinssent passionnés. Mais en élevant le ton, avocats, témoins et accusateur ont montré leur ferme volonté de faire pleinement apparaître les responsabilités effectives, à défaut des responsabilités lointaines. Respectueux des impératifs de la législation française, et plus simplement soucieux de la seule équité – car il n'est pas possible de déplacer à l'infini les bornes des crimes commis sur les pentes du Tadla - le président sut à chaque occasion ramener le procès à ses proportions véritables. Toutefois, ainsi que le redoutait notre prudent confrère « Le Monde », à propos de cette même affaire, l'échafaudage élevé si haut par l'accusation militaire a-t-il pour assises du roc ou du sable ? À ce jour la tempête des débats, si elle n'est point parvenue à le renverser, ne l’a, à coup sûr, pas affermi. Nous n'allons guère tarder à être fixés sur ce point - qui est l'aspect le plus grave de l'affaire - car dès ce matin la parole appartiendra au commissaire du gouvernement.
L'effervescence du Tadla remonte à 1945
L'arrivée à la barre du commandant Rousseau, chef de Cercle à Kisba, dont le témoignage n'est requis qu'au titre du pouvoir discrétionnaire du Président Gayrat, donne brusquement un regain d’intérêt à l’instruction jusque-là assez peu décisive. La déposition du commandant Rousseau est abondante en ce qui concerne la situation dans le Tadla, antérieurement aux drames de mai 1951, mais quelque peu insuffisante sur la matérialité des faits eux-mêmes. Le commandant s’étend sur le grave malaise qui, depuis 1945 se fait sentir dans le secteur dont il avait la responsabilité.
« Nombreux, dit-il, furent, dès cette époque les événements anti-français qui ne succédèrent ; ils étaient le fruit des activités pernicieuses de M. Marcel Lamoureux. Des Marocains, excités par la propagande qu’ils subissaient, se mirent à souhaiter le renversement des autorités de contrôle et du Maghzen. Le 18 novembre 1950 fut, à Ksiba, une date significative, c'était le jour de le fête du Trône. Aux gens qui se trouvaient dans les mosquées, des agitateurs, leur insufflant l'esprit de révolte, firent jurer fidélité et secret. Des passants furent invités à entrer, ceux qui semblaient ne pas être de leur avis étaient désignés comme de mauvais Musulmans. Ce fut aussi l'époque où M.
Lamoureux, tombé malade, se trouva dans l'obligation de ralentir son activité. Le communisme sembla perdre de son crédit. Un peu plus tard, un décret viziriel, jetait l’interdit sur cette doctrine. »
Des cavaliers brandissant une lettre
« Les membres des djemaas, des chioukhs, ainsi que des caïds, vinrent me dire combien ces décisions vizirielles les satisfaisaient. Mais tandis qu'ils se trouvaient réunis chez moi, un groupe de cavaliers parcouraient la localité. brandissant à l'extrémité d'un bâton, une feuille de papier où l'on discernait des inscriptions arabes : il s'agissait, disait-on, d'une lettre de S.M. le Sultan. Le 10 mai 1951, le moghazni Saïd Ould était assassiné. Le crime avait eu lieu à 20 heures, j'en fus informé à 22 heures. Quand Ahansali [Smiha dans le texte ; note de Q.T.] fut amené dans mon bureau, il le fut par des Marocains et non par des policiers. Je lui demandais pourquoi il avait tué, il me répondit : « C'était écrit ! ». Ahansali, lors de son arrestation reconnut spontanément qu'il avait assisté à une réunion où l'on avait annoncé une grande « zaza » prochaine (soulèvement), Youssfi, le propagandiste, assistait à cette réunion ... ».
La déposition du commandant Rousseau terminée, le commissaire du gouvernement donne lecture d'une lettre adressée à un nommé Moha et portant, en guise de signature, le prénom « Marcel ». Dans cette lettre, dont il est dit qu’elle émane de M. Lamoureux, il est donné des conseils sur l'organisation des réunions communistes.
Me VIENNEY : Et vous trouver là, M. le commissaire, la preuve d’une provocation au meurtre ?
LE COMMISSAIRE : En tout cas, c’est un document indéniable sur les activités clandestines de M. Lamoureux.
Me Vienney s'enquiert de savoir si un laissez-passer, était obligatoire pour se rendre d’Afourer à Bin el-Ouidane. Ce à quoi le commandant Rousseau réplique que ces lieux échappaient à son contrôle.
Me DE GRAVE : Pensez-vous qu'Ahansali ait pu, commettre à lui seul tous les crimes ?
LE COMMANDANT ROUSSEAU : Absolument pas. Ahansali est un mauvais tireur. Mais il semblait dépendre de Smiha qui l'avait en mains. Il n'était que le bras, la tête était ailleurs ...
Me VIENNEY : Sur quelles épaules ne trouvait donc cette tête ?
LE PRÉSIDENT : Le commandant a voulu dire que c’était Smiha qui le manœuvrait.
LE COMMANDANT ROUSSEAU : Oui. Ahansali n'est qu'un « brel » (un mulet docile)
Me LEGRAND : Le témoin assure que les faits du Tadla participent d’une activité continue orchestrée par les communistes ? N'a-t-il pas indiqué précédemment que cette orchestration serait aussi l'œuvre d'une pression étrangère ?
LE PRÉSIDENT : Nous ne voyons pas, Maître, l'intérêt, de votre question !
Me LEGRAND : Mais il y a, ce me semble, atteinte à la sûreté de l’État ? Youssfi n’a-t’il pas déclaré qui transmettait des ordres venus de très haut ?
Me VIENNEY : De Moscou !
Me LEGRAND : Ne répondez pas à la place de votre client. Le commandant peut-il préciser d'où viennent les consignes subversives. appliquées dans le Tadla ?
Et comme le témoin demeure sans réponse Me Legrand d'en tirer cette conclusion : « Disons qu'elles proviennent d'une altitude indéterminée. »
LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT : Mais enfin, ces consignes particulières ne sont que les éléments d'un plus vaste complot. Qui en est le chef ?
Me LEGRAND : C'était à vous de le trouver.
À ces témoignages, qui ont entraîné les débats fort loin, succèdent ceux à peu près dénués d'intérêt du fellah Saïd Moha Bou de Tagzirt [Tarzit dans le texte ; note de Q.T.] et de Salah ou Baho, l'homme qui moyennant finance, livra Ahansali. Salah ou Baho et le tueur sont mis face à face. Salah est sans conteste visiblement embarrassé. Pour une fois, la seule, le visage d'Ahansali s'anime, il fixe Salah et renouvelle une accusation qu'il a déjà formulée depuis le début du procès : « C'est lui qui m’a dit : prends le fusil et vas tuer des chrétiens. »
L'agitation dans le Tadla était notoire
La déposition de M. Corentin Tallec, Contrôleur civil à Béni-Mellal, sera modérée, mais confirmera en partie celle du commandant Rousseau. Chef de territoire, M. Tallec n'a pas eu longtemps à s'occuper de l’affaire du Tadla ; ce qu'il eut à en connaître ce ne fut qu'en tant que représentant de la justice maghzen. Certes, il avait constaté qu'une agitation latente régnait dans la région, « C’était notoire », affirme-t-il. Il y avait des réunions clandestines et indubitablement d'inspiration politique. « Mais, précise M. Tallec, peu de temps après mon installation à Beni-Mellal, le communisme parut céder le pas au nationalisme. » La question du laissez-passer est à nouveau posée, à quoi le Contrôleur civil répond : « La route d'Afourer à Bin-El-Ouidane était alors en zone d'insécurité ; de plus elle était propriété privée. Il aurait donc fallu à la fois un laissez-passer des autorités locales et une autorisation de la Société Propriétaire. »
Me VIENNEY : M. Tallec n'a-t-il pas fait à la presse, le 19 mai 1951, une déclaration à propos des événements du Tadla pour faire savoir qu'il ne s'agissait là que de « faits isolés » ou de « faits divers » ?
M. TALLEC : Cela je l'ai déclaré car il importait alors de calmer l'opinion. Il se répétait, en effet, que le Tadla était à feu et à sang.
Me Legrand, qui depuis le début du procès s'efforce de tirer au clair la question du complot originel, demande : « Il faudrait bien faire apparaître, en fin de compte, ce lien qui va des mouvements de l'époque aux crimes jugés aujourd’hui ! ... »
M. Tallec se retire, il est remplacé par le capitaine Henri Duverger des Affaires Indigènes. Il confirme cette agitation, dont on ne cesse de parler depuis le commencement de l'audience. Il a même dû intervenir pour juguler cette agitation, notamment à l'occasion d'une manifestation dirigée contre un Poste des A.I. Il a entendu maints propos subversifs.
LE CAPITAINE DUVERGER : « Pris à la lettre, ces propos présentent un caractère d’une gravité singulière. Le vendredi après la Pentecôte 1951, des gens rapportaient qu'ils avaient rencontré Ahansali. Celui-ci demandait l’aumône et disait à qui voulait l'entendre : « Nous sommes cinquante militaires qui avons déserté avec nos armes et nous voulons tuer les Chrétiens ». Les Marocains ne m'ont dit cela que beaucoup plus lard, ils craignaient des représailles, et chez eux on s'enflamme vite. »
Me LEGRAND (qui suit son point de vue) : Pour prendre flamme, il fallait un tison, qui donc était le tison ?
LE CAPITAINE DUVERGER : C'était, sur le plan local, l'exploitation de sentiments, venus de l'extérieur de notre zone de contrôle.
Les incendies du Tadla
Quand au début, de l'après-midi se présente le dernier témoin, Youssfi et Abdelaziz, se lèvent en tendant les bras au-dessus de leur tête en manière de protestation. Ce témoin, dont ils semblent ne pas vouloir, est le commissaire de police Rocatché. Le commissaire Rocatché est des premiers à avoir interrogé Ahansali après son arrestation ; il a reçu de lui des aveux complets. Smiha qui avait d'abord dit n'avoir fait qu'accompagner le tueur, reconnut, par la suite, devant M. Rocatché sa participation aux meurtres. Selon le commissaire de police, la reconstitution des crimes fut parfaite. Me Vienney soulève un incident à propos de l’arrestation de Yousffi qu'un Journal casablancais avait annoncé deux Jours avant qu'elle n’ait lieu, et conteste la valeur du procès-verbal d’arrestation, rédigé par la police. M, Rocatché se maîtrise à peine et s’en excuse : « Je suis Catalan et j’ai le verbe haut, mais au moins tout le monde m'entendra ! »
Me LEGRAND : M. Rocatché n’a-t-il pas été chargé d’une enquête d'un genre différent dans le Tadla ?
Me VIENNEY : Vous voulez parler des incendies du Tadla, ça n'a rien à faire ici.
Me LEGRAND : Tiens ! ... Mais qui donc défendez-vous ?
Me. VIENNEY : Maati ben Youssfi.
Me LEGRAND : Et d'autres ...
Me VIENNEY : Vous voulez parler de Lamoureux. C'est exact, je le défends et lui porte beaucoup d’estime.
Me LEGRAND : Néanmoins, vos obstructions traditionnelles et d’une technique classique ne m’empêcheront pas de poser à nouveau ma question.
M. ROCATCHÉ : Des récoltes ont, en effet, été incendiées, des engins d'un modèle particulier découverts. Mais si j’ai recueilli des certitudes absolues, les preuves matérielles m'ont échappées.
Me VIENNEY : Vidons alors ce débat sur les incendies du Tadla. Le dossier n'est pas loin. Il n'est que de traverser la rue pour l'avoir. Je demande que l'on ouvre ce dossier. Ce problème aussi, je ne crains pas de l'aborder. M. le Président, je dépose donc immédiatement des conclusions dans ce sens.
Les conclusions sont rejetées. Le tribunal se déclare incompétent et ordonne la poursuite des débats. Le témoignage de M. Rocatché est épuisé. Le président fait présenter à Ahansali certaines pièces à conviction, la théière, les verres et un pain de sucre, trouvés près l’oued Akalzaouit. Ahansali ne reconnaît rien.
Réquisitoire et plaidoiries vont commencer dès ce matin. Après le commissaire du gouvernement, prendront successivement la parole au cours de cette journée : Messieurs Jean-Charles Legrand défenseur d'Hassaïne et de Zenouki [Lenouki dans le texte ; note de Q.T.], Marzac, avocat de N'Aït Mimoun, et Couderc, avocat d’El-Bakkali.
GABRIEL CARRE
QUATRE TUEURS du Tadla MÉRITENT LA MORT ... affirme l'accusation PAS DE RÉPRESSION COLLECTIVE … réplique la défense
L’heure du réquisitoire a sonné. Implacable et parfois pathétique, il occupera presque toute une matinée. Le commandant Floury, commissaire du gouvernement, s'attachera à développer ce qu'il considère comme les deux chapitres essentiels de la tragédie du Tadla : l'excitation qui fit germer la haine, la tuerie, fruit de cette haine.
Cette région, que l'on nome le Dihr [aujourd’hui on écrit simplement « dir » ; note de Q.T.] - le poitrail des montagnes gonflé au dessus des plaines - dans lequel s’enclave le Tadla, est la zone par excellence de pénétration en pays Berbère. Tour à tour, le Communisme et l'Istiqlal sont venus jeter le trouble dans l'esprit des fellahs attachés à la glèbe.
« LE FEU COUVAIT SOUS LA CENDRE »
Et le commissaire du gouvernement reprenant tout ce qui a pu être dit au cours des longues journées d'audience de toute une semaine, s’aidant des pièces d'un volumineux dossier, recherche les origines profondes d’une agitation qui aboutit au meurtre. « Le feu couvait sous la cendre », dira-t-il, et cela depuis 1945. En 1951, il fallait influencer les délégations de l'O.N.U. et créer des difficultés à l’administration française au Maroc. Le leitmotiv ne sera pas ici celui qu'il est en Algérie : « La valise ou le cercueil », mais le but des meneurs était le même. Des mots d'ordres furent semés, il fallait lever la « Siba » disait-on aux tribus berbères. Et l'affirmation d'Ahansali l'assassin conserve toute sa force : « Nous avons tué parce que l'on nous a poussé à tuer ». Cependant le commissaire du Gouvernement pense que si le vent mauvais de la révolte soufflait sur le Tadla, les accusés d'aujourd'hui ne sont pas les membres d'un complot. « Quand tu entendras parler de « Zaza », tu tueras », avait-on dit à Ahansali. C'en était déjà trop, Ahansali crut que le jour du Zaza était arrivé, il tua. »
Ceci est le second point du réquisitoire. L'accusateur militaire rappelle les crimes atroces, froidement perpétrés qui jalonnent la route d'Afourer à Bin-El-Ouidane : assassinats de M. Sauvignon et de sa mère, coups de feu sur M. et Mme Gouet, assassinats de M. du Bourg et Mme Meunier. Enfin cette tragique journée du 15 mai 1951 qui devait coûter la vie à M. Chantot et Mlle Rose-Marie Creugnet. Le récit du commissaire du gouvernement est ici au plus haut degré émouvant. Des parents et des proches des victimes de ces affreuses journées se trouvent dans la salle et l'on ne peut se défendre d'un moment de compassion. « Est-ce trop, alors, que de vous demander pour ces deux assassins la peine de mort ? … Mais ils n'ont été que le bras qui tient l'arme, ceux qui leur ont dit : « Tuez ! » ne sont-ils pas aussi responsables ? Pour Youssfi et Moha ou Hassaïne, je vous réclame aussi la même peine. Il faut que ceux qui sont dans un bureau sentent en leur conscience le poids de ces crimes avant qu’ils n’aillent en rendre compte devant celui qui les jugera tous ! »
N’accréditez pas une délation vengeresse
Me Marzac est le premier des défenseurs à prendre la parole. Son client est Bouazza N'ait Mimoun. Celui-ci a été inculpé sur une déclaration de Smiha. Son avocat demande la relaxe. La relaxe est également sollicitée par Me de Monoghan pour Abdelaziz que son appartenance à l'Istiqlal et une confession de Youssfi ont traîné sur les bancs du tribunal criminel. C'est encore l'acquittement que plaide Me Couderc pour El Bekkali.
Faites une justice d'apaisement
La haute silhouette de Me Jean Charles Legrand se dresse maintenant au banc de la défense. « Ainsi donc, s'écrie-t-il, on a tiré sur des Français, comme les chasseurs à l'affût tirent sur le gibier. Je salue avec émotion ces victimes déplorables ... » Pour Me Legrand, comme pour l'accusation, deux éléments marquent ce procès : les meurtres avec les circonstances aggravantes que l'on sait et une accusation beaucoup plus subtile dont on a pu rapporter la preuve irréfutable. Le commissaire du gouvernement a sans doute éludé la thèse du complot, mais n'en a pas moins parlé de conjurés et de conjuration, l'avocat en tire cette conclusion : « C'est donc cette poignée de Marocains assemblés par une inculpation commune qui représente une menace pour la France ? » Défenseur d'Hassaïne et de Zenouki [Zénoutri dans le texte ; note de Q.T.], Me Legrand considère que l'on ne doit pas faire sur ce groupe d'hommes des exemples, car ce serait-là, détourner la justice de son but véritable. Pour faire des exemples dignes de ce titre, il faudrait les vrais responsables ou à défaut des preuves solides. « Or, dit-il, vous n'avez pas dépassé le stade du complot des bergers, vous n'êtes pas parvenus aux têtes … Il faut donc que le tribunal fasse la différence qui s'impose entre les criminels de droit commun d'une part et les pâles comparses qui les voisinent. » Me Legrand constate que l'instruction écrite de l'ensemble de l'affaire est insuffisante à démontrer la véritable culpabilité de ses clients. D'autant plus insuffisante que l'instruction à la barre s'est avérée négative lorsqu'il s'est agi de prouver une conjuration. Or, l'oralité seule des débats compte. Il note une éclatante contradiction : le cheikh Hassaïne avait naguère fait mettre en prison Smiha, prison qui s'était assortie de quelques coups de bâton. Or, c'est Smiha seul qui a dénoncé Hassaïne de participer à des réunions subversives. Le tribunal ferait donc crédit à Smiha quand il accuse et ne le suivrait pas, d'autre part, dans ses dénégations ? Me Legrand en arrive à la thèse du complot. « Il y a un complot c'est certain, mais il n'est pas ici ; il ne vous a pas encore été déféré, il est cependant permanent, que vous l'appeliez dissidence ou séparatisme. » Et l'avocat de faire l’historique des mouvements survenus au Maroc et en pays musulmans de 1946 à 1951 : « Nous arrivons à découvrir le lien qui existe entre ces faits, vieux d’une dizaine d'années, et les crimes d'aujourd'hui : ce lien c'est le communisme. » C'est alors l’activité militante de M. Marcel Lamoureux qui est rappelée : « Monté sur un âne, il parcourait le pays berbère pour y porter la bonne parole. Des encouragements lui venaient de Paris où M. Thorez était vice-président du Conseil. » Ainsi abusait-on de la crédulité de gens qui, fort légitimement, souhaitent que se réalise l'indépendance de leur pays. Cette indépendance que les magistrats internationaux de La Haye ont proclamé. Mais ces gens abusés, étaient les pions, dont on escomptait se jouer dans une certaine capitale presque orientale ; et de la sorte nous a été amenée cette brochette de malheureux qui ont cru au jeu. Me Legrand termine : « Faites une justice d'apaisement. Ce n'est pas quand un peuple a des aspirations légitimes d’indépendance qu'il faut lui répondre en lui lançant des têtes, le pire des désordres c'est l'injustice ! »
Un crime politique ?
Cette journée, certes, après le brillant réquisitoire du matin aura été fertile en plaidoyers de haute tenue. À la thèse de l'agitation et de la responsabilité communiste soutenue par Me J.C. Legrand pendant deux heures et demie, va répliquer maintenant Me Vienney, avocat parisien bien connu et champion des causes communistes. Le défenseur du militant Youssfi, si, comme l'on s'y attendait soutint la thèse opposée à celle de Me Legrand, le fit avec calme et modération, semblant ne pas perdre de vue qu’à l'origine déjà lointaine des débats gisent sept cadavres français. Me Vienney, dans un bref exorde, précise les circonstances qui l'ont emmené à prendre position dans ce procès : une promesse faite au bâtonnier casablancais Henri Bonnet peu avant sa mort. D'emblée, l'avocat fait face à l'aspect politique de l'affaire : « On a dit que ces hommes étaient les jouets, voire les dupes d'un parti extrémiste, on a prétendu qu'une tête dirigeait leurs bras, mais sur cette tête les opinions diffèrent. Un témoin l’a placée sur les épaules de Smiha, Me Legrand la voit sous les cieux d’Égypte ou de l'Union Soviétique. Cette thèse politique si elle est possible à la défense est impossible à l'accusation. Pour expliquer ces crimes on a invoqué tour à tour : la démence, la jalousie (c'était l'assassinat du moghazni), la vengeance et l'intérêt, cela ne donnait pas satisfaction ; il ne restait que la passion politique, on s'y est précipité. M. le Commissaire du Gouvernement, vous aviez le devoir de faire la preuve du crime politique et vous ne l'avez pas faite. » L'avocat présente son client : « Youssfi, c'est un pauvre épicier, marié, père de six enfants dont trois sont morts de misère tandis qu'il était en prison. Le dernier était une fillette, il ne l’a pas connue. Maati Youssfi est communiste et en est fier. On demandait un jour à Rabelais jusqu'à quel point il soutiendrait ses opinions, et Rabelais répondit : « Mais jusqu’au feu ... exclusivement ! » ; Youssfi lui, est allé plus loin. Mais Maati, du fait qu'il est communiste se voyait étroitement surveillé depuis que l'interdit a été au Maroc jeté sur ce parti. Dès que les crimes ont été commis, on l'a arrêté, et cela parce qu'il est communiste. Quelle activité pouvait-il avoir dans ces conditions, quelles réunions pouvait-il tenir, quelles manifestations pouvait-il organiser ? » Me Vienney est donc convaincu que l'affaire a été démesurément grossie : « La montagne du Tadla avait accouché d'une souris. » Parlant encore des réunions : « Et même si ces gens se sont réunis pour dénigrer leur gouvernement, voudriez-vous que les Français soient les seuls à pouvoir librement échanger leurs opinions ? Ne peut-on discuter devant un verre de thé comme devant un Vermouth-cassis ? » Il écarte ensuite la responsabilité collective : « Vous ne pouvez pas, vous n'avez pas le droit de les condamner au titre de la responsabilité collective, cela n'existe pas dans notre code pénal ; un tout récent jugement nous l'a confirmé. » Me Vienney donne lecture d'un article de M. Peyrouton sur les événements du Tadla et demande au tribunal d'écarter la thèse politique : « Lorsque la politique pénètre dans un prétoire, la justice n’est pas loin d'en sortir ». Et il poursuit : « M. le Commissaire du Gouvernement a terminé ce matin en rappelant les événements de Casablanca et en agitant le spectre de la « valise et du cercueil », je ne redoute pas cette hypothèque que l'on a tenté de faire peser sur votre décision parce que je sais que vous êtes des juges. ... Nous sommes dans un pays aux populations primitives et hypersensibles où tout excès de répression serait dangereux, Montesquieu n'a-t-il pas écrit : « Le sentiment que le peuple se fait de la justice est la justice elle-même. » Vous rendrez donc une décision de sagesse. »
L'avant-dernière audience s'est achevée sur ces paroles. Le président ordonne le renvoi des débats à lundi matin, le verdict sera vraisemblablement prononcé dans la journée.
GABRIEL CARRE
VERDICT du procès du Tadla - LA MORT POUR DEUX TUEURS : AHANSALI et SMIHA - PEINES DE PRISON allant de 9 à 10 ans - DEUX ACQUITTEMENTS
C'était hier la dernière scène du dernier acte de la tragédie du Tadla, c'était le jour du jugement. Les magistrats se sont prononcés, ils ont estimé que les deux hommes qui avaient assassiné six Français et un Marocain méritaient la mort à leur tour, et ils ont pour l'un et l'autre prononcé la peine capitale. Plus nombreuse qu'au cours des précédentes journées, la foule se pressait au fond de la salle du tribunal militaire. Mais c’est dans un calme parfait que se sont déroulés ces ultimes débats.
Sauver la tête de Smiha est pour Me Benjelloun, une tâche extrêmement lourde, écrasante même. Il s'y attaque dès le début de cette dernière journée d'audience, et, plaidant toute la matinée, il essayera de faire, passer dans l'esprit des juges sa propre conviction de l'innocence de son client. Comme la plupart de ses prédécesseurs au banc de la défense, Me Benjelloun rend aux victimes des folies criminelles du Tadla un hommage ému : « Mon âme est imprégnée d’une immense tristesse parce que des Français, passant quelques heures de détente dans ce site du pays berbère, y trouvèrent la mort. Je m'incline devant ces malheureuses victimes ... Je suis triste aussi, ajoute-t-il, parce que l'on a voulu donner à cette affaire une couleur politique, je veux parler de l'atteinte à la sûreté de l’État. » Après avoir déploré que ces crimes, commis en 1951, ne soient jugés qu'en 1953, l'avocat poursuit : « Peut-on raisonnablement penser qu'un gardien de cimetière, un marchand de hardes et un ancien cheikh ont pu porter atteinte à l'autorité française de contrôle et au Maghzen ? ... »
Un excellent alibi
Le défenseur de Smiha s'efforce longuement de démontrer que son client n'a pas pu commettre les crimes qu'on lui impute, car Smiha possède un alibi excellent : au moment de ces crimes il se serait trouvé à Tagzirt [Taghzirt dans le texte ; note de Q.T.] . « J'ai la conviction de son innocence parce que j'ai apporté le Coran dans sa prison, et après trois heures d'explications je lui ai fait jurer sur le livre sacré qu'il n'avait pas tué. Il a juré. Ce serment, pour nous, est un argument. » L'avocat établit que lui-même - sur qui l'accusation a un moment jeté la suspicion - n'a rien fait pour emmener Smiha a rétracter certains aveux : « Smiha avait nié devant le khalifa, devant le capitaine Duverger, devant le juge Simonin et je n'étais pas encore constitué. » Pour Me Benjelloun, il n'est point douteux que Smiha ait subi de la part de la police de graves sévices. Il s'étonne également que sur les verres et la théière - pièces à conviction - on n'ait pas relevé les empreintes digitales de son client. En ce qui concerne l'atteinte à la sûreté de l’État, elle ne saurait exister. « Certes, reconnaît-il, des propos ont été tenus autour du tajine, du couscous, ou d'un plat de thé, et l'on y a parlé des Chioukh, des Caïds et des autorités ... »
Pas de verdict de vengeance
Me Benjelloun : « Nous avons nous, un sentiment très vif de la justice ... Je vous en supplie, Messieurs, ne commettez pas une erreur judiciaire, elle resterait dans le cœur des Marocains ... Vous êtes des juges français, des juges irréprochables, aimés et vénérés, dans ce pays pour votre droiture et votre conscience ... Vous saurez apaiser les esprits en ne rendant pas un verdict de vengeance ... » Me Benjelloun, sa plaidoirie achevée, dépose des conclusions tendant à demander un supplément d'information sur la présence de Smiha à Tagzirt [Taghzirt dans le texte ; note de Q.T.] à l'époque des crimes. Le tribunal ayant délibéré sur ces conclusions, les rejettent ; les débats se poursuivront dans l'après-midi.
Le « brêle »
L'audience reprend plus tôt que de coutume. Le dernier avocat de la défense prend la parole. Me de Grave, en un plaidoyer de haute tenue, très humain, parfois émouvant, défend l'indéfendable Ahansali et tentera à son tour, dans un effort ultime, de sauver la tête de ce « brêle » chargé de tout le poids de l'affaire : « Je mesure l'impossibilité de ma tâche car le fatalisme et le fanatisme d'Ahansali, sa passivité, ont tout accumulé contre lui : les familles endeuillées, ses coaccusés, mes confrères qui l'ont présenté comme un bandit de grand chemin qui tue pour voler, et aussi les événements de Casablanca encore tout récents … Mais, Messieurs, ce n'est pas à un peloton d'exécution que s'adressent mes paroles, mais à des juges. Si celui-ci a tué, recherchons dans quelles conditions ces crimes ont été perpétrés. » Me de Grave lance alors un poignant anathème contre ceux qui ont « chauffé à blanc » l'esprit faible du berger assassin, sur ceux qui ne craignaient pas d'affirmer que l’on pouvait sans crainte attaquer les Français désormais impuissants. C'est en fin de compte la guerre sainte que l'on avait prêchée ; et Ahansali le simple a cru ces excitations mensongères. L'avocat tente de démasquer les vrais responsables : les partis politiques qui ont semé parmi les rochers du Tadla l'ivraie malfaisante : « Il y a aussi, dit-il, notre responsabilité, à nous Français, celle de notre faiblesse, celle aussi - disons-le - de n'avoir pas apporté aux Marocains davantage de bien-être ... » Et revenant à Ahansali : « Il n'est pas un bandit, il n'est pas un voleur, il est un pauvre « meskine » qui livré à lui-même ne serait jamais devenu assassin. Il aurait voulu restituer le mousqueton après le meurtre de moghazni, on l'a envoyé prendre l'embuscade au bord des routes. Il n'avait jamais nié, mais à l'audience continuant son rôle de « brêle » il a chargé une fois encore sur ses épaules le fardeau des crimes. Songez, Messieurs, que traduit devant ses juges naturels il eut été puni de détention perpétuelle, car la France, dans sa générosité, n'a pas laissé la peine de mort à la justice du maghzen. Vous êtes pour lui des juges d'exception. N'allez pas au-delà d'une sentence de réclusion à vie, peut-être dans son âme fruste comprendra-t-il un jour le geste de la France à son égard. »
116 questions
Il est environ 16 heures, le tribunal se retire pour délibérer. Cent seize questions seront posées aux jurés et aux juges ; il faudra attendre près de quatre heures avant que le verdict ne soit prononcé. Quand apparaît, pour la dernière fois, la robe rouge du président Gayral, un silence soudain se fait dans la salle. Selon l'usage des tribunaux militaires, les accusés ont été conduits dans une geôle voisine et c'est en dehors de leur présence que seront énoncées les sentences. Le président lit une à une les cent seize questions et les réponses faites, il en arrive aux condamnations : Pour Sidi Ahmed ou Moha dit « Ahansali » et Sidi Moha dit « Sidi Ould Smiha », c'est la peine de mort ; pour El Maati ben Hadj Salah dit « Youssfi » : huit ans de prison et quinze ans d'interdiction de séjour ; pour Mohamed Ou Moha, dit « Moha Ou Hassaïne », cinq ans de prison, dix ans d'interdiction de séjour ; pour Abdelaziz ben M'Hamed, cinq ans de prison, dix ans d'interdiction de séjour ; pour Moha ou Salah, dit « El Bakkali » [Bekkali dans le texte ; note de Q.T.] : trois ans de prison, cinq ans d'interdiction de séjour ; pour Houssa ou Moha ou Benaceur (en fuite), dix ans de prison par défaut, 240 000 francs d’amende, vingt ans d'interdiction de séjour ; enfin, Brahim ben Saïd dit « Brahim Zenouki » et Bouazza Ou Saïd dit « Bouazza N'Aït Mimoun » sont acquittés.
La salle d'audience est alors évacuée par le public qui ne s'est livré à aucune manifestation. Les condamnés sont ramenés et, à huis clos, entendent la lecture de la sentence par le greffier. Les condamnés demeurent sans réaction, sauf Smiha qui proteste de son innocence. Tous ont fait connaître leur volonté de se pourvoir en cassation. Le greffier, ce matin, ira à la prison pour leur faire signer leur demande.
Le procès du Tadla est terminé. Ajoutons un mot pour mentionner le fonctionnement parfait du service d'ordre assuré par la seule gendarmerie de Casablanca et l'organisation rationnelle des locaux (notamment pour la presse) due à l'adjudant faisant fonction d'huissier appariteur.
GABRIEL CARRE
Commentaires : au-delà des variations orthographiques selon les jours (Hansali, Ahansali), on devine l’absence de preuves concernant l’atteinte à la sûreté de l’État et les dissensions entre les avocats des accusés. Le doute n’a pas bénéficié aux accusés, c’était une justice d’exception, la peine de mort était inéluctable pour Hansali et Smiha. « Prendre connaissance des événements d’une époque à travers les documents judiciaires c'est comme étudier les étoiles en regardant leur reflet dans un étang. » Erri De Luca - Impossible (Éditions Gallimard, 2020)
Photographies ici
© Copyleft Q.T. 23 mars 2024
Fouad Laroui – Les noces fabuleuses du Polonais (Éditions Julliard 2015) (photographie du texte puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l’orthographe des noms propres)
Lire Fouad Laroui ne demande aucun effort. Je le lis de temps en temps parce qu’il est marocain, sinon je l’éviterais soigneusement. Ce livre contient l’occurrence « Tueur du Tadla », il fallait donc s’y plonger. Cette occurrence apparaît dans la deuxième des cinq insipides nouvelles qui composent ce petit livre ; « Tueur du Tadla » est alors le nom de scène d’un catcheur ; en mai 1951 c’est le surnom donné par la presse locale française à un berbère assassin de sept personnes (un marocain et six français.es – 3 femmes, 3 hommes) condamné à mort en février 1953 et fusillé avec son complice le 26 novembre 1953 à Casablanca. Fouad Laroui n’évoque pas, même par une note en bas de page cette histoire, l’occurrence « Tueur du Tadla » étant là quasi par hasard.
Pages 71/72 (extrait)
- Comment pourrais-je gagner plus d’argent ? Se demandait parfois Tawa en étranglant le Géant des Doukkala ou en émasculant d’un geste vif, celui qui allait devenir, bien obligé, l’Eunuque de l’Ourika. Ce n’était pas simple. À part son mètre quatre-vingt-dix et ses cent vingt kilos, il avait quoi comme diplôme, Ba Bouchaïb ? Rien, nada, oualou. Il ne savait ni lire ni écrire. La légende dit que c’est au moment où il plaçait une fourche dans les yeux du Tueur du Tadla qu’il eut l’idée géniale qui allait « renverser le cours de l'Histoire », comme on dit dans les livres.
- N'exagérons rien.
- Regardant ses deux doigts, l’index et le majeur, s’enfoncer dans les globes oculaires du Tueur du Tadla, Ba Bouchaïb eut la révélation du chiffre 2. Il se dit : Et si, moi aussi, je devenais deux (comme mes doigts fichés dans la trogne repoussante de Bouchta (c'est ainsi que se prénommait le Tueur)) ? Hein ? Si, moi aussi, je deux ?
- Il voulait devenir Dieu ?
- Non, il voulait devenir deux. Dos, jouj. two.
- Mais Dieu est unique, non ?
- Qui te parle de Dieu, crétin ? Fait dit « Il (Tawa) voulait « devenir deux ». » Frémissement d'intérêt à la surface de l'Univers (comme l’effet d’un caillou jeté une mare paisible, etc., (... par une belle après-midi d’été, etc.)).
Page 92 (extrait)
On ne plaisante pas avec la famille, et surtout avec son élément féminin. L'Eunuque laissa échapper un gémissement rauque, fit un bond et plaça une fourche dans les yeux du Géant, qui se mit à glapir, au moment même où le Tueur du Tadla et la Bête du Gharb débouchaient dans l’allée, recueillis, méditatifs, philosophes. Philosophes, ils ne le restèrent pas longtemps : chacun prenant parti pour son coéquipier habituel (la force de l’habitude, vous dis-je), le Tueur frappa l’Eunuque, la Bête mordit le Géant. Ce fut une bagarre générale, à la grande joie des gamins qui traînaient là, mais à la consternation unanime des adultes : on était quand même dans un cimetière … Et puis, tous des anciens catcheurs …
Un petit paragraphe « Il m'est quand même arrivé des choses inouïes. Cela dit, je vais aussi rapporter des petits riens, des instantanés qui ne signifient pas grand-chose, mais qui restituent l’atmosphère d’une époque. Je vais vous donner un exemple. Vous en aurez la primeur. Il s’agit d’un taxi, une petite saynète un peu futile ... » (page 160) résume le fond des propos de l’auteur : des fragments de petits riens, des restes d’instantanés, de la futilité en pagaille pour vainement tenter de restituer l’atmosphère d’une époque dont il semble nostalgique ; un fond dont l’auteur définit lui-même la forme « Ce fut un festival de phrases toutes faites, prononcées sur des tons affectés ... » (page 160). Fouad Laroui nous livre ici cinq nouvelles qui peinent à être « drôles » (quatrième de couverture), l’humour en littérature ne se décrète pas, il surgit inopportunément de l’association de ce qu’on lit et de notre état mental au moment où on lit et loin d’être « poétiques » (quatrième de couverture), que signifie d’ailleurs ce qualificatif utilisé par les Éditions Julliard ? La poésie surgit peut-être, comme l’humour, d’espaces où à priori elle n’a pas sa place.
Le dernier paragraphe du livre (page 174) qui égratigne sans laisser de trace le règne d’Hassan II ne suffit pas à donner de l’intérêt à ce type de production.
Page 174 (extrait)
Bien sûr, s’ils avaient employé leur génie à résoudre quelques problèmes majeurs de notre pays comme la pénurie chronique d’eau potable, les épidémies de choléra ou la scolarisation des petites filles, au lieu de l’investir dans la police ou l’élucubration, c’eût été encore mieux. Mais on ne peut pas demander la lune. Avoir eu autrefois l’immense Basri, avoir aujourd’hui de minuscules Torrès (car il y en a dans tous les recoins), voilà qui suffit à nous rendre heureux.
4° de couverture
Un mariage « forcé » a-t-il la moindre chance de devenir un mariage heureux ? Les catcheurs doivent-ils « tuer le père » ? Peut-on réduire l'amour à une formule mathématique ? Les sangliers sont-ils moins superstitieux que les hommes ? Avec sa verve inimitable, son imagination foisonnante et son humour décapant, qui lui valent un public toujours plus fervent, Fouad Laroui nous livre ici un recueil de cinq nouvelles drôles et poétiques autour des thèmes du mensonge et de l'absurde.
Professeur de littérature à l'université d'Amsterdam, romancier de langue française, poète de langue néerlandaise, essayiste et critique littéraire, Fouad Laroui a déjà publié, entre autres, Une année chez les Français (2010), L'Étrange Affaire du pantalon de Dassoukine, prix Goncourt de la nouvelle (2012) et Les Tribulations du dernier Sijilmassi, prix Jean-Giono (2014), tous parus chez Julliard. Il est aussi l'auteur, chez Robert Laffont, d'un essai intitulé De l'islamisme : une réfutation personnelle du totalitarisme religieux (2006).
© Copyleft Q.T. 06 mars 2024
… un maillon d’une chaîne d’échos qui enjambaient l’obscurité. Julie Ruocco – Furies (Actes Sud, 2021)
Emmanuel Carrère, l’Adversaire (Éditions P.O.L., 2000), Javier Cercas, l’Imposteur (Actes Sud, 2015) content des impostures pas des complots.
Imposture (dictionnaire Larousse) : 1) Action de tromper par de fausses apparences ou des allégations mensongères, de se faire passer pour ce qu'on n'est pas ; 2) Caractère de tromperie, de supercherie que revêt quelque chose.
Il me semble que l’affaire du tueur du Tadla telle qu’elle est racontée aujourd’hui, véhiculée par Internet relève bien du terme imposture. Une construction chaotique non préméditée qui s’impose doucement comme une vérité historique dans la tête de beaucoup ; une longue suite d’omissions, de rajouts, de gaucheries, volontaires ou non, souvent le résultat (le signe ?) d’une immense imprudence, de biais cognitifs, de sources aléatoires voire délirantes ; ainsi d’assassin on glisse doucement au statut de résistant, de héros de la nation, de martyr.
Beaucoup de gens énoncent aisément le nom des tueurs d’une partie de la rédaction de Charlie Hebdo en janvier 2015, mais ont plus de difficultés pour lister les onze morts. Je le nommerai pour montrer qu’il se niche partout, rues, boulevards, établissements scolaires, associations et même barrage ; après avoir dans un premier temps décidé de ne pas montrer sa photographie, son visage, je change d'avis, tellement son visage pullule sur Internet, peut-être également par provocation pour montrer l'extraordinaire banalité de ce mec.
Selon les termes tapés dans un moteur de recherches Internet, les résultats fluctuent, allant de l’existence certaine du document (articles de presse, livres), à la bouffée passionnée extravagante. Je plains les futurs archéologues d’Internet pour décrypter le présent.
Cette tentative, partielle et partiale, de montrer l’imposture doit beaucoup au livre de Javier Cercas, Le point aveugle (Actes Sud, 2016), « Écrire un roman consiste à plonger dans une énigme pour la rendre insoluble, non pour la déchiffrer (…). Cette énigme, c’est le point aveugle, et le meilleur que ces romans ont à dire, ils le disent à travers elle : à travers ce silence pléthorique de sens, cette cécité visionnaire, cette obscurité radiante, cette ambiguïté sans solution. Ce point aveugle, c’est ce que nous sommes. »
© Copyleft Q.T. 19 octobre 2021 modifié le 29 juillet 2023
QUI ! DÉTECTIVE – L’HEBDOMADAIRE DES SECRETS DU MONDE, N° 257 4 juin 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR, corrections manuelles, respect de l’orthographe des noms propres)
MARRAKECH (de nos correspondants particuliers au Maroc)
La sauvagerie du cadre, l’âpreté du décor ajoutent encore à l’horreur de ce drame en plusieurs épisodes.
Dans sa route sinueuse le long des derniers promontoires du Moyen-Atlas, l'oued Oum-er-Rbia reçoit sur sa gauche un affluent, l’oued El Abid, qui coule dans une coupure de montagnes. Qu'on se figure un site évoquant notre Jura, mais sans arbres, dénudé par un soleil implacable, sans autre végétation que de maigres touffes de doum (1). Dans ce territoire du Sud-Marocain, dont le chef-lieu, Beni-Mellal, est à deux cent cinquante kilomètres de Casablanca et à cent vingt kilomètres environ de Marrakech, à l'est du Djebel-Beni-Mellal se trouve Bou-Noual. C’est près de là, après quinze ans de service dans les goums, que le Berbère Ahmed Tademalit, âgé de 45 ans, a obtenu une place de cantonnier au douar Ahansal, On l'appelle le Ahansali. Il est de taille moyenne ; la tête est ovale ; les cheveux ras, presque laineux ; et le menton orné de deux noires petites touffes laineuses. Ses oreilles sont décollées et ses yeux profondément enfoncés dans les orbites.
Dans ce village de Bou-Noual, il a un ennemi : un caporal de moghaznis qui fait figure de caïd du village, et la femme est des plus appétissantes. Le Ahansali lui a fait la cour et, disent certains, a triomphé sans effort.
Le mercredi 9 mai, le moghazni rentre à son douar (2). Non loin de sa mechta (3), il voit le cantonnier. Le caporal ôte son mousqueton et le donne à porter à Tademalit. Par ce geste, il fait acte de maître, de seigneur, dont un serviteur porte les armes. Mais l'autre n'a pas oublié une altercation survenue entre eux quelques jours plus tôt. Comme le caporal de moghaznis marche fièrement devant lui, il l'abat d’une balle dans le dos, lui prend sa cartouchière et s'enfuit. Il a maintenant de quoi tirer vingt-cinq coups de feu.
PENTECÔTE SANGLANTE
Ahmed a été longtemps soldat ; il sait que la justice française ne badine pas avec le sang versé. S’estimant perdu, il décide de faire sa guerre sainte, à lui tout seul, et de tuer le plus possible de Français. En suivant la cime qui domine l'oued, l’énergumène prend le large. Quatre jours plus tard, le dimanche de Pentecôte, l'homme arrive sur la magnifique route de montagne que les Français ont construite pour relier les deux importants chantiers que l’Énergie électrique du Maroc a installés, sur de cours de l’oued El Abid à Bir El Ouidane et à Afourer.
Ahmed ramasse de grosses pierres et les entasse sur la route ; les autos devront s’arrêter.
Bientôt, un ronflement de moteur se fait entendre. Une 4 CV arrive. Laissons la parole à deux des occupants de cette voiture, M. et Mme Gouet, blessés par Ahmed et qui sont encore en traitement à l'hôpital Colombani, de Casablanca : « Nous étions, dit M. Gouet, partis dans ma voiture, M André Souvignon, sa mère, ma femme, mes deux enfants, âgés 6 et 3 ans, et moi. Nous voulions visiter les travaux du barrage de Bir-El Ouidane. En voyant les pierres qui barraient la route, Souvignon et moi nous crûmes à une mauvaise plaisanterie. Nous descendîmes de voiture et déblayâmes le chemin. Comme nous finissions, arrivèrent le car de Beni-Mellal, puis une jeep, qui purent passer sans encombre. Derrière eux, nous voulûmes continuer notre route. Je m’apprêtais à démarrer, lorsqu'un coup de feu claqua derrière nous. « Baisser-vous ! » criai-je. Mais aussitôt, un second coup de feu retentit. Souvignon tomba en avant, tué net d’une balle à la nuque. Un troisième coup de feu blessa ma femme à l'épaule. Prise de panique, Mme Souvignon mère ouvrit la portière et sortit de la voiture. Elle s'écroula aussitôt, fusillée à bout portant. Le bandit m'aperçut alors que j'essayais de lui cacher ma femme et mes enfants. Il tira encore par deux fois, et je fus atteint à la main et à l'épaule. Ma femme eut l'inspiration de lui offrir de l'argent pour nous laisser la vie sauve. Elle jeta à ses pieds mon portefeuille qui contenait environ quatre mille francs. Sans un mot, et sans cesser de nous tenir en joue, il se baissa et le ramassa. Puis, avec une surprenante impassibilité, il manœuvra la culasse de son arme, ôta la cartouche engagée dans la chambre, mit son mousqueton à la bretelle, et disparut derrière un talus. »
Outre ses blessures au bras droit, M. Gouet a eu le fémur déchiqueté et risque de rester infirme toute sa vie. Mme Gouet a tout le côté droit dans le plâtre. Seuls, les deux enfants sont miraculeusement indemnes.
Une demi-heure plus tard, à cinq kilomètres du premier attentat, on découvrit deux autres cadavres. Ce second drame n'ayant pas eu de survivant, fut malaisé à reconstituer.
Un agent commercial de la S.P.O.E.C.O., de Fédala, M. Hervé du Bourg, 22 ans, et une employée de cette firme, Mme Hélène Meunier, 26 ans, étaient partis à motocyclette, pour un déjeuner sur l’herbe. Dans un tournant, ils étendent une nappe et sortent les provisions. Ils ne font pas attention à un indigène qui, à une centaine de mètres, les observe. Soudain, le jeune homme voit sa compagne s’écrouler, dans un flot de sang, parmi les accessoires de camping. La malheureuse, atteinte d'une balle à la nuque, vient d’être tuée net. Son compagnon est blessé à la main par un second coup de feu ; d’une autre balle en pleine poitrine, le tueur l’achève. Et, comme si le sang versé l'emplissait d'une ivresse sadique, l’homme au mousqueton s’acharne sauvagement sur le cadavre de l'infortunée Mme Meunier, qu'il transperce de six coups de baïonnette.
Trois heures plus tard, la rage du forcené n'était point tombée, puisque le hasard, seul, l’empêcha de commettre un nouveau crime. Deux jeunes gens, employés au barrage Bir El Ouidane, MM. Grimon et Dordoni, roulaient à moto sur la route fatale lorsqu'ils virent sur le bas-côté un indigène occupé à tailler une branche d’arbuste avec un couteau. M. Dordoni, que nous avons vu à Bir-El Ouidane, nous a fait un saisissant récit de cette rencontre qui eût pu lui être fatale : « Nous avions entendu parler des deux attentats, mais cet homme qui taillait du bois avait l'air si inoffensif que nous n'y prêtâmes pas attention. Son couteau était d'une longueur inusitée ; j'ai su depuis que c'était la baïonnette du mousqueton. Nous l'avions dépassé depuis une cinquantaine de mètres lorsque deux coups de feu claquèrent coup sur coup à nos oreilles. Mon camarade, qui conduisait la moto, accéléra, prit à la corde un virage en épingle à cheveux, et nous nous retrouvâmes par terre. Heureusement, la moto et nous étions indemnes. Déjà, le tueur accourait. Le temps de redresser la moto et de sauter dessus en voltige, et nous disparaissions, à pleins gaz ... »
TRAQUÉ PAR DIX MILLE HOMMES
Le soir même, le Maroc tout entier alerter de ces cinq morts et de ces deux blessés graves, dans un pays où les crimes sont exceptionnels. Exceptionnels aussi furent les moyens mis en œuvre pour dépister le forcené : goumiers, moghaznis et volontaires armés secondent la gendarmerie et la police. Tout le lundi de la Pentecôte s'écoule en vaines battues. Dix mille hommes en armes tendaient un gigantesque filet dans lequel on espérait prendre le tueur. Les véhicules ne circulaient que sous la protection d'hommes armés. Le criminel ne pouvait avoir quitté la région, la crue de l’oued El Abid, dont tous les ponts étaient gardés, lui interdisant de chercher un refuge vers les montagnes désertiques du Grand-Atlas.
Toutes les précautions ayant été prises, on ne peut reprocher à personne les deux nouvelles victimes, tuées le mardi.
À Azilal, petit village situé en pleine montagne, dans une vallée haute, à cinquante kilomètres à vol d'oiseau d’Afourer, M Georges Chantot, ingénieur des travaux publics à Casablanca, était venu passer quelques jours chez ses beaux-parents. Il était accompagné de sa femme Simone, de leur petite fille, et d'une amie, Mlle Marie-Rose Creugnet. Celle-ci, institutrice à Casablanca et fille de M. Georges Creugnet, chef des services sportifs de notre confrère marocain Le Petit Marocain-Le Progrès, était la marraine de la fillette des Chantot.
Ce matin-là, l'ingénieur décida d'aller à la pêche au bord de l'oued Akalzaouit, petit affluent de l’oued El Abid. Il demanda aux deux jeunes femmes de l'accompagner. Celles-ci, obéissant peut-être à quelque obscure prémonition, refusèrent d’abord ; puis, sur ses instances, cédèrent.
Tous trois partirent, dans une Ford grise qui s'arrêta bientôt près d'un petit pont enjambant le cours d'eau. Les jeunes femmes descendent de voiture. Un Arabe est là, sur le bord de la route. Simone Chantot dit à son amie Marie-Rose : « Il ne me dit rien de bon, celui-là : regarde-moi cette figure ! »
Le pêcheur a sorti son attirail et presse ses compagnes de descendre vers la berge. Tous trois voient un second Marocain se joindre au premier et puiser de l'eau à l'oued pour préparer le classique thé à la menthe. Tout en remontant le cours d'eau, les Français regardent de loin les deux indigènes boire et fumer.
Le temps passe. Il est à présent midi trente : il faut regagner la voiture. Le second Marocain a disparu, Il ne reste que l'homme suspect à Simone Chantot. Soudain, l'ingénieur voit que celui-ci le vise avec un mousqueton ! Le coup part. Georges Chantot n’est pas atteint. Il a la même réaction que Mme Gouet : il montre la voiture et crie à l'assassin : « Prends tout ce que tu veux et va-t-en ».
Mais c’est du sang, seulement, qu’il veut ! Il recharge son arme ; il tire encore. Chantot tombe, blessé, et comprenant trop tard qu'il est en présence du tueur de la Pentecôte, il crie : « Sauvez-vous ! Cachez-vous ! » aux deux femmes qui essaient de se dissimuler derrière les arbustes. Mme Chantot parvient à gravir la berge escarpée de l’oued. Mais Marie-Rose, superbe jeune fille dans tout l’éclat de ses vingt-quatre ans, est arrêtée par une balle qui lui traverse la cuisse droite et le mollet gauche. Elle essaye de se dissimuler à la vue du tireur derrière un arganier.
C’est alors que la bête – car c’en est une ! –, rechargeant son arme pour la troisième fois, se dirige vers Georges Chantot et l’achève d’une balle dans le dos. Le corps roule jusqu’à l’oued et s’immobilise, le visage dans l’eau. A pas comptés, le monstre s’avance vers l’arganier ; il en écarte les branches du bout de son arme, et, quand il a trouvé la bonne place, il appuie sur la gâchette ...
« Je n'ai même pas entendu le coup de feu, devait peu après déclarer Mme Chantot, mais seulement le cri désespéré, le hurlement inhumain de ma pauvre Marie-Rose qui ne cessera jamais de retentir à mon oreille ... »
Comment elle-même eut-elle la vie sauve ? Par miracle : l’arrivée d’un camion providentiel mettait le tueur en fuite et amenait, un quart d'heure plus tard, Mme Suzanne Chantot à Azilal.
Ce quart d'heure avait été mis à profit par le Ahansali. Les goumiers et les volontaires des tribus étaient arrivés trop tard. Il fallait reprendre la chasse et organiser de gigantesques battues.
L'émotion causée par les derniers meurtres, qui portent à sept le nombre des victimes, est intense. Six goums arrivent en renfort dans la région de Beni-Mellal, déclarée zone d’insécurité. Le général Juin, Résident général au Maroc, vient en personne à Afourer où se tient un véritable conseil de guerre. Y assistent : le général Boyer de la Tour, MM. Leussier, directeur de la Sécurité au Maroc ; Boniface, chef de Région ; Tallec, contrôleur civil du cercle de Beni-Mellal ; le commandant Comaret, chef du cercle d'Ouaouizart, et Rousseau, chef du cercle d'El Ksiba. On décide de développer les recherches qui vont prendre une ampleur impressionnante : des centaines de goumiers, de moghaznis, de gendarmes, de gardes mobiles, de légionnaires, encadrant dix mille volontaires indigènes fournis par les tribus voisines, vont fouiller les djebels, crête après crête, ravin par ravin. Des avions, longuement, tournoieront au-dessus des cimes. Pendant toute une semaine, les chiens policiers vont enfoncer en vain des épines de chardons sauvages dans leur chair, et les radiesthésistes feront en vain osciller leurs pendules.
LIVRÉ PAR LES SIENS
Le Ahansali avait encore six cartouches à tirer. Trois routes s’offraient à lui, d’après les autorités dirigeant les recherches.
Il pouvait revenir vers le lieu de ses premiers crimes et continuer à satisfaire sa fureur de meurtre. Il pouvait chercher refuge au pays natal, à la Zaouïa Ahansal, douar perdu au fond d’un véritable trou percé dans l'Atlas, entre des pitons rocheux de quatre mille mètres. Enfin, il pouvait revenir vers son point de départ, la région de Bou-Noual, là où il avait tué le caporal de moghazni et où il pouvait, y ayant vécu douze ans, trouver des complicités.
Des complicités ! Espoir insensé, car sa lâche cruauté avait soulevé parmi les Marocains, si chevaleresques, un véritable dégoût. En fait, ce sont les siens qui ont livré leur compatriote indigne à la Justice.
Le tueur avait pris la direction générale d'El Ksiba, charmante station du Moyen-Atlas, dont les 800 mètres d'altitude et les sources vives font une véritable oasis de fleurs, de verdure et de fraîcheur. S’arrêtant, un soir, dans le petit village de Taghsirt, le fugitif frappa à la porte d’une maison isolée, réclamant gîte et nourriture suivant la tradition de l’hospitalité musulmane.
Deux femmes étaient là, qui lui offrirent le rituel thé à la menthe et une natte. Le Ahansali s’endormit. Pendant la nuit, une des femmes intriguée, voulut savoir ce qu’il pouvait bien cacher sous sa djellaba … Ayant soulevé l’étoffe, elle vit luire la plaque de couche d’une crosse de mousqueton ... Elle prévint aussitôt son mari, Zaït ben Reho qui, ne voulant point quitter le tueur de vue, délégua deux autres Berbères, Salah et Saïd, pour se mettre en route vers El Ksiba et prévenir le commandant Rousseau, chef du cercle. A midi, le cauchemar était fini : dans une nouella (4) abandonnée, celui qui venait de terroriser pendant quinze jours le Tadla se laissa arrêter sans résistance.
Le lendemain, dans les bois de Taghzirt, c'était le tour de son compagnon, un nommé Seneh, dont le rôle semble avoir été celui d’un simple ravitailleur. (On avait d’abord arrêté un suspect, Mohamed Lahoucine, mais il devint vite évident qu’il n’accompagnait pas le tueur dans ses raids fulgurants et meurtriers.)
L'enquête a commencé par El Ksiba, dont la région fut le théâtre du premier crime, C’est là, dans le bureau du cercle, que le tueur fut montré à la presse, le soir de son arrestation, La lampe à pétrole projetait sur le mur blanchi à la chaux nos ombres fantastiques. Un pas glissa. La porte s’ouvrit. Un, sous-officier, falot à la main, éclaira le Ahansali, qui, menotté sévèrement, sortit de l’ombre, comme projeté par le coup de crosse d’un goumier. C'était un sale petit bonhomme maigre en djellaba tachée ; un œil de chouette éblouie par la lumière ; rien du bagarreur, du costaud que l’on eût pu attendre ; seulement la maigre pouillerie du nomade primitif ...
Quelques jours après l'arrestation – le 26 mai exactement – le commandant Rousseau, chef du cercle d’El Ksiba, et M. Tallec, chef du territoire de Tadla, remettaient la prime d’un million aux trois Berbères qu avaient permis la capture du tueur. Ils n’abandonneront pas, pour autant, leur nouella. où ils continueront de vivre leur humble vie pastorale, mais ils pourront acheter quelques bêtes à cornes, manger un peu de pain de sucre, boire, de temps en temps, un peu de thé à la menthe ; leurs femmes pourront garnir de linge leurs lourds coffres de chêne aux massives serrures d’acier.
Il faut attendre la conclusion de l'enquête judiciaire pour ne pas risquer de se tromper sur les mobiles qui ont fait agir cet être dangereux. Et aussi pour ne pas ajouter au nombre de sottises déjà écrites à ce sujet.
Voici a version donnée par Ahmed Tademalit le tueur : « J'ai abattu le caporal moghazni, parce que, employé comme berger chez un Marocain qui avait refusé de me donner une vache qu'il m’avait promise, le caporal refusa de me faire obtenir mon dû. Après, je ne sais plus ce qui s’est passé dans ma tête. Seul, Allah le sait ... »
Cache-t-il que certains agents nationalistes armèrent son bras pour, à la faveur de ces exterminations, démontrer l'impuissance des Français à maintenir l’ordre et fomenter ainsi des troubles ?
En ce cas, ces hommes funestes ont raté leur coup. Le loyalisme des tribus a mis fin rapidement aux sanglants exploits de leur séide, D'ailleurs, il n’importe ! Ce qui importe n'est pas tant de savoir les mobiles de ces actes sauvages, que d'effacer de la surface du monde un être inadaptable et dangereux. C’est ce que réclament les familles, les amis, des sept malheureuses victimes. C’est ce qu’exige le respect de la France, puissance protectrice, dont l’indulgence, même parée d’un nom savant par des psychiatres ne serait jamais admise par les Marocains loyaux. Ceux-ci, non plus que les Français de la Métropole, ne comprendraient qu’on tentât d’affaiblir par des circonstances atténuantes (folie sanguinaire ou fanatisme politique) l’horreur des sept crimes du tueur marocain.
Marc MARLIÉ-MIREPOIX. (Reportage photo. M. Duvivier, Verdy, DÉTECTIVE.)
1) Doum = plante grasse et basse.
(2) Douar = village.
(3) Mechta = maison.
(4) Nouella = hutte.
Commentaires : Détective est un journal ancien, et il ne manqua pas d’évoquer le tueur du Tadla. De nouveaux détails apparaissent, sur les personnes assassinées et les lieux des exactions ; le lieu des deux derniers meurtres étant situé à proximité d’un pont en pierres à six kilomètres d’Azilal. Les photographies qui accompagnent l’article restent sobres ; aujourd’hui une photographie des blessés aurait probablement été publiée avec en gros plan les bandages aux jambes ou bras. Le journaliste met systématiquement un « h » à la fin de djellaba (j’ai corrigé) et écrit Bir el-Ouidane au lieu de Bin el-Ouidane.
Le village d’origine du tueur demeure un mystère, l’auteur parlant de Zaouïa Ahansal, dans le Haut-Atlas Central ; information reprise des années après sur un site Internet « Nous sommes accueillis par Abdellah et Fadma à Agoudim. Guide au cours de mon premier trek, Abdou est resté un bon ami par la suite. L'accueil est chaleureux, comme à son habitude. La vie est simple, lente et souriante ici. Au cours d'une entrevue, nous en apprenons davantage sur le lieu. Son nom Zaouiat du fait d'être un grand lieu de pèlerinage à l'époque et Ahansal via le nom de son révolutionnaire. » Anne-Constance sur la page descubrimientos.canalblog.com/archives/2017/10/10/35753910.html, consultée le 05 juillet 2021 ; Anne-Constance écrit bizarrement : elle a une « entrevue » avec « un bon ami », elle écrit « à l’époque » - laquelle ? - et « Ahansal » au lieu d’Ahmed El Hansali (il n’y a pas d’erreur car une photographie du tueur est placée sous le petit texte recopié ci-dessus), devient révolutionnaire, nouveau qualificatif après ceux de résistant et de martyr ; Anne-Constance reste modeste dans son délire d’ignorance par rapport à d’autres affabulations que l’on trouve sur Internet à propos du tueur.
Ainsi le site Internet d’une agence de voyage casablancaise « El Hansali Tours » affichait il y a quelques mois un texte affolant que je n’avais pas copié, quelle bêtise, mais que j’ai retrouvé sur Facebook (consulté le 22 février 2022) https://www.facebook.com/hansalitours/ :
« L'agence El Hansali Tours a le plaisir de partager avec vous chaque semaine un contenu historique, culturel ou touristique concernant le Maroc. Série 1 : Personnages et lieux du Maroc: EL HANSALI est réputé pour être un résistant marocain qui s’est sacrifié pour l’indépendance du Maroc. Plusieurs artères, grands boulevard à travers tout le royaume du Maroc portent son nom en hommage à cet illustre personnage. Ahmed El Hansali, est originaire de la région d’Azilal et plus précisément de Zaouiat Ahansal. Il travaillait comme aide d’un garde forestier Français dans la région d’El Ksiba à 50 km de Béni-Mellal. Après l’exil par les autorités coloniales du roi Mohamed V en 1953, Ahmed El Hansali a décidé de venger son sultan en menant des actions individuelles contre les militaires français de la région. Une décision personnelle sans influence politique ni syndicale ni autre. Il s’est équipé des armes et munitions de son patron garde forestier et s’est réfugié dans des grottes difficiles d’accès dans les hauteurs de Bin El Ouidane. A partir de ce point stratégique, il ciblait les convois militaires qui traversaient le grand Atlas et causait des dégâts humains à ces derniers. Vu l’ampleur des dégâts causés par ces actions, les autorités françaises ont cru qu’ils avaient affaire à des bandes organisées et bien équipées. Et ont commencé à traquer les investigateurs de ces attaques. Les recherches ont duré plusieurs mois en vain ; tellement Ahmed El Hansali était discret et loin de tout soupçon. Pour se ravitailler en munitions, il descendit de ses refuges en montagne à la petite cité de Taghzirt et s’installa chez sa sœur. Malheureusement, il a été vu par un Cheikh qui a reporté l’information aux autorités françaises qui l’ont capturé. La mise à mort de ce résistant a été elle aussi particulière. Les autorités françaises ont procédé à son exécution dans des délais records ne dépassant pas les vingt-quatre huit heures après son arrestation. La procédure judiciaire a été écourté et même court-circuitée pour à la fois éliminer un danger imminent et ne pas laisser le temps aux populations locales de manifester leur appui au veillant résistant. Cette épopée s’est déroulée en l’espace de quelques mois. Cependant, la renommée d’Ahmed El Hansali a tout de même traversé les lieux et temps pour s’écrire comme acte de résistance gravé dans la mémoire des marocains. » Rédigé par Mohamed et Abdelghani LAHRICHI, 30 octobre 2019.
Merci à Facebook pour sa fabuleuse mémoire.
Sur la carte anglaise de 1966 (voir photographie), Bou Noual est situé (sud de El Ksiba) ainsi que Zaouia Ahansala (Sud-Est de Taghzirt, orthographié Tarhzirt sur la carte). Depuis que je m’intéresse à l’histoire du tueur du Tadla, j’ai le sentiment qu’il y a confusion entre Zaouia Ahansal dans le Haut-Atlas Central et le hameau quasi-homonyme du Moyen-Atlas, dans une vallée où coule un affluent, rive gauche, de l’Oued Derna ; ce hameau porte un nom différent selon les cartes : Hançala (carte 1/50 000°, feuille Tagzirt 1977), Ihançala (carte 1/100 000°, feuille Beni Mellal), Zaouia Hansala (carte 1/200 000°, feuille Kasba Tadla West, carte américaine de 1942, copie d’une carte française de 1932), Zaouia Ahansala (carte 1/250 000°, feuille Oued Zem, carte américaine de 1956).
Photographies, ici
© Copyleft Q.T. 04 mars 2022
Au hasard de recherches sur le tueur du Tadla, je découvre ce portrait de Paul Faure, propriétaire de l’Hôtel Henri IV à Ksiba, jusqu’en 1956. Article paru dans l’hebdomadaire canadien LA PATRIE du DIMANCHE du 31 décembre 1961 et du 07 janvier 1962, source Bibliothèque et Archives nationales du Québec (https://numerique.banq.qc.ca) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles ; orthographe des noms propres respectée).
L'ENNEMI DU « TUEUR » REFAIT SA VIE À MONTRÉAL (LA PATRIE du DIMANCHE du 31 décembre 1961)
par Gisèle GRIGNON
Après avoir combattu pour la France en Tunisie dans la deuxième guerre mondiale, avoir soutenu et défendu les victimes de la guerre d'indépendance au Maroc et avoir été le principal responsable de l'arrêt et de la condamnation du « Tueur du Tadla », Mohammed El Ansali, M. Paul Faure, un Marocain français qui a abandonné un établissement prospère au Maroc, est désappointé par la France, refait sa vie et adopte le Québec comme sa patrie. Il obtiendra bientôt sa citoyenneté canadienne.
Il a dû s'arracher du sol qui l'avait vu naître et quitter un patrimoine qu'il avait fait prospérer et qu'il avait défendu au prix d'un courage indomptable pendant cinq ans. Paul Faure ne se considère pas français, étant né en 1917 à Aujda [Oujda probablement, note de Q.T.], sur la frontière algéro-marocaine, d'un père niçois et d'une mère française née en Algérie. Il est fier de se déclarer Marocain et est encore très attaché au pays natal où sa vie a été si riche d'expériences humaines de toutes sortes, auxquelles il a souvent été mêlé d'une façon très active.
Lorsqu'il avait quatre ans, ses parents quittèrent le village d'Aujda pour s'établir à Taza, petite commune qui commençait à se développer et où ses parents établirent le premier restaurant de ce centre. Tout alla assez bien jusqu'à la guerre de pacification entre les Français et les Berbères qui étaient sous le commandement d'Abdel-Krim. Celui-ci, entre parenthèses, est toujours vivant et demeure au Caire.
A Casablanca
Les bourgs de la région de Taza étaient assaillis les uns après les autres et la famille Faure ne dut sa sécurité, à cette époque, qu'aux membres de la Légion étrangère et aux Bataillonneurs [Bataillons ou Combattants probablement, note de Q.T.] d'Afrique qui protégeaient la petite communauté contre les escarmouches nocturnes des Berbères.
C'est en 1926 que la famille de Paul décida de quitter cet endroit trop dangereux et d'aller vivre à Casablanca.
Malheureusement, cette ville était encore jeune et le logement était si difficile à trouver que la famille Faure, père, mère et trois enfants, dut s'établir dans le Derbdjedia [Derb Jdid – quartier nouveau – probablement, note de Q.T.], le quartier arabe. Cette maison où Paul passa trois ans de son adolescence était construite avec un patio central mais sans fenêtre aucune à l'extérieur, sinon un escalier conduisant au toit où une verrière recouvrait l'ouverture donnant sur le patio central.
Paul se souvient avoir vécu comme les Arabes. Il n'y avait pas d'eau courante dans la maison, bien entendu, et l'on s'approvisionnait quotidiennement grâce à des porteurs d'eau qui apportaient celle-ci dans des peaux de chèvre. Pour Paul, les Arabes étaient ses camarades de jeux, de parties de chasse dans les collines environnantes. Il apprit leur langue et eut vite de nombreux amis parmi eux.
Puis ce fut la vie dans une villa du quartier européen et le lycée jusqu'à 14 ans. Son père étant mort, la mère de Paul ouvrit un estaminet, « Le Café de la Marine », sur le boulevard du Quatrième Zouave, à Casablanca. Ironie du sort, fait presque incroyable, c’est ce boulevard qui a été rebaptisé « Boulevard El Ansali » par les Nationaux, du nom du « Tueur du Tadla », l'homme qui a joué un si grand rôle dans la vie de Paul et dont il vous sera parlé plus loin.
Service militaire
En sortant du Lycée Lyautey, Paul travailla d'abord à une usine de plomberie pendant sept ans, où il fit un apprentissage qui lui servit bien lorsqu'il arriva au Canada il y a quatre ans et dut se trouver du travail. Sa mère lui avait aussi accordé une part d'un quart dans le café dont elle était la propriétaire afin que son grand fils puisse l'aider le soir, car les bagarres n'étaient pas rares entre les clients qui fréquentaient le café et il fallait protéger la tranquillité des plus jeunes enfants. A 20 ans, cependant, Paul est appelé pour son service militaire et en 1939, juste comme il doit retourner dans sa famille, il est retenu dans l'armée pour un an car la guerre vient d'être déclarée en France et l'armée marocaine se prépare à aller en Tunisie, mais il est tout de même démobilisé en 1940 lorsque la France capitule le 18 juin. C'est alors que les commissions d'armistice allemande et italienne s’établissent à Casablanca.
Marié à une jeune fille de Casablanca, Paul travaille pour la Commission du service hydraulique et d'électricité de la ville. Mais à cette époque les Français et les Marocains ne se croisent pas les bras en face des envahisseurs. Une énorme quantité de matériel de guerre a traversé la Manche après la reddition et c'est au risque de sa vie que Paul avec des compagnons transportent en secret dans la banlieue tout ce qu'ils peuvent cacher avec l'espoir de l'utiliser un jour pour la libération de l'Afrique du Nord.
En 1942
Enfin, en 1942, c’est le débarquement des Américains et des Anglais et l'armée des 10 000 Français, Marocains et Algériens combat au côté des alliés contre l'armée allemande, l'Afrikacorps [Afrika Korps, note de Q.T.] sous les ordres du général Rommel, une armée de l'élite allemande en possession d'un équipement ultra-moderne. C'est une guerre héroïque à laquelle participe Paul comme chauffeur de camion dans le corps de défense anti-tank.
La victoire obtenue et la paix rétablie, Paul revend à sa mère sa part dans le café du boulevard du Quatrième Zouave et achète à El Ksiba, à 160 milles de Casablanca, un hôtel dont les constructions sont bien délabrées mais où Paul établira un centre prospère.
La contrée ressemble étrangement à nos Laurentides québecoises. En effet, l'hôtel Henri-IV est entouré de collines boisées à une altitude de 3 300 pieds au-dessus du niveau de la mer. C'est le point de relais naturel sur la route de Kenifra entre Marrakesh et Fez. En peu de temps, mais non sans grandes difficultés pour obtenir l'eau, Paul en fait un hôtel de 16 chambres avec solarium, golf miniature, magnifique roseraie, pergola ou salle d'été où l'on danse les jours de fête et où l'on pratique un sport absolument inusité : le hockey sur patins à roulettes. On trouve à l'hôtel, gîte, repos et d'excellents repas gastronomiques qui deviennent vite renommés dans tout le pays. On a même établi en collaboration avec la compagnie Shell un poste d'essence qui devient vite le point de ravitaillement d'essence sur un territoire de 25 milles à la ronde.
Colonies de vacances
Il y a aussi le centre d'estivage à quelques lieues de l'hôtel. C'est l'endroit rêvé pour les colonies de vacances, et on y trouve souvent de 500 à 600 enfants vivant au grand air et reprenant la santé après l'existence souvent insalubre des villes. Pour les adultes il y a guinguette, piste de danse, restaurant, épicerie-boucherie pour le ravitaillement des campeurs, chalets à louer et piscine.
L'hôtel Henri IV est à proximité du village arabe où il y a la chapelle de Sainte-Geneviève desservie par le R. P. Adrien, franciscain, qui vient chaque dimanche de Casba Tadla pour dire la messe, le bureau français des affaires indigènes, l'internat arabe comprenant 12 classes et où l'on enseigne le français, le service d'élevage où un vétérinaire et son personnel s'occupent du contrôle et de la santé des animaux. On compte de 35 à 40 Français dans la commune et ils sont entourés d'environ 10 000 Arabes de la tribu Aïtouirra. [Aït Ouirrah selon la carte des tribus de 1935, note de Q.T.]
L'établissement de Paul Faure devient vite prospère et la vie, malgré le travail quotidien, est très agréable pour la petite famille qui s'est additionnée de deux jolies petites filles, Renée et Josiane. Mais la période de paix est courte et bientôt, vers 1951, le terrorisme fait son apparition. C'est que plusieurs Arabes ont été endoctrinés par des membres du parti communiste.
On convainc même des Arabes d'aller étudier à Prague où c'est littéralement le lavage de cerveau. Un Arabe qui était un être doux et pacifique et un ami, revient au Maroc absolument non reconnaissable. Il a acquis une haine pour le blanc et un désir de tuer. Tel fut en peu de mots l'histoire de plusieurs arabes comme Mohammed El Ansali, le Tueur du Tadla, comme on l'a surnommé, qui tua des douzaines de blancs, hommes, femmes ou enfants absolument inoffensifs. C'est le 13 mai 1951, jour de la Pentecôte, que des pique-niqueurs qui mangeaient paisiblement sur l'herbe près du centre d'estivage de Paul Faure furent implacablement assassinés par ce tueur effréné.
Ce n'est pas le premier drame dans la région, car depuis des semaines des groupes arabes coupent les routes, tendent des embuscades et tuent des Européens. Mais cette fois, Paul Faure est absolument révolté contre une telle cruauté : l'attaque sur des êtres absolument inoffensifs. Ayant obtenu des renseignements par l'intermédiaire d'un autochtone et se faisant accompagné de cet Arabe il parcourt les montagnes environnantes pendant quatre jours et quatre nuits pour retrouver El Ansali. Finalement, il le repère à environ six milles d'El Ksiba et il réussit à le faire piéger par l'armée française. Mohammed El Ansali fut jugé de ce dernier meurtre par un tribunal militaire français qui siégea deux ans et fut condamné à mort. Il est maintenant devenu, cependant, un héros du Maroc et le gouvernement national a donné son nom à une avenue de Casablanca, celle-là même où la mère de Paul Faure avait un café.
Danger constant
C'en est fait de la paix pour Paul Faure et sa famille. Les attentats se multiplient dans la région et le danger est constant. Mais Paul Faure avait de solides amitiés parmi les Arabes et c'est ainsi qu'il put continuer à vivre à El Ksiba pendant cinq ans. Délégué du Souvenir Français (une association nationale d'utilité publique), Paul avait travaillé intensément à la rénovation de trois cimetières abandonnés où étaient ensevelis, Arabes, Sénégalais et Marocains, tous anciens combattants fidèles à la France.
Il continua ce travail, tout en s'occupant activement de garder son patrimoine en bon état car il était convaincu alors que le Maroc resterait sous l'égide française et qu'il ne quitterait jamais son pays natal. Tous les jours de la Pentecôte, on célébrait à El Ksiba la fête des fleurs afin d'effacer le souvenir du meurtre de Mohammed El Ansali et pour obtenir des fonds pour l'Association du Souvenir Français, organisation qui existe dans le monde entier.
Mais les attentats meurtriers se multipliaient sur la route qui passe devant l'hôtel qu'on avait surnommé la route de la mort. Un jour, il n'y eut plus rien à manger à l'hôtel où se trouvaient encore des clients et Paul prit la décision de se rendre à Casablanca avec deux camarades. Il réussit à y parvenir sans encombre et revint avec trois tonnes de ravitaillement afin de continuer la vie à El Ksiba.
Une autre fois, à cette époque, il participe avec l'armée française et 40 chasseurs alpins à l'évacuation de six familles françaises à Arbhala, à 50 milles dans la montagne, poste entouré de l'armée de la libération marocaine. Le sauvetage se fait à l'aide de neuf camions et toute la petite colonie peut parvenir saine et sauve à Casablanca.
Vie de plus en plus dangereuse
Mais à l'hôtel, la vie devient de plus en plus dangereuse. Des patrouilles de huit à 10 Arabes attaquent la nuit pour voler. Ils ne viennent pas encore à l'hôtel mais attaquent le bureau de poste, le bureau des affaires indigènes, l'église et l'école. Personne ne dort plus. On occupe les étages supérieurs et on s'entoure de munitions, bouteilles d'essence (coquetels [cocktail probablement, note de Q.T.] Molotov), mitraillettes et pistolets. La région se dépeuple. Ce sont des morts chaque jour et la famille Faure vit isolée.
Les deux dernières semaines, 200 soldats de l'armée française sont cantonnés autour de l'hôtel et du village pour la protection du reste de la population. Le 20 août 1955 (jour du Trône du Sultan, grande fête nationale arabe), Paul Faure est témoin du massacre de Ouedzem [Oued Zem probablement, note de Q.T.] (108 morts, femmes et enfants), dont le village à 45 milles de l'Hôtel Henri IV est incendié et sa population disséminée.
Des meurtres et des massacres de cette époque, sa plus jeune fille Josiane ne se remettra jamais et son cœur en restera affecté pour la vie.
« JE SUIS TRÈS HEUREUX AU CANADA » déclare le Marocain français Paul Faure par Gisèle GRIGNON (LA PATRIE du DIMANCHE du 07 janvier 1962)
On a connu la semaine dernière ce que pouvait être la vie d'un Marocain français durant les dernières années du Maroc colonial. Nous retrouvons Paul Faure veillant jour et nuit, avec l'appui de 200 soldats dispersés autour de l'hôtel, pour protéger sa femme, ses deux fillettes et un personnel d’une douzaine d'employés, contre les escarmouches quotidiennes de l'armée révolutionnaire.
Il avait cependant gardé beaucoup d'amis parmi les autochtones car, dit-il, je ne cessai jamais d'aller à la chasse chaque jour, pour suppléer au manque de ravitaillement venant de Casablanca. Un matin, j'entendis deux Arabes chuchoter à quelques pieds de moi : « Voici un Européen » et mettre en joue, mais ils me reconnurent et je pus passer mon chemin sans être molesté.
Mais le parti nationaliste marocain, l'Is’qutiglal [Istiqlal probablement, note de Q.T.], n'avait pas oublié que Paul Faure était responsable de la condamnation du « Tueur du Tadla », Mohammed E] Ansali, et sa vie était en danger à tout moment. « C'est parce que j'avais la considération des membres de l'armée de la libération », dit-il, « que je pus être protégé pendant cinq ans. Je ne désirais pas quitter le Maroc qui était ma patrie et où j'avais établi un commerce prospère. »
Départ pour la France
Laissons-le lui-même parler : « Un beau jour, je suis averti par le Colonel S …, de l’armée française, d'avoir à quitter le Maroc avec ma famille. L'armée française ne peut plus assurer notre sécurité. Je n'ai plus d'argent, car j'ai tout dépensé afin de tenir bon durant les dernières semaines et approvisionner mon entourage de victuailles. Je demandai donc un prêt pour me permettre de quitter le pays car je devais abandonner toute ma propriété, qui valait au moins $ 60 000. On m’accorda $ 2 000 à titre de prêt d'honneur pour me permettre de me rendre en France, de trouver un gagne-pain et d'établir ma famille. Il me fallut employer le quart de cette somme pour régler mes dettes avec la compagnie Shell dont tous les gens avaient été très chics pour moi. Pour liquider d'autres engagements, je vendis tous mes meubles et je quittai le pays avec $ 1 500 en poche et l'avenir incertain devant moi. Mon dernier regard fut pour la roseraie où j'avais réussi cultiver 500 magnifiques rosiers qui continueraient à fleurir mais que je ne verrais plus. »
« Le voyage jusqu'à Paris fut certainement triste mais se fit sans encombre. Parvenu à Paris, je trouvai à me loger à Draveil, dans la banlieue, et j'essayai à diverses reprises et avec acharnement d'obtenir des indemnités du gouvernement français par l'entremise du conseiller financier du ministère des Affaires étrangères, M. Vaez Olivera, qui m'avait laissé entendre que l’État me donnerait une indemnité d'environ $ 25 000 alors que mon hôtel en valait $ 60 000. Il est évident que j'attends encore. »
Prêt de réinstallation
Le gouvernement français offrit finalement à M. Faure un prêt de réinstallation de $ 20 000 avec intérêt à 6%, remboursable en cinq ans. C'était un fort intérêt et un engagement très rigide pour lui. Le remboursement en cinq ans serait sûrement impossible. Et même à Draveil, sa vie était encore en danger à cause des éléments nationalistes marocains fomentant des troubles, même en France. Il songeait déjà à venir au Canada car il avait fait la connaissance de combattants canadiens durant la campagne de Tunisie et la province de Québec surtout lui paraissait hospitalière.
La vie était très dure pour lui à Paris et, dit-il, « j'étais écœuré de voir dans les rues de Draveil, sur les poteaux de téléphone, sur les murs, des affiches de propagande signées du parti communiste français dans le genre de celle-ci : « Mère, n'envoyez pas vos enfants se faire tuer pour les colonialistes, les impérialistes et les gros colons de l'Afrique du Nord ». Je pris la décision de partir pour le Canada. »
Paul Faure savait bien que quelques Français s'étaient enrichis aux dépens des indigènes du Maroc mais ce n'était pas son cas. Il avait travaillé dur toute sa vie pour s'établir dans son pays et il était toujours resté l'ami des indigènes.
1 000 Marocains
D'ailleurs, il a montré une telle volonté, une telle ténacité et a travaillé si ardûment depuis son arrivée à Montréal, il y a quatre ans et demi, qu'il fait l'admiration et l'espoir de tous les autres Marocains qui cherchent à se débrouiller dans la métropole. Saviez-vous qu'on en compte au moins 1 000 ? Ils se sont groupés en un club social sous la présidence de M. Hubert Ducrest et s'entraident les uns les autres.
Mais revenons à l'un des plus déterminés d'entre eux : Paul Faure et sa famille, comme tous les émigrés arrivant ici sans relations, sans amis, logent d'abord dans un classique « tourist room » de la rue de la Montagne. Il obtient vite son permis de travail comme plombier dans la construction, métier qu'il avait appris à Casablanca dans sa jeunesse, et fait pendant quelque temps un salaire assez élevé à la Union Carbide et à la Foundation Company. Il réussit à installer un peu mieux sa famille, mais les déménagements sont fréquents, car le père est souvent relâché, faute de travail.
Pour faire vivre sa famille, rien ne le rebute. Il est même pour quelques jours employé du service sanitaire de la ville comme collecteur des déchets. C'est à ce moment qu'il décide d'obtenir une licence de chauffeur de taxi et de s'acheter une voiture. Pour payer un tel montant, il travaille jusqu'à 18 heures par jour et sa femme, qui est très qualifiée pour le travail de bureau, se met aussi à l’œuvre. Elle est maintenant secrétaire au bureau de direction de l'hôpital Sainte-Justine.
M. Faure vient maintenant d'ouvrir une maison d'importation d'articles de sport et il n'y a qu'à voir son sourire pour constater qu'il a enfin conquis le sort et qu'il considère l'avenir avec optimisme. Après l'avoir entendu raconter son histoire, j'ai l'impression qu'il en a toujours été ainsi, mais il m'avoue qu'à son départ du Maroc il a été bien près de se décourager car il avait le cœur brisé de quitter son entreprise hôtelière qu'il avait rendue prospère à force d'initiative et de travail.
« Très heureux au Canada »
« Je suis très heureux au Canada », dit-il, « et je serai naturalisé Canadien, ainsi que ma famille, dans quelques semaines. » « Je n'ai qu'un regret lorsque je songe aux quatre mois que j'ai perdus en France : c'est de ne pas être venu directement au Canada lorsqu'on m'a forcé de quitter le Maroc. »
Je lui demande : « M. Faure, comme étranger, comment les Canadiens vous ont-ils accueilli à Montréal ? »
« En ce qui regarde les employés civils et les sociétés d'affaires, on m'a beaucoup aidé, mais c'est le soutien moral qui manque au début. On se sent si seul et si désemparé et les gens sont si occupés et si affairés. Malgré tout, une fois qu'on se fait des amis canadiens et qu'on est un peu détendu, on reçoit un accueil chaleureux. Je dois aussi beaucoup à M. Ducrest et à mes compatriotes marocains. »
Commentaires : Refaire sa vie, certes, mais pourquoi inventer des faits à propos du tueur du Tadla ? Invention qui pollue le reste de l’article et discrédite les autres « faits d’armes » de Paul Faure. On commente beaucoup sur Internet à propos des Marocain.es qui réinventent l’Histoire, ici celle du tueur du Tadla, transformant un vulgaire assassin en martyr de la cause indépendantiste, en héros national, en oubliant peut être que certain.es Français.es font de même ; en 1961 Internet ne pouvait pas être accusé de véhiculer de fausses informations ; implicitement le tueur du Tadla serait passé par Prague.
On peut noter la locution « Marocain français » à propos de Paul Faure mais aussi, tacitement des « 1 000 Marocains » coachés par Hubert Ducrest.
La photographie A : « Danger constant », « Vie de plus en plus dangereuse » ; au verso d’une carte postale EL KSIBA, L’Hostellerie Henri IV, postée à El Ksiba le 21 avril 1953, (source capture Internet) on lit : « Les petits parents chéris Le paysage est sensationnel Nous sommes dans une petite auberge dans le Tadla (moyen Atlas) en pleine montagne L’ambiance est épatante la troupe très sympa. Nous faisons du succès, j’ai repris déjà une mine splendide Aujourd’hui Fez. Ville pittoresque, je vais prendre des photos. Je vous embrasse fort Votre fifille en pleine forme », on perçoit bien le danger, les risques, la mort en embuscade derrière les mots de cette jeune femme à ses parents. Même carte postale et verso différent : EL KSIBA – Hostellerie Henri IV (Molina Edmond – 4 Rue Chenier – Casablanca) ; la même carte écrite à El Ksiba le 25 janvier 1953 (source capture Internet) « Chère … Venue retrouver mon Loulou en tournée dans la région, nous vous adressons cette petite vue d’El Ksiba, coin charmant et très pittoresque, au cœur de la montagne et rappelant un peu la Savoie. Dans la plaine très riche, car il y a beaucoup d’eau, les champs de blés, immenses, alternent avec les orangers qui attendent la cueillette. Nous sommes à 30 kms de Kasba-Tadla, à 1100 m d’altitude et à 227 kms de Casa. L’air est ici très pur et nous change du mauvais climat de Casa. Mon Loulou se joint à moi pour vous embrasser tous trois bien affectueusement ».
La photographie C, 1954, couple en voyage de noces dans les « montagnes » relativise le danger évoqué par Paul Faure.
La photographie B : « EL KSIBA et ses environs » semble avoir été prise à l’Aïn Asserdoun à Beni Mellal.
L’article demeure, malgré ces remarques, intéressant.
Les photographies accompagnant l’article ne sont pas créditées sauf celle de Paul Faure au volant de son taxi qui paraît dans l’édition du 31 décembre 1931 et dans celle du 07 janvier 1962 ; ont-elles été transmises à la journaliste par Paul Faure ?
Photographies, ici
© Copyleft Q.T. 31 août 2022 modifié le 23 juillet 2023
Le Petit Marocain, 13 mai 1952 (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect des noms propres)
Un an après la tragédie du Tadla Les DEUX ASSASSINS ne sont pas encore jugés
Voilà déjà un an que s'est déroulée ce que l'on à appelé à juste titre la tragédie du Tadla, et au cours de laquelle six Français ont été lâchement assassinés. À l'occasion de ce douloureux anniversaire, notre collègue et ami Georges Creugnet dont l'une des filles a trouvé la mort en ces tragiques événements, avait convoqué hier matin à son domicile, ses confrères de la presse casablancaise pour attirer leur attention sur le fait que les deux assassins n'avaient pas encore été jugés et que les familles des victimes n'avaient encore reçu aucune des réparations qu'elles sont pourtant en droit d’attendre. Elles ne peuvent pas se porter partie civile devant le Tribunal Militaire (1), et de ce fait se trouvent dans l'impossibilité même de s'adresser au Tribunal civil. Chose plus énorme encore : M. et Mme Couet, seuls survivants du drame du 13 mai n'ont pas encore été interrogés par la justice militaire ! Il en est de même de Mme Chantot, veuve de l’une des victimes de la journée tragique du 15 mai. Au sujet des familles, M. Creugnet a précisé qu'aucune aide ne leur avait été accordée. Le fémur brisé, M. Couet, ingénieur agricole est toujours à l'hôpital Colombani. Son état demeure très grave et il doit subir opération sur opération. Mme Couet, également estropiée puisqu'une balle l'a privée des services d'un bras, se tient au chevet de son mari. Leurs deux jeunes enfants ont dû être confiés à la garde d'un grand-père demeuré en France. En ce qui concerne la famille Sauvignol (2), la mère et le fils aîné ont été tués. Deux orphelins demeurent donc à la charge d'un tuteur qui a adressé une requête à la Résidence, mais en vain. Mme Maréchal, mère de Mme Hélène Meunier, assassinée le 13 mai, a été avisée par la police de la mort de sa fille, Elle n'a reçu ensuite qu’une seule lettre à ce sujet, celle des Pompes Funèbres, lui demandant l'acquittement d'une facture de 60 000 francs. M. du Bourg a appris en France également la mort de son fils. La seule pièce officielle qu'il ait reçue est un simple acte de décès. Mme Suzanne Chantot, épouse de l'ingénieur Chantot, abattu le 15 mai, a été obligée de se mettre au travail. Elle a reçu un jour une lettre du Service des Pensions des Grands Invalides de Guerre, lui réclamant une somme de plusieurs milliers de francs comme trop-perçu par son mari qui était mutilé de guerre et qui, à ce titre, bénéficiait d'une pension. Enfin, M. Creugnet, évoquant son cas personnel, confirma que tous les frais qu’entraîna la tragédie qui coûta la vie à sa fille avaient dû être réglés par lui-même. Il précisa que le Tribunal militaire lui avait confirmé que la constitution de partie civile n'était pas recevable ; il a écrit le 6 mars dernier à M. le secrétaire général du Protectorat qui, le 10 mars, répondait que l'on s'occupait de son cas. Mais aucune décision n'est intervenue depuis. Les familles des victimes, dont M. Georges Creugnet s'est fait le porte-parole, demandent instamment que l'on étudie leur cas avec sollicitude et que l'on accorde enfin la simple justice à ceux qui furent si cruellement frappés dans leurs plus chères affections.
Commentaires :
(1) : début juillet 1951, on apprend que l’affaire du Tadla sera du ressort de la justice militaire (voir article du Populaire de Paris, ci-dessous. [note de Q.T.]
(2) : Sauvignon, Sauvignol, Sauvageon, Souvignon ???, certaines victimes du tueur du Tadla voient systématiquement leur nom écorché, ainsi nous ne savons plus comment réellement ils se nomment. [note de Q.T.]
Combien de fois avons-nous lu, des faits aussi ubuesques dans la presse actuelle ? Les administrations restent dépourvues de sensibilité et d’empathie en appliquant rigoureusement les textes quelque soit la situation.
La Vigie Marocaine, 12 mai 1952 (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect des noms propres)
IL Y A UN AN, CINQ FRANÇAIS tombaient sous les balles des deux tueurs du Tadla
Les familles des victimes n'ont encore pas reçu les réparations qu'elles sont en droit d'attendre et les deux assassins ne sont pas encore jugés
Il y a un an, à quelques heures près, les douloureux événements du Tadla, au cours desquels plusieurs Français trouvaient une mort tragique, jetaient la consternation dans le Maroc tout entier. À l'occasion de ce douloureux anniversaire, notre excellent confrère et ami Georges Creugnet, père de l'une des victimes, avait convoqué les représentants des différents journaux casablancais pour attirer leur attention sur le fait que les deux assassins n'avaient pas encore été jugés et que les familles des victimes n'avaient reçu aucun secours. En outre, l'affaire se trouvant portée devant une juridiction militaire, les parents des victimes n'ont même pas la possibilité de se constituer partie civile. M. Creugnet a pu dire que M. et Mme Couët, seuls survivants du drame du 13 mai, n'avaient pas encore été interrogés par la justice militaire. Il en est de même de Mme Chantot, veuve de l'une des victimes de la tragédie du 15 mai. M. Creugnet a, en outre, précisé qu'aucune aide, si minime fut-elle, n'avait été accordée aux familles des victimes et que tous les frais entraînés par le drame : frais d’obsèques, de transport des corps, d'achat des cercueils, etc., avaient été entièrement à leur charge M. Couët, ingénieur agricole, est toujours soigné à l'hôpital Colombani, où son état demeure très grave ; sa femme, elle-même estropiée, se tient au chevet de son mari. Les deux jeunes enfants du ménage ont été confiés à la garde d'un grand-père demeuré en France. Deux membres de la famille Sauvigron, la mère et le fils aîné, ont été tués. Deux orphelins demeurent à la charge d'un tuteur qui a adressé une requête à la Résidence, requête restée sans réponse. Mme Maréchal, mère de Mme Hélène Meunier, assassinée le 13 mal, a été avisée par la police de la mort de sa fille. Elle n'a reçu ensuite qu'une seule lettre à ce sujet, celle des Pompes Funèbres lui demandant l'acquittement d'une facture de 60 000 francs. M. Du Bourg a appris en France, également, la mort de son fils. La seule pièce officielle qu'il ait reçue est un simple acte de décès. Mme Suzanne Chantot, épouse de l'ingénieur Chantot, abattu le 15 mai, a été obligée de se mettre au travail. Elle à reçu un jour une lettre du Service des Pensions des Grands Invalides de Guerre, lui réclamant une somme de plusieurs milliers de francs comme trop perçu par son mari qui était mutilé de guerre et qui, à ce titre, bénéficiait d'une pension. Enfin, M. Creugnet, évoquant son cas personnel, confirma que tous les frais qu’entraîna la tragédie qui coûta la vie à sa fille avaient dû être réglés par lui-même. Il précisa que le Tribunal militaire lui avait confirmé que la constitution de partie civile n'était pas recevable ; il a écrit le 6 mars dernier à M. le secrétaire général du Protectorat qui, le 10 mars, répondait que l'on s'occupait de son cas. Mais aucune décision n'est intervenue depuis. Les familles des victimes, dont M. Georges Creugnet s'est fait le porte-parole, demandent instamment que l'on étudie leur cas avec sollicitude et que l'on accorde enfin la simple justice à ceux qui furent si cruellement frappés dans leurs plus chères affections.
Commentaires : article quasiment identique à celui du Petit Marocain.
Le Populaire de Paris, 09 juillet 1951 (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect des noms propres)
Les crimes du « tueur du Tadla » affaire politique ?
Rabat, 8 juillet. Le Parquet vient de se dessaisir de l’affaire du Tadla au bénéfice de la justice militaire. Ainsi, il apparaît chaque jour plus nettement - malgré le silence officiellement observé - que les huit crimes d'Ahmed Hansali (1), le « tueur de la Pentecôte », sont bien autre chose qu’un fait divers, si sensationnel soit-il. Il faudrait y voir un épisode particulièrement spectaculaire d’une tentative de soulèvement dans une région particulièrement rude et farouche, et dont les tendances nationalistes et séparatistes sont toujours susceptibles de constituer un danger pour le pouvoir de Rabat, quel qu’il soit. En effet, il semble bien ressortir des interrogatoires qui ont amené, il y a près de deux semaines, l'arrestation du nommé Lamoureux, ancien responsable communiste de la région du Tadla que les incendies qui, en 1947, ravagèrent les moissons du Moyen-Atlas, furent volontaires et n'étaient que la conséquence d'une agitation politique, provoquée, entretenue et dirigée par les milieux berbères contre le régime caïdal. Quant au « tueur du Tadla », ses récentes déclarations auraient déjà amené l'arrestation de plusieurs « agents » de Lamoureux. Ahmed Hansali (1) aurait notamment affirmé qu’il était convaincu, au moment où il a commis ses crimes, qu'un vaste soulèvement était en cours et qu’il lui appartenait d'étendre la guerre sainte en abattant les « infidèles » de la région d'Azilal et de Bin el Ouidane, (A.F.P.)
(1) l’A.F.P. écrit Hamali [note de Q.T.]
Photographies, ici, issues de France-soir en date du 20 mai 1951 qui évoque le tueur du Tadla, et au conditionnel deux autres victimes de l’assassin dans un paragraphe énigmatique avec un nouveau surnom « tueur du désert » (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect des noms propres) :
Un précédent. Une prime d'un million a été offerte, poursuit M. Tallec. Ce n'est pas une mince récompense pour un montagnard et certains des familiers du tueur de Bou-Noual se sont fait forts de nous indiquer sa piste. Souvenez-vous qu'en 1915, Davilal [totalement inconnu par Internet, note de Q.T.], un bandit redouté terrorisait et ensanglantait la région à la tête d'une quarantaine de pillards. Une prime de 10 000 francs fut promise à qui rapporterait la tête du bandit. Celui-ci se présenta chez son oncle qui lui tranche le cou et s’en fut sans tarder toucher la prime. Vous voyez qu’il y a de l'espoir. D'après des informations qui ne sont pas confirmées, le « tueur du désert » après le double meurtre d’Azilal le 15 mai, aurait rencontré sur sa route trois jeunes bergers marocains qui, le sachant armé, auraient poussé des cris pour alerter les moissonneurs au travail non loin de là. L'homme, aurait, abattu, deux bergers avant de s’enfuir à toutes jambes. Les moissonneurs, interrogés, ont déclaré tout ignorer de cette scène. La loi du silence est bien observée dans les tribus.
© Copyleft Q.T. 08 juillet 2023 modifié le 18 juin 2024
Les recherches sur le tueur du Tadla conduisent inévitablement à de la production « littéraire » souvent de très basse qualité. Effet de mode ou phénomène plus ancien, écrire ses souvenirs pour ses descendant.es ou personne, vouloir laisser une trace comme les chiens abandonnent un jet d’urine sur un coin de mur pour signaler leur existence, penser que l’on apporte quelque chose à l’Histoire avec ses petites histoires ; la production semble infinie, du moins en constante expansion. Combien de lecteur.rices pour ces objets produits souvent à compte d’auteur.rice, et à diffusion confidentielle ?
La présence d’Ahmed el Hansali au détour d’une phrase montre son importance dans l’imaginaire des français qui vécurent ces événements ou simplement évoquent leur Maroc, car il s’agit bien souvent d’une appropriation, d’une nostalgie coloniale, d’une nostalgie pathétique.
Prologue de Tentative de reconstitution d'un Paris-Dakar – Récits – Jean-Paul Margnac (BoD - Books on Demand, 2022) (voir paragraphe B, ci-dessous) (source, https://books.google.fr/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 03/07/2023)
PROLOGUE
Tout garder, ou du moins s’efforcer … Une manie, une faiblesse, un refuge ?
Être entouré de vieilleries, illusoires remparts à l'irrémédiable fuite du temps, ça rassure. Extraire d’un fouillis familier une babiole et revivre, en un clignement de cils, un pan de sa vie, quel bonheur, quelle sérénité !
Facile à concevoir, difficile à mettre en œuvre.
De quelle constance et de quelle fermeté dus-je faire preuve envers mes proches pour sauver ces bribes d'existence des gueules voraces des poubelles !
Archiviste par goût, par nature peut-être, par fidélité assurément, j'ai ainsi préservé de fragiles témoins de mon passé. Et le passé, toujours, nous colle à la peau.
Ce récit s'ouvre en avril 1947, l'année de mes dix ans.
Pourquoi l'écrire si tard, à quatre-vingts ans passés ?
À la faveur d'un geste fortuit, l'exhumation de quelques exemplaires du magazine Science et Vie, imprégnés de poussière.
Et le premier de la pile était un numéro de cette année 47.
Ah, ces couvertures, simplissimes dans leur graphisme mais exaltant le Progrès livraison après livraison ! Car cette naïveté, le mythe d'un progrès infini et bienfaisant était, après cinq années d'incessantes tueries, dogme intangible.
Devant ces images ressurgies de l'enfance, les souvenirs ont afflué …
Commentaires : Tout est dans ce prologue, un collier infini de stéréotypes va se dérouler avec un narcissisme non assumé. Qui, de nous, n’a pas vécu ces petits instants dérisoires si importants pour nous ? Libre à chacun de les raconter, de les écrire, de les publier. Pour équilibrer le récit il faudrait aussi conter ce que nous fîmes de honteux, ces instants où nous fûmes salaud, ces trucs qui nous rongent, nous éloignent du bonheur, de la sérénité.
A) Dadia Joseph – REGARDS SUR L’ATLAS – AGADIR (2019 ?) (source, https://moreshet-morocco.com/2021/08/14/joseph-dadia-regards-sur-latlas-agadir-4/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 31/10/2021)
C’est dans la pièce que j’occupais que je lisais à l'heure de la sieste le Petit Marocain.
À cette époque, dans la région de Kasba-Tadla, un marocain donnait du fil à retordre à l’armée française. Le Maroc luttait pour son indépendance. Pour la France, il n’était qu’un terroriste et on le présentait comme le « tueur de Tadla ». Il semait la terreur partout. Mais dans la région où il sévissait, ses compatriotes avaient une immense admiration pour lui. Il arrivait à chaque fois à échapper à ses poursuivants et à semer des soldats aguerris, puissamment armés. Dans l’une de ses cachettes, les militaires ont découvert des cordes qui servaient au résistant pour fuir à la manière de Tarzan, se balançant d’un arbre à l’autre grâce à ces lianes. En sourdine, j'écoutais à la radio de la musique andalouse qui s’échappait d’une autre pièce, une chambre de l’appartement avec de beaux meubles et une imposante T.S.F. Cette pièce nous accueillait autour d’une grande table pour les repas, le shabbat, les fêtes et les réunions de famille.
Je garde le souvenir des matins où tout le monde se retrouvait au petit déjeuner autour d’un grand plateau empli de théières de thé à la menthe chaud et sucré, et de toutes sortes de gâteaux succulents, nombreux et variés. Il y avait là Ninette-Hnina, l’aînée, avec ses cheveux frisés. Elle était le symbole de la candeur et de la pureté.
La sagesse émanait de ses paroles quand elle parlait, bien que diminuée.
Commentaires : les gens adorent raconter n’importe quoi au coin du feu pensant contribuer à l’Histoire ou captiver leurs petits-enfants ; Ahmed el Hansali, Tarzan du Moyen-Atlas, édifiant, même pas drôle. « Mais dans la région où il sévissait, ses compatriotes avaient une immense admiration pour lui. », comment prendre au sérieux cette phrase anticipant les élucubrations de l’auteur ?
B) Tentative de reconstitution d'un Paris-Dakar – Récits – Jean-Paul Margnac (BoD - Books on Demand, 2020 et 2022) (source, https://books.google.fr/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 23/08/2022)
J'étais seigneur berbère ...
Après ce périple algérien, le stage dans l'Atlas s'annonçait. Je devais me présenter à Marrakech dans les locaux de Sports et Jeunesse où les participants se regroupaient avant d'être conduits en camion sur les lieux du stage. Seul moyen de m'y rendre, le stop ... Pas de problème, il faisait beau.
Il est écrit plus haut « [En 1954] l'Empire Colonial tenait bon ». C'était du moins ce qu'affirmait le pouvoir politique. Mais des craquements inquiétants se faisaient entendre, prémisses des luttes à venir pour l'indépendance.
Un an auparavant, en août 1953, accusé de soutenir l’Istiqlal, un parti indépendantiste, le Sultan du Maroc Mohammed V avait été déposé par les autorités françaises du protectorat. À partir de cet événement, une succession d'actes de résistance furent commis dans tout le royaume. Mais déjà, en 1951, un fait divers avait affolé les résidents français, les meurtres médiatisés du Tueur de l'Atlas, précisément là où le stage devait avoir lieu.
Une recherche sur Internet pour confronter mes souvenirs avec les faits validés par les historiens apporte d’utiles précisions. Ce tueur de l'Atlas ou selon d'autres sources, le tueur du Tadla, était Ahmed Ou Moha Al Hansali. Il avait frappé les esprits en tuant un couple de colons en mai 1951 pour s'emparer de leurs armes. Insaisissable durant des semaines, multipliant les attaques, il fut capturé par l'armée française et exécuté en février 1952.
Contrairement à la thèse privilégiée alors d'un déséquilibré, les notices historiques précisent que ce ne sont pas moins de onze hommes qui menèrent des attentats isolés jusqu'au rétablissement de Mohammed V sur le trône, en novembre 1955.
Cette instabilité aurait dû me décourager de m'aventurer seul sur ces routes, exposé à n'importe quel mauvais coup. Mais je me sentais protégé par une bonne baraka…
Du trajet Rabat Marrakech en auto-stop je ne conserve que le souvenir d’une arrivée nocturne à Beni-Mellal, au pied des contreforts de l'Atlas.
J'ai traversé ce qui me parut un village aux maisons assoupies. La chaleur était encore élevée mais, descendant des montagnes, l’eau coulait dans les multiples rigoles irriguant la plaine en contrebas. Cette atmosphère me rappela l'incipit de la première version de Citadelle de Saint-Exupéry : « J'étais seigneur berbère et je rentrais chez moi. Je venais d'assister à la tonte des laines des mille brebis de mon patrimoine ... Elles imitent seulement le bruit d'une eau courante, et nous qu'assiège la soif, cette musique seule nous rassure ... ».
J'étais bien en pays berbère. Le murmure de cette eau courante était « cette musique [qui] seule nous rassure »... Pour en jouir pleinement je restais dans le bourg et dormis à la belle étoile près d’une rigole d'irrigation.
Le lendemain, à Marrakech, je me présentais aux responsables du stage.
Je devais être en avance car le jour suivant je me suis promené seul sur la place Jemâa el-Fna et dans les souks. En 1954, ces lieux étaient encore, à peu de détails près, tels que les visiteurs du XIIe siècle les parcouraient.
Le choc était intense !
Charmeurs de serpents, danseurs Haoussas avec leurs bonnets parsemés de coquillages et leurs castagnettes métalliques, vendeurs de chameaux et de brochettes ... Et les odeurs des souks ! Les épices, le bois de santal, les cuirs … Oui, en ces années où la majorité des Français vivait une vie entière sans quitter l'hexagone, Marrakech représentait l'exotisme !
Avec l'installation du premier village du Club Med’ sur la place emblématique et le tourisme de masse, cet authentique dépaysement se transformera en exotisme de pacotille !
Commentaires : selon le site Vladimir-Nabokov.org - Société Française des Chercheurs Enchantés, dont Jean-Paul Margnac est membre, ce livre est le « récit métaphorique de son difficile passage de l’enfance à l’adolescence puis à la maturité dont un Paris-Dakar en auto-stop en 1955 est le point d’orgue. », l’auteur serait né en 1936 selon le site www.perlego.com/.
« Une recherche sur Internet pour confronter mes souvenirs avec les faits validés par les historiens apporte d’utiles précisions. », on devine où Jean-Paul Margnac trouva « les faits validés par les historiens », faits ressemblants à des résidus de contributions type « copier-coller » de la brève nécrologie archi-fausse du tueur parue dans TelQuel n°200 de fin 2005, déjà traitée dans TUEUR DU TADLA ----- QUELQUES DÉRIVES 02. On notera aussi l’importance de la résistance marocaine entre 1953 et 1955, « les notices historiques précisent que ce ne sont pas moins de onze hommes qui menèrent des attentats isolés ». Tout cela n’est pas grave sauf que Jean-Paul Margnac n’est pas le premier luron venu. Toujours selon le site Vladimir-Nabokov.org, « Il [Jean-Paul Margnac – note de Q.T.] a longtemps enseigné la Communication dans le cadre d’un master à l’IAE de Paris I-Sorbonne et les Sciences Cognitives en école d’ingénieurs en informatique. » ; sur quelles notices historiques ou scientifiques s’appuya son enseignement ? « Sciences Cognitives », on croit rêver, combien d’étudiants gobèrent les balivernes de Jean-Paul Margnac ? Comme pour Mouna Hachim (TUEUR DU TADLA ----- QUELQUES DÉRIVES 01) on patauge dans de la désinformation, du biais cognitif conscient, réfléchi, argumenté, délibéré.
Enfin, on remarquera que pour aller de Rabat à Marrakech Jean-Paul Margnac passa par Beni-Mellal, étonnant ; que la Marrakech de 1954 est celle du XII° siècle, cliché récurrent ; que Jean-Paul Margnac regrette le Maroc d’antan, exotique, le Monde a bien changé.
C) La Ballade du Miquelet : racines ariégeoises d’une Résistance – Henri-Robert Cazalé (Éditions Horvath, 1989) (source, https://books.google.fr/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 23/08/2022)
Les choses se gâtèrent au Maroc subitement, du moins c'est ce que ressentirent les Européens, qui n'avaient rien vu venir (on remarquera qu'en mai 1968, en France, on fut également surpris par l'événement), deux ou trois ans après mon arrivée, avec l'affaire dite du « Tueur du Tadla ». Le Tadla, région sauvage du « bouclier marocain », fait de plateaux aux gorges étroites s'appuyant au haut et moyen Atlas, constitue le véritable centre géographique du pays. Un tireur prétendument isolé, mais ayant comme la bête du Gévaudan, le don d'ubiquité, égrena une série de victimes parmi les Européens voyageant isolément. On sut par la suite qu'il s'agissait d’une révolte tribale, et ce fut le début de troubles ruraux endémiques, tandis que la population misérable des faubourgs urbains et bidonvilles entrait elle aussi progressivement en turbulence. Cela se doubla d’une crise politique dans les rapports entre les autorités du protectorat et l'élite musulmane, tandis que naissait le parti de l'« Istiqlal » (de l'indépendance) dirigé par Allal el Fassi. De tout cela, le Français du Maroc n'avait que de vagues aperçus, politiquement orientés, la presse étant plus un écran protecteur qu'un organe d’information. Le sultan demandait au protectorat de tenir les promesses faites pendant la guerre, après le débarquement allié, sous la caution du président Roosevelt. La déposition du sultan et son envoi en résidence surveillée à Madagascar, motivée par sa « grève du sceau » qu'on révéla du même coup, fut une nouvelle impromptue qui fit l'effet d'une bombe. Je me souviens qu’elle m'atteignit comme je prenais un pot au bord de la plage au bas de la colline d’Anfa, avec deux collègues « pieds-noirs » du Maroc, et qu'un employé marocain d'administration, en uniforme de « chaouch » buvait son « pepsi » à côté de nous. Le barman venait d'entendre l'information à la radio. Mes deux collègues s’esclaffèrent, mais le Marocain devint tout pâle et demanda confirmation. Il sortit en se tenant la tête. Cette opposition dans les attitudes m'apparut symbolique.
Commentaires : Henri-Robert Cazalé attribue les actes du tueur aux prémisses d’une révolte tribale, avalisant implicitement le statut de résistant du tueur ; on note aussi, peut-être, des incohérences temporelles « tandis que naissait le parti de l'« Istiqlal » » fondé fin 1943/début 1944. Les extraits disponibles sont intéressants et pertinents.
En l’absence de synthèse fiable sur le tueur du Tadla, on devine les difficultés auxquelles se confrontent celles et ceux qui cherchent à étayer leurs souvenirs, Internet proposant un marigot de pistes toutes aussi fausses les unes que les autres, certes, mais ces gens oublient de consulter la presse de l’époque, confiant leur recherche à un algorithme américain sans grand recul.
D) La cohorte – Éric Ollivier (Plon, 1963) (source, https://books.google.fr/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 25/08/2022)
Les Syriens attaquaient les Israéliens, à peine installés sur une terre où ils avaient apporté des lambeaux sanglants d'Europe. Au Maroc, le tueur du Tadla assassinait des Blancs, en écho aux invectives qu'échangeaient le Sultan et le général Juin dans les salles de douche néo-mauresques, appelées abusivement salles du palais impérial par les journaux modérés. Ceux-ci se refusaient à voir que les premières mèches étaient déjà allumées.
Commentaires : Qui, lisant ce livre cherchera, sur le tueur du Tadla, le Tadla ? Quel est l’intérêt d’une telle phrase ?
E) La petite fille de Dar el Beida de Marie-Thérèse Cuny (Fixot, 1990) (source, https://books.google.fr/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 25/08/2022)
Aïcha habite le garage prévu pour chaque maison. Elle est privilégiée, car les autres fatmas qui travaillent chez les voisins habitent le derb d'à-côté ou la grande médina. Elle, elle n’a plus de maison. Elle est trop vieille, tous ses enfants sont grands. Au derb, son mari a pris une autre femme. Alors, elle travaille pour pouvoir vivre dans le garage. Elle fait la lessive, le ménage, à manger pour mon père, le marché ; elle lave par terre tous les jours à l’eau de Javel, à cause des cafards. On lui donne vingt francs par semaine. Nous n'avons pas de voiture, Aïcha a donc un logement. C'est-à-dire un sol de ciment, des murs de parpaings, pas de fenêtre, et pour porte un rideau métallique ondulé qu'elle soulève à deux mains, selon le temps qu'il fait et les événements extérieurs.
Lorsqu'il est grand ouvert sur le soleil, tout va bien. En ce moment, rien ne va vraiment bien.
Ce sont les émeutes. Il y a les émeutiers arabes, ceux qui font les attentats comme celui du marché central, ou le tueur du Tadla qui a massacré des colons. Et il y a les Français de Présence française qui font des descentes dans les médinas et les derbs pour flanquer la trouille aux Arabes. En juin, on a assassiné un homme, Lemaigre Dubreuil, en pleine ville. Il dirigeait un journal, Maroc presse. Abdallah a entendu dire par son père que cet homme-là voulait une alliance entre les Français et les Marocains. Moi, j'ai entendu dire par ma mère que les Français du Maroc n’abandonneraient jamais leurs tombes - ni tout ce qu'ils avaient construit sur cette terre aux Arabes et qu’on ne pouvait pas s’allier avec eux.
Ma mère est française et raciste. Mais ce que je ne comprends pas, c’est qu’elle n’aime pas ce pays et ne veut pas pour autant qu'il appartienne aux Marocains.
Moi, je suis née ici, entre mer et soleil, entre ce quartier, ce terrain vague, l'immeuble des Juifs, l'épicerie d’Abdallah. C'est à moi. Indépendance est un beau mot. J'aime l'indépendance. La mienne ! J'ai mes émeutes personnelles à la maison. Je revendique le droit de jouer avec Abdallah depuis des années, depuis nos sept ans - et nous en avons quinze. Mais ma situation politique s'aggrave en famille, comme celle de mon pays s'aggrave au-dehors. Cette année sera celle de l'indépendance ; tout le monde le dit, à cause des bombes, des manifestations et de tous ces articles dans les journaux.
Aïcha attend que le vrai roi revienne. El Malik. Sa Majesté Mohammed ben Youssef, que l’on a envoyé en exil. Celui que nous avions, Ibn’ Arafa, avait usurpé le trône grâce aux Français.
Aïcha est une terroriste. Elle a la photo du vrai roi dans son garage depuis quelques semaines. Tout en couleurs ; trop de couleurs. Celui qui vend ces photos rajoute du rouge sur les lèvres et sur les joues, du noir sur les sourcils et les yeux, et il vend le cadre en plastique doré avec.
- Rali besef.
« Très cher », a commenté Aïcha, qui a dû payer une semaine de salaire pour l'obtenir. En compensation, je lui ai refilé une pièce de cinq francs - représentant cinq dirhams, un quart de sa paye. Volée dans le tiroir de la cuisine.
Le rideau du garage est à demi baissé, pour le dernier jour de vacances. Demain, j'entre en classe de troisième au lycée de jeunes filles. Je suis en retard ; j'ai redoublé la cinquième, pour indiscipline. Une flopée de zéros en maths et des moyennes lamentables en géographie, en sciences, en à peu près tout, sauf en français.
Aïcha cire mon cartable. Une vieille sacoche en cuir que papa m'a offerte le jour de l'entrée en sixième. C'est l'heure bénie du thé dans la maison d’Aïcha. La mienne. Il y a des tapis sur le ciment, des tapis sur une banquette de bois, des coussins, le grand plateau en faux argent avec une théière d'émail bleu au milieu. Dans un coin réservé à la cuisine, le kanoun à charbon de bois, une petite pile d'assiettes creuses abandonnées par ma mère, fendues ou écaillées. Une marmite d'aluminium cabossée pour la cuisson des tajines. Un joli plat de terre cuite, d’un brun lisse, avec un chapeau pointu pour les tenir au chaud. Sur une étagère de bois, des verres de toutes les couleurs, avec des bords dorés, le pain de sucre dans son papier bleu, la boîte de thé en fer, étiquetée Biscuits assortis bretons, l'huile et les pots de citrons confits. Sur l’autre mur, un garde-manger à treillis, à cause des rats et des cafards.
Le soir, Aïcha allume une lampe à pétrole qui sent mauvais et enfume. Elle fait griller un peu d’encens sur le kanoun pour compenser.
Son tapis de prière est roulé sur un tabouret bleu. En dessous, une bassine pour la toilette et une serviette-éponge Omo. Abdallah la lui a donnée, il en arrive une par douzaine de cartons de lessive à l'épicerie.
J'ai pour goûter un morceau de quesra bourré de confiture d'oranges amères qui vient du bled d’Aïcha. J'attends que le thé refroidisse un peu. Épais, couleur de miel trouble, parsemé de débris de feuilles de menthe, il fait la bouche comme un bonbon liquide.
...
Je n'oserai jamais lui avouer la peur que j'ai d’être seule. Et surtout pas que ça me flanque la colique … L'été fut redoutable. Un été de guerre. À Oued Zem, à cent trente kilomètres de Casablanca, des « terroristes » ont massacré des Européens. A coups de hache et de pillage, les fous de l'indépendance ont atteint l’irréversible. La haine.
Ici, en ville, les émeutiers se cachaient à peine. Une saison de couvre-feu. De bombes. Le principe est, dorénavant, qu'il y a dans ce pays des Européens à flanquer dehors, des colonialistes à expulser. Je l'entends dire à la maison, dans le quartier, à la radio de France, dans les journaux de France.
L'indépendance arrive.
Ma mère veut partir. Elle dit des choses comme : « Le pays ira à vau-l’eau. » « Ces gens sont incapables d'exister sans nous ... » « Ils vont se retourner contre nous et nous assassiner tous ... » « Ils violeront les femmes et égorgeront les enfants. »
J'ai répondu une fois : « C'est beau, l'indépendance ! » J'ai pris une claque. Assortie d’un commentaire édifiant :
- Je vais t'apprendre, moi, ce que c'est que l'indépendance !
J'ai compris. Quiconque parle d'indépendance prend une claque ! Je veux la mienne !
...
Je suis fatiguée. Lasse de la peur des autres et de la mienne. J'ai mal à l'estomac, envie de vomir. J'en ai marre de tout ça, marre des bombes dans les poubelles, des égorgeurs du Tadla, des massacreurs d'Oued Zem, de l'hystérie de ma mère ...
Commentaires : Regard tendre et acéré sur ces moments précédant l’Indépendance du Maroc. L’autrice ne gauchit pas les faits à propos du tueur du Tadla, du massacre de Oued Zem, son propos est ailleurs. Nous sommes en présence d’un objet littéraire qui s’appuie sur des souvenirs personnels et des faits historiques avérés mais ceux-ci ne servent que de marqueurs, au lecteur de faire preuve de sagesse et d’entreprendre d’éventuelles recherches sur ces événements.
F) Tarik es Salam – HISTOIRE DE FAMILLE DE CASABLANCA À BÉZIER – Lucien Palomares (Lulu.com, 2023 ?) (source, https://books.google.fr/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 01/07/2023)
L'instabilité commençait à s'installer dans le pays, avec la perspective de plus en plus proche de l'indépendance du pays. Les agitateurs venus de pays souvent limitrophes, comme l'Algérie, prêchaient et crachaient leur « bonne » parole, promettant un avenir paradisiaque.
Les choses continuaient de pourrir de jour en jour. Il y eut bientôt plusieurs échauffourées et émeutes sanglantes, des attentats du Mouvement de libération marocain. Dans le Rif, l’assassinat de Lemaigre Dubreuil, patron d’un journal marocain entraîna intimidations et représailles de l’armée française (1). Nous étions pris entre deux feux, mais cela n'avait rien de comparable à une vraie guerre comme en Algérie. Au Maroc, certains Français signent un manifeste, « La conscience française », pour appuyer le retour du roi Mohammed V, exilé en 1953 en Corse puis à Antsirabé à Madagascar.
Survinrent ensuite des émeutes à Meknès et à Oued zem, avec Si Ahmed el Hansali surnommé « Le tueur du Tadla ». Le jeudi 24 décembre 1953, en plein Noël, une bombe explose au Marché central à dix heures du matin. L'opération fait dix-neuf morts, dont une Française, et quarante-huit blessés. Un certain Mohammed Ben Moussa Al Ibrami s'était porté volontaire dans une réunion secrète, dirigée la veille par Zerktouni, pour poser la bombe confectionnée dans un garage du quartier Bouchentouf, des bidons remplis de bouts de fer. Ils ne seront prêts que tard dans la nuit. Le tout sera mis au point dans la précipitation. Résultat : deux autres bombes, posées en même temps aux Colis postaux et à la Poste centrale, ont la mèche trop courte pour exploser, mais l'explosion du marché central suffit pour que le résident du Maroc, le général Juin, promette « une lutte sans merci contre les terroristes ».
(1) Jacques Lemaigre Dubreuil, né le 30 octobre 1894 à Solignac et mort à Casablanca le 11 juin 1955 (source WikipédiA) [note de Q.T.]
Commentaires : Tout cela est temporellement bien mélangé : « Survinrent ensuite des émeutes à Meknès et à Oued zem, avec Si Ahmed el Hansali surnommé « Le tueur du Tadla » » Meknès, octobre 1956, Oued Zem août 1955, tueur du Tadla, mai 1951 ; à lire cette phrase, le tueur du Tadla exécuté le 26 novembre 1953 serait l’auteur des massacres de Oued Zem et Meknès. Le paragraphe sur l’explosion au Marché Central de Casablanca est du « copier-coller » de l’article paru dans TelQuel n°200 en 2005. Lucien Palomares se fie à sa mémoire fragile et aux crétineries d’Internet ; l’acte d’écrire se résume à deux clics, lamentable.
G) Enfances au Maroc 1912-1972 : Histoires et Témoignages de Josiane Marie Régi (EDILIVRE, 2019) (source, https://books.google.fr/) (copie d’écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles) (consulté le 01/07/2023)
Les militaires français, compagnie de la Légion ou goumiers, ayant été envoyés dans des garnisons du Nord, nous nous sentions alors seuls et isolés, car entre temps il y avait eu de graves massacres à Oued-Zem, Immouzer des Marmoucha, le tueur du Tadla et des bandes plus ou moins contrôlées se disant de « libération nationale » circulaient un peu partout. Après trois années à Erfoud avec son climat saharien, nous arrivâmes donc à Meknès.
Pour ma part, je fus affectée au Lycée Poeymirau et pour la première fois j’enseignais enfin ma spécialité, les sciences naturelles.
H) Monsieur Le Chevalier de Catherine de Richaud (Éditions P.O.L., 1986) (exemplaire de bibliothèque scanné puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles)(lu en 2021)
Dans certains journaux, on affirmait que les Marocains étaient animés d’un désir de meurtre et d’une haine sans fondement contre les Français, qui ne pouvait s’expliquer que par leur ingratitude innée. On parlait des événements de Meknès, des massacres de Oued-Zem, du tueur du Tadla qui était un être assoiffé de sang, un automate aux yeux bleus qui tuait par cruauté pure, par plaisir, c’était ce que les enfants entendaient raconter.
C'était autour d’eux, davantage que dans les journaux, qu’ils entendaient cette litanie effrayante et incompréhensible. Tous les voisins disaient qu’ils étaient des victimes, qu’ils étaient résignés et s’attendaient à tout mais espéraient encore, parce qu’ils étaient généreux et avaient fait le bien sans jamais rien attendre en retour.
« On a été trop bons, on aurait dû faire comme les Anglais et les Espagnols : eux, là où ils sont allés, ils ne se sont pas donné la peine de faire des routes, des écoles, de les soigner et de leur donner des bourses, ils les ont laissés avec leurs poux et leur vermine : ils en ont bien profité, ils se sont bien engraissés et ils n’ont rien laissé sur place ! Maintenant qu’ils croient qu’ils peuvent se débrouiller seuls, ils ne veulent plus de nous, ils nous chassent, mais on va voir ce qui Va se passer : ils vont se dévorer entre eux ! Attendez un peu, rira bien qui rira le dernier !.… Et ils nous réclameront à genoux ! »
Ils rajoutaient : « Vous croyez qu’ils se respectent entre eux ? »
Ils n’attendaient pas la réponse : « Il faut voir comme ils traitent leurs domestiques, d’ailleurs on ne peut pas appeler ça des domestiques, ce sont des esclaves, de véritables esclaves ! Ils ne les payent pas, nous au moins on les paye, on leur donne un jour de liberté. Il faut les mener à la dure, c’est comme ça qu’ils nous respecteront.… Il aurait fallu les mener à la trique ! C’est trop tard maintenant, on a été trop bons. »
…
Ce qui était humain à certains moments ne l’était plus à d’autres : était-ce vrai que les Arabes n’étaient pas habités par les mêmes sentiments que les autres ?
Beaucoup de Français appelaient leur bonne Fatma ou Fatima alors qu’elle s'appelait Zohra ou Malika et ils donnaient à tous les hommes le même nom : Mohammed. Ils disaient « le Mohammed » quand ils en parlaient. Ils se sentaient supérieurs à ce moment-là, mais chaque fois, ces gens devenaient encore plus intouchables, invulnérables comme des justiciers et ses parents lui semblaient fragiles comme des petits enfants à côté d’eux. Un Français qui travaillait, ça avait de la valeur, ça comptait, ça n’était pas la même chose que ces hommes qui passaient à toute allure sur leur bicyclette pour rentrer chez eux et sifflaient quand ils doublaient parce qu’ils n’avaient pas de sonnette.
« Les Arabes ne font rien, ils ne feront jamais rien, ce qu’ils aiment, c’est dormir au soleil ! »
…
Pourtant, rien ne permettait de penser que ces gens si sûrs de ce qu’ils affirmaient avaient raison mais ils semblaient tellement invulnérables : ils admettaient la haine et mettaient les gens en catégories, les Arabes d’un côté et ceux qui avaient raison de l’autre.
Commentaires : encore un véritable objet littéraire, certes le tueur à des « yeux bleus », ce qui n’est pas certain, mais le bruit courait sur cette caractéristique ; l’autrice évoque des événements avec une certaine confusion temporelle (massacres de Meknès, Oued-Zem, tueur du Tadla), toujours les mêmes au fil des livres, comme si l’histoire de la résistance au colonialisme s’y résumait ; mais comme pour Marie-Thérèse Cuny, le propos est ailleurs que dans le fait historique pur. Voici un résumé du livre sur le site de l’éditeur :
Le premier roman de Catherine de Richaud est un roman de personnages et d’atmosphère. Elle y raconte l’adolescence de trois enfants qui vivent avec leurs parents au Maroc. Le père, Monsieur Le Chevalier, est un homme aigri et insatisfait, incapable de montrer à ses enfants affection ou même attention. Ceux-ci vont donc aborder ce moment important de leur vie dans un dénuement affectif quasi complet, au milieu des troubles qui précèdent l’Indépendance. L’écriture de Catherine de Richaud saisit très précisément le profond malaise de ces adolescents, leur incompréhension face aux adultes, au racisme subtil des deux communautés française et marocaine, leur difficulté à vivre réellement dans un pays qui leur reste étranger, la prise de conscience, terrible, qu’ils ne peuvent rien décider, que leur soumission aux adultes est totale.
Photographies, ici
© Copyleft Q.T. 15 juillet 2023 modifié le 22 juillet 2023
LE MAROC FACE AUX IMPÉRIALISMES 1415-1956, CHARLES-ANDRÉ JULIEN, (éditions J.A., 1978) (document personnel) extraits du chapitre IX : Moulay ben ‘Arafa ou la duperie chérifienne (reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect des noms propres)
Pages 337 à 341
Les attentats individuels, d’abord perpétrés à l’arme blanche, firent cependant de plus en plus place à la balle tirée dans la nuque ou le dos. On cherchait à enrôler des douaniers, des mokhaznis et des soldats moins pour leur concours propre que pour le matériel qu'ils possédaient.
Un mouvement en dehors des partis
Les attaques portèrent bien davantage sur les Marocains, collaborateurs des Français et considérés comme traîtres (1). Plus tard, les chefs éprouvèrent un certain dégoût de frapper des petites gens et concentrèrent leurs attaques sur des personnalités marquantes, marocaines comme ben ‘Arafa, ou le Glaoui, françaises, comme Guillaume, Boniface et Hauteville. Beaucoup de terroristes obéissaient à des sentiments élémentaires, revanche inexpiable contre l'exil du sultan, et de haine des Européens qui étaient solidaires du coup de force. Ils trouvèrent dans cette répulsion l'affirmation de leur propre identité. Ils ne se souciaient point de politique et n'éprouvaient aucun attrait pour les partis organisés dont ils raillaient les chefs (2). Pas plus que les fellagas tunisiens ne furent inféodés au Néo-Destour, les partisans marocains ne le furent à l’Istiqlal. Sans doute, les deux mouvements comprirent-ils, l’un des néo-destouriens, l’autre des istiqlaliens, mais les organismes de résistance eurent des structures autonomes et ne poursuivirent pas les mêmes buts (3). Du reste, la plupart des chefs de l’Istiqlal et du Parti communiste étaient en prison ou en exil, et les éléments de base s'organisèrent selon leur propre initiative (4). Ni la police ni la justice ne purent trouver des liens organiques entre l'Istiqlal et les partisans, et leurs enquêtes sur le Croissant Noir, en 1955, ne leur firent même pas découvrir le rôle qu'y jouaient les communistes.
La déclaration d’Allal el-Fassi
C'est ce que ne comprit pas ou se refusa à admettre Allal el-Fassi, alors au Caire, qui agit en émigré inconscient du péril qu'il faisait courir aux éléments locaux par ses proclamations fulgurantes dont se repaissait la presse marocaine et qu'utilisait la répression. C'est ainsi qu'il déclara à un hebdomadaire égyptien sa déception devant l'indifférence de l'ONU et des États arabes que compensait l’action de la résistance : « Nos commandos marocains font leur devoir. Ils ont pu tuer récemment 33 Français et 45 Marocains partisans de la France. » (5) Le zaïm, dans son enthousiasme, décuplait presque les chiffres réels (6). Beaucoup plus grave que l'erreur d’estimation était le service rendu aux autorités. On ne se soucia pas des chiffres pour ne retenir que l’aveu du terrorisme dirigé par l’Istiqlal (7). À Moulay Ahmed ‘Alaoui, chargé du Bureau d’information et de propagande du Parti à Paris échut la lourde tâche de contredire l’assertion sans désavouer l’auteur. Paraissant mettre en doute les « propos attribués à Allal el-Fassi ... tels qu’ils ont été rapportés » et « si contraires à son tempérament », il déclara « qu'ils sont en contradiction formelle, d’une part avec les faits, d’autre part avec la tradition, les principes et la ligne politique de l'Istiqlal qui a toujours réprouvé l’emploi de la violence » (8). Balafrej, de son exil à New York, alla plus loin encore, en attribuant les actes de terreur à « des éléments irresponsables », privés de la direction de leurs chefs et réduits au désespoir par l'indifférence que montraient à leur égard les Nations unies et, en particulier, les États-Unis. Astuce politique qui imputait une part de la responsabilité aux USA mais qui n’aboutissait pas moins à une condamnation du terrorisme, bien qu'il fût la seule possibilité laissée au peuple de manifester son hostilité à la domination étrangère.
Le terrorisme est un phénomène spontané issu du peuple, partout où se manifeste la résistance à l'occupant. Citadins et paysans ne peuvent supporter l'occupation étrangère qui, quelles que soient ses modalités, est une contrainte insupportable parce qu'elle s'attaque à ce qui est le plus cher à l’occupé, son identité. Les hommes, qui croient défendre leur autonomie en tuant, sans choix des victimes, ne sont pas assassins mais des hommes tranquilles qui n’eussent pas, pour la plupart, pratiqué la violence meurtrière si « l’autre » n’avait occupé leur sol et bouleversé leur mode de vie. Pour eux, le patriotisme est enté sur un terroir libre. Ils n’agissent généralement pas par intérêt mais par un instinct de défense mué en agressivité. Et bientôt, à leur vocation de justicier, s’ajoute la fascination de tuer.
Le Père Milon, de Maupassant, paysan normand sans histoire avant 1870, décapite d’un coup de faux un Allemand qui fumait une pipe sur son fossé. Le premier meurtre est le plus difficile. Le Père Milon exécute quinze autres occupants. Arrêté, fier de la besogne faite, il exprime sans remords, en termes simples, la réaction élémentaire contre l'occupant : « J'ai pas été vous chercher querelle, mé ! J’vous connais point ! J’sais pas seulement d’où qu’vous v’nez. Vous v'là chez mé, que vous y commandez comme si c'était chez vous. Je m’suis vengé sur l’s autres. J’m’en r'pens pas. » « Le tueur de Tadla » Ahmed Ahansali est, tout comme le Père Milon, un paysan « tour à tour berger, serviteur d’un caïd, cantonnier », dont on peut mesurer, à la lecture de la Vigie marocaine, la terreur qu'il inspire et l’étonnement que suscite son comportement après son arrestation. Le 10 mai, un mokhazni de permanence dans un poste près d’al-Ksiba fut abattu avec son propre mousqueton. On n’y vit que le crime d’un voleur désireux de se procurer un fusil. Quatre jours plus tard d’énormes titres, en première page des journaux, annonçaient qu’un « fou sanguinaire » avait abattu d’abord un fonctionnaire du pays et sa mère, puis une jeune femme et un Européen circulant à moto. Un autre couple avait été blessé. Dès le 15, une gigantesque chasse à l’homme, dont on assura qu’elle nécessita dix mille hommes, fut organisée dans les montagnes de Tadla mais on dut abandonner les battues infructueuses.
Ce fut l’appât d’une prime d’un million qui permit sa capture. Le 24, trois montagnards, à qui Ahansali avait demandé à manger, le désarmèrent et le livrèrent ligoté au chef de poste de Taghzirt. Emmené à Beni Mellal, Boniface en personne et le directeur des services de la Sûreté participèrent à l'interrogatoire. On fut étonné du comportement de Ahansali : « On s’attendait à voir un illuminé, un fou excité au visage terrible et une corpulence de brute : on trouve un homme impassible, conscient du sort qui l’attendait » qui « ne semble manifester aucune crainte ». À la question : « Mais pourquoi as-tu tué ? », il répond : « Parce que Dieu l'a voulu ». Son procès fut suivi avec passion par les Marocains et la mort du « lion de Tadla » fut saluée comme celle d’un martyr. Les autorités furent inquiètes du silence des montagnards. Pourtant Ahansali fut « donné » par des paysans cupides qui, dès le 25 mai, réclamèrent leur dû, sans avoir compris qu'Ahansali agissait en partisan contre des étrangers. Après l'exil du sultan, qui créa un état d'esprit d'indépendance collectif, il fut impossible à la Sûreté, même à prix d’or, de trouver des dénonciateurs. C’est, sans doute, un fait important à retenir dans l’évolution du terrorisme.
La genèse du terrorisme
Boniface essaya naturellement d’impliquer l’Istiqlal dans l'affaire. Le 6 décembre on arrêta à Kasba-Tadla le communiste Marcel Lamoureux, petit colon, élevé dans le pays, qui vivait « vêtu à l’arabe », et parcourait la montagne « à dos d’âne », faisant sa propagande en « parlant le chleuh à la perfection ». On l’accusa d’avoir, à partir de 1946, incité les montagnards à incendier les récoltes. Enquête faite, on dut renoncer aux poursuites. Une active propagande des Istiqlaliens dans le Tadla les rendit suspects et on ne put trouver matière à inculpation. La réalité demeurait étrangère aux autorités. Les rapports établis par la Résidence sur les origines du terrorisme individuel puis des attentats par groupes organisés ne font jamais entrer en ligne de compte les réactions à l’occupation étrangère et au régime colonial. On n'y voit que tueurs factieux ou suppôts de l'étranger. La Sûreté en fait remonter l'origine mythique à la création d’une police terroriste créée à Oujda, en 1946, puis, tour à tour, entrent en scène la Main rouge égyptienne (Id Kihala), le Parti du peuple algérien (PPA), les Frères musulmans dont un détachement spécial opère au Maroc (el-Ikouan el-Maghriba), le Comité de Libération de l'Afrique du Nord. Les partis d'opposition sont suspects, surtout l’Istiqlal et le Parti communiste marocain. Une simple explication fournie par Balafrej à l'étranger est tenue, sinon pour une incitation, du moins pour une approbation. La misère des soupçons révèle la précarité des renseignements et, plus encore, l'incapacité de comprendre. Que l'exil du sultan ait donné au terrorisme une brusque impulsion, ce n'est que l'œuvre d’agitateurs désavoués par la population ! Et pourtant, dès août 1953, l'hostilité se manifesta par huit tentatives d’assassinat, entraînant la mort d’un Européen et de trois Marocains. Le jour même de la déposition de Sidi Mohammed, s’organisa à Kenitra un petit groupe (9) de trois hommes décidés à la lutte sous forme d’action directe. Rapidement, le terrorisme s’étendit, frappant non seulement les personnes mais les biens (10) par la destruction des immeubles et des récoltes, surtout quand le phénomène d’abord citadin gagna les campagnes.
(1) Du Ier juillet 1954 au 30 juin 1955, les Européens eurent 41 tués et 151 blessés, les Marocains 254 et 676. On enregistra 787 agressions, 477 explosions, 1 430 incendies et 331 sabotages.
(2) S. et J. LACOUTURE, Maroc, pp. 136-137, citent la déclaration du jeune électricien, Salah Rachidi, las de patienter, suivant l’ordre de ses chefs : « Le Roi a été enlevé. Et moi, j'en ai assez de leur baratin et j'ai décidé de passer à l’action » ; et BERNARD, Conflit, III, p. 271, cite, de Rachidi encore: « L'Istiqlal nous prêchait toujours le calme, j'en ai assez de son baratin. J’ai quitté le parti pour faire autre chose. »
(3) BERNARD, III, p. 265, cite la réaction d’un paternalisme sourcilleux d’un responsable de l’istiqlal : « Nous n’avons pas lutté pendant trente ans pour nous incliner aujourd’hui devant de nouveaux venus. »
(4) RÉZETTE, Partis, pp. 224-228.
(5) Des extraits de l'interview d’Allal el-Fassi parurent dans Echo, 6 octobre 1953, sans donner la date de sa publication, dans Rosa el- Youssef, hebdomadaire égyptien, dont Ahmed ‘Alaoui déclara qu'il était connu « pour son ton outrancier et extravagant ». Vigie, 10 octobre 1953, reproduisit une réponse d’Al Ouidad à Rosa el-Youssef.
(6) Les chiffres d’Allal el-Fassi sont aberrants : au 30 septembre, on comptait 8 tués dont 7 Marocains et 1 Européen.
(7) Maroc presse, 6 octobre 1953, repris par le Monde, 7 octobre, et RÉZETTE, Partis, p. 221: « le gouvernement a-t-il besoin d’autres preuves pour réclamer l’extradition d’Allal el-Fassi et pour traiter les chefs de l’Istiqlal en chefs de bande et criminels de droit commun. »
(8) le Monde, 2 novembre 1953.
(9) D'après BERNARD, Conflit, III. p. 261, le groupe comprenait un receveur des postes. un homme d'affaires et un ingénieur chimiste. Il obtint le concours de policiers résistants et d’infirmiers. Il se procura du poison grâce à des infirmiers de Rabat « pour que les gens arrêtés et tortures puissent mettre fin à leurs jours ». ADAM, Casablanca, II, constate que le suicide, un des «traits en contradiction brutale avec l'éthique traditionnelle et fortement réprouvé par l'islam », fut admis par des musulmans aussi stricts qu’Allal el-Fassi, dans le cadre de la résistance.
(10) Petit Marocain, 9, 11, 13 et 15 juin 1954, et Vigie, 24 juin 1954, font le bilan des incendies de récoltes. Vigie, 22 juin 1954, signale que les colons des Zemmour ont tenu trois réunions avec les autorités régionales pour qu’elles assurent une sécurité efficace des personnes et des biens.
page 528
PLANCHE 18. - El-Ksiba. « Le tueur de Tadla » interrogé par un officier des Affaires indigènes après son arrestation. (Planche pp. 242-243) Livré par trois montagnards, Ahmed Ahansali fut questionné, le 23 mai, durant tout l’après-midi, à el-Ksiba par le capitaine des Affaires indigènes Duverger, chef du poste de Taghzirt. « Le monstre » fut présenté aux journalistes à 23 heures. Le correspondant de la Vigie marocaine (24 mai) le présente comme « petit, maigre, barbe clairsemée, regard indifférent, les yeux marron clair et non bleus » et constate qu'il ne cherche pas à dissimuler son visage [aux photographes] et ne semble manifester aucune crainte.
Commentaires : Livre dense, fortement documenté, nombreuses sources citées auquel on pourrait reprocher une chronologie non linéaire, mais cela montre que l’auteur maîtrise les mécanismes de la pensée. L’extrait cité, qui va au-delà de l’affaire du tueur du Tadla, nous offre une belle analyse de la complexité qui bouillonne dans la cervelle des Femmes et des Hommes qui résistent au colonialisme, à l’envahisseur. Charles-André Julien gomme une limite bien floue entre résistance et terrorisme, chacun jugera de la pertinence de ce parti-pris. L’adhésion à son point de vue n’est pas requise. Charles-André Julien n’élude pas les problèmes, les difficultés, est intellectuellement dérangeant, bouscule des certitudes et se nourrit « d’ailleurs » pour tenter de comprendre le Maroc, les Marocaines, les Marocains. On remarquera aussi les explications du passage à l’acte meurtrier et l’insertion du parcours du tueur du Tadla dans un moment historique.
La photographie, sur deux pages, offre un plan large. La photographie du tueur étant disponible facilement, je ne flouterai plus son visage et corrigerai les photographies déjà publiées, cela ne le rend pas moins lâche pour moi.
Le 23 juin 2023 je trébuche en découvrant un commentaire sur le fil Twitter de France-Culture à propos d’une émission diffusée (une chronique de 3 minutes diffusée le 15 mai 2023 sous le titre « Pourquoi faut-il réhabiliter la langue berbère dans l'histoire du Maghreb ? ») dont le résumé, sur le fil Twitter, est : « Face à une langue arabe conquérante, le berbère aurait joué le rôle d'un dialecte marginal. Un discours officiel que les historiens remettent aujourd'hui en cause. » 9:15, 23 mai 2023, 23,4 k vues.
Alfred Hitchcock @mdlyma - 23 mai Pourquoi vous ne parler pas de la glorieuse RÉSISTANCE des Berbères de Maroc,Algérie,Tunisie,Mauritanie,Libye contre l'invasion assassine française Au Maghreb. ?!?!?!?????
Le lions de l'atlas, Ahmed El Hansali avant d'être exécuté par des militaires français. Alfred Hitchcock renvoie à une photographie colorisée du tueur du Tadla (https://pbs.twimg.com/media/FwzOoaUWAAMVOcN.jpg).
Photographies, ici
© Copyleft Q.T. 10 juillet 2023 modifié le 22 juillet 2023
La Croix du 18 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
Le tueur de l'Atlas marocain reste introuvable
L'Arabe sanguinaire, auteur de huit crimes, erre toujours dans l'Atlas marocain. Signalé par des bergers qui l'ont vu s'enfuir dans le massif montagneux situé entre Aït-Attane (1), Bin-El-Ouidane et Azilal, il n'a pu être rejoint, malgré l'extraordinaire déploiement de forces de police et de troupes, auxquelles des volontaires des tribus, armés par les autorités locales, apportent leur concours.
Un avion survole la région, et trois chiens policiers ont été envoyés de Casablanca. Mais, servi par la nature sauvage du Tadla, qui fut l'une des dernières zones du protectorat à être pacifiée, l'assassin échappe à ses poursuivants.
Son identité a cependant pu être établie : il s'agit de Moha Ou Amou Nait Tademalit, du douar Anhsal, ancien goumier devenu cantonnier dans la région du lac Azizlal. (2)
Cinq hommes et cinq femmes qui se trouvaient à proximité du lieu du crime et qui se sont refusés à donner tout renseignement, ont été arrêtés. Ils niaient même, contre toute vraisemblance, avoir entendu des coups de feu.
Le dernier acte de banditisme enregistré dans le Tadla s'était produit il y a vingt ans : un conducteur français de chantier et son compagnon avaient été attaqués, le premier tué et le second enlevé, mais délivré par la suite.
Commentaires :
(1) Aït Attane : ???, peut-être Aït Attab
(2) Lac d'Azizlal : le barrage de Bin el-Ouidane n'est pas terminé et déjà on évoque un lac ; une photographie (D) de Jacques Belin du 24 octobre 1951, soit 5 mois après les faits, montre le Barrage de Bin el-Ouidane en construction (source, https://basedoc.diplomatie.gouv.fr/)
D'une façon générale, à la vue de l'orthographe aléatoire des noms de lieux qui au sein d'un même article change, on ne peut pas se fier à ce type de sources, pour les noms des auteurs et leur lieu de résidence ou d'origine. Qui est la huitième victime ?
La Croix du 19 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
10 000 hommes, sous la conduite du général juin, tentent d'encercler le tueur de l'Atlas marocain
Le repaire où se cache l'Arabe sanguinaire de l'Atlas marocain a pu être localisé dans le massif de l'Afraou (1), à droite de la route d'Azilal à Tenant (2). Les recherches se poursuivent avec la participation de 10 000 hommes. Un avion survole le pays et des chiens policiers aident la troupe. Le général Juin, venu dans le Tadla, accompagné du général de la Tour, secrétaire général aux Affaires politiques, civiles et militaires, pour conférer avec les autorités locales, a inspecté lui-même les dispositifs de sécurité mis en place.
Un véritable état de siège a été institué dans la région suspecte. Nul n'a le droit de sortir ou de rentrer dans la zone d'insécurité. Les autorités, qui disposent maintenant de moyens importants, espèrent retrouver l'assassin d'un moment à l'autre.
Au cours des recherches, un grave accident est survenu. Deux camions militaires qui avaient quitté Kasbah-Tadla, amenant sur les lieux des recherches une quarantaine de goumiers, se sont accrochés et sont tombés dans un ravin. 20 blessés ont été relevés, dont certains dans un état grave.
Commentaires :
(1) Afraou : Ras el Afraou situé dans le Rif ; du côté d'Azilal, rien n'est mentionné sur les cartes que je possède
(2) Tenant, probablement Tanant
L'Aube du 21 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
Le « tueur de la Pentecôte » traqué par les Marocains que tente la prime
Le tueur marocain, le « fou de la Pentecôte » court toujours.
La capture du bandit est rendue extrêmement difficile en raison du caractère primitif des populations du Tadla. De plus, il est difficile de reconnaître le tueur parmi ses coreligionnaires. Les autorités comptent moins sur les battues, rendues encore plus pénibles par la pluie qui tombe depuis samedi, que sur l'action des Marocains eux-mêmes, qui se présentent spontanément pour rechercher l'assassin et toucher la récompense promise de un million de francs.
L'ordre parait maintenant assuré, en raison des mesures énergiques prises pour assurer la sécurité. Le travail se poursuit sur les chantiers et dans les barrages. Une section de 36 légionnaires est arrivée dimanche matin en renfort.
M. Tallec, chef de la région, a déclaré à la presse « que l'on se trouvait seulement devant un gros fait divers isolé et rien de plus ». Mais nous connaissons le meurtrier, a ajouté M. Tallec, et certains de ses familiers de Bounoual se font forts de nous indiquer sa piste.
Commentaires : je ne connais pas l'obédience de ce journal, je relève seulement le « caractère primitif des populations du Tadla », quelles sont les caractéristiques des primitifs, comment les reconnaît-on ?, et « il est difficile de reconnaître le tueur parmi ses coreligionnaires », un peu comme aujourd'hui quand on entend que l'agresseur est de type maghrébin, ils se ressemblent tous les maghrébins, ils sont interchangeables les maghrébins, des primitifs les maghrébins.
Intéressante également la déclaration de Tallec « que l'on se trouvait seulement devant un gros fait divers isolé et rien de plus », éloignée des thèses qui se développeront peu après que se soit du côté de la Résidence ou des Nationalistes marocains, transformant le « fait divers isolé » en une tentative de soulèvement anticolonialiste ou une manipulation grossière de la Résidence, avec pour conséquence l'accès au statut de résistant et de martyr de l'assassin.
Paris-presse, L'Intransigeant du 23 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
UN COMPLICE du tueur de l'Atlas a été arrêté
RABAT, 22 mal. Le tueur n'a pas encore été repris mais on a arrêté un de ses complices qui lut fournissait de la nourriture.
Il semble bien, malgré cette arrestation, que le fou meurtrier puisse tenir encore longtemps la campagne, en raison de la configuration tourmentée du terrain. On souligne toutefois que les mesures de sécurité prises permettent aux travailleurs de vaquer normalement à leurs travaux, tant sur les chantiers que sur les barrages.
Commentaires : un autre complice arrêté avant le tueur ? Tout cela devient confus.
Paris-presse, L'Intransigeant du 24 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
Tueur de l'Atlas : recherches abandonnées
CASABLANCA, 23 mai (dépêche particulière) - Les recherches organisées pour tenter de capturer le tueur du Tadla et qui, depuis dix jours, restaient infructueuses, sont abandonnées. Les montagnards qui y participaient ont été renvoyés chez eux et les journalistes ont regagné Casablanca. Cependant, l'enquête continue et le dispositif de surveillance reste en place.
L'Aurore du 25 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR et recopie du texte avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
La police recherche maintenant L'« HOMME à la baïonnette » complice du « tueur de l'Atlas » qui se borne à répéter : « Dieu l'a voulu »
Casablanca (de notre correspondant particulier).
Ainsi que nous l'écrivions hier, la nouvelle de l'arrestation du « tueur de l'Atlas » - dix jours après son premier forfait - a été accueillie dans tout le Maroc, avec joie et soulagement, en raison, non seulement de la terreur que le criminel faisait régner sur la région du Tadla, mais aussi de la fureur et de l'indignation que la lâcheté et la cruauté du meurtrier assassinant de paisibles promeneurs sans défense, et notamment des femmes avaient soulevées.
La véritable identité de ce bandit sanguinaire a pu être enfin précisée : au moment de sa capture, l'homme déclara se nommer Si Ahmed Hansali, ce qui provoqua une certaine confusion, les policiers l'ayant identifié comme s'appelant Mohamed Ahouraal.
La chose fut vite éclaircie. En effet, les Berbères de cette région, en étroits contacts avec les Arabes de la plaine, portent souvent deux noms. C'est le cas du meurtrier qui, en chleuh s'appelle Mohamed Ahouraal et et arabe Si Ahmed Hansali.
« Comment je suis devenu un assassin ... »
Ramené hier à Bounoual, sur les lieux mêmes où il assassina un moghazni et lui vola ensuite un mousqueton et des balles. Le « tueur de l'Atlas » a affirmé, au cours d'un interrogatoire qui se prolongea pendant trois heures, qu'il n'avait pas abattu le garde parce que lui-même avait eu des relations avec sa femme, comme on le pensait, mais par simple vengeance.
Il expliqua :
J'étais employé chez un propriétaire marocain pour gardes ses troupeaux, à charge par ce dernier de me nourrir et étant entendu qu'en fin de saison je recevrais une vache comme salaire. Mais mon patron ne me donna pas cet animal, me disant qu'il ne me devait plus rien ... J'ai alors porté plainte auprès du moghazni qui a donné raison au propriétaire. Fou de rage, j'ai tué le moghazni, je lui ai volé son mousqueton et ses cartouches et je me suis mis à la recherche de mon ancien patron que je n'ai pas trouvé. c'est pour l'abattre que je suis revenu à Bouanoual.
« J'ai tué parce que Dieu la voulu ... »
Après cette première confession faite sans crainte et sans haine, le tueur se montra plus récalcitrant, niant farouchement les autres attentats. Ce ne fut qu'au bout d'un lent et patient interrogatoire qu'il finit par entrer dans la voie des aveux.
Cependant les enquêteurs n'ont pu obtenir que le meurtrier leur fournit des motifs valables pour expliquer ses derniers crimes
- J'ai tué parce que Dieu l'a voulu, se borne-t-il à répéter avec obstination.
L'opinion publique ne semble d'ailleurs pas se contenter de cette explication. Elle demande qu'une lumière impitoyable soit faite sur tous les éléments de cette affaire. Certes, à l'origine, il n'y eut qu'un fait divers banal. Mais la série des meurtres s'est poursuivie d'une façon telle que la population s'inquiète et se demande si le criminel agissait bien seul et si les assassinats n'étaient pas le fait d'une bande organisée.
C'est pourquoi le malaise n'est pas entièrement apaisé par l'arrestation du tueur de l'Atlas. Il est d'ailleurs acquis - par le témoignage d'une des victimes miraculeusement rechapées - que Si Ahmed Hansali avait un complice que l'on recherche activement. Ce dernier est toujours armé de la baïonnette du mousqueton.
Fait comme un rat !
Quant à la propre capture du bandit, elle a été effectuée dans des circonstances curieuses, non loin de Mouanoual (1) - où il revenait pour abattre son ancien patron - exactement au Aït Abbel Ouli, à vingt-cinq kilomètres au Sud-Est de Kasbah Tadla.
Hansali, que son complice avait abandonné, était affamé depuis deux jours parce qu'il n'osait pas se montrer, de crainte que des Marocains ne le reconnaissent et ne le signalent. Ses anciens amis refusaient également de le recevoir. Épuisé par de longues marches, il se décida, avant-hier matin, à demander de la nourriture dans un petit village où ne se trouvaient que quelques femmes.
- Donnez-moi à manger, dit-il
- Passe ton chemin ...
Ce fut leur seule réponse. L'histoire du tueur était ressassée depuis trop longtemps sur tous les marchés de la région et dans tous les villages pour qu'elles ignorassent à qui elles avaient affaire.
À ce moment arrivèrent trois Marocains du douar. Le tueur se tourna vers eux, non sans avoir ostensiblement [?] glissé une cartouche dans le canon de son arme.
- Je veux à manger : ordonna-t-il.
Les trois hommes ne répondirent pas.
- Vous n'allez pas me dénoncer ? ajouta le tueur, un peu plus menaçant. Ne sommes-nous pas tous frères ?
Les trois Berbères se regardèrent.
- C'est bien, viens manger, dit l'un d'eux.
Le bandit, mis en confiance, déchargea son arme ... Il devait ignorer sans doute la prime d'un million offerte pour sa capture ; mais les autres ne l'ignoraient pas et, à un signal convenu, ils se ruèrent tous ensemble sur l'homme. Après l'avoir aisément maîtrisé, ils le ficelèrent solidement et allèrent avertir les autorités de Tighzirht.
On connaît la suite.
Commentaires : (1) : Bou Noual
« Dieu l'a voulu ! » comme « la main de Dieu » de Maradona ou « Dieu est le plus grand » des terroristes islamistes actuels ; une façon de botter en touche, de se dégager de toute responsabilité individuelle consciente, la voie de la facilité, de la lâcheté.
Le paragraphe « Fait comme un rat ! » donne à lire des dialogues comme si le journaliste était là caché derrière un mur ou un arbre, notant les phrases des participant.es ; réalité ou imagination débordante pour donner de la vivacité, du réalisme à l'article ?
Paris-presse, L'Intransigeant du 26 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR et recopie du texte avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
Le complice du tueur du Tadla arrêté
KASBAH DU TADLA, 25 mal. (AFP). Le complice du « tueur de la Pentecôte » a été arrêté hier dans la tribu des Ait Abdel Ouli, qui l'ont dénoncé. Il se nomme Moha Lahoucine Snikia. Il n'a opposé aucune résistance aux gendarmes.
Snikia a passé des aveux complets, déclarant qu'il était le pourvoyeur d'Hansali. C'est lui qui faisait le guet, pendant que le monstre commettait ses crimes.
La Bourgogne républicaine du 26 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR et recopie du texte avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
LE COMPLICE du tueur du Tadla est arrêté à son tour - Trois Berbères se partagent la prime d'un million
Kasbah du Tadla, 25. On annonce officiellement que le complice du « tueur de la Pentecôte » a été arrêté hier dans la tribu des Aït Abbel Ouli, où il avait été dénoncé. Il se nomme Moh ou Moha Lahoucine Snikia. Il n'a opposé aucune résistance aux gendarmes et inspecteurs qui l'ont appréhendé.
Snikia a passé des aveux complets, déclarant qu'il était le pourvoyeur d'Hansali, qu'il renseignait. C'est lui qui faisait le guet, pendant que le monstre commettait ses crimes.
Hansali a été formellement reconnu par ses victimes rescapées, auxquelles on avait présenté sa photo.
L'enquête vient de débuter dans le secret le plus absolu sur les motifs privés des agissements du criminel, qui, s'il a avoué tous ses crimes, nie pied à pied contre l'évidence avoir eu un complice.
La prime d'un million de francs est partagée aujourd'hui entre les trois Berbères chez qui le tueur s'était réfugié et qui le dénoncèrent.
Commentaires : L'Intransigeant du 26 mai 1951 et La Bourgogne républicaine du 26 mai 1951 parlent du complice du tueur comme « pourvoyeur », qu'apportait-il au tueur ? De la nourriture ? Des caches ? Des renseignements sur les forces déployées pour le retrouver ? Tout cela n'est pas clair. Pourquoi l'AFP ne développe pas ses informations ?
© Copyleft Q.T. 06 décembre 2021 modifié le 21 juin 2023
Mais peut-être que je divague. Cela m'arrive, quand je n'ai pas la solution d'un problème ; je laisse mon esprit dériver, en espérant qu'en m'égarant je tomberai sur une solution vraisemblable. Bernard Quiriny - Histoires assassines (Rivages, 2015)
CRIMES DE DROIT COMMUN OU PRÉPARATION D'UNE RÉVOLTE ? (source, lemonde.fr, espace archives accessibles aux abonnés) (orthographe corrigée de certains noms propres, des erreurs probablement liées à la numérisation)
Le Monde, Publié le 11 février 1953
Rabat, 10 février. - Le 13 mai 1951 - c'était le dimanche de la Pentecôte - vers 13 heures, au col de Tafrant (1), sur la route menant d'Afourer à Bin-el-Ouidane, un barrage de pierres obligeait le conducteur d'une 4 CV Renault, M. Gouet, à s'arrêter.
Le même obstacle empêchait en même temps un car et une jeep de passer. Mais la route fut bientôt dégagée, et les deux derniers véhicules repartirent. Soudain un coup de feu retentit. L'un des occupants de la 4 CV, M. Sauvignon, s'affaissa, mortellement blessé à la tête. Quelques instants plus tard une deuxième balle fut tirée, atteignant à l'épaule Mme Gouet. Les voyageurs virent alors arriver un Marocain qui, sans mot dire, mît en joue Mme Sauvignon, la tuant sur le coup tandis que la balle blessait M. Gouet au poignet. L'assassin tira un nouveau coup de feu sur ce dernier, qui s'affaissa, atteint à la cuisse droite. Craignant pour la vie de ses deux enfants, Mme Gouet lança à l'agresseur tout l'argent qu'elle avait sur elle, le meurtrier le ramassa, déroba un sac de voyage et disparut dans les fourrés situés à droite de la route.
Dans le courant de l'après-midi du même jour on découvrit non loin du lieu du premier attentat les cadavres de M. Hervé du Bourg et de Mme Meunier. Les balles avaient atteint ces promeneurs alors qu'ils s'étaient arrêtés pour faire un pique-nique. Des balles avaient sifflé aussi - mais sans les blesser - aux oreilles de deux motocyclistes, MM. Crinon et Dordoni, qui circulaient sur la route en lacets d'Afourer à Bin-el-Ouidane. Le 15 mai, au bord de l'oued Amerzid (2), un pêcheur, M. Chantot, était abattu par un Marocain qui dissimulait une arme sous sa djellaba.
Mme Chantot et une jeune fille qui l'accompagnait, Mlle Creugnet, institutrice à Azilal, s'enfuirent effrayées. Mais un complice était là. Il fit signe de tirer en direction des femmes. Mlle Creugnet, atteinte d'une balle, ne put poursuivre sa route. L'homme au mousqueton franchit l'oued, s'approcha de la blessée et l'acheva, puis il a disparu dans la montagne.
Pendant huit jours, malgré les forces imposantes mises sur pied, l'assassin fut introuvable. Il fut enfin arrêté près de Tagzirt le 23 mai. Il s'agissait de Sidi Ahmed Ould Moha Ould Hamou, dit Sidi Ahmed Ahansali. Qui était-il ? Un cantonnier de la région d'El-Ksiba, âgé d'environ quarante ans. Il était porteur d'un mousqueton et de six cartouches quand on l'appréhenda. L'arme et les munitions appartenant à un moghazni que le meurtrier avait tué, le 8 mai, au poste de Bou-Noual.
On devait arrêter également le complice d'Ahansali, Sidi Mon Moha Ould Lahoucine, dit Sidi Ould Smîlha, et désormais l'enquête entra dans une phase nouvelle.
Des assassinats à caractère politique ?
D'après les aveux de Sidi Ould Smîlha ces meurtres - celui du moghazni comme ceux des Français et des Françaises - auraient eu un caractère politique : un soulèvement devait en effet éclater dans le Tadla. Des réunions tenues soit chez l'ancien cheik Mohamed Ou Moha Hassine, soit citez Moha Ou Zaïd Ou Haddou Yamina, décédé depuis lors, l'avaient préparé.
A ces réunions avaient participé, outre Ahansali et Ould Smilha Maati ben Hadj Salah, dit Yousefl, dit El Attar, aisément reconnaissable à sa haute stature qui passait pour être un agent de liaison et transmettre des consignes ; Bouazza Ou Zaïd Ou Moha, dit Bouazza N'Ait Mimoun, cultivateur ; Brahim ben Saïd hen Haddou, dit Zerrouki, cultivateur également, et Moha Ou Salah Ou Ali, dit El Bakhali.
El Attar affirmait que le mécontentement régnait dans la région, non seulement dans les douars, mais aussi chez les goumiers et chez les moghaznis, qui étaient disposés, selon ses dires, à apporter l'appui de leurs armes pour battre en brèche l'autorité du maghzen et évincer les Français du Maroc.
La consigne générale aurait été de s'emparer du plus d'armes possible, et de tuer les moghaznis qui refuseraient d'abandonner les leurs.
Ahansali était, le 8 mai, près du poste avec le moghazni et la femme de ce dernier quand se présenta un Marocain, Ben Naceur. Celui-ci annonça qu'un soulèvement avait éclaté à Tagzirt et à El-Ksiba.
C'est le signal qu'attendait Ahansali : il tue donc la nuit venue le moghazni Saïd Ou Kella, prend son mousqueton et ses munitions et va rejoindre Sidi Ould Smiha, qui lui annonce l'échec du soulèvement dont Ben Naceur avait répandu la nouvelle.
Alors Mohamed ben Moha Ou Hassine, l'ancien chef chez qui se tenaient les réunions, estime qu'il faut se servir du mousqueton du moghazni.
« Puisque tu es armé dit-il à Ahansali, il faut tuer des Européens. » Et dans les circonstances que nous avons rapportées trois Français et trois Françaises trouvèrent la mort.
Cet enchaînement des faits, que ne manquera pas d'évoquer le ministère public, a été établi à la suite des aveux d'Ahansali et de Sidi Ould Smiha, enregistrés dès le début de l'enquête et lors de la reconstitution des crimes.
Il est toutefois à penser que les inculpés sont revenus ensuite sur leurs déclarations, et qu'ils n'ont pas été aussi affirmatifs sur leur participation aux réunions clandestines et les mots d'ordre donnés. Il faut donc s'attendre que ces points donnent à l'audience sujet à contestations.
Le Monde
Commentaires :
(1) : non indiqué sur les cartes topographiques que je possède et autres cartes anciennes
(2) : oued entre Azilal et Tanant inexistant sur les cartes topographiques
A BOUT DE FORCES MOURANT DE FAIM, LE « TUEUR DE L'ATLAS » EST ENFIN CAPTURÉ
L'Aurore du 24 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
L'assassin, à qui il ne restait plus que six cartouches a avoué tous ses crimes
(De notre correspondant particulier) CASABLANCA (par téléphone)
La nouvelle que tout le Maroc attendait avec une impatience fébrile depuis le lundi de le Pentecôte, est enfin arrivée : le » tueur de l'Atlas » a été arrêté hier matin par des gardes marocains. Le rumeur publique en était informée bien avant que le communiqué officiel ait été publié. Celui-ci, d'ailleurs, est très bref : il annonce que le meurtrier à été capturé, sans plus.
C'est entre onze heures et midi que trois Marocains de la tribu des Aïta-Biri, ont découvert caché dans les gorges sauvages, près de Tarzirt ; entre Beni Mellal et El Kriba, c'est-à-dire à près de cent kilomètres au Nord-Ouest du lieu où a été commis le dernier crime du tueur, un indigène dont le signalement correspondait à celui de l'assassin. Ils l'appréhendèrent sans que l'homme opposât la moindre résistance et le remirent aussitôt aux mains des autorités locales. C'était bien le tueur recherché depuis plus de deux semaines.
Il était à bout de forces, mourant de faim. Il était visible qu'il n'avait pas mangé depuis plusieurs jours. Mohamed Ahouraal - tel est son nom - portait encore sur lui le mousqueton qu'il avait utilisé pour abattre ses victimes, et six cartouches.
Transporté à Beni Mellal, il devait passer des aveux complets.
Il semble qu'aussitôt après ses derniers crimes, Ahouraal ait essayé de revenir sur ses pas vers sa tribu mais que, traqué par les battues organisées, il ait dû s'enfuir vers le Nord. Le bandit avait demandé asile à des compatriotes comptant sur la solidarité traditionnelle des montagnards, mais ceux-ci lui refusèrent toute assistance en raison du caractère infamant de ses crimes. et notamment du fait qu'il avait assassiné des femmes sans défense.
Interrogé sur le mobile de ses meurtres successifs le tueur na donné aucune explication sensée. Il apparaît, comme on l'avait envisagé dès le début de la tragédie, que, celle-ci était l'œuvre d'un dément subitement saisi d'une crise.
Mohamed Ahouraal est un ancien goumier, devenu par la suite cantonnier. Le chiffre connu de ses malheureuses victimes s'élève à sept morts et deux blessés.
Mardi 8 mai : il abat d'un coup de feu dans la région du Tadla, le mari de sa maîtresse, un moghazni (garde marocain) et s'empare de son mousqueton et de sa cartouchière.
Dimanche 13 mai : la bête humaine accomplit un véritable massacre sur la route de Bin-El-Ouidane, tuant quatre Européens et en blessant grièvement deux autres.
Deux motocyclistes européens essuyèrent aussi les coups de feu de l'assassin, mais s'en tirèrent miraculeusement.
Mardi 15 mai : l'assassin ajoute à son sinistre palmarès deux autres victimes, près du lac Azilal : M. Georges Chantot, ingénieur des travaux publics, et Mlle Marie-Rose Creugnet, 23 ans, institutrice et fille d'un journaliste de Casablanca.
Mme Chantot et son enfant ne durent qu'à l'arrivée providentielle d'un camion de ne pas être massacrés à leur tour.
LE « TUEUR DE LA PENTECÔTE » CAPTURÉ
L'Aube du 24 mai 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, orthographe des noms propres respectée)
Au grand soulagement d'une population inquiète et constamment menacée par ses exploits, le tueur du Tadla, assassin aux crimes abominables, a été arrêté hier.
Il a fait des aveux complets devant M. Tallec, chef du territoire du Tadla, Lheussier, chef de la Sécurité au Maroc, et Boniface, chef de la région de Casablanca.
Ainsi donc, c'est au moment où ce redoutable assassin paraissait introuvable et où les battues venaient d'être abandonnées qu'il est tombé aux mains de la police.
C'est dans la gorge sauvage située prés de Tachzint dans le Moyen-Atlas à une trentaine de kilomètres au Sud-Est de Kasba-tadla, que le tueur du Tadla a été arrêté par trois Berbères de la tribu des Aït a Biri, qui l'ont remis, peu après, aux autorités de contrôle locales.
C'est d'au moins huit personnes dont le tueur a la mort sur la conscience. Comme on s'en souvient, c'est le jour de la Pentecôte que ce terrible bandit commit quatre assassinats. Après avoir établi un barrage sur la route de Bin-el-Ouidane. Deux Français. M. et Mme Souvignon qui avaient été arrêtés par l'obstacle, furent victimes de la folie sanguinaire du Marocain. Un peu plus tard, c'était le tour de M. Hervé du Bourg et de sa gouvernante, Mlle Meunier.
Commentaires : les variations orthographiques des noms de lieux, des personnes assassinées, des meurtriers, selon les articles de l'époque montrent la facilité avec laquelle l'approximation devient vérité capable d'engendrer colères et discussions sans fin. Cela me fait penser aux moutons de Dirac, ou comment à partir de la vue partielle d'un objet on en reconstitue l'entièreté sans guère se questionner.
L'article publié le 11 février 1953, par le Monde, au moment du procès à Casablanca parle d'un « attentat » au troisième paragraphe et non de meurtres, nuance de taille. À la lecture des articles proposés ici, au moins quatre meurtres, ceux de Mme et M. Sauvignon (mère et fils) ainsi que ceux de M. Chantot et Mlle Creugnet, eurent lieu en présence de témoins ce qui est loin d'établir la véracité des faits.
Le 08 mai Ahmed El Hansali tue pour un fusil et des cartouches ou par vengeance, les 13 et 15 mai il cible des européens, femmes et hommes. Veut-il semer la panique dans la communauté européenne ? Vole-t-il, un sac selon Le Monde ? A-t-il un projet « politique » qui permettrait de le classer dans la case « terroriste indépendantiste lâche » ? Difficile de savoir à la lecture de ces articles et d'autres. Comprendre ces meurtres exige une enquête approfondie sur l'auteur, son parcours, mais également sur les témoins, sur les enquêteurs, les juges, le contexte de l'époque, il faudrait avoir accès aux procès-verbaux des interrogatoires, aux minutes du procès, etc., bref écrire un livre qui ne nous enfermerait pas dans des jugements rapides mais ouvrirait à la réflexion. Philippe Jaenada décortiqua dans « la petite femelle » (Robert Laffond, 2015) le parcours de Pauline Dubuisson, tueuse de son amant, ainsi que son procès en 1953, un travail de plusieurs années, allant jusqu'à Essaouira où elle mourut. Je ne possède ni les qualités, ni l'opiniâtreté, ni l'envie, ni les désirs de Philippe Jaenada, pour faire un tel travail sur Ahmed El Hansali, et d'ailleurs ce dernier mérite-t-il un tel travail ? D'où les points d'interrogations qui accompagneront les différentes contributions de cet onglet.
Comme il faut se positionner, je classe ces sept meurtres dans la case « assassinats gratuits », sans autre objectif que celui de tuer, de voir le sang couler, avec comme prétexte la colonisation, ou la folie, ou une volonté divine, ou ... On peut être opposé à la colonisation sans être obligé de tuer des civils, certes colons, mais avant tout civils ; les choix, conscients ou non, du tueur d'attaquer des civils dénote une grande lâcheté ; il est toujours facile, après, de transformer des actes en une forme de résistance au colonisateur, en gauchissant la réalité.
© Copyleft Q.T. 18 novembre 2021 modifié le 13 août 2023
texte paru dans La Défense : organe de la Section française du Secours rouge international, 24 août 1951 (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) (reconnaissance OCR avec corrections manuelles, respect de l'orthographe des noms propres)
La vérité sur « l'affaire » du « tueur du Tadla »
par ALI YATA, Secrétaire du Parti communiste marocain, expatrié par le général Juin.
La presse colonialiste au Maroc a consacré des colonnes entières, pendant des semaines, à « l'affaire » du « tueur du Tadla ».
En France, les journaux réactionnaires en ont également beaucoup parlé.
Que s'est-il passé, que se passe-t-il donc dans le Tadla ?
On se souvient que d'importants événements se sont déroulés au Maroc, depuis octobre dernier, date à laquelle le Sultan, en visite officielle en France, posa la question marocaine au gouvernement français.
Le peuple marocain réclamait avec force son indépendance nationale. L'oppression qu'il subit depuis 1912 s'accroissant, la combativité de ses partis nationaux devenait plus vive. En fait, la lutte du peuple marocain mettait gravement en danger les privilèges des seigneurs de la colonisation, et surtout dérangeait les plans de transformation complète du Maroc en base d'agression antisoviétique. Elle rendait aléatoire l'utilisation de ce « porte-avions » que l'on s'apprêtait à consolider par la construction de sept nouvelles bases aériennes en vertu d'un accord secret franco-américain, conclu à l'insu du peuple marocain.
Il fallait donc faire « régner l'ordre et le calme au Maroc ».
Le général Juin, représentant du gouvernement français et aussi adjoint d'Eisenhower, entreprit de briser le mouvement national. Il déchaîna une répression sauvage, assortie des manœuvres les plus basses de division et de corruption, répression que « La Défense » a dénoncée à son heure. Mais il n'atteignit pas ses objectifs. A cause de la lutte ardente du peuple marocain, solidement appuyée de l'extérieur par les peuples coloniaux et dépendant, par les combattants de la paix et de la liberté, particulièrement en France.
Dans cette lutte. admirable, une région se distingua. C'est le Tadla, dont la résistance armée à l'occupation du pays ne cessa qu'en 1934. C'est là où le Parti communiste marocain a le plus d'influence, où les paysans s'opposent inflexiblement au vol de 120 000 hectares de terres bientôt irrigables, que veut perpétrer l'administration, au profit des colons. Pour la « pacification ! »
Cette région méritait donc, aux yeux de Juin et de ses maîtres français et américains, une sévère correction. Un moyen classique à cet effet : c'est celui qui permit-en 1907 l'occupation de Casablanca et le massacre de sa population marocaine, en 1945, l'assassinat de 40 000 Constantinois, après l'assassinat commandé de quelques Européens.
Comme par hasard, cinq Français furent tués dans le Tadla. La veille du premier meurtre, des goums avaient été envoyés dans cette région qui fut ensuite livrée à 10 000 hommes de troupes et des contingents importants de police et de gendarmerie.
Le général Juin, le général Boyer de La Tour, le chef de la police au Maroc, Leussier, le chef de la région de Casablanca, Boniface (ancien directeur des Affaires politiques du Maroc), dirigèrent les opérations de leur quartier général installé à Béni-Mellal.
On isola le Tadla du reste du Maroc. Et à l'abri d'un rideau de fer infranchissable, on renouvela les crimes de Madagascar : douars rasés, foyers dispersés et pillés, champs et vergers saccagés, femmes et jeunes filles violées, hommes torturés par milliers.
Maati Yousfi, Ahmed Bel Madhi, membres du Comité Central du Parti communiste marocain, Marcel Lamoureux et d'autres militants communistes du Tadla, d'autres patriotes, notamment membres de l'Istiqlâl, furent arrêtés.
Détenus illégalement dans des cachots, on essaie de leur arracher des « aveux spontanés » par les procédés de la Gestapo. On s'efforce de les amener à dire qu'ils ont partie liée avec le « tueur » du Tadla ! Ce qui est difficile ! Alors, on les rend responsables d'incendies de récoltes de fellahs, survenus en 1947, et qui étaient l'œuvre de provocateurs à la solde de colons et de la Résidence générale.
Nous le disons solennellement : L'AFFAIRE DU TUEUR DU TADLA EST UNE ODIEUSE MACHINATION MONTÉE DE TOUTES PIÈCES, ET EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE, PAR LA RÉSIDENCE GÉNÉRALE.
Elle a pour but :
- « de pacifier », selon l'expression d'un journal colonialiste de France, « les turbulentes populations du Tadla », c'est-à-dire de mater par la force brutale des populations courageuses attachées au sol de leur patrie, désirant ardemment la liberté et la paix ;
- de frapper les éléments les plus actifs du mouvement national, de décapiter les partis nationaux, en premier lieu le Parti communiste marocain ;
- d'intimider le peuple marocain et de le pousser à accepter passivement le sort qui lui est fait ;
- de cacher la transformation accélérée du Maroc en base d'agression antisoviétique ;
- de semer la panique parmi la colonie européenne et de justifier ainsi l'accentuation du terrorisme administratif, l'aggravation des mesures de bâillonnement ;
- de duper une partie de l'opinion internationale en présentant les Marocains comme des fanatiques et des barbares, à qui il est impossible de reconnaître l'indépendance.
Mais la Résidence générale ne parviendra pas à son but.
Le peuple marocain mettra en échec son ignominieuse machination. Il saura arracher la libération des victimes de la répression. Et, aidé par les progressistes et les démocrates du monde entier, notamment ceux de France, il poursuivra inlassablement la lutte pour l'indépendance nationale, pour le maintien de la paix.
Commentaires : Quelques mois après les meurtres, Ali Yata écrit, non « sa » mais « la » vérité. Des phrases ronflantes de certitudes explicatives ou historiques, la description d'un Monde binaire, un aveuglement de militant, une foi inébranlable et irraisonnée dans une idéologie (comme pour toutes les fois) ; en 1951 Staline règne et beaucoup savaient déjà que l'Union Soviétique était loin du paradis. Sur des forums Internet on avance que le « tueur du Tadla » changea de statut au moment, ou peu avant, la parution d'un article de la revue TelQuel en 2005 ; dès 1951, Ali Yata implicitement le dédouane de ses assassinats le transforme en « pauvre bougre » manipulé par la Résidence, le futur statut de martyr s'ébauche ; le « Comme par hasard » est emblématique des théories complotistes. Un article radical, d'un homme radical, aveuglé par une idéologie radicale.
© Copyleft Q.T. 21 octobre 2021 modifié le 31 juillet 2023
Au détour d'un livre, précisément aux pages 129 et 130, ALI YATA ou le chemin de l'honneur et de la dignité de Abdelkrim BELGUENDOUZ et Mohamed FERHAT (BOUKILI Impression, édition et distribution - S.A., 1997) (document personnel photographié puis reconnaissance OCR, avec respect de l'orthographe du texte, c'est-à-dire erreurs comprises), on trouve cet éloge au tueur du Tadla et à son complice :
QUI FUT AHMED EL MADI ?
Né en 1898 à Béni Amir dans l'actuel cercle de Fkih Ben Salah, dépendant de la Province de Beni Mellal, le regretté camarade Ahmed El Madi, qui eut l'honneur de faire partie de la délégation du Parti Communiste Marocain reçue par feu S.M. Mohammed V le 26 Août 1946, fut un patriote éminent. Dès l'adolescence, il rejoint avec son père M'hamed (qui mourut au champs (1) d'honneur) au Moyen-Atlas la résistance à la pénétration et à l'occupation coloniale française dans le Tadla dès son début, et participa à la lutte armée pour contrer les raids des forces coloniales.
Il fit ainsi partie de ce noyau de patriotes éminents qui entreprirent de s'opposer à la présence coloniale, tels les regrettés El Hansali et Mohamed Smiha, ainsi que le regretté camarade Maâti Lyoussfi qui fut membre du Comité central du PPS.
Il fut également l'un des fondateurs du PCM en 1943 et participa activement, au côté du camarade Abdeslam Bourquia, dans la structuration des cellules du Parti ainsi que dans la mobilisation et la conscientisation des paysans pauvres du Tadla, contre les exactions coloniales et les exploiteurs locaux.
Tous dans la région connaissent son action et son courage dans la lutte anticoloniale sous le Protectorat, durant lequel il connut la torture et plusieurs fois la prison, notamment à Ghbila pendant un an et demi à partir de 1952.
Après l'indépendance, il prit part également aux luttes pour l'instauration de la démocratie et participa aux élections législatives de 1963 comme candidat du Parti (qui était clandestin) à Béni Mellal. Quelques jours avant sa mort en 1969, à l'âge de 70 ans, il a tenu à inscrire sur une feuille de ses propres mains son adhésion au Parti de la Libération et du Socialisme, confirmant ainsi sa fidélité aux valeurs et aux principes pour lesquels il s'est battu durant toute sa vie.
Commentaires :
(1) : pourquoi un « s » à champ d'honneur ?
Beni Mellal ou Béni Mellal ?
Je suis ici inutilement méchant (faisant moi-même des erreurs d'orthographe) sauf que je ne publie pas de livres, je ne suis pas universitaire ; je pointe ces incohérences orthographiques qui sont récurrentes dans les publications marocaines en français et que le ou la lecteur.rice marocain.e ne verra pas, tout simplement car ces livres ont une diffusion ultra-confidentielle ; j'ai acheté celui-ci alors qu'il était exposé par un vendeur sur un trottoir à Beni Mellal, probablement à la fin des années 1990 ou au début des années 2000.
Abdelkrim BELGUENDOUZ, principal contributeur à ce livre, est l'auteur de ces deux pages. Il est universitaire et membre du P.P.S. (Parti du Progrès et du Socialisme), ex P.L.S. (Parti de la Libération et du Socialisme), ex P.C.M. (Parti Communiste Marocain). Sur Internet on trouve quelques publications de lui concernant la problématique migratoire qui semble être ou fut son champ de recherches, à moins qu'il s'agisse d'un homonyme.
Les quelques lignes du deuxième paragraphe suggèrent que le tueur du Tadla et son complice appartenaient à un groupe structuré, « résistants » au colonialisme et que finalement les sept personnes abattues en mai 1951 doivent être classées dans la case « victimes collatérales » selon le langage militaire, repris ici, implicitement, par cet universitaire ; le statut de martyr pour ces héros de la Résistance Nationale Marocaine étant ainsi pleinement justifié, comme leurs camarades ou frères du P.C.M. entre sa création en 1943 et l'indépendance en 1956. Je ne juge pas la valeur des travaux de cet universitaire, je m'interroge sur une dérive intellectuelle aveuglante, qui aboutit à l'oubli des faits pour ne retenir qu'une héroïque résistance à la France colonisatrice ; un biais cognitif que l'on retrouve très fréquemment dans ce type de publications.
© Copyleft Q.T. 16 janvier 2022 modifié le 21 juin 2023
Le Monde du 17 août 1997 (archives du journal Le Monde, espace réservé aux abonnés)
ALI YATA, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS - gauche modérée) marocain, est mort mercredi 13 août 1997 à Casablanca, après avoir été fauché samedi 9 par une voiture. Né le 25 août 1920 à Tanger, Ali Yata s'engage dès 1939 dans la lutte pour l'indépendance. Il rejoint le Parti communiste marocain en 1944 et en est élu secrétaire général l'année suivante. Condamné par les autorités françaises à dix mois de prison ferme, il est ensuite exilé en France. Revenu clandestinement au Maroc, il sera à plusieurs reprises arrêté et emprisonné, avant et après 1960, date de l'indépendance du pays. En 1974, Ali Yata fonde le Parti du progrès et du socialisme, dont il a été depuis le secrétaire général et qui est un des quatre partis d'opposition représentés au Parlement. Il s'apprêtait à céder son poste à un autre membre du bureau politique après les élections législatives prévues à l'automne.
ALI YATA ou le chemin de l'honneur et de la dignité de Abdelkrim BELGUENDOUZ et Mohamed FERHAT (BOUKILI Impression, édition et distribution - S.A., 1997) (document personnel)
Ce livre reprend dans une première partie, une intervention orale faite par Abdelkrim BELGUENDOUZ, lors de la sortie du premier tome (et le seul semble-t-il) des « mémoires » d'Ali Yata : « Lutte derrière les barreaux » (édité par son auteur, avec l'aide des « Éditions Al Bayane »), le 15 janvier 1996 au Ministère de la culture à Rabat, avec des éléments biographiques.
En plus de la nécrologie brève faite par Le Monde, on peut préciser qu'Ali Yata fréquenta le Lycée Lyautey de 1933 à 1941 ; qu'il obtient en 1942 un diplôme en « études pratiques arabes » et en 1943 un autre en « philologie arabe » à la faculté d'Alger. Il adhère au P.C.M. (fondé essentiellement par des français) le 31 décembre 1943 avec l'accord des dirigeant de l'Istiqlal et devient secrétaire général du P.C.M. en février 1945. Le 18 juin 1948, le général Juin, Résident Général du Maroc, signe un arrêté d'expulsion à son encontre, périodes de clandestinité, d'arrestation, d'expulsion, de prison s'enchaînent jusqu'à fin 1958, soit deux ans après l'indépendance ; puis de nouveau la prison en 1963 et 1969. Ali Yata en plus d'être premier secrétaire du P.C.M., puis du P.L.S. et du P.P.S., fonda et dirigea des journaux dont Al Bayane, dont on peut lire gratuitement la version Internet. Ali Yata écrivit également, « La Mauritanie une province marocaine - 1960 » et « le Sahara occidental marocain - 1972 ». Il fut également trois député d'une circonscription de Casablanca à partir de 1977.
Le Monde du 14 juillet 1956 (archives du journal Le Monde, espace réservé aux abonnés)
Rome, 13 juillet. - Dans une interview accordée à l'Unita, organe du parti communiste italien, M. Ali Yata secrétaire du parti communiste marocain, évoquant l'indépendance du Maroc, a notamment revendiqué pour son pays Colomb-Béchar et Tindouf.
Le Monde du 08 juillet 1981 (archives du journal Le Monde, espace réservé aux abonnés)
EN DÉPIT DES ÉVÉNEMENTS DE CASABLANCA Le parti communiste apporte son soutien à la politique saharienne du roi
Rabat. - En dépit des événements du 20 juin à Casablanca, le parti communiste (P.P.S., Parti du progrès et du socialisme) a apporté son soutien au roi Hassan II pour l'initiative qu'il a prise à Nairobi d'accepter un « référendum contrôlé » dans les provinces sahariennes. En revanche, le parti socialiste (U.S.F.P.) ne s'est pas encore joint au consensus national qui s'est reconstitué autour de la politique saharienne du souverain.
Le bureau politique du P.P.S. a publié récemment une déclaration qui, tout en rappelant que « le parachèvement de l'intégrité territoriale et le rétablissement de la souveraineté nationale ont été et restent les objectifs du peuple marocain et de l'ensemble du mouvement patriotique, dont fait partie le Parti du progrès et du socialisme » et aussi que les citoyens marocains des provinces sahariennes s'étaient déjà prononcés à maintes reprises sur leur personnalité marocaine, affirme que le recours à une nouvelle consultation « peut bel et bien apparaître comme une formalité superfétatoire ».
« Mais, continue alors la déclaration, le bureau politique du P.P.S. n'ignore pas que l'opinion publique internationale en général et celle de l'Afrique en particulier tiennent au référendum d'autodétermination. » C'est donc par égard pour cette communauté que le Maroc accepte un tel référendum.
La déclaration communiste conclut en affirmant que le front intérieur doit lui aussi être renforcé par un nouveau gouvernement, « représentatif, compétent et dynamique », et par la suppression complète des dernières hausses de prix ainsi que par la conclusion d'un « pacte de défense entre toutes les forces nationales patriotiques ».
M. Ali Yata (1), intervenant devant le Parlement à propos des événements de Casablanca, avait fait part à l'Assemblée de cette position de son parti sur l'initiative royale. On attend toujours, en revanche, celle de l'U.S.F.P., particulièrement menacée par la répression et qui se préoccupe surtout du sort de ses dirigeants et de ses militants internés depuis le 20 juin et dont on reste sans nouvelles.
Du côté de la majorité, c'est le Rassemblement national des indépendants (R.N.I.) et en particulier le groupe des indépendants fidèles à M. Osman, qui a approuvé le premier le roi par une déclaration de son leader publiée par les journaux du parti, le 25 juin dernier. De leur côté les « indépendants démocrates » c'est-à-dire le groupe qui s'est détaché des fidèles de M. Osman, ont approuvé également à « cent pour cent » l'initiative royale de même que le mouvement populaire de M. Majoubi Aherdane, de tendance berbère.
L'Istiqlal, en revanche, le vieux parti nationaliste représenté au gouvernement par le ministre des affaires étrangères M. Boucetta, a approuvé également, mais en insistant sur le caractère « confirmatif » du référendum de même qu'il avait insisté dans sa presse avant le départ du roi Hassan II pour Nairobi sur l'engagement que le souverain avait pris de « ne renoncer à aucun grain de sable de notre Sahara ».
Enfin il faut noter le message transmis le 2 juillet dernier par le général Dlimi, commandant de la zone sud au souverain. Dans ce message, le général Dlimi exprimait au nom de toutes les forces qui servent en zone sud leur « immense reconnaissance pour le grand succès remporté lors de la dix-huitième session de l'O.U.A. ». Les forces de la zone sud renouvelaient à cette occasion l'expression de leur attachement au souverain. Ainsi se reconstituait le consensus national autour de la politique saharienne du roi Hassan II, mais encore une fois à l'exception notable de l'Union socialiste.
(1) À propos des mesures dont il a été l'objet samedi, M. Ali Yata nous a déclaré, lundi 6 juillet, qu'il ne s'expliquait pas pourquoi on lui avait interdit la sortie du territoire marocain pour se rendre en U.R.S.S. via Paris. D'autant plus qu'il s'agissait, selon lui, d'une mission patriotique consistant à expliquer dans les pays de l'Est les motifs de l'initiative royale et de la justifier.
ROLAND DELCOUR
Commentaires : Je laisse le soin aux quelques lecteur.rices de se faire leur opinion sur Ali Yata.
Je remarque dans le livre « ALI YATA ou le chemin de l'honneur et de la dignité de Abdelkrim BELGUENDOUZ et Mohamed FERHAT », l'utilisation plusieurs fois du mot « frère » en parlant aux camarades communistes ou socialistes (je ne sais plus trop comment classer ces gens) et l'absence totale de femmes dans ce livre, seules trois photographies font apparaître des femmes : celle de la femme d'Ali Yata (page 46) avec leurs deux enfants dont les prénoms sont donnés, mais pas celui de sa femme ... ; peut-être un visage féminin (page 158) lors d'une manifestation unitaire à Rabat contre la guerre du Golfe ; deux femmes de la rédaction d'Al Bayane (page 168) ; belle représentativité pour un parti du Progrès, de la Libération, Communiste, Socialiste. Je note aussi, comme le pointe l'auteur du texte, Abdelkrim BELGUENDOUZ, l'absence d'explications sur les déboires judiciaires d'Ali Yata entre 1956 (l'Indépendance) et 1958 ; je retiens l'accord donné par l'Istiqlal pour adhérer au PCM, une forme d'entrisme ? Des « mémoires » très sélectives, comme souvent.
Les deux photographies en noir et blanc proviennent du livre, « ALI YATA ou le chemin de l'honneur et de la dignité de Abdelkrim BELGUENDOUZ et Mohamed FERHAT »
© Copyleft Q.T. 17 janvier 2022 modifié le 21 juin 2023
La production de conneries est stimulée quand les occasions de s'exprimer sur une question donnée l'emportent sur la connaissance de cette question. Harry G. Frankfunt - de l'art de dire des conneries (Mazarine, 2017)
Entre le 14 mai et le 27 mai 1951, La Vigie Marocaine consacra une série d'articles, tous débutant en première page, consacrés aux évènements du Tadla, à la randonnée meurtrière d'Ahmed el Hansali. Précédemment, le 10 mai 1951, ce journal publiait, en page 3, la nouvelle du meurtre d'un moghazni à Bou Noual, mais personne ne savait alors qu'Ahmed el Hansali entamait un parcours meurtrier. Tous les articles proviennent du site gallica.bnf.fr/, (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France). Les exemplaires présentés sont pâles, donc difficiles à reconnaître avec la technique OCR, de plus cela est très chronophage, je me contente donc de les présenter, tels qu'ils parurent, avec leurs photographies parfois très sombres.
La Vigie Marocaine du 10 mai 1951, (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) (reconnaissance OCR, corrections manuelles, respect de l'orthographe des noms propres)
UN MOGHAZNI EST ASSASSINÉ PRÈS DE KSIBA
Le vol est le mobile du crime
EL KSIBA, 10 mai - Le moghazni qui était de permanence au poste téléphonique de Bounoual, près de Ksiba, a été assassiné hier d'un coup de fusil.
Le meurtrier s'était emparé du propre mousqueton de la victime pour commettre son forfait.
Ce sont les A.I. qui mènent l'enquête et, selon les indices recueillis, le meurtrier, un cantonnier, aurait tué le malheureux moghazni pour le dévaliser.
Le criminel est activement recherché.
Commentaires : Le fait tient autant de place et d'importance que la brève du lendemain, UNE AUTOMOBILE PERCUTE UN ARBRE PRÈS DE TEMARA. Le nom du moghazni tué le 09 mai à Bou Noual n'est pas mentionné, il ne le sera pas dans les semaines qui suivent. C'est un phénomène qui perdure, on se souvient aisément du nom des criminels, de celui des victimes avec difficulté.
La Vigie Marocaine du 14 mai au 27 mai 1951 (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) (reconnaissance OCR ou recopie du texte, corrections manuelles, respect de l'orthographe des noms propres)
Le 14 mai : « Le drame d'hier est donc en quelque sorte l'épilogue d'un crime passionnel. C'est un fait malheureusement trop connu que lorsqu'un Marocain de la montagne commet un crime et s'enfuie, il en commet toujours d'autres avant d'être capturé ou abattu lui-même. Une sorte de folie sanguinaire se déchaîne en lui, le poussant à multiplier ses victimes. » ; ce paragraphe suggère que ce type de randonnée meurtrière serait « courant » au Maroc, ou du moins pas isolé pour que le correspondant ou la correspondante du journal évoque ce comportement « spécifique » au « Marocain de la montagne ».
Le nom des victimes, Carmen Sauvignon (43 ans) et son fils André (21 ans), est mentionné ainsi que leur profession ; la SOPECO où travaillaient Hélène-Madeleine Meunier, née Agutte (26 ans) et Hervé du Bourg (22 ans) était une conserverie ; Adina Gouet (37 ans) et son mari René (39 ans) sont blessés, leurs deux enfants (3 et 6 ans) étant indemnes physiquement.
Commentaires : Je ne cesse pas de m'étonner de la facilité avec laquelle la route Afourer - Bin el Ouidane, dont l'accès semble contrôlé pour cause de construction du barrage de Bin el Ouidane, est fréquentée par des gens allant pique-niquer.
Le 15 mai, La Vigie dépêche un envoyer spécial, Marcel Segret. On apprend que Bou Noual est un lieu de villégiature avec des restaurants, des campeurs. Le journaliste exclut l'hypothèse politique et ne retient que celle du drame passionnel, la femme du moghazni, Izza bent Hamed, étant une « beauté marocaine » (voir le clip Beauté Marocaine sur YouTube, de DJ Kayz feat. Souf, https://www.youtube.com/watch?v=HQcBq1DkxoE) ; l'oued el Abid est infranchissable ; le meurtrier est formellement identifié, Sidi Ahmed Ahouraal, 40 ans environ, 1 mètre 67, une maîtresse, Itto Hanna ; prime d'un million de francs à qui permettra la capture du bandit.
Commentaires : Des caractères physiques de l'assassin sont donnés. L'assassin possédait-il une carte d'identité ? La carte d'identité, valable 3 ans, établie pour le père de mon épouse en 19 ??, par le Protectorat de la République Française au Maroc, mentionne la taille, la forme du front et du nez, la corpulence, les marques particulières, et porte la mention « né présumé en », voir photographie A (document personnel scanné).
Le 16 mai, le tueur à un complice ; deux nouveaux meurtres Georges Chantot (29 ans) et Marie-Rose Creugnet (23 ans) ; le lieu du meurtre se situe « sur l'oued Akalzaouit, à 5 km au-delà d'Azilal » donc probablement sur la route de Tanant (voir photographies C et D, qui sont des propositions de localisation de ces deux crimes), le pont en pierres semble toujours exister, on devine l'ombre de son arche, mais un peu plus loin, un deuxième pont, sur la même route ; la carte au 1/50 000° d'Aziylal (1977) ne mentionne pas l'oued Akalzaouit ; on nous renseigne sur l'état des deux blessés du 14 mai.
Commentaires : Une incohérence, le 14 mai l'oued el Abid est infranchissable, le 13 mai quatre meurtres ont lieu rive droite et les deux meurtres du 15 mai rive gauche ; comment le tueur et son complice ont-ils franchi l'oued el Abid ?
Le 17 mai, 10 000 hommes traquent le tueur, des chiens policiers sont dépêchés, six goums sont attendus, du linge appartenant au tueur et sa photographie sont envoyés à un radiesthésiste de Port-Lyautey ; le Résident Général Juin se rendra sur place.
Commentaires : Les berbères sont de grands marcheurs, ils connaissent bien leur région, mais comment se nourrir, franchir un oued en crue sans complicités ? Voire peut-être des complicités au sein même des goums déployés sur place. Le trajet Bou Noual, route d'Afourer, pont après Azilal, Taghzirt, représente à vol d'oiseau 158 kilomètres (voir photographies B), quel coefficient de détour faut-il appliquer pour obtenir la distance réelle ?
Le 18 mai, « On se demande maintenant si le bandit ne bénéficie pas de certaines complicités », sous-titre le journal, en effet malgré les effectifs déployés le tueur reste introuvable ; Marcel Segret précise qu'entre Bin el Ouidane et Azilal, « nous ne croiserons jusqu'à Azilal aucun soldat, aucun moghazni, seulement des bergers et quelques Marocains effrayés » ; des hypothèses sur le chemin emprunté par le tueur pointent « l'homme se dirige vers son pays natal, aux Aït-Anhsal. » ; un deuxième radiesthésiste (de Casablanca) opère ; « Une question, toutefois, se pose maintenant : le tueur est-il seulement, comme on l'avait cru tout d'abord, un fou sanguinaire ? Certains officiers des affaires indigènes ne le croient plus. Sans complicités parmi la population des montagne, l'homme, disent-ils, ne pourrait se ravitailler et les battues ne servent à rien. » ; des mesures de sécurité sont édictées pour la circonscription de Beni Mellal.
Commentaires : On se rend compte que dans ce type de cavale, les complicités sont indispensables.
Le 19 mai, « Quelques incidents ont eu lieu dans le Tadla », tel est le gros titre du jour, nuancé, me semble-t-il, par le reste de l'article ; Marcel Segret évoque la lenteur, la non coordination, des recherches ; conférence de presse de M. Tallec « Les tribus de la région du Tadla ont été de tous temps turbulentes. Ce sont, plus exactement, des querelles ancestrales qui divisent entre elles des fractions de tribus, et à la faveur des événements actuels, qui, évidemment, échauffent quelque peu les esprits, ces querelles sont remises en question. Toutefois, nous a dit M. Tallec, le Tadla n'est pas plus agité qu'il ne l'était il y a deux ou trois mois. Certes, des incidents éclatent parfois, mais s'ils sont assez fréquents, ils sont de peu d'importance et ne présentent pas le moindre danger. Agitation serait un grand mot pour qualifier cette excitation toute en surface que cherchent à provoquer quelques trublions du parti de l'Istiqlal et qui n'est que la conséquence de menées communistes qui furent trop longtemps tolérées dans la région. Les provocateurs de troubles ne trouvent qu'un faible écho parmi la population marocaine et ce sont eux seuls qui sont à l'origine des incidents dont nous venons de parler. Dire que le Tadla est absolument calme, nous a-t-on encore dit, serait mentir, mais affirmer qu'il connaît une période exceptionnellement fiévreuse serait également dénaturer la vérité.
Pour notre part, nous avons traversé le Tadla de part en part, sans aucune arme. Nous avons rencontré partout que des paroles de sympathie et d'amitié chez les nombreux Marocains avec lesquels nous avons été appelé à prendre contact. Ces contacts nous ne les avons pas choisis, et c'est, croyons-nous, suffisamment significatif.
De toutes façons, nous pensons dire la vérité lorsque nous écrivons que les crimes regrettables qui ont été commis dans cette région ne revêtent aucun caractère politique, qu'il s'agit de malheureux faits divers - graves, hélas ! - mais comme on en déplore dans tous les pays, même les plus calmes, les plus civilisés. » ; Le Tadla reste une région agitée, l'hypothèse politique demeure exclue et on note que les troubles évoqués résultent des « communistes » qui rencontrent un faible écho dans la population marocaine.
Une chronique PROPOS D'UN VIEUX MAROCAIN, signée par Bouazza, replace cette tragédie dans une « chronologie historique ».
Commentaires : Qui était Bouazza ? Au hasard d'un livre, visible sur Internet (https://octaviana.fr/document/FJDNM007#?c=&m=&s=&cv=) « Le PARTI COMMUNISTE MAROCAIN DANS LA LUTTE POUR L'INDÉPENDANCE - Textes et documents (1949-1958) » (Paris Province Impression, pas de date d'édition, me semble-t-il), page 32 : « L'appréciation de ce journal officieux [La Vigie Marocaine, note de Q.T.] sous la signature d'un ancien contrôleur civil, qui adopte le pseudonyme marocain de Bouazza, ne peut être taxée de partialité. » Bouazza, me semble minorer les faits, qui finalement ne sont pas nouveaux, cela a toujours existé.
Dans ce livre est insérée ce qui paraît être une carte de visite au nom d'Ali Yata, 70, rue Joseph Staline, Ivry-sur-Seine (entre les pages 27 et 28) ; la jaquette arbore des photographies intéressantes de manifestant.es.
Diverses hypothèses sur le lieu vers lequel se dirige le tueur, sur son ou ses complices, montrent que comme aujourd'hui, ce qui fonctionne bien pour ce type de drame se nomme rumeur et Dieu seul sait quels prodiges d'imagination développent femmes et hommes dans ces circonstances, il suffit de regarder de temps en temps - il faut aussi penser à sa santé mentale - les chaînes d'informations en continue remplies d'expert.es auto-proclamé.es qui bavassent ; si le vingtième siècle fut barbare avec plusieurs génocides, le vingt-et-unième débute barbare et bavasse.
Le 20 mai, les recherches se poursuivent dans plusieurs lieux dont la Zaouia Ahansal où les policiers interrogent la mère du tueur ; le tueur est localisé du côté du futur barrage, une histoire de billet de 100 francs taché de sang.
Le 21 mai, article court, recherches infructueuses, un certain pessimisme transparaît.
Le 22 mai, tueur insaisissable, battues abandonnées.
Le 23 mai, « le bandit du Tadla court toujours » ; la piste du billet ensanglanté est abandonnée et le Général Juin est de retour au Tadla.
Le 24 mai, « LE BANDIT DU TADLA a été capturé par des montagnards à qui il avait demandé à manger et qui, après l'avoir désarmé et ligoté l'ont livré immédiatement aux autorités » ; photographie du tueur menotté, arrêté et d'abord interrogé à el Ksiba ; « Après avoir nié pendant quelques temps, le meurtrier avoua ses sept crimes. Mais pourquoi as-tu tué ? Lui demanda-t-on. Parce que Dieu l'a voulu, se contenta-t-il de répondre. »
« Cependant, maintenant que l'assassin est arrêté, il est nécessaire, pour la bonne marche de l'instruction de cette grave affaire, que tout soit clairement établi. Le meurtrier, certes, est arrêté, mais de nombreux complices doivent répondre devant la justice de la protection qu'ils ont accordée, en toute connaissance de cause, à un assassin. Ce sont ces gens que les policiers recherchent actuellement : tous ceux qui ont nourri, hébergé et caché Si Ahmed Ahansali et, bien entendu, celui qui a participé aux crimes d'Azilal en sa compagnie. Il est donc indispensable que l'enquête soit reprise à partir de Bou-Noual, et que le meurtrier reconstitue un à un tous ses faits et gestes marquants depuis l'assassinat du moghazni, le 9 mai dernier. D'après certains renseignements, l'ancien cantonnier serait revenu ans la région qu'il avait habité durant quinze ans pour assassiner son associé, qui l'avait lésé dans une récente vente de bestiaux. »
« On s'attendait à voir un illuminé, un fou excité, un visage terrible et une corpulence de brute, on trouve un homme impassible, conscient du sort qui l'attend, petit, maigre, barbe clairsemée, regard indifférent, des yeux marron clair et non bleus. Il ne se distingue en rien des milliers de paisible fellahs que nous avons rencontrés tout au long de cette enquête. Un homme dont, on ne se méfierait pas. Tour à tour, berger, serviteur d'un caïd, cantonnier, il a l'aspect de ces hommes habitués à la vie au grand air et au calme serein des montagnes. Il n'est pas exténué, ainsi que l'avaient prétendu les premières informations après son arrestation. Il ne parcourait que 10 kilomètres par jour a-t-il déclaré, et il a très peu circulé depuis ses crimes de la Pentecôte. »
Son complice est activement recherché. En fin d'article une dernière minute stupéfiante : « AHMED ANSAHALI ne serait pas le tueur »
Commentaires : Marcel Segret découvre avec étonnement l'étonnante banalité physique du tueur, comme s'il existait un phénotype spécifique permettant d'identifier un meurtrier. Léonard Cohen n'avait pas encore écrit son poème (1963) :
Tout ce qu'il faut savoir sur Adolf Eichmann
Yeux : Moyens
Cheveux : Moyens
Poids : Moyen
Taille : Moyenne
Signes particuliers : Néant
Nombre de doigts : Dix
Nombre d'orteils : Dix
Intelligence : Moyenne
Qu'attendiez-vous ?
Des griffes ?
Des incisives démesurées ?
De la salive verte ?
La folie ?
Le 25 mai, le complice du tueur a été arrêté, un certain Moh ou Moha Lahoucine, d'Iousmilia ; les policiers interrogent le tueur à la recherche du ou des mobiles des crimes, mais prudent Marcel Segret ne s'avance pas dans une direction privilégiée ; arrestation d'un « agitateur communiste » à El Ksiba, El Maati bel Hadj Salah mais cela est-il en lien avec le tueur ?
Le 26 mai, les interrogatoires se poursuivent ; pas de reconstitution du premier meurtre à Bou Noual.
Le 27 mai, complice et tueur ont reconnu leurs crimes ; la prime de un million de francs est remise aux trois hommes ayant permis l'arrestation du tueur ; « En attendant se poursuit l'opération d'épuration engagée dans les montagnes du Tadla, opération sans rapport d'ailleurs avec les crimes de la Pentecôte mais que l'activité déployée depuis quelques mois par un certain nombre de meneurs et de propagandistes de tous ordres, rendent nécessaire. Plusieurs arrestations d'indésirables ont été déjà opérées. »
Commentaires : Le Parti Communiste Marocain fait à posteriori un lien, pas forcément de complicité avec le tueur ; mais une occasion, une justification, pour la Résidence de faire des opérations plus politiques que de police au Tadla ; en effet page 41 du livre cité dans le paragraphe 19 mai, on trouve dans le Mémoire présenté par le Parti Communiste Marocain à la 6° session de l'O.N.U. « Au début de l'année en cours [1951, note de Q.T.], les Marocains refusèrent de signer les pétitions de loyalisme au Protectorat, lancées par la Résidence. A cela, le général Juin, alors Résident Général au Maroc, répondit par l'arrestation de 30 000 patriotes et une véritable expédition militaire menée par 10 000 hommes de troupe sous le prétexte de retrouver un « tueur ». »
Le dernier paragraphe écrit par Marcel Segret, le 27 mai, conforte les arguments du Parti Communiste Marocain, l'affaire du tueur du Tadla servant d'accélérateur à une épuration politique au Tadla aussi bien du côté de l'Istiqlal que du P.C.M..
1951, temps de la guerre froide mais aussi de celle d'Indochine. J'apprends au détour d'un livre, Casablanca-Hanoï de Nelcya Delanoë et Caroline Grillot, (Éditions L'Harmattan, 2021), l'existence de soldats marocains « bloqués », pour certains, au Vietnam jusqu'en 1972, ainsi que l'existence d'autres livres sur le sujet, en particulier (non lu), Histoire d'Anh Ma par Saaf Abdallah (L'Harmattan 1996), dont voici la quatrième de couverture (capture Internet) : « En 1949, Ho Chi Minh avait sollicité l'envoi d'un cadre responsable du parti communiste marocain dont la tâche devait être d'encadrer les combattants marocains, ralliés, déserteurs ou prisonniers du Viet Minh, et de mener un travail d'agit-prop envers les soldats. Le parti désigna M'Hamed Ben Aomar Lahrech. Cet ouvrage est une enquête, une recherche, une interrogation sur l'expérience vietnamienne de cet homme, sur son itinéraire peu commun, avant et après celle-ci. » ; de quoi alimenter la réflexion sur cette période troublée au Tadla, au Maroc, sans parler des liens opaques, peu documentés, éparpillés, entre « islamistes », Istiqlal et Parti Communiste Marocain, comme le suggère un article paru dans la journal La Croix du 11 juillet 1951 (source, retronews.fr) (reconnaissance OCR, corrections manuelles, respect de l'orthographe des noms propres) et d'autres lectures :
La situation au Maroc - Lumière sur les assassinats du Tadla - L'Istiqlal veut la guerre sainte
L'ASSASSINAT de huit (1) Français dans le Tadla, lors des vacances de la Pentecôte, semblait bien mystérieux et il était difficile de croire que toute la responsabilité n'en revint qu'à un pauvre fou. D'autant que la résidence générale a mobilisé, pendant quinze jours, d'importants contingents de l'armée, sous le commandement personnel du général de la Tour, pour des opérations de « nettoyage » dans les montagnes du Tadla. L'arrestation du meurtrier et de son complice a été la fin de l'affaire pour le grand public, mais en réalité les services compétents ont continué leur travail d'enquête et de recherche.
Comme on pouvait s'y attendre, il appert maintenant avec certitude que Hansali, l'assassin, n'était qu'un pauvre homme de main, fanatisé par les agents de l'Istiqlal. Lors de la rencontre, en fin mars, à Tanger, entre les dirigeants de l'Istiqlal, d'une part et les envoyés de la Ligue arabe et des Frères musulmans de l'autre, ces derniers auraient fait comprendre aux extrémistes marocains combien la tactique de leur lutte contre le protectorat français était maladroite. Bien sûr - et nous l'avons dit dans la Croix - il y a beaucoup de misère et d'injustice sociale encore au Maroc, mais accuser la France de n'avoir rien fait dans ce domaine ne devrait guère servir la cause chère aux nationalistes.
D'abord, la masse du peuple marocain, vivant dans un cadre trop « moyenâgeux » (2), ne manifeste que peu d'intérêt pour les problèmes sociaux et économiques, et c'est pratiquement malgré, et mème contre lui, que la nation
protectrice doit le plus souvent procurer son bien-être présent et futur. Les émissaires de Azzam Pacha (3) croyaient pouvoir expliquer par là le peu d'audience trouvée jusqu'à présent par la propagande istiqlalienne auprès des tribus du bled marocain.
De plus, les Marocains citadins plus évolués (4) connaissent l'Égypte et les pèlerins de La Mecque eux-mêmes traversent chaque année le Caire. Ils m'ignorent donc pas que la condition matérielle du peuple musulman est incomparablement plus misérable dans l'Égypte indépendante que dans le Moghreb « occupé ». Cela explique que la campagne pour l'indépendance immédiate du Maroc est reçue avec beaucoup de scepticisme même par les « évolués » des villes.
Sous la pression des Frères musulmans, les différents partis politiques marocains ont décidé, à la rencontre de Tanger, de coordonner leur action, en mettant fin aux querelles de personnes et de tactique qui les divisaient et opposaient jusqu'à présent. On laisserait de côté les revendications économiques et sociales, et l'on s'efforcerait de faire naître dans le pays l'atmosphère de la « guerre sainte », avec l'espoir de galvaniser contre les « roumis » le fanatisme d'un peuple traditionnellement xénophobe. Les fins politiques de l'Istiqlal pourraient être ainsi atteintes par voie indirecte, une fois que la haine populaire aurait rendu aux Français la situation intenable, ou que les Américains (l'Istiqlal compte toujours sur l'intervention américaine en faveur de sa cause) auraient interprété les assassinats de Français et les mesures de répression que les autorités du protectorat ne pourraient manquer de prendre comme le signe de l'impossibilité de continuer le régime de protectorat.
Une violente propagande antichrétienne fut donc inaugurée par les services de l'Istiqlal. Le quotidien nationaliste de Rabat, El Alam, a publié des articles d'une extrême violence contre le christianisme et contre la présence chrétienne au Maroc. Les dirigeants des cellules istiqlaliennes dans les douars (villages) de l'intérieur, ne se souciant aucunement de la vérité, présentaient l'Islam comme menacé par les roumis. Partout on attendait le signal d'un massacre général des Français. Il parait que Hansali, qui ne se signale guère pas sa force intellectuelle, avait mal compris les ordres et pris pour signal ce qui ne l'était pas. Lui et son compagnon seraient donc partis en guerre prématurément et seuls. Mais il suffit de lire « EL Alam » et entendre les chuchotements des partisans de l'Istiqlal pour savoir que l'idée de « guerre sainte » n'a pas été abandonnée.
Les tragiques événements du Tadla mettent aussi une nouvelle lumière sur les relations entre l'Istiqlal et le parti communiste. On vient en effet d'arrêter, à la suite d'une longue enquête, le très actif militant communiste M. Lamoureux. Il avait été pendant longtemps colon dans la région du Tadla et y avait monté, parmi les musulmans, une très active cellule communiste. Or, il est significatif que cette cellule est passée en bloc à l'Istiqlal et que Hansali en faisait partie. Le plus rigoureux secret étant gardé sur les résultats de l'instruction, nous ne savons pas si M. Lamoureux est accusé ou non d'avoir pris une part personnelle, au nom du parti communiste, dans cette affaire, mais d'après les renseignements que nous avons pu recueillir il semble incontestable qu'une étroite unité d'action existe entre les extrémistes nationalistes et le parti communiste du Maroc. De la part du communisme cela me nous étonne pas, car c'est la plus orthodoxe doctrine stalinienne de soutenir par tous les moyens les mouvements d'émancipation nationale dans les pays non souverains. Cela s'est fait en Chine, cela se fait dans tous les pays du Proche et Moyen-Orient et les communistes marocains ne cachent pas même leurs sympathies pour l'Istiqlal.
Quant à ce dernier, ses dirigeants, tous encore très jeunes dans l'action politique, espèrent évidemment qu'ils pourront utiliser les communistes pour leur lutte contre le protectorat français et qu'après il leur sera possible de se débarrasser de ces allié encombrants. Mais un certain nombre de jeunes demi-intellectuels (5) marocains ne sont plus musulmans que de nom et professent à l'égard du communisme même une sympathie idéologique. Ils sont consciemment à la fois de l'Istiqlal et du parti communiste.
C'est avec ces données qu'aura à opérer l'éventuel successeur du général Juin à la Résidence générale de Rabat. Sa tâche ne sera pas simple et tant les Français que la majorité des musulmans du Maroc souhaitent que le gouvernement français fasse preuve d'intelligence et d'audace dans le choix de l'homme, qui aura à prendre une succession extrêmement difficile.
Ignace Lepp
notes de Q.T. :
1 : six européen.ne.s et un marocain
2 : comment reconnaît-on le moyen-âge au 20° siècle ?
3 : Abdul Rahman Hassan Azzam, égyptien d'origine libyenne, premier secrétaire général de la Ligue Arabe entre 1945 et 1952 (source WikipédiA)
4 : comment reconnaît-on un « évolué », les femmes étant manifestement absentes du débat ?
5 : comment reconnaît-on un « demi-intellectuel » ?
© Copyleft Q.T. 23 mars 2022 modifié le 21 juin 2023
... l'on obtient davantage de pain ou de liberté qu'en l'arrachant. Le martyre est un piège pour ceux que l'on opprime, seule est souhaitable la victoire. ÉRIC VUILLARD, La guerre des pauvres (Actes Sud, 2019)
Quelques articles à propos du tueur du Tadla issus de la « presse communiste ».
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 18 mai 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
Plus de 10 000 hommes sont à la recherche du tueur du Tadla
Les policiers et soldats lancés à la poursuite du tueur du Tadla sont sur une nouvelle piste dans la région des Aït M'Hammed au sud du lac Azilal. Plus de 10 000 hommes sont à la recherche du criminel.
Le général Juin, venu dans le Tadla accompagné du général la Tour, secrétaire général aux affaires politiques, civiles et militaires, pour conférer avec les autorités locales, a inspecté lui-même les dispositifs de sécurité mis en place.
La presse réactionnaire qui reconnaissait les premiers jours avoir affaire à un fou, exploite maintenant le crime à des fins racistes. Un véritable état de siège règne dans la région (il est interdit de circuler la nuit, les transports sont effectués sous forme de convoi et les Européens ne sont pas autorisés à quitter les cités).
Y a-t-il dans un tel déploiement de forces la seule volonté d'arrêter rapidement le criminel.
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 20 mai 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
LA RECHERCHE du « tueur de Tadla » prétexte à une opération de répression ?
RABAT. Deux radiesthésistes aidés de trois chiens policiers ont essayé samedi matin de relever la piste du « tueur du Tadla ». D'autre part la population de Bin-el-Ouidane a été évacuée et les envoyés spéciaux des journaux et agences ont été conduits à Béni-Mellal qu'il leur est interdit de quitter.
D'importantes opérations de police et de troupes ont été effectuées vendredi après-midi dans la région du Moyen-Atlas où opère le « tueur de Tadla ». Une vingtaine d'arrestations ont été opérées.
Ce véritable état de siège instauré pour l'arrestation d'un criminel et doublé d'arrestations nombreuses était exploité tous ces jours derniers par la presse raciste. On signalait même l'arrivée du général Juin dans la région pour participer également aux recherches du « tueur ». Or le voile commence à se lever sur cette affaire : Ne parle-t-on pas d'expropriations de terres dans la région et des mesures administratives contre les fellahs récalcitrants de la région. On a donc une fois de plus voulu camoufler sous une « chasse au tueur » une véritable expédition militaire (N'a-t-on pas parlé de 10 000 hommes ?).
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 24 mai 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
À BOUT DE FORCES MOURANT DE FAIM, Le « tueur du Tadla » se laisse arrêter
Rabat. C'est dans les gorges sauvages, situées près de Tachziht, dans le Moyen-Atlas, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Kasba-Tadla que le « tueur du Tadla » a été arrêté hier, à 11 h 15.
Au milieu de l'après-midi, le bandit était interrogé. Le tueur a fait des aveux complets concernant les huit crimes qu'il a commis.
Il semble qu'aussitôt après les derniers crimes il ait essayé de revenir sur ses pas vers sa tribu mais que, traqué par les battues organisées, il ait dû s'enfuir vers le Nord.
Livré à lui-même, le tueur était à bout de forces. Mourant de faim, il se laissa arrêter sans réagir.
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 29 mai 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
CHASSE À L'HOMME AU MAROC, Le sens des expéditions contre le tueur de Tadla
Le parti communiste marocain a fait parvenir à la presse un document apportant de nouveaux éléments sur les circonstances qui entourent les expéditions contre « le tueur de Tadla ».
Nous soumettons tel quel ce document à la réflexion de nos lecteurs :
« De graves provocations se préparent contre le mouvement national marocain. Prenant prétexte de l'assassinat de six Européens dans la région de Ben-El-Ouidane, la presse colonialiste est déchaînée. La Vigie marocaine, Le Progrès marocain, Maroc Presse, Le Petit Marocain, Es-Jaâda, sous d'énormes manchettes consacrent des colonnes entières de la première page à relater les agissements de l'assassin et les recherches entreprises. Dans ces articles et éditoriaux violemment racistes, les colonialistes insultent le peuple marocain et le mouvement national. Là, ils disent que l'assassin est un fou ; là, ils disent que l'assassin est « poussé par la haine », selon qu'ils s'adressent en arabe aux Marocains ou en français aux Européens.
« Les colonialistes sont allés si loin que dans leurs journaux ils attribuent les assassinats du Tadla « à la propagande du parti de l'Istiqlal et du parti communiste marocain. » Ils prétendent mensongèrement que les tribus appuient l'assassin.
« Le but poursuivi est évident : créer un élément propice au déclenchement de représailles collectives contre les populations du Tadla ; déclencher une provocation à l'échelle de tout le pays. 10 000 soldats et policiers ont été envoyés dans la région avec des chiens policiers. Des radiesthésistes participent officiellement aux recherches. Tous les Européens de la région ont été armés. Au même moment d'importantes manœuvres de l'armée française se déroulent dans le Moyen Atlas autre région qui s'est dressée avec force contre les récentes « manifestations de loyalisme » envers le protectorat. Déjà le sang des populations Tadlaouies a coulé. Plus particulièrement dans la fraction Aït Amza (tribu Aït-Daout-ou-Ali), de nombreux paysans marocains ont été blessés par la troupe, des dizaines d'arrestations ont été opérées par les autorités. Toute la région du Tadla est déclarée zone interdite.
« La circulation est rigoureusement prohibée, seuls les convois de l'administration circulent sur les routes.
« Un véritable conseil de guerre s'est tenu à Beni-Mellal sous la présidence du proconsul Juin.
Le rôle de la presse colonialiste
« Pendant, ce temps, la presse colonialiste n'accorde que quelques commentaires odieux et qui se veulent ironiques sur les agissements de « l'homme à la pioche », l'assassin qui en est à sa treizième victime officielle à Casablanca. Cette fois-ci, les treize victimes sont des Marocains. Pendant que des milliers et des milliers de policiers et de soldats sèment la terreur dans le Tadla, « l'homme à la pioche » opère tranquillement. À Casablanca, le colonialisme essaie d'utiliser les crimes de « l'homme à la pioche » pour tenter de détourner les patriotes marocains de la lutte pour l'indépendance nationale et la paix.
« Ils tentent de dresser les musulmans marocains et les juifs marocains les uns contre les autres en faisant courir le bruit que l'assassin est juif.
« Dans ces deux affaires, il est indiscutable que le but poursuivi par le colonialisme est de briser la lutte du peuple marocain.
« N'est-il pas significatif que la région où se déroulent les événements de Tadla soit celle-là même où tous les habitants se sont dressés magnifiquement contre les « manifestations de loyalisme » organisées par là Résidence générale au cours des derniers mois.
« Ces provocations sont une phase du complot impérialiste dirigé contre le peuple et le mouvement national marocain.
« N'ayant pas réussi par des manœuvres politiques et la répression, les impérialistes français et leurs maîtres américains voudraient noyer sans un bain de sang le mouvement national marocain.
« Le parti communiste marocain adresse un appel pressant à l'opinion internationale et lui demande d'aider le peuple marocain à déjouer les provocations colonialistes en dénonçant les crimes qui se préparent contre le peuple marocain et la cause de la paix.
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 07 juin 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
M. EL YOUSFI dirigeant du parti communiste marocain arrêté à Ksiba
RABAT. Nous apprenons l'arrestation arbitraire à Ksiba (région de Tadla) de M. Maâti el Yousfi, membre du Comité central du parti communiste marocain.
Soulignons que cette arrestation a eu lieu au lendemain des expéditions policières contre le « tueur de Tadla », ce qui souligne les récentes révélations, selon lesquelles ces expéditions ont servi de prétexte pour accentuer la répression.
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 09 juin 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
La reconstitution des crimes du « tueur du Tadla » s'est déroulée dans le plus grand secret. Le bruit court que Hansali serait revenu sur ses déclarations antérieures et aurait affirmé qu'il n'était pas l'assassin.
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 16 juin 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
Vague de répression au Maroc
Rabat. Le parti de l'Istiqlal vient d'adresser au président de la République française et au secrétaire général de l'O.N.U. des télégrammes de protestation au sujet de nouvelles et graves provocations colonialistes contre le peuple marocain.
Depuis plusieurs semaines, les régions de Beni-Mellal, Khenifra et Kasba-Tadla sont occupées par d'imposantes forces militaires avec unités motorisées et blindées. Des centaines de personnes ont été arrêtées. Toute la tribu des Aït Saïd a été razziée et femmes, enfants et vieillards errent maintenant dans la montagne, traqués par la troupe, en proie à la faim et aux violences des policiers du général Juin.
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 20 juin 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
Le secrétaire général adjoint de l'Istiqlal condamné à trois mois de prison par le tribunal du pacha de Rabat
RABAT. M. Omar Abdjlil, secrétaire général adjoint de l'Istiqlal, qui avait été arrêté samedi a été condamné hier après-midi à 3 mois de prison par le tribunal du pacha pour avoir protesté, dans des télégrammes à MM. Vincent Auriol, Robert Schuman et Queuille contre les méfaits de l'armée dans le Tadla.
On se souvient que le général Juin avait prétexté la recherche d'un meurtrier pour envoyer des forces répressives dans cette région. C'est au cours de cette répression que fut arrêté un membre du comité central du parti communiste marocain.
Alger républicain (directeur Pascal Pia) du 28 juin 1951 (Source gallica.bnf.fr / BnF) (reconnaissance OCR puis corrections manuelles avec respect de l'orthographe des noms propres)
Après les dirigeants communistes et nationalistes du Tadla, M. LAMOUREUX démocrate français ARRÊTÉ AU MAROC
CASABLANCA. Après la provocation du Tadla, la police a arrêté M. Marcel Lamoureux, démocrate français qui était jusque là en résidence surveillée.
On veut lui faire endosser la responsabilité d'incendies de récoltes qui s'étaient produits en 1947.
En réalité, son arrestation, ainsi que celles de Si Abdelaziz, dirigeant de l'Istiqlal, et MM. Maati Yousfi et Ahmed ben Maadi, membres du Comité central du parti communiste marocain, font partie d'une gigantesque entreprise de répression du mouvement national et démocratique.
Commentaires : Avant toutes remarques, je précise que durant ma vie professionnelle j'appartins à un syndicat, encore existant, classé très à gauche où je côtoyai des communistes ; cela ne me dédouane pas de ma partialité et ne me rend pas plus légitime pour aborder certains versants de l'affaire du tueur du Tadla.
Alger républicain présente un point de vue partisan sur le tueur du Tadla, occultant l'aspect factuel des meurtres pour se centrer sur le contexte politique du moment : guerre froide, installation de bases aériennes américaines, développement des mouvements nationalistes et/ou indépendantistes et leur répression (censure, arrestations de militants, interdictions), « La Question Marocaine », etc. Attitude que l'on constate encore aujourd'hui, quelque soit la nature du parti politique - et pas seulement aux extrêmes, et là je pense aux « en-même-temps » français d'aujourd'hui qui derrière une rhétorique implacable du vide cachent une radicalité dangereuse qu'ils/elles nomment pragmatisme. Une analyse tronquée, excluant consciemment ou inconsciemment des éléments, pour se fondre dans le moule idéologique qui nous constitue en le solidifiant ; certain.e.s appellent cela la radicalité, qui ne me semble pas exclusive des communistes en 1951. Une fois englué.e dans cette radicalité, il devient difficile de s'en extraire, le biais informatif se renforce, l'acuité intellectuelle diminue. Par ailleurs, il est difficile de nier l'existence d'inégalités flagrantes et insupportables au Maroc en 1951, de nier que le Parti Communiste Marocain comme l'Istiqlal furent vecteurs d'espoirs et qu'ils n'avaient pas forcément tort sur leur analyse de la « Question Marocaine » quelques années avant l'Indépendance.
Dans son communiqué le Parti Communiste Marocain évoque la presse colonialiste. Lors de débats à l'Assemblée Nationale (séance du 20 juin 1950, compte-rendu disponible sur Internet) un député communiste, M. Henri Pourtalet, évoque la censure de la presse au Maroc et cite des journaux colonialistes censurés, Le Petit Marocain par exemple ; Le Petit Marocain subira aussi la censure le 19 mai 1951 dans un article sur le tueur du Tadla (15 lignes censurées) (Source gallica.bnf.fr / BnF).
Sur la presse marocaine et la censure on peut lire une contribution de Rozelet Anne-Marie sur le site Persée (https://www.persee.fr/doc/horma_0984-2616_1992_num_18_1_1154_t1_0260_0000_1), contribution parue en 1992. Rozelet Anne-Marie cite un article de L'Écho du Maroc du 25 mai 1951 ; étonnamment cette citation est tronquée et pas conforme, dans sa forme, à l'original que voici (Source gallica.bnf.fr / BnF) :
Du Labyrinthe au Tadla
Au contraire de Thésée qui sortit du Labyrinthe grâce à Ariane, après avoir tué le Minotaure, Si Ahmed Ansahali en exécutant lâchement un moghazni et six Français est entré dans un labyrinthe d'où nulle Ariane ne viendra le sortir, et pour cause.
Le tueur du Tadla ne peut-être comparé au héros grec, bien sûr ; il n'a été que l'instrument d'assouvissement des passions haineuses d'un certain Minotaure, qui exige son tribut de chair et de sang français.
Ce monstre moderne, matérialisé par le bandit capturé, n'est pas seul dans le dédale du labyrinthe. Un esprit plus pervers encore a inspiré ses gestes assassins. C'est cet esprit néfaste, engendreur de crimes contre l'Humanité, qu'il faut détruire.
Quelle nouvelle Ariane guidera un nouveau Thésée pour abattre cet être immonde, aveuglé de passions, déformé par le fanatisme ?
Rozelet Anne-Marie avance le concept de collusion « istiqlalo-communiste » développé par une partie de la presse colonialiste à propos du tueur du Tadla.
Le Parti Communiste Français évoque également les « évènements » du Tadla de mai 1951, en témoignant sa solidarité agissante au peuple marocain. (Source, Cahiers du communisme, 29° Année - N°1 - Janvier 1952)(disponible sur Internet)
LA QUESTION MAROCAINE
Une déclaration du Parti Communiste Français
Au moment où le gouvernement français s'efforce, avec la complicité des gouvernements anglais et américain, d'empêcher que la question marocaine soit discutée à l'O.N.U., le Parti Communiste Français, interprète des sentiments de millions de Français et de Françaises, affirme à nouveau solennellement sa position sur le problème marocain.
Le traité, dit de Protectorat, impose au peuple marocain une oppression scandaleuse que condamne le peuple français.
Privé de ses richesses naturelles accaparées par des sociétés coloniales, chassé de ses meilleures terres au profit de la grosse colonisation, le peuple marocain dans son immense majorité est plongé dans une atroce misère.
Le Maroc compte moins de 600 médecins pour une population de 9 millions d'habitants, contre 14 000 policiers. 115 000 enfants seulement sont scolarisés sur un effectif de 1 million 800 000. Telle est l'illustration tragique du caractère mensonger de la prétendue « mission civilisatrice » des colonialistes français au Maroc.
La négation des libertés les plus élémentaires, en particulier le refus du droit syndical aux travailleurs marocains et l'interdiction de toute réunion, attestent la violation continue par les gouvernants français des droits de l'homme et des principes inscrits dans la Constitution de la République française.
Au surplus, la transformation du Maroc en base importante du dispositif atlantique d'agression, qui se manifeste notamment par la cession de bases militaires et la livraison des minerais stratégiques aux impérialistes américains, prend la signification d'une nouvelle aliénation du territoire marocain, s'ajoutant à la division arbitraire du pays en zones française, espagnole et internationale. Une telle situation a pour résultat d'aggraver les souffrances du peuple marocain,
Réduits de plus en plus à jouer le rôle de gendarmes chargés d'assurer l'ordre et la sécurité pour le compte des maîtres américains, les gouvernants français accentuent au Maroc une répression féroce, comme en témoignent les événements de mai 1951 dans la région du Tadla et les fusillades du 1er novembre dernier à Casablanca.
Le Parti Communiste Français dénonce solennellement la politique d'oppression et de violences menée par le gouvernement français au Maroc. Une telle politique, allant à l'encontre des aspirations et des droits les plus légitimes du peuple marocain, aboutit à faire haïr notre pays et porte par conséquent un grave préjudice aux intérêts de la France.
En 1925, sous la direction de son secrétaire général, Maurice Thorez, président du Comité d'Action contre la guerre du Maroc, le Parti Communiste Français témoigna sa solidarité agissante au peuple marocain.
Fidèle à ce glorieux passé de lutte, il proclame hautement aujourd'hui qu'il est aux côtés de ce peuple dans son combat pour la liberté et l'indépendance nationale.
Il salue le puissant mouvement national marocain et les milliers de patriotes emprisonnés, déportés, exilés.
Il dénonce ceux qui oppriment férocement le peuple marocain pour le plus grand profit des fauteurs de guerre américains, dont ils favorisent la mainmise sur le Maroc en même temps qu'ils leur livrent la France.
Résolus à lutter avec tous les Français de bonne volonté pour reconquérir l'indépendance et la souveraineté de la France, le Parti Communiste Français déclare qu'il est non moins résolu à tout mettre en œuvre pour imposer l'abrogation de l'odieux traité de Protectorat et la reconnaissance au peuple marocain du droit de disposer librement de lui-même.
En pratiquant une telle politique, le Parti Communiste Français reste fidèle aux traditions démocratiques du peuple français et de son mouvement ouvrier qui, par la voix de Jaurès, de Pierre Semard, de Gabriel Péri, de Marcel Cachin, de Maurice Thorez, n'a jamais cessé de dénoncer les crimes colonialistes au Maroc.
Le Parti Communiste Français, soucieux de défendre l'honneur et les véritables intérêts de la France, est convaincu que seule une politique établissant avec le peuple marocain, comme avec tous les peuples des territoires d'outre-mer, des relations amicales fondées sur une égalité absolue de droits et sur des rapports économiques et culturels correspondant aux intérêts des uns et des autres, répond aux impératifs d'une politique française.
Il appelle les Français et les Françaises à soutenir une telle politique et à témoigner leur solidarité agissante au peuple marocain.
Vive la lutte du peuple marocain pour sa liberté et son indépendance nationale !
Vive l'amitié des peuples marocain et français !
17 novembre 1951. Le Parti Communiste Français.
Je cherche, en vain pour le moment, des textes identiques au communiqué du Parti Communiste Marocain publié le 29 mai 1951, mais issus de l'Istiqlal.
Il me faudra revenir sur le cas du communiste Marcel Lamoureux.
Je joins à cette contribution quelques photographies parues dans L'Écho du Maroc, (Source gallica.bnf.fr / BnF) en mai 1951 où il semble que Paul Faure, propriétaire de l'auberge Henri IV à el Ksiba ait effectivement participé à des battues pour retrouver le tueur du Tadla, mais il n'est pas à l'origine de son arrestation.
© Copyleft Q.T. 21 novembre 2022 modifié le 27 juin 2023
… prouver l'absurdité d'un baratin se révèle bien plus coûteux en temps et en énergie que de le produire
À l'origine je voulais intituler cette contribution très parcellaire, QUELQUES DÉLIRES, car il me semblait que, parfois, ce que l'on découvre sur Internet relève plus de la psychiatrie que de l'histoire même falsifiée, que l'on tangente la « folie » douce. Cette collecte partielle, montre bien l'absence de recul des intervenant.es, qui se contentent d'avoir une foi aveugle dans leurs souvenirs – on connaît bien aujourd'hui les pièges que nous tend la mémoire épisodique – sans jamais aller les confronter avec des éléments factuels. On observera également le biais informatif dont font preuve certain.es. On remarquera aussi l'utilisation du copier-coller sans retenue, gobant l'information sans la déchiqueter pour savoir vraiment ce qu'elle contient, ce qu'elle apporte. Recherche partielle, résultant de l'introduction dans un moteur de recherche, des occurrences suivantes : ahmed el hansali ; ahmed el hansali résistant ; ahmed ahansal ; résistance marocaine ; chacune des occurrences donnant des résultats différents ; le hasard joua aussi un grand rôle.
Une deuxième contribution consacrée à quelques messages échangés sur le forum DAFINA suivra ; les échanges y sont riches et certains contributeurs se prenant pour des historiens du dimanche après-midi s'y emmêlent sérieusement les pieds, mais grâce à leur absence totale de modestie finissent toujours par écrire qu'ils ont raison, on appelle cela un argument d'autorité qui par essence n'est pas argumenté.
Je commenterai au fur et à mesure.
A) Le Tueur du TADLA - Jean Riotte Dim 22 Jan – 23:59 ; source, https://meknes-roidelabiere.forumgratuit.org/ (consulté le 01/03/2022) (copie d'écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l'orthographe des noms propres)
Si les photo illustrent l'attachement réel d'une partie de la population berbère d'El Ksiba à la France, notamment chez les notables et les soldats, elles n'illustrent pas la montée des incidents liés à des revendications d'indépendance qui se multiplient après 1945 dans tout le Maroc et notamment à El Ksiba. Vers 1949-1951 un groupe de paysans se dirigent vers El Ksiba dans le but d'éliminer tous les européens qui y résident. Les émeutiers sont heureusement arrêtés grâce à l'intervention du caïd Bassou qui parvient à les calmer. Et pendant un certain temps la colonie européenne est sous la protection de blindés de l'armée. En Mai 1951, un berger du Moyen Atlas nommé Ahmed Ahansal commet une série d'assassinats d'Européens. Pour les Européens c'est le « tueur du Tadla », pour les Marocains, le « Lion de l'Atlas ». Malgré la gigantesque chasse à l'homme organisée par l'armée, il échappe de longues semaines grâce au silence des tribus du Moyen Atlas et notamment des Ait Ouirra qui vont être écœurés par l'appel à la délation et la brutalité du ratissage.
Commentaires : « il échappe de longues semaines », premier meurtre le 08 mai 1951 à Bou Noual, arrestation à Tagzirt le 23 mai 1951, deux semaines ; « au silence des tribus du Moyen Atlas et notamment des Ait Ouirra qui vont être écœurés par l'appel à la délation et la brutalité du ratissage », d'où ce contributeur sort cette dernière assertion ? Le tueur bénéficia très certainement d'une aide (alimentaire), mais parler d'écœurement pour certaines tribus relève de l'invention à moins d'avoir enquêter avant, pendant, et après les meurtres, d'être arabophone et berbérophone, ou alors on cite sa source, on ne fait pas semblant d'avoir vécu ces événements. Il faut fouiller dans le labyrinthe d'Internet pour s'apercevoir que Jean Riotte copie-colle comme un môme de primaire, en éludant certains mots, en modifiant à la marge. Voici un extrait du texte d'origine accompagnant une série de photographies d'une visite du Résident Général Juin au Tadla ; texte disponible sur https://paratge.wordpress.com/occident-et-orient/fetes-officielles-a-el-ksiba-vers-1950/ ; texte intitulé Fêtes officielles à el-Ksiba vers 1950, par Gauthier LANGLOIS, petit-fils de Jean Vaugien, chef du bureau des Affaires Indigènes d'el-Ksiba (Maroc) entre février 1948 et août 1951 (consulté le 05/05/2021) : « Ce que les photos ne montrent pas : Si les photographies illustrent l'attachement réel d'une partie de la population berbère d'el-Ksiba à la France, notamment chez les notables et les soldats, elles n'illustrent pas la montée des incidents liés à des revendications d'indépendance qui se multiplient après 1945 dans tout le Maroc et notamment à el-Ksiba. Dans son mémoire achevé en janvier 1951 Jean Vaugien en est conscient et note l'existence à el-Ksiba d'une section du parti nationaliste Istiqlal qui rencontre un certain succès. Le même mois, le général Juin, soutenu par des colons conservateurs français, menace de destitution le sultan Mohammed Ben Youssef s'il ne désavoue pas l'Istiqlal. Contraint par la force le sultan cède le 27 février. C'est alors qu'el-Ksiba se retrouve au cœur de la contestation. Selon Guy Delanoë, « le face à face entre le résident général et le sultan a eu un retentissement profond dans l'ensemble du pays, et en particulier dans le bled, traditionnellement « fidèle à la France ». Des dépêches recueillies au Service historique de l'armée de Terre indiquent que les troubles, qui se sont produits dans le Tadla, pourtant « très tenu par ses Caïds », vont durer plus de trois mois. » Un groupe de paysans se dirige vers el-Ksiba dans le but d'éliminer tous les Européens qui y résident. Informé de la menace, le caïd Bassou intervient. Il cache dans sa résidence la famille de Jean Vaugien et lui sauve ainsi la vie. Puis le caïd parvient à calmer les émeutiers et les arrêter. Informé des faits le contrôleur civil Philippe Boniface requiert, dans une dépêche datée du 3 mars 1951, le général commandant de la division de Casablanca de prêter le secours de la troupe au maintient de l'ordre à Ksiba. Pour faire face à de nouvelles menaces la colonie européenne est donc pendant un certain temps sous la protection de blindés de l'armée. En mai 1951, un berger du Moyen Atlas nommé Ahmed Ahansal commet une série d'assassinats d'Européens. Pour les Européens c'est le « tueur du Tadla », pour les Marocains, le « Lion de l'Atlas ». Malgré la gigantesque chasse à l'homme organisée par l'armée, il échappe de longues semaines grâce au silence des tribus du Moyen Atlas et notamment des Aït Ouirra, qui, selon Daniel Rivet (1), vont être écœurés par l'appel à la délation et la brutalité du ratissage. La volonté d'indépendance n'empêche pas les Marocains d'apprécier les officiers des affaires indigènes quand ils sont soucieux du développement du pays et du bien-être de leurs habitants. René Jacquot livre par exemple ce témoignage sur le commandant Jean Rousseau, chef du cercle d'el-Ksiba et supérieur de Jean Vaugien : « C'était un officier comme il en a beaucoup et dont on ne parle pas, et qui avait fait d'el-Ksiba un modèle dans son genre. Il n'a pas été inquiété durant les troubles politiques qui ont mené à l'Indépendance. Il était carrément vénéré des Marocains de la région. ». Resté après l'Indépendance dans la région où il avait pris sa retraite, il était encore régulièrement consulté par le nouveau caïd, le petit-fils du caïd Bassou, pour divers conseils. Selon des témoignages récents d'habitants d'el-Ksiba, Jean Vaugien était alors tout aussi apprécié que le commandant Rousseau. »
1 : Dans quel écrit de Daniel Rivet peut-on lire l'écœurement des Aït Ouirra ? La précision des sources, socle de tout travail à visée historique, est ici, comme très souvent, absente [note de Q.T.] ; à l'instant de la dernière modification je n'ai toujours pas trouvé le texte de Daniel Rivet qui parle de l'écœurement des Aït Ouirra.
La remarque sur le temps de cavale (« de longues semaines ») d'Ahmed el-Hansali faite à Jean Riotte s'adresse in fine à Gauthier Langlois, qui semble être « historien » ; étonnant également l'imprécision des dates de la visite de Juin au Tadla évoquée par Gauthier Langlois, visite du 23 au 25 mai 1949, (La Vigie Marocaine du 22 et 23 mai 1949, disponible sur gallica). Le texte de Gauthier Langlois est également visible dans un livre, Jean VAUGIEN, Évolution d’une tribu berbère du Maroc central, les Aït Ouirra, mémoire dactylographié, janvier 1951.
B) Les résistants marocains !, source, https://www.yabiladi.com/forum/resistants-marocains-1-921122.html, (12 janvier 2006 15:35 par IBnBattuta qui semble reprendre un article attribué à Idriss Kiskes ; ce qui est très important car Driss Kiskes (sur le site yabiladi on lit Idriss Kiskes mais on peut légitiment penser à Driss Kiskes) est un écrivain et journaliste marocain, un temps rédacteur en chef de TelQuel, entre 2001 et 2006 ?)
même texte intitulé Ahmed Ou Moha Al Hansali le "serial killer" sur le forum, https://meknes-roidelabiere.forumgratuit.org/ (consulté le 01/03/2022) ; texte visible également sur le forum Dafina, https://dafina.net/forums/, renatto, 15 juin 2007, 07:27 (consulté le 06/05/2023), texte également présent sur https://prezi.com/mi4ybznnbnah/le-mouvement-nationaliste-marocain/?webgl=0 (consulté le 30/10/2021), présent aussi sur le site https://far-maroc.forumpro.fr/ (consulté le 20/08/2022) et probablement ailleurs sans que l'on sache qui est précisément l'auteur de cette courte nécrologie et quand elle parut pour la première fois, mais certains indices conduisent vers l'hebdomadaire marocain TelQuel (copie d'écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l'orthographe des noms propres)
Modeste agriculteur, Sidi Ahmed Ahansal (dit Al Hansali) fait parler de lui le 13 mai 1951, lorsqu'il intercepte un véhicule de colons, leur tire dessus et met la main sur les armes en leur possession. Ses attaques se multiplient, contre des caïds, des contrôleurs civils mais aussi de simples propriétaires terriens. La presse de l'époque le baptise « le tueur de Tadla ». Dans la région, il fait l'objet d'une traque à l'aveuglette à laquelle prennent part mille soldats. Il est déclaré « wanted », moyennant un million de francs. Finalement, le piège se referme sur lui, en compagnie de son frère d'armes, Mohamed Smiha, le 23 juillet 1951. Interrogés et torturés sous l'œil de Pascal Boniface (1) en personne, tous deux seront exécutés le 16 février 1952.
(1) : Philippe et non Pascal Boniface [note de Q.T.]
Commentaires : Qui diffusa en premier cette nécrologie ? Et sur quel support ? Tout est faux, dates et faits, c'est affligeant, surtout de la reprendre sans recul par paresse intellectuelle. Si on se réfère à une contribution de cigalou sur le forum DAFINA (voir TUEUR DU TADLA ----- QUELQUES DÉRIVES 02) du 11 mars 2021, 16:08, cette brève nécrologie reprise ad nauseam, aurait paru initialement dans TelQuel, numéro N° 200 du 19 au 25 Novembre 2005.
Sur le site https://prezi.com/, la contribution intitulée Le mouvement nationaliste marocain, réalisée par Inmass ID Belkacem, Ayoub El Zraidi, Zakaria Benaissa et Hamza Azaoum, s'accompagne d'un poème (cette contribution semble être une présentation scolaire d'un travail en groupe datant du 25 avril 2016) (quelques corrections orthographiques) :
Le Maroc que j'aime
Le meilleur pays du monde
Ces moments de paix qu'on vit
Viennent après toute la violence qu'on a vécu
Les sentiments d'amour vers ce pays
Pas de peur , un seul but
Résister contre les colonisateurs
Ils voulaient avoir les mains libres au Maroc
On a dit non, et on dit encore non, et pour toujours
Le Maroc est le nôtre
J'aime mon pays, j'aime le Maroc
Le Maroc que j'aime
C) LUTTES, RÉVOLTES ET RÉSISTANCES DU PEUPLE MAROCAIN
Publié le 15 juin 2015 par Maroc Résistances (source, https://marocresistancescombats.over-blog.com/2015/06/luttes-revoltes-et-resistances-du-peuple-marocain.html) (consulté le 07 mai 2022)
Al Hansali fait parler de lui le 13 mai 1951, lorsqu'il intercepte un véhicule de colons, leur tire dessus et met la main sur les armes en leur possession. Ses attaques se multiplient, contre des caïds, contre des contrôleurs civils mais aussi contre de simples propriétaires terriens. La presse de l'époque le baptise "le tueur de Tadla". Dans la région, il fait l'objet d'une traque à l'aveuglette à laquelle prennent part mille soldats. Il est déclaré recherché, moyennant un million de francs. Finalement, le piège se referme sur lui, en compagnie de son frère d'armes, Mohamed Smiha, le 23 juillet 1951. Interrogés et torturés, tous deux seront exécutés le 16 février 1952.
Commentaires : texte très légèrement différent de celui du paragraphe précédent mais la source initiale semble la même.
D) Zoom sur Zaouia Ahansal ?
Contribution d'Emmanuelle, 5 décembre 2020 ; source, https://www.authentik-traveller-maroc.com/single-post/la-coop%C3%A9rative-amagar-dans-le-haut-atlas-l-incroyable-r%C3%A9ussite-de-femmes-berb%C3%A8res (consulté le 30/10/21) (copie d'écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l'orthographe des noms propres)
Une commune rurale aux maisons de terre, ponctuées d'anciennes casbahs, comme il en existe des milliers dans le Haut Atlas. Le village, encastré entre des gorges, traversée par l'oued Ahansal, semble appartenir à un autre temps. L'accès y est difficile, notamment en hiver, qu'on se demande pourquoi ces anciens nomades ont choisi cette terre si isolée. Le village est devenu célèbre pendant le protectorat français, par sa résistance incarnée par Ahmed El Hansali. Jusqu'aux années 2000, le village était encore enclavé, loin du développement socio-économique national. Les 77 km séparant la Zaouia du reste du pays étaient, racontent les villageois, encore une piste difficile, seuls les mulets, les Land Rover et quelques camions et voitures téméraires pouvaient l'emprunter.
Commentaires : rien qu'en lisant la présentation du blog, on sait que l'inculture, la bêtise régneront (pas de corrections), on a juste envie d'écrire, au sujet d'Emmanuelle, authentique c….. :
« Bienvenue sur le blog d'une Authentik voyageuse. Je suis Emmanuelle, une amoureuse inconditionnelle du Maroc, qui a créé son agence de voyage locale responsable. Mon but : vous faire partager ma passion et vous faire découvrir ce pays aux 1000 couleurs & saveurs autrement ! A mon actif, une cinquantaine de voyages de repérage au Maroc, et une expérience de 3 ans comme bénévole au célèbre Marathon des Sables. Je vis entre Marrakech et Zagora, aux portes du désert. Une région du Sud magique, entre palmeraies, kasbahs anciennes en terre et sable.
Commencez déjà le voyage sur ce blog. Je vous livre mes plus belles expériences hors des sentiers battus, mes bons plans et mes coups de cœur pour des lieux uniques. N'hésitez pas à me poser vos questions et à me faire connaître, vous aussi, vos endroits préféré »
En 1983 notre 4L nous emmena sans encombre plusieurs fois à Zaouia Ahansal, à la fonte des neiges ; de même elle nous conduisit au pied de l'Azourki, en plein hiver, je ne sais pas qui était le plus téméraire, la voiture ou le conducteur ; soit les villageois racontent n'importe quoi, soit Emmanuelle ne comprend ni le berbère ni l'arabe ni le Maroc ni le reste du Monde, Emmanuelle doit être une pré-influenceuse.
E) Lutte anti-coloniale : Ces célèbres résistants et martyrs. Chroniques d'Hier et d'Aujourd'hui. Mouna Hachim, L'Économiste, Casablanca, 10/01/2012, extraits d'un texte disponible sur Internet (https://mounahachim.wordpress.com/2016/09/30/lutte-anti-coloniale-ces-celebres-resistants-et-martyrs/) (quelques corrections orthographiques)
A l'heure où le Maroc célèbre l'acte symbolique qu'est le Manifeste de l'Indépendance, nos pensées vont à tous ces résistants et martyrs, connus et anonymes, depuis les premières heures de l'infiltration coloniale.
…
Quelques années avant la signature du traité du Protectorat, les Oasis sahariennes orientales sont donc occupées (en 1900), ainsi que sept ans plus tard les villes d'Oujda et de Casablanca. La résistance contre l'occupation prend différentes formes depuis ces premières heures. Il faudrait évidemment des ouvrages entiers pour évoquer la mémoire de tous ces résistants voués au combat ; ce qui ne nous empêche pas ici de leur rendre hommage, tous autant qu'ils soient, figures mémorables ou milliers d'anonymes, hommes et femmes.
…
Ce qui est désigné généralement par le doux euphémisme de « pacification » n'est ainsi obtenu qu'au terme de violentes répressions et de farouches batailles. L'historien marocain, Germain Ayache, rappelle, en substance, que dans l'esprit de beaucoup, à l'extérieur du Maroc, et même à l'intérieur du pays, le colonisateur français et son allié espagnol se sont installés pacifiquement après la signature de l'acte du Protectorat, oubliant au passage la réalité de la conquête militaire et son lot de résistance, de pertes humaines et matérielles … Reconnaître donc en toute lucidité que ce ne fut pas là, tant un rêve de civilisation qu'un rêve de conquête, n'est pas « noircir le passé de la France », c'est juste rétablir la vérité de l'histoire, éviter d'offenser la mémoire des peuples colonisés et prouver que le regard que l'on porte sur eux a positivement évolué depuis l'ère coloniale. Car ce « traumatisme historique » reste jalonné d'affrontements à la mesure de sa violence et de sa tyrannie et dont quelques actes significatifs sont le Dahir berbère (en 1930), le détournement au profit des colons des eaux d'Oued Boufekrane (en 1944), l'assassinat du leader tunisien Ferhat Hachad en 1952, l'interdiction des partis et des journaux, l'emprisonnement des leaders politiques et des intellectuels, la déposition et l'exil en 1953 en Corse, puis à Madagascar du sultan Mohammed V… C'est le début de la lutte armée pour l'Indépendance avec entre autres figures retentissantes :
…
Sur les contreforts du Haut Atlas, Ahmed El-Hansali, modeste berger dont l'un des faits d'armes fut son attaque spontanée contre un poste de la police coloniale dans sa ville natale. Baptisé « Le tueur de Tadla » par la presse coloniale, il est capturé et torturé sous l'œil du chef de la région de Casablanca Pascal Boniface (1) avant d'être exécuté en 1953.
…
Enfin, puisqu'il faut bien conclure : nous ne résistons pas à la figure touchante d'Ahmed Rachidi, natif de Casablanca en 1927. Condamné par un tribunal militaire en 1954, il avait, face au peloton d'exécution, prononcé cette phrase immortalisée pour la postérité, pour sa pureté et pour sa poésie: « Ne me bandez pas les yeux ! Laissez-moi voir une dernière fois le ciel bleu de mon pays » …
Mouna Hachim
(1) : Philippe et non Pascal Boniface [note de Q.T.]
Commentaires : Mouna Hachim commet des livres, des articles, anime des pages Internet, semble faire autorité, elle représente le vide, ce qui n'est pas rien. Certes Mouna Hachim est lucide quand elle évoque la pseudo-guerre de pacification, les victimes que cette de colonisation fit. Cela ne l'exonère pas d'ériger Ahmed el-Hansali en résistant ou/et martyr, alors qu'il ne fut qu'un vulgaire assassin lâche, incapable de s'attaquer à un poste de police coloniale comme l'avance Mouna Hachim. On peut ici parler de désinformation consciente, volontaire, de la part de cette autrice.
F) Publication 1 – Le personnage Ahmed EL HANSALI
source, https://www.hansalitours.com/fr/test/, mais ce lien ne fonctionne plus, même la page Facebook de cette agence de voyage casablancaise n'affiche plus cette contribution. Le merveilleux d'Internet : on peut y avancer les pires âneries, s'en apercevoir et les retirer mais il y a toujours quelqu'un qui le temps de leur passage les capture et les publie, les réédite ; les gens sont très imprudents. (texte brut, aucune correction)
Ahmed EL HANSALI est réputé pour être un résistant marocain qui s'est sacrifié pour l'indépendance du Maroc.
Plusieurs artères, grands boulevard à travers tout le royaume du Maroc portent son nom en hommage à cet illustre personnage.
Ahmed El Hansali, est originaire de la région d'Azilal et plus précisément de Zaouiat Ahansal. Il travaillait comme aide d'un garde forestier Français dans la région d'El Ksiba à 50 km de Béni-Mellal.
Après l'exil par les autorités coloniales du roi Mohamed V en 1953, Ahmed El Hansali a décidé de venger son sultan en menant des actions individuelles contre les militaires français de la région. Une décision personnelle sans influence politique ni syndicale ni autre.
Il s'est équipé des armes et munitions de son patron garde forestier et s'est réfugié dans des grottes difficiles d'accès dans les hauteurs de Bin El Ouidane. A partir de ce point stratégique, il ciblait les convois militaires qui traversaient le grand Atlas et causait des dégâts humains à ces derniers.
Vu l'ampleur des dégâts causés par ces actions, les autorités françaises ont cru qu'ils avaient affaire à des bandes organisées et bien équipées. Et ont commencé à traquer les investigateurs de ces attaques. Les recherches ont duré plusieurs mois en vain ; tellement Ahmed El Hansali était discret et loin de tout soupçon.
Pour se ravitailler en munitions, il descendit de ses refuges en montagne à la petite cité de Taghzirt et s'installa chez sa sœur. Malheureusement, il a été vu par un Cheikh qui a reporté l'information aux autorités françaises qui l'ont capturé.
La mise à mort de ce résistant a été elle aussi particulière. Les autorités françaises ont procédé à son exécution dans des délais records ne dépassant pas les vingt-quatre huit heures après son arrestation. La procédure judiciaire a été écourté et même court-circuitée pour à la fois éliminer un danger imminent et ne pas laisser le temps aux populations locales de manifester leur appui au veillant résistant.
Cette épopée s'est déroulée en l'espace de quelques mois. Cependant, la renommée d'Ahmed El Hansali a tout de même traversé les lieux et temps pour s'écrire comme acte de résistance gravé dans la mémoire des marocains.
Rédigé par Mohamed et Abdelghani LAHRICHI
Commentaires : j'avais déjà mis en ligne cette perle de mensonge mais un tel délire mérite d'être sauvegardé deux fois plutôt qu'une. Les Lahrichi devraient écrire des scénarios de film ; exceptionnel.
G) De BOU OU NOUAL à TIZI N'MEZGUILDA : 21 Km pour une brève plongée dans le temps.
Publication de chadafmbouz122, le 03 octobre 2020 (source, https://www.benimellalnews.net/2020/10/de-bou-ou-noual-tizi-nmezguilda-21-km.html) (consulté le 13/03/2022), le texte semble être de S. Phillipe, des photographies l'accompagnent. (aucune correction)
Mi-septembre un samedi et nous voilà à l'entrée d'El Ksiba vers 10 heures du matin, pas âmes qui vivent, les chevaux en stuc au milieu du rond point trônant en position de duel semblent figés dans le temps. D'habitude à cette heure il y a toujours des personnes qui s'activent ça et là en préparation du souk prévu pour le lendemain. En cette période de pandémie les marchés sont interdits. La cité sommeille, la perle de l'Atlas soupire encore dans son cocon de verdure, nous prenons à gauche jusqu'au rond point qui dessert Kasba Tadla et Aghbala, des travaux d'élargissement de la chaussée sont en cours, il faut rouler lentement pour monter vers les nouveaux locaux de la commune. Malgré l'arrivée de l'automne, il n'a pas plu depuis des mois, la pinède souffre mais continue à fournir un bel ombrage sous le bruit des cigales très matinales mais toujours en besogne malgré la saison.
Les travaux s'étirent jusqu'au centre d'estivage de Taghbaloute N'ou Hlima. Ici règne un grand silence, le site est quasiment féerique, un tapis de feuilles mortes couvre le sol, la nature est au repos, les hommes ont désertés le site.
Nous entamons la montée vers le Tizi N'Ait Ouira, les parois rocheuses de Jbel Bouguennous qui surplombent la route, frôlent parfois les 2000 mètres d'altitude, ici domine le chêne vert, le genévrier et l'arbousier. La route taillée à même la roche serpente allègrement vers les hauteurs, autrefois juste carrossable on l'appelait pompeusement « la route du sahara », aujourd'hui c'est une réelle vérité, elle vous conduira vers les Ait Hadidou dans la région des lacs et aussi beaucoup plus loin vers les gorges du Todgha et la ville de Tinghir.
Après le col la route descend assez rapidement vers la vallée de Bou Ou Noual des panneaux de signalisation signalent vers la gauche Aghbala et Imilchil au niveau d'un pont tout récemment ouvragé. A droite la route se dirige vers Larbaa N'Ait Ou Kabli, un panneau signale 23 kilomètres.
A cet endroit le stress hydrique est apparent, pour la première fois le cours de Oued Drent est à sec, pas une goutte d'eau n'arrive des sources en hauteur au village de Naour, seul le laurier rose persiste le long du ruisseau caillouteux, à partir d'ici, sur les premiers cents mètres, on ne peut plus appeler ça une route. Elle est déformée et ça et là apparaissent d'anciens tronçons de bitume, les galets sont remontés en surface. Après quelques kilomètres à vitesse réduite, un petit pont passe au dessus d'une eau saumâtre émanant de quelques crues parvenues sur les hauteurs. Le paysage est désolant des éboulements de pierrailles se sont déversés sur le lit du ruisseau à l'entrée du village de Ben Cherrou.
C'est ici que fut la dernière demeure d'un des hommes les plus farouches de la résistance que connut la colonisation française, pourtant aucune indication sur le lieu de sa tombe car c'est bien ici que le Caid Moha Ou Said se retira et y mourut. Son nom apparait sur un portail clos de ce qui devrait être un camping désert, l'entrée est ornée de vieux pneus en signe de bienvenue, d'ailleurs qui oserait s'aventurer jusque là ?
L'état de la route met cette partie de l'Atlas hors du temps, ne sommes nous pas dans le Maroc profond, cette longue vallée devenue presque sauvage est en grande partie plantée de pommiers, de cognassiers et de noyers. Des hommes s'affairent à cueillir les fruits pour les ramener à dos d'ânes sur les bas cotés de ce que fut la route. Rares sont les véhicules en ces endroits qui veulent transporter les cageots de fruits et c'est des prix dérisoires qui sont proposés aux pauvres paysans, pourtant ce sont ces mêmes fruits que nous retrouverons en vente une fois en ville pour cinq fois leur valeur d'achat.
Des causses de calcaires spectaculaires, surplombent à des hauteurs vertigineuses la vallée, nous sommes en pays des Ait Soukhman, c'est le village d'Aghzif qui est en vue, de grands peupliers suivent les méandres de ce qu'était un petit ruisseau, la sécheresse n'a épargnée aucun lieu. Aghzif (1) n'est pas sans rappeler que c'est d'ici en l'an 1951 que le jeune berger et martyr Ahmed El Hansali a commencé sa rébellion contre l'occupant. Pourtant aucun détail sur sa présence et rien en rappel à sa mémoire dans sa terre natale. Le tourisme culturel existe aussi, le paysage change, les coteaux sont couleurs ocre jaune et la végétation se fait moins dense.
Une route s'élance vers le ciel, il y a une vue panoramique sans pareil, nous approchons le col de Tizi N'Mesguilda qui culmine à près de 1615 métres, on s'approche d'un croisement signalant Larbaa N'Ait Ou Kabli 3 kilomètres d'un coté et de l'autre, Foum El Ancer 35 kilomètres sur une route toute récente
(1) : le long de la RR306 à mi-chemin entre Bou Noual et Tagelft [note de Q.T.]
Commentaires : « Aghzif n'est pas sans rappeler que c'est d'ici en l'an 1951 que le jeune berger et martyr Ahmed El Hansali a commencé sa rébellion contre l'occupant. Pourtant aucun détail sur sa présence et rien en rappel à sa mémoire dans sa terre natale. Le tourisme culturel existe aussi, ... », voilà de nouvelles informations sur le tueur du Tadla qui sortent du chapeau d'un voyageur égaré, le meurtre du moghazni Said ou Kella aurait eu lieu à Aghzif et non à Bou Noual, et en plus ce lieu serait sa terre natale, passionnant ; je passe sur le mot martyr tellement tout cela est approximatif ; « le tourisme culturel existe aussi », merci de nous le rappeler, mais de quelle « culture » parle-t-on ?
H) Qui sont-ils et qu'ont ils fait de bien pour le Maroc ?
Je pensais tout cela terminé et je retrouve des captures d'écran du site DARNNA (consulté le 27/01/2023) (copie d'écran puis reconnaissance OCR avec corrections manuelles et respect de l'orthographe des noms propres)
tarzan (IP enregistré), 12 février 2006 à 01:49
Cher ABDOU,
Bien d'accord avec ton idée d'apporter du « piquant » pour ceux, dont on ne parle pas.
J'invite tous les « DARNNEURS » sans exception de donner des informations aux gens qui ont fait du bien pour le Maroc.
« QUAND ON EST CHEZ SOI, ET QU'IL Y À UN PROBLÈME AVEC UN ÉTRANGER, POUR LE METTRE DEHORS : vous êtes un RÉSISTANT. »
« QUAND ON EST CHEZ SOI, ET QU'UN ÉTRANGER, VOUS ATTAQUE : c'est un TERRORISTE. »
Sommes-nous d'accord ????
Alors voici les quelques valeureux RÉSISTANTS MAROCAINS, qui ont laisser leur vie pour le Maroc.
MOHAMED ZERKTOUNI, HADJ AMAR RIFFI, MOHAMED EL HANSALI, ALLAL BEN ABDALLAH, BRAHIM ROUDANI, MOSTAFA EL MAANI, HOUMANE EL FETOUAKI, HASSAN SOUKTANI, RAHAL EL MESKINI, MOHA OU HAMOU, OMAR SLAOUI, MAHAMED SMIHA, ABDALLAH BEN YASSINE, ABDELLATIF BEN KADDOUR, DRISS LAHRIZI, MOHAMED EL QORRI, MOHAMED DIOURI, TAHAR SEBTI, ZIAD OU HMAD et MOHA OU SAID, sauf erreur de ma part.
Je n'ai pas cité tous les résistants. Il y en a beaucoup d'autres. Comme MOHAMED DERFOUFI, ALDELKRIM AL KHATTABI etc.
Alors « PLACE DE FRANCE » donne-nous tes connaissances.
TARZAN
andre (IP enregistré), 12 février 2006 à 17:44
Très court aperçu de Certains résistants Marocains.
Allal ben Abdallah : L'homme qui tenta d'assassiner le 13 septembre 1953 le sultan Mohammed ben Arafa. Il échoue dans sa tentative et est ensuite abattu de 8 balles dans le dos.
Houmane Fetouaki : Il essaye de liquider le Glaoui et blesse ben Arafa. Il est arrêté et condamne à mort. Il sera exécuté le 9 avril 1955.
Ahmed ou Moha Al Hansali : Il est connu comme « le tueur de Tadla ». Il est responsable de nombreux attentats contre les colons français. Il sera capturé le 23 juillet 1951, torturé et interrogé sous la présence de Pascal Boniface. Son frère d'armes, Mohammed Smiha et lui même, seront exécutés le 16 février 1952.
Brahim Roudani : Il est membre de l'organisation secrète (AI Monaddama assyria). Il est arrêté et torturé en juin 1954. Après l'indépendance, le 5 juillet 1956, il sera abattu par des membres du croissant noir Marocain.
Mohammed Zerktouni: Il est le responsable de la bombe du marché central, du rapide Casa-Alger etc. Il sera arrêté le 18 juin 1954 et se suicidera en avalant une capsule de cyanure.
Ahmed Rachidi : Il était le dirigeant de l'organisation « La main noire » et avait tué le moqadem Mohamed Ben Larbi. Le 5 octobre 1953 son compagnon de cellule Mekki est arrêté. La cache d'arme étant située sous la scène du cinéma "RIO", Rachidi est arrêté. Il sera fusillé le 4 janvier 1954.
Abdellah Chefchouani : responsable de l'attentat contre le pacha Baghdadi à Bab Ftouh le 1er mai 1954. Arrêté le 23 mars 1955 et exécuté le 2 août 1955.
Rahal Meskini : Exécuté par les membres de l'organisation le Croissant noir en décembre 1956 comme suite aux règlements de comptes après l'indépendance.
P.S. : C'est un membre de l'organisation de Mohammed Zerktouni nommé Driss Lahrizi, qui abattit le Dr. Émile Eyraud d'une balle dans le dos à sa sortie du journal « La vigie Marocaine » ce 30 juin 1954.
Référence : TelQuel
Commentaires : pour une fois, la référence au journal TelQuel est mentionnée (probablement le numéro 200) ; on note aussi à côté du tueur du Tadla, la présence de son « frère d'arme » Mohamed Smiha ; erreurs de dates habituelles (capture le 23 juillet 1951 au lieu du 23 mai 1951 ; exécution le 16 février 1952 au lieu du 26 novembre 1953) et toujours Pascal à la place de Philippe Boniface. Des listes certes intéressantes mais sans aucun recul ni vérification. Tarzan, André et Abdou semblent être également intervenus sur d'autres forums. On notera l'aspect très rugueux du message de Tarzan, même si sa première proposition « QUAND ON EST CHEZ SOI, ET QU'IL Y A UN PROBLÈME AVEC UN ÉTRANGER, POUR LE METTRE DEHORS : vous êtes un RÉSISTANT. » peut s'appliquer à Marine Le Pen, Éric Zemmour et pour André la copie, probablement, d'une partie des textes parus dans TelQuel, ce qui donne de brèves nécrologies au style télégraphique parfois obscure.
I) Découvertes sonores à Zaouiat Ahansal
Début d'une contribution de Anne-Constance, publiée sur le site, https://descubrimientos.canalblog.com/archives/2017/10/10/35753910.html, (consulté le 08/05/2021) le deuxième paragraphe précède une photographie du tueur du Tadla menottes aux poignets. (copie du texte avec quelques corrections manuelles). J'ai par ailleurs déjà commenté cette contribution étonnante sur le fond (le tueur est ici « révolutionnaire ») et la forme (« entrevue » avec « Abdou est resté un bon ami »).
Lundi 09 Octobre 2017
Aujourd'hui, c'est jour du souk à Zaouiat. De nombreux marchands ont fait la route depuis Azilal et plus loin encore, en voiture, en camion ou à dos de mules. Une semaine vient donc de s'écouler au bruit de fond de l'Oued Ahansal ... Sur cette sonorité fluviale, la troupe et les enfants du village ont ajouté une toute autre dynamique. Zaouiat Ahansal, berceau de la résistance berbère menée par Sidi M'Ahmed Ahansal dans les années 30, c'est quatre villages. Amezray et Agoudim, les plus proches où l'on recense à peu près 2400 personnes, Amezray étant la plus peuplée. Taghia et Teranimine, à 3 heures de marche, comptent à elle deux 2000 habitants, dont 800 à Taghia. Toutes ces personnes représentent la tribu Ihansalen.
Nous sommes accueillis par Abdellah et Fadma à Agoudim. Guide au cours de mon premier trek, Abdou est resté un bon ami par la suite. L'accueil est chaleureux, comme à son habitude. La vie est simple, lente et souriante ici. Au cours d'une entrevue, nous en apprenons davantage sur le lieu. Son nom Zaouiat du fait d'être un grand lieu de pèlerinage à l'époque et Ahansal via le nom de son révolutionnaire.
Album photographique, ici
© Copyleft Q.T. 21 juin 2023 modifié le 26 juin 2023
La face cachée des choses, la plupart des gens ne veulent pas y toucher. Ils préfèrent rester à l'abri du côté clair. Or, cette face cachée est un territoire que nous autres connaissons bien, et il est de notre devoir de ne pas nous détourner lorsque nous y sommes confrontés, que cela nous plaise ou non. Ruth Ozeki
Quelques messages visibles sur le forum DAFINA, page La ville Kasba Tadla (copies d'écran puis reconnaissance OCR avec quelques corrections manuelles et respect de l'orthographe des noms propres) ; forum auquel j'ai un temps participé sous le pseudo tadla60 ; pourquoi d'ailleurs participe-t-on à de telles discussions ? Les intervenant.es apportent des informations, débattent sereinement, mais là aussi il faut bien lire et relire les contributions, faire aussi bien attention au fond qu'à la forme, prendre du recul et ne jamais oublier que notre mémoire aussi bonne soit-elle reste très fragile, la rouille ne dort jamais ; on constatera également sur ce forum, comme sur d'autres lieux Internet, l'absence ultra-fréquente des références des sources utilisées, tout semblant reposer sur un socle mémoriel que l'on pense inaltérable. Je commenterai au fur et à mesure en éludant l'auto-citation et en renvoyant les lecteur.rices au forum DAFINA, page La ville Kasba Tadla, https://dafina.net/forums/read.php?52,157718.
doudouamar1, 25 avril 2007, 09:18
qui de vous se rappelle du tueur de Tadla
tarzancasa, 27 avril 2007, 15:16
Bonsoir doudouamar1, Le tueur du Tadla faisait le maître dans cette contrée durant les années 1952/1954, avec des attaques imprévues sur les routes de l'Atlas, il y eut beaucoup de pertes humaines.
Une personnalité imprenable.
Un résistant pour l'indépendance du Maroc.
Commentaires : Waouh ! Bravo tarzancasa, qualifié par ailleurs d'« excellent débatteur malheureusement décédé ». En 1952 Ahmed el-Hansali et son complice attendaient en prison leur procès qui se déroula en février 1953.
renatto, 27 avril 2007, 18:39
Le tueur du Tadla c'était pendant la période trouble des évènements. J'étais petit et au début de l'affaire on doutait qu'il s'agissait d'un nationaliste qui attaquait les automobilistes sur les routes de montagne entre Tadla et Beni Mellal. On était prudent surtout que le drame de Oued Zem venait de se produire. À propos de Oued Zem, la localité voisine de Tadla, je connais personnellement une personne qui habite à La Ciotat (13) qui en a été le témoin malheureux. Pour ma part à cette époque, mon petit frère et moi on montait sur les toits d'un baraquement où on habitait en limite de la ville ancienne et on se mettait à plat ventre pour voir passer les manifestations dont certaines étaient parfois violentes. Ah ! ... si nos parents avaient su cela, on aurait pris une bonne avoinée. Après 56, la situation s'est calmée et nous avons tous pu reprendre notre vie normale avec une bonne cohabitation entre les différentes communautés. À vous lire. Amicalement à tous.
renatto, 15 juin 2007, 07:27
A propos du résistant appelé le tueur du Tadla : Ahmed Ou Moha Al Hansali le « serial killer »
Modeste agriculteur, Sidi Ahmed Ahansal (dit Al Hansali) fait parler de lui le 13 mai 1951, lorsqu'il intercepte un véhicule de colons, leur tire dessus et met la main sur les armes en leur possession. Ses attaques se multiplient, contre des caïds, des contrôleurs civils mais aussi de simples propriétaires terriens. La presse de l'époque le baptise « le tueur de Tadla ». Dans la région, il fait l'objet d'une traque à l'aveuglette à laquelle prennent part mille soldats. Il est déclaré « wanted », moyennant un million de francs. Finalement, le piège se referme sur lui, en compagnie de son frère d'armes, Mohamed Smiha, le 23 juillet 1951. Interrogés et torturés sous l'œil de Pascal Boniface en personne, tous deux seront exécutés le 16 février 1952.
Commentaires : on imagine la mémoire épisodique infaillible ; les faits rapportés par renatto sont toujours intéressants mais toujours à vérifier plutôt deux fois qu'une, « On était prudent surtout que le drame de Oued Zem venait de se produire », les événements de Oued-Zem à 50 kilomètres de Kasba-Tadla se déroulèrent en août 1955 (vidéo INA disponible sur Internet) alors que le tueur du Tadla sévit en mai 1951 ; on note la reprise le 15 juin 2007 de la nécrologie totalement gauchie du « tueur du Tadla »
LA IBENSE, 28 janvier 2018, 21:36
Qui se souvient du tueur à la hache de KASBA TADLA en 1954 ?
Commentaires : parallèlement aux meurtres du Tadla en mai 1951, un « homme à la hache » commit 14 agressions à Casablanca et fut arrêté en mai 1951. (source, l'Écho du Maroc, 23 mai 1951, gallica.bnf.fr / BnF)
cigalou, 10 mars 2021, 02:33
Bonjour à tous,
Je viens de lire la première page de ce sujet … je découvre ce message de l'ami Tarzancasa (1), excellent débatteur de DAFINA qui malheureusement, est décédé voici plusieurs années …
(1) message de tarzancasa du 27 avril 2007, voir ci-dessus ; [note de Q.T.]
cigalou, 10 mars 2021, 02:36
Je découvre également, toujours à la première page de ce sujet, le message de l'ami Renatto (1) qui malheureusement n'intervient plus sur DAFINA.
(1) message de renatto du 27 avril 2007, voir ci-dessus ; [note de Q.T.]
Cigalou, 10 mars 2021, 02:43
Je mets en ligne ces anciens messages car je ne crois absolument pas à cette version des faits et je souhaite savoir si d'autres DAFINAUTES partagent mon point de vue relativement à ce sérial killer "Tueur de l'Atlas" présenté, par certains, comme un héros de la résistance et du nationalisme marocain.
cigalou, 11 mars 2021, 15:33
Bonsoir à tous,
Lorsqu'en 1951 un marocain analphabète qui était chargé de s'occuper d'un troupeau de vaches d'un éleveur marocain se rend au poste de police de BOUNOUAL c'est pour se plaindre de l'éleveur qui lui avait promis de lui offrir une vache pour le travail accompli et n'avait pas respecté la parole donnée.
Le Moghazni ne prend pas fait et cause pour lui … il est donc tué, par surprise, alors qu'il téléphone … son mousqueton et la cartouchière sont volés … puis ce Hansali part vainement à la recherche de l'éleveur.
Évidemment ce crime contre un Moghazni déclenche immédiatement des recherches.
En cavale, traqué, ce Ahmed Hansali qui connaît bien la montagne doit survivre ... lance une première attaque meurtrière contre un groupe de civils français qui font un pique-nique .. . il massacre Marie-Rose CREUGNET une jeune institutrice de 23 ans … puis c'est au tour de monsieur FAUVIGNON … Georges CHANTOT fait barrage de son corps pour sauver sa jeune épouse et son bébé ... il est tué de deux balles … mais son épouse née PERALDI réussit à fuir avec son bébé ...
Il massacre ensuite un jeune français de 22 ans Hervé Dubourg et sa jeune compagne .. . venus en moto de FEDALA pour visiter la région.
La suite on la connaît … toutes les tribus berbères se mobilisent (les actes commis sont infamants … donc pas de pitié) …, des renforts de police et militaires arrivent … ce vil criminel, assassin d'un Moghazni, de femmes, d'innocentes victimes civiles est traqué … aux abois il croit trouver refuge chez trois berbères en zone Aït Abdel Ouli … ces derniers le maîtrisent, le ligotent et le livrent aux autorités de TAGHZIT …
Le témoignage de Mme Chantot-Péraldi fait apparaître qu'un autre marocain faisait le guet … rapidement ce second individu est arrêté du côté de Bounoual.
En 1951 tout le monde sans exception a condamné ce criminel … pas un mouvement, pas un responsable politique ne lui a apporté son soutien … c'était un ignorant, un analphabète … vu sa tête cannabis et alcool ont sûrement fait des ravages ...
cigalou, 11 mars 2021, 16:08
QUE SE PASSE 54 ANS PLUS TARD ?
Nous sommes à la fin 2005 … le journal « TEL QUEL » que l'ami DAFINAUTE HAÏFA qualifiait de « TORCHON » sort dans son numéro 200 un article sur les « Héros oubliés de l'Indépendance ».
Et là un journaleux raconte une courte histoire sur un Héros de la Résistance un « AL HANSALI » grand résistant du Tadla ... tout est inventé tout est falsifié … ce grand résistant attaque un véhicule de colons, leur tire dessus et prend leurs armes.
Ensuite ce journaleux, grand falsificateur de l'Histoire explique que ce HANSALI a attaqué des « Caïds », des « contrôleurs civils » et des « propriétaires terriens » … bref un SUPER HÉROS ...
Évidemment c'est risible … mais quand je vois que même des français sur ce site de DAFINA ont pris ces propos au sérieux et font circuler ces « conneries » [cigalou écrit coxxeries, note de Q.T.] je me pose vraiment des questions [smiley de colère ?, note de Q.T].
Personnellement je suis du côté de la famille du Moghazni marocain qui a été lâchement tué et évidemment du côté des familles de ces innocentes victimes civiles françaises massacrées … des jeunes femmes ... QUELLE HONTE …
Commentaires : cigalou, comme d'autres, est très approximatif sur les faits qu'il présente de façon erronée : après le meurtre du moghazni Said ou Kella (08 mai 1951, Bou Noual), suivirent les meurtres de Mme Sauvignon et de son fils (adulte), puis ceux de Mme Meunier et M de Bourg (13 mai 1951, route entre Afourer et chantier du barrage de Bin el-Ouidane), puis ceux de Mlle Creugnet et M Chantot (15 mai 1951, entre Azilal et Tanant) ; à lire la presse de l'époque, seuls Mme Meunier et M de Bourg pique-niquaient. Deuxième erreur très grave, par méconnaissance totale de l'Histoire du Maroc et surtout de l'imaginaire des marocain.es (la remarque lucide de Tahar Ben Jelloun dans Jeune Afrique le 4 février 2023 « Emmanuel Macron ne comprend pas le monde arabe » à laquelle on peut rajouter « et le monde musulman », s'applique bien à cigalou), cigalou précise en effet (il le fera encore en mai 2021, voir plus bas) « En 1951 tout le monde sans exception a condamné ce criminel … pas un mouvement, pas un responsable politique ne lui a apporté son soutien … », ce qui est totalement faux ; La Défense : organe de la Section française du Secours rouge international, 24 août 1951 (Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) publie un texte d'Ali Yata, Secrétaire du Parti Communiste Marocain, intitulé La vérité sur « l'affaire » du « tueur du Tadla » qui implicitement dédouane Ahmed el-Hansali de ses meurtres pour les transformer en actes de résistance (déjà mis en ligne) ; voir également la photographie et sa légende parue dans Droits et liberté du 22 juin 1951, et titrée Sollicitude de l'Européen (source, retronews.fr).
À lire cigalou, on devine que la brève nécrologie d'Ahmed el-Hansali, reprise par renatto le 15 juin 2007 serait le texte paru dans TelQuel numéro 200 en 2005 ; ce qui est important si c'est réellement le cas, tant sur DAFINA on glosa sur cet hebdomadaire et son controversé article sur Ahmed el-Hansali sans jamais en apporter une copie identifiable. On remarquera également la façon de s'exprimer : caractères gras, abondance des points de suspension.
suchet, 12 mars 2012, 11:54
Je n'ai pas d'opinion globale sur TelQuel mais il faut bien dire que le journaliste et le directeur de publication ne sortent pas grandis, à mon avis, de ces élucubrations inventées ou reprises.
On trouve sur internet des dires encore pires de la même époque
Quel était le but de cette publication ? Il semble que ce sont sur ces bases qu'on a voulu réécrire l'histoire car il me semble bien que ces 2 meurtriers soient devenus des héros officiels de l'Indépendance. Morts depuis 72 ans, ils ne font d'ombre à personne.
Il faut dire aussi que le début de l'histoire racontée par les journaux sur la base possible de rumeurs ? est très fumeuse : par exemple on trouve :
Al Hansali ancien goumier devenu cantonnier, berger, cultivateur et j'en passe ; l'assassinat du moghazni est aussi raconté de plusieurs façons. La mobilisation spontanée des tribus berbères autour du Tazenkount, peut être pas si spontanée et plutôt une réquisition par les caïds, contrôleurs civils ou militaires, mobilisation infructueuse malgré son ampleur !
Aucune aide c'est à voir mais les autorités ont bien tablé sur une manipulation par les nationalistes ou les communistes où elles en ont profité pour essayer d'intimider la population dans cette région où le sentiment antifrançais ou anticolonialiste existait. Depuis quelques années les contrôleurs civils répondaient à de nombreuses enquêtes sur la population, les caids … On a mis en cause Lamoureux et ses amis du Tadla, on s'en est d'ailleurs débarrassé, mais il n'y a jamais eu de preuves. Les communistes ont crié à la provocation colonialiste, il n'y pas de preuves non plus. AL HANSALI sans doute soumis à un interrogatoire musclé n'aurait rien dit à part un « Dieu l'a voulu » ou alors on n'a rien voulu communiquer.
Les crimes étaient horribles mais le procès par un tribunal militaire n'a pas brillé par sa clarté ; de nos jours, dans les pays ayant une justice un peu indépendante, il serait qualifié de peu équitable.
Les actes de Al Hansali ne plaident pas en sa faveur : criminel sans pitié c'est sûr, analphabète c'est certain mais voir sa tête, certes peu engageante après des jours de cavale et son arrestation, marquée par l'alcool ou le cannabis c'est un peu s'avancer !
Je suis assez d'accord que c'est une honte de vouloir réécrire l'histoire de cette façon et aussi de maltraiter les descendants des malheureuses victimes innocentes.
Gigiboy, 04 mai 2021, 23:46
L'Histoire nous aura enseigné à nous méfier des jugements à l'emporte pièce et de la véhémence du vocabulaire. Les résistants d'un camp sont souvent les terroristes de celui d'en face comme nous l'a appris, par exemple, la sombre période de l'Occupation … L'objectivité est certes un leurre mais on ne peut s'en approcher, ni par la vocifération, ni par l'écriture en caractères gras, mais plutôt par l'écoute attentive - qui ne veut pas dire naïve - de la version des 2 camps.
Méfions nous de l'Histoire écrite uniquement par le vainqueur ou pire par le dominateur.
Quant à TelQuel ce n'est ni un « torchon », ni un ramassis de « journaleux » (quel vocabulaire !) mais une revue de très grande qualité que tout voyageur au Maroc se doit de lire pendant son séjour, « s'il ne veut pas bronzer idiot », selon la formule consacrée. Chaque semaine, cette revue, dont on aimerait trouver l'équivalent dans la presse française actuelle (hélas sclérosée et homogénéisée par le politiquement correct), aborde de façon extrêmement courageuse, les problèmes politiques et sociétaux du Maroc et dénonce avec témérité toutes les formes d'obscurantisme social et religieux qui menacent les sociétés maghrébines. Donc respect pour le courage. Remercions les aussi de manier la langue française avec élégance, ce n'est malheureusement pas toujours le cas dans la presse francophone. Réjouissons-nous enfin de leur sens de l'humour et de l'auto-dérision. Les chroniques de Zakaria Boualem, sorte de « Marocain moyen » issu du bled, sont souvent une analyse pertinente - mais drôle - de la vie quotidienne au Maroc. Sa consœur casablancaise, également avec humour, nous raconte, elle, l'irruption de la modernité dans la capitale économique.
On n'est nullement obligé d'être d'accord avec tous les articles mais ne boudons pas notre plaisir de lire cette excellente revue. C'est grâce à ses journalistes que survit l'idée que nous nous faisons de la démocratie et cet air de liberté qui a succédé aux « années de plomb ». Air de liberté qui, malgré les aléas et les coups de boutoir des pires conservateurs, lui permet de poursuivre son chemin.
cigalou 08 mai 2021, 16:21
Ce lâche assassin de civils français et d'un marocain n'a rien à voir la grande famille des AHANSAL ...
Aucun berbère, aucun arabe, aucun nationaliste, aucun communiste, personne n'a soutenu cet assassin à l'époque des faits … toutes les tribus de la zone se sont mobilisées et ont capturé ce tueur.
Plus de cinquante ans plus tard … un jounaleux de « TelQuel », en mal d'inspiration, a voulu en faire un « Héros de l'indépendance » … en inventant une belle « histoire » totalement fausse ...
Et depuis la propagande politique suit son bonhomme de chemin … à quand une statue au centre de Casa ou de Rabat ? … pourquoi pas une page consacrée à ce « Zéro » dans les livres d'Histoire du Maroc ...
« TelQuel » devrait présenter des excuses aux familles des innocentes victimes civiles françaises massacrées par ce tueur et à la famille du marocain lâchement tué.
Si « TelQuel » cherche un « héros » ... c'est monsieur Fauvignon qui a fait rempart de son corps pour sauver la jeune maman (Chantot née Péraldi) et son bébé … qui a ainsi réussi à prendre la fuite et échapper au massacre ...
Apparemment nous n'avons pas les mêmes valeurs … j'espère que les touristes français vont lire « DAFINA » avant d'acheter « TelQuel »
Commentaires : quand Mme Chantot est agressée le 15 mai 1981, M Sauvignon est déjà mort depuis le 13 mai 1951 ; on perçoit bien l'agacement de cigalou face à la modération de suchet et Gigiboy, « il perd les pédales » et mélange les faits ; si les caractères gras disparaissent (après avoir été pointés) les points de suspension lourds normalement d'implicites demeurent.
cigalou 11 mai 2021, 03:47
Bonjour à tous,
Personnellement j'interviens dans cette rubrique de l'excellent site DAFINA pour discuter de l'Histoire du Maroc ...
Je m'en tiens donc au sujet de la discussion en cours sur le « tueur » d'innocents civils français et d'un marocain lâchement assassinés il y a plus de 50 ans dans la région de Kasba Tadla …
Ce vulgaire assassin marocain a été érigé en « héros de l'indépendance » … par un journaleux du journal marocain « TELQUEL » en 2005 … une honteuse falsification de l'Histoire cautionnée par la rédaction du journal … aujourd'hui encore ...
Cette contre-vérité historique a été reprise en boucle par des marocains mais aussi des français …
Commentaires : reprise continuelle des mêmes arguties avec toujours l'ignorance des mécanismes de la pensée qui se nourrit d'autres sources que le Maroc pour essayer de comprendre le Maroc, les Marocaines et Marocains.
Jean-Francois.RABATI, 01 juin 2021, 18:26
Après avoir cité le message de cigalou du 11 mai 2021, 03:47, Jean-Francois.RABATI s'exprime,
On falsifie beaucoup l'histoire dans certaines revues ou journaux marocains au gré d'articles où de pseudos historiens ou journalistes exaltent « l'héroïsme » de Marocains pour l'indépendance du Maroc. Je suis sur la même position que CIGALOU.
Dans mes souvenirs du Maroc, le « tueur du Tadla » était un vulgaire tueur. Ces souvenirs sont fondés sur les conversations que j'ai entendues à plusieurs reprises 15-20 ans après les faits entre mes parents et d'autres « vieux marocains » (Français) ou entre « vieux marocains » et du souvenir de lecture du formidable livre de Charles-André JULIEN « Le Maroc face aux impérialismes ». Cela n'enlève en rien les mouvements d'hostilité envers le « colonisateur » de cette région qui n'a pas toujours été favorable au Maghzen et à ses représentants.
Ce sont mes souvenirs. Je peux éventuellement me tromper sur ce qu'avait écrit Charles-André JULIEN sur le « tueur du Tadla ». Mes livres sont actuellement dans des cartons et je ne peux relire ces paragraphes de ce livre-référence. Charles-André JULIEN, historien, homme de gauche, collaborateur du journal « Le Monde », avait accès à beaucoup de sources officielles. Il a été très proche de Mohamed V au moment de la crise de 1953 et est chargé par le roi de fonder l'université de Rabat à l'indépendance.
Commentaires : Jean-Francois.RABATI, toujours intéressant, même si être homme de gauche, collaborateur du journal « Le monde » (le quotidien qui m'accompagne depuis le lycée, peut-être parce que mon père lisait Le Figaro) n'excluent pas de dire des âneries, même si les souvenirs évoqués datent de, au moins 50 ans (des discussions entre 1966 et 1971), même si « On falsifie beaucoup l'histoire dans certaines revues ou journaux marocains » demeure bien vague et non documenté.
Je termine par les propos de ELMERSSA, juin 2006 01:04 (source, https://www.yabiladi.com/) (pas de correction)
Dilemme. Résistants ou terroristes ?
Ahmed El Hansali était-il un résistant ? Son exemple est parlant. Il est le seul parmi ses pairs dont une avenue à Casablanca a cessé de porter le nom. Pourquoi ? Il attaquait souvent des civils qui n'avaient ni intérêt ni poste de responsabilité et encore moins un grade militaire. La presse coloniale de l'époque, en tout cas, le traite de « tueur en série ». Quant au journal nationaliste Al Alam, il le qualifie dans sa nécrologie, de « grand résistant ». Des opérations ciblant des civils ou présentées comme telles, comme l'attentat du Marché central, soulèvent, en leur temps, des questions similaires. Or, vu de France, des journaux comme L'Humanité et Le Populaire tranchent ce débat : « Tout comme nous avons résisté par tous les moyens possibles contre les Nazis, les Marocains résistent à leur manière contre une occupation qui ne dit pas son nom ». Le résistant Ahmed Rachidi ne dit pas autre chose au juge qui le traite de « terroriste ». En se référant aux définitions universelles, l'historien Mohamed Wahid rappelle que « l'exploitation économique, la violence politique et l'occupation militaire sont en soi une forme de terrorisme d'état ». La riposte ne peut alors être que de la résistance. D'autant que la France n'a pas respecté les termes du pacte du Protectorat. Et c'est Thami Glaoui lui-même qui le dit (cyniquement) aux Français, en marge d'Aix-les-Bains : « Je vous reproche de ne pas avoir accéléré les réformes après l'exil de Mohammed V. Si vous l'aviez fait, la situation n'aurait pas empiré ». Faute de résultats, donc, la violence révolutionnaire est légitime.
Commentaires : l'intérêt de la contribution ELMERSSA : son côté râpeux, poil à gratter, qu'on n'y adhère ou pas. « Quant au journal nationaliste Al Alam, il le qualifie dans sa nécrologie, de « grand résistant » », en quelle année Al Alam écrit la nécrologie évoquée par ELMERSSA ?
Soyons précis et aimable : le site yabiladi.com ne présente guère de contributions personnelles ; celle de ELMERSSA est du copier-coller de l'article de TelQuel de 2005 (numéro 200) dont on peut trouver l'intégralité (sans les photographies) ici. Il est dommage que les gens qui crachent sur TelQuel ne le lisent pas ; ce dilemme, s'il n'excuse pas les erreurs factuelles de la nécrologie d'Ahmed El Hansali, induit des questions et montre que TelQuel aussi s'en pose.
Je présenterai une suite de cette discussion, quelques semaines après, sur la page Beni Mellal du même forum DAFINA dans TUEUR DU TADLA ----- QUELQUES DÉRIVES 04.
Un film lié à ces faits tragiques, de Driss Mrini, BAMOU, 1983, dont on peut voir la version restaurée en 2012 sur YouTube (en arabe).
Driss Mrini. J'ai eu beaucoup de difficultés à réaliser Bamou, tant au niveau technique qu'au niveau de la thématique abordée. Bamou figure en effet, parmi les premiers films marocains adaptés d'un roman (celui d'Ahmed Ziad, ndlr). Par ailleurs, il aborde un sujet délicat à travers son personnage principal, Ahmed el Hansali, baptisé « Le tueur fou de Tadla » par la presse coloniale de l'époque, et que certains refusent de considérer comme un résistant. J'ai été critiqué et attaqué de toutes parts pour cette fiction historique. Or mon but n'était nullement de verser dans la polémique politique, mais uniquement de narrer une histoire d'amour sur fond de lutte fébrile contre l'occupation. Bamou n'a pas déçu le grand public, d'autant plus qu'il a été porté par une pléiade de grands comédiens de l'époque. En revanche il n'a reçu aucun soutien étatique. Cette expérience amère m'a refroidi vis-à-vis du cinéma, j'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. (source, https://lobservateur.info/article/3696/La%20Une/retour-en-emotion)
Autre film visible sur YouTube (en français et arabe avec sous-titrage en français) de Driss Chouika « fidaa » « résistance », 2016.
1952, dans une ville marocaine non déterminée, Abderrahman, mécanicien, mène une existence insouciante et rangée de mécanicien et va épouser la belle Sfia. Mais l'histoire de son pays le rattrape. Abderrahman rejoint l'Organisation secrète de la résistance armée, menée par la figure de l'indépendance Mohammed Zerktouni. Mais Abderrahman le fera au risque de sa vie, ainsi que de son couple, le père de Sfia travaillant ouvertement pour le colonisateur français. Avec Résistance*, premier film marocain sur la lutte armée pour l'indépendance, le réalisateur marocain Driss Chouika, à travers une longue fresque, donne à voir un pan méconnu de l'histoire marocaine qui court entre l'exil forcé du roi Mohammed V, en 1953, et son retour, en novembre 1955, dans un pays en route vers l'indépendance. Celle-ci sera effective l'année suivante. Sorti au Maroc en 2016, Résistance, sélectionné la même année dans la compétition officielle de la 17e édition du Festival national du film de Tanger, est à l'honneur au 7e Festival international des films de la diaspora africaine (Fifda) de Paris (du 8 au 10 septembre 2017). (source, https://www.lepoint.fr/culture/maroc-chouika-zerktouni-avait-fonde-l-organisation-secrete-de-l-independance-08-09-2017-2155525_3.php)
Album photographique, ici
© Copyleft Q.T. 26 juin 2023 modifié le 05 juillet 2023
… enfermé dans les souvenirs réécrits d'une époque lointaine. Alice Zeniter
Sur la page Beni Mellal du forum DAFINA, la discussion à propos du tueur du Tadla rebondit après un message personnel, sous le pseudo tadla60, concernant la localisation d'une fontaine mellalie, du nom et de la fonction de la place où elle s'affiche.
On retrouve quasiment les mêmes intervenants que sur la page Ville de Kasba Tadla (cigalou, suchet, Jean-Francois.RABATI, Gigiboy, tadla60), que des hommes ; l'intervention sur les forums, du moins sur certains sujets, serait-elle genrée ?
Je mets en ligne le 03 juillet 2021 02:21 une image satellitaire localisant la place (« Place Attarines » selon les panneaux sur place), image sur laquelle apparaît Av. Ahmed El Hansali. (voir photographie)
La discussion tourne essentiellement autour du nom de rues, avenues, places, etc., de villes marocaines auxquelles les autorités donnèrent le nom Ahmed El Hansali ou Mohamed El Hansali. Seuls les paragraphes de certains messages concernant le tueur du Tadla sont présentés ici. (copies d'écran puis reconnaissance OCR avec quelques corrections manuelles et respect de l'orthographe des noms propres)
On observera, comme antérieurement, les différences de fond et de forme des messages, et aussi ce qui caractérise les forums, l'absence de références précises pour étayer les propos.
cigalou 03 juillet 2021, 05:25
Bonjour Tadla60,
Tu nous montres une vue aérienne de Béni-Mellal sur laquelle je vois inscrit AVENUE AHMED EL HANSALI ...
S'agit-il de l'assassin de femmes et hommes, innocentes victimes civiles françaises massacrées en 1951 vers le barrage de Bin el Ouidane ?
Commentaires : caractères gras, point de suspension, rapidité de la réponse : 3 heures et 04 minutes ; impression de déjà vu.
cigalou 05 juillet 2021, 03:00
Il y a, aujourd'hui, non loin de cette place de BENI-MELLAL une Avenue AHMED EL HANSALI ...
J'ai demandé s'il s'agissait de ce vulgaire assassin marocain qui a massacré, en 1951, des français, innocentes victimes civiles venues tranquillement pique-niquer dans la zone de Bin el Ouidane …
Ma question est restée sans réponse … ÇA POSE UN PROBLÈME ?
cigalou 05 juillet 2021, 05:04
Ma question sur l'AVENUE AHMED EL HANSALI au centre-ville de BENI-MELLAL (Maroc) ... reste toujours sans réponse !!!
J'ai l'impression que j'ai soulevé un problème … et que personne veut s'engager. [smiley de colère ?, note de Q.T.]
Est-ce que dans d'autres villes du Maroc les municipalités ont également dénommé des rues, boulevards ou avenues : « AHMED EL HANSALI » ?
suchet 05 juillet 2021, 05:56
Quant à ta question sur HANSALI ? elle devient lassante , sur ce forum on a essayé de voir depuis longtemps personnellement je pense que oui ...
cigalou 05 juillet 2021, 13:49, réponse à suchet
Pour l'AVENUE AHMED EL HANSALI de BENI-MELLAL, JE NOTE QUE TU PENSES QU'IL S'AGIT DE L'ASSASSIN QUI A MASSACRÉ EN 1951 D'INNOCENTES VICTIMES FRANÇAISES (dont des femmes) QUI PIQUE-NIQUAIENT près du barrage de Bin el Ouidane …
Je ne m'excuse absolument pas d'avoir insisté sur ce point … je ne vois pas pourquoi c'est « lassant » ? ...
Clairement, si c'est vrai, c'est un scandale, une honte, une injure faite à la mémoire de ces victimes françaises … et à leurs familles ...
suchet 06 juillet 2021, 04:24, réponse à cigalou
Tu as quand même posé je ne sais combien de fois en lettres grasses la même question à propos de ce sujet sur les fontaines [la discussion mêlant fontaines, nom de place et tueur du Tadla, suchet voulait peut-être parler du tueur du Tadla, note de Q.T.] en insinuant un problème parce que personne ne répond.
On connaît ton opinion sur ce sujet précis et particulièrement le fait que le nom d'Hansali figure sur de nombreuses plaques de rues … opinion dont tu n'as pas à t'excuser.
Personnellement mon opinion c'est que oui, c'est un assassin de victimes civiles et innocentes.
Oui c'est honteux de trafiquer la vérité pour manipuler le peuple.
Hors question, je trouve aussi que lors des guerres de colonisation (ou de décolonisation) pour ne parler que de celles- là, les victimes civiles, parfois de crimes tout aussi odieux sont nombreuses.
Je trouve aussi ta question et ta réponse qui ne tournent certes pas autour du pot, lassantes, c'est mon opinion mais les quelques dafinautes existants ou potentiels vont certainement te répondre.
Commentaires : beaucoup d'énergie, de temps pour pas grand-chose, pour le nom d'une rue dont aucun intervenant n'est responsable, ne possède le pouvoir de le changer, même en lançant une pétition. d'autant plus que cigalou sait pertinemment que d'autres villes du Maroc possèdent des artères nommées Ahmed El Hansali, et que les intervenant.es actifs/actives du forum trouvent cela au minimum inapproprié.
Pour Beni Mellal, pas d'information, pour le moment, sur la date d'appellation de cette avenue Ahmed el-Hansali ; pour Casablanca, un article de Rivarol ; pour Fès, un arrêté municipal temporaire ; pour El Jadida, place El Hansali (Ex place Brudo) un article sur Internet.
Ahmed el Hansali occupe une place à part dans la résistance marocaine car l'avenue qui portait son nom depuis 1957 (à vérifier) à Casablanca, l'a perdu, quand et pour quelle raison ? TelQuel qui en parle dans son numéro 200 ne donne aucune précision. Le Guide Michelin du Maroc, (Édition de 1997) (source archive.org, capture d'écran et recopie du texte)(consulté le 12/07/2023) mentionne à la page 101 « boulevard Houphouët-Boigny, autrefois boulevard Mohammed el Hansali » ; combien de temps après le décès d'Houphouët-Boigny en décembre 1993, la ville de Casablanca décida de l'honorer en attribuant son nom à un boulevard et au passage oublier le tueur du Tadla ? Cette nouvelle dénomination d'artères urbaines juste après l'indépendance interroge sur le statut d'Ahmed el Hansali dans l'imaginaire de certain.es marocain.es au moment des faits (1951) ; il devient difficile d'écrire comme le faisait cigalou sur la page Ville de Kasba Tadla du forum DAFINA le 08 mai 2021 : « Aucun berbère, aucun arabe, aucun nationaliste, aucun communiste, personne n'a soutenu cet assassin à l'époque des faits … toutes les tribus de la zone se sont mobilisées et ont capturé ce tueur. », un collègue appelait cela, du-grand-n'importe-quoi.
Casablanca : Rivarol du 21 novembre 1957 (source, retronews.fr) (copies d'écran puis reconnaissance OCR avec quelques corrections manuelles et respect de l'orthographe des noms propres)
On sait que M. Habib Bourguiba, au nom de sa patrie reconnaissante, vient de donner à une artère de Carthage le nom de Pierre Mendès-France. Et notre fidèle « blédard » nous écrit que Tunis a suivi l'exemple (victime : le général Leclerc). MAROC-DEMAIN écrit à ce sujet : « … Pour faire l'équilibre, on se demande maintenant, dans l'entourage d'un parlementaire jurassien bien connu, si le Maroc aura ses rues Edgar Faure. »
On se le demande, en effet, surtout après les changements d'appellation que nous annonce LA VIGIE MAROCAINE : le boulevard du 4ème-Zouaves devient le boulevard Mohammed-el-Hansali ; le boulevard Foch : boulevard Mohammed Zerktouni ; la rue Franchet-d'Esperey : la rue Hadj Amar-Riffi.
Nous ignorons quels exploits ont accomplis deux des trois héros ainsi honorés, mais nous savons que le premier cité n'est autre que le tueur du Tadla exécuté à Casablanca, il y a trois ans, pour une série de crimes du plus incontestable « droit commun ».
Dans le même temps, la baraque historique, qui avait servi au général Drude de P.C. lors de son débarquement en 1907, a été démolie, et la stèle commémorative également.
Un demi-siècle et des « libérations » en chaîne ont passé par là ...
Fès : arrêté municipal temporaire n°97 en date du 13 juin 1960 « NOUVELLE DÉNOMINATION DES RUES DE LA VILLE NOUVELLE » signé du Pacha, A. TAZI, page 4 du document, SECTEUR HABITATION ET COMMERCE, ligne 73, la Rue Léon l'Africain devient la Rue Mohamed El Hansali ; ici
El Jadida : Connaître son patrimoine urbain, une mise au point au profit des jeunes jdidis par Mhammed Beddari 21 octobre 2016 (source, https://eljadidascoop.com/?p=10260) (texte brut)
-Noms de personnalités qui ont constitué le support idéologique du mouvement national marocain tel qu'Abou chouaib Doukkali, sdaighi,qui avec moulay Mohamed ben larbi Alaoui, incarnaient au Maroc, le salafisme éclairé de Mohamed abdou et Rachid Rida. Entre dans ce cadre, aussi, Ibn Badis, qui a joué le même rôle en Algérie, et encore plus, parce qu' 'il a dirigé lui même le mouvement des oulémas contre la présence coloniale Française.
-Noms qui Sont liés au mouvement de la résistance: Tarik al ichrine, littéralement, la route du 20, c'est à dire du 20 Août 1953, jour où l'autorité du protectorat dépassait toutes les limites, en s'attaquant directement au symbole politique et religieux du pays, Mohamed ben youssef, qui fut envoyé, avec sa famille à l'exil. On peut rattacher à cette action les noms de: libération, martyrs, résistance, ainsi que les noms des résistants tels que : Zerktouni, Hansali et consorts.
-Noms des érudits ou (Alims):On entend par le mot Alim, aussi bien le Sens contemporain, c'est à dire, un érudit spécialisé dans les études religieuses (Tafssir, oussoul, Hadite) que le sens qui régnait pendant la période des
Califats Ommeyade et Abbasside, qui embrassait plusieurs domaines du savoir. Parmi les premiers, Haj M hammed Errafii fait figure de prototype. On ne possède, malheureusement, pas beaucoup de renseignements sur cette personnalité historique d'El- jadida, le peu que l'on sait, nous provient de la tradition orale qu'il faut utiliser avec prudence. Pourtant, nous raconte t-on. C'était un homme qui vivait entre des centaines des livres et manuscrits, et sa bibliothèque, qui se trouve probablement, chez un membre de la famille Abbadi , aurait pu nous donner d'amples informations sur lui, et sur la nature et la profondeur de sa culture. Disons à la fin, que Haj M hammed Errafii vivait des dons des mécènes, et qu'il dépensait très vite tout ce qu'on lui donnait, pour rentrer s'enfermer avec ses livres. Il est enterré à sidi Ahmed Nkhal. On peut citer un autre Fquih, de moindre notoriété que le précédent, il s' agit du fquih Bahbouhi. Entre dans cette catégorie, non pas, cette fois-ci, des fquihs locaux, mais des alims orientaux, tel que l'illustre imam Chafii, un des quatre grands imams sunnites.
La deuxième catégorie comporte des érudits tels qu'ibn Sina (médecin praticien et philosophe), Razi (des véritables encyclopédistes, en somme).
-Noms des notables de la ville, tels que Abderrahmane Ben Touila, Bouchaib Bouchtia, les jdidis de mon âge se rappellent de ce bel homme élégant, qui détenait le monopole du transport de la ligne routière, El-jadida-Settat, via Had ouled Frej. Il avait présidé quelque temps le comité du Difâa. On peut citer aussi, Alami ben Dagha, dont la (sorba ) qu'il dirigeait au moussem de moulay Abdallah se composait d'un nombre impressionnant de cavaliers, ce qui montre l'origine rurale de cette famille. D'ailleurs, un des ailleuls de ben Dagha était au dix-neuvième siècle un protégé suédois, d'après les archives du Quai d'orsay, et c'est probablement ce statut de protection étrangère qui à l'origine de la consolidation de la fortune familiale, constituée essentiellement de grands domaines agricoles.
-Noms des institutions marocaines (Forces armées royales) ou arabes (jamiâ Arabia, ex nom de l'actuel mohamed VI.
-Noms qui se rapportent à l'épopée de la marche verte et la récupération du Sahara marocain: Massira,Bir anzarane, Lâayoune,Dakhla etc. ….
-Noms enfin, qui ont un rapport avec l'action terroriste qui a frappé le Maroc le 16 mai 2003 causant la perte de plusieurs cadres marocains, entre autres, Abdelkrim Moundib dont le nom est porté par la rue qui fait la jonction entre les boulevards Mohamed six et Mohamed V (ex rue Carpozen).
Jean-Francois.RABATI, 06 juillet 2021, 06:20
Ahmed EL HANSALI, « le tueur du Tadla », était un terroriste marocain, ni plus, ni moins. Il s'attaquait à des innocents et aussi, selon la légende, à des convois militaires dans le coupe-gorge où il opérait.
Les journaux de l'époque, la presse et les autorités françaises ont monté tout un barouf à propos du « tueur de l'Atlas », ce qui l'a rendu célèbre dans tout le Maroc. Après simplement quelques mois de méfaits, les moyens importants qui ont été rapidement déployés ont permis de le capturer.
Il a été liquidé vite fait.
Depuis, il est reconnu par les Marocains comme résistant, participant aux actions ayant concouru à l'indépendance. Des lieux importants portent son nom, comme une avenue de Fès ou le barrage sur l'Oum er Rbia, commencé en 1997 sous Hassan Il et nommé barrage El HANSALI. Bref, un héros pour les Marocains.
Peut-on encore s'en étonner ?
D'autant que les Marocains ont placé souvent ses actions après la déposition de Mohammed V en 1953 au lieu de 1951.
suchet 06 juillet 2021, 07:32 réponse à Jean-Francois.RABATI
quelques jours de méfaits seulement, il n'aurait eu qu'une dizaine de cartouches parait-il !
Commentaires : sur la page La ville Kasba Tadla, Jean-Francois.RABATI en juin 2021 (voir TUEUR DU TADLA ----- QUELQUES DÉRIVES 02) était plus prudent sur les faits, suchet corrige partiellement ; il aurait aussi fallu parler de cette « légende » sur les convois militaires et disserter sur le mot terroriste. Au-delà du nom Ahmed El Hansali donné à des rues, des écoles, des associations, un barrage, etc. il y a ce qui construit une Nation avec ses légendes, ses acteur.rices érigé.es au rang de héros, de martyrs, de résistant.es avec leurs zones obscures volontairement ou non occultées pour in fine construire un récit faux qui essaye de faire sens pour, ce que certain.es, nomment le « peuple ». Il faudrait disserter sur le côté bancal de ces « romans nationaux » qu'édifient toutes les Nations pour tenir.
L'intérêt de l'article de TelQuel de 2005 (nouvelle version, ici) réside, au-delà du problème important de l'absence de vraie recherche sur les faits des résistant.es marocain.es, sur la dénonciation prudente de l'occultation des acteur.rices de cette résistance par la mise en lumière excessive de Mohammed V. N'accusons pas les marocain.es de cette mise en lumière, combien de français.es ont participé à cette construction du mythe Mohammed V ? L'Histoire d'une nation, d'un peuple se trouve-t-elle seulement dans les livres d'Histoire utilisés par les élèves, livres qui résultent de choix, de partis pris assumés ?
cigalou 06 juillet 2021, 08:02
Suchet,
OUI personne n'a voulu répondre à ma question concernant L'AVENUE AHMED EL HANSALI à BENI-MELLAL.
J'ai posé cette question lorsque j'ai découvert le nom de cette avenue sur le plan posté par TADLA 60.
L'absence de réponse m'a fait penser que cette question posait problème ...
cigalou 06 juillet 2021, 14:53
Suchet,
Je n'ai jamais demandé qu'on soit d'accord avec moi concernant ce tueur marocain de civils français que l'on appelle Ahmed El Hansali …
Tu déformes une fois de plus mes propos ... j'ai simplement demandé si l'Avenue Ahmed El Hansali de Béni-Mellal (Maroc) qui apparaît sur le plan transmis par TADLA 60 est liée à ce vulgaire assassin ...
Il a fallu que je repose la question deux fois pour que quelqu'un réponde … et c'est toi qui l'a fait … je te remercie et j'ai bien pris note que la ville de BENI-MELLAL honore un vulgaire assassin … cela m'attriste beaucoup … j'ai une pensée pour toutes ces pauvres victimes françaises innocentes et leurs familles ...
Gigiboy, 08 juillet 2021, 00:20
Suchet, qui est ouvert à la discussion et surtout poli, qualifie de « lassantes » ces sempiternelles injonctions, invectives, sommations voire propos carrément injurieux … Il est certain que pour les amoureux de Daudet, Giono ou Pagnol le chant des cigales conserve dans nos mémoires une image plus lumineuse et plus sereine.
En tant que personne bien élevée et malgré l'abondance et la richesse de sa recherche documentaire Suchet revendique à bon escient le droit de douter, de s'interroger, voire de se tromper. Avec lui, il est donc possible de dialoguer tout à fait agréablement.
...
Enfin, au risque de provoquer l'embolie chez certaines personnes, oserai-je rappeler que le boulevard El Hansali est l'artère la plus animée de la ville qui nous est chère. À partir de 17 heures, entre l'ancien cinéma Vox et la place de la Liberté, « shoufouni street » comme la surnomment les amis marocains, n'a rien à envier à l'animation de Jemaa El Fnah.
C'est le cœur battant (tant pis, le mot est lâché !) de Beni Mellal. Remède garanti, si au cœur de l'hiver vous vous sentez gagnés par la mélancolie et l'engourdissement …
cigalou 08 juillet 2021, 02:32
Bonjour à tous,
Pas « poli » … « propos injurieux » … avenue Ahmed el Hansali = avenue la plus animée de Béni-Mellal (?) ... est-ce la plus « aimée » aussi parce qu'elle porte le nom d'un assassin marocain qui a massacré d'innocentes victimes civiles françaises en 1951 ????
Gigiboy tombe le masque …
cigalou 08 juillet 2021, 07:11
Suchet,
Une fois de plus tu déformes mes propos … je n'ai jamais reproché à qui que ce soit de citer l'Avenue Ahmed El Hansali de Béni-Mellal ...
D'ailleurs moi-même je la cite …
Il est évident que si vraiment le nom de cette avenue est lié à Ahmed el Hansali ce vulgaire assassin de civils français massacrés en 1951 … la dénomination ne peut avoir été donnée que par les autorités municipales ...
Il faut que tu arrêtes de déformer systématiquement mes propos c'est lassant ... [gif représentant ???, note de Q.T.]
cigalou 08 juillet 2021, 07:56
Suchet,
Évidemment, comme tu l'écris, ce sont des « politiques » qui ont honoré cet assassin ... et alors ? … on ne peut pas changer le nom de l'avenue ? … les habitants sont d'accord avec ça ? … les partis politiques sont d'accord avec ça ? … le gouvernement marocain est d'accord avec ça ? … Sa Majesté le Roi est d'accord avec ça ? ...
Et bien je suis convaincu du contraire … s'il s'agit bien du nom de l'assassin ... qu'un dossier soit ouvert sur cette question … de mon point de vue les actes commis par l'assassin Ahmed el Hansali en 1951 sont contraires aux traditions, us et coutumes berbères, également contraires à l'islam …
J'espère que les autorités marocaines, pour qui j'ai le plus grand respect, vont réagir par humanisme et respect pour la mémoire de ces innocentes victimes civiles françaises et pour leurs familles … ainsi que par respect pour le Mohrazni marocain lâchement tué et pour sa famille.
Est-il possible de dire officiellement que le nom de cette Avenue de Béni-Mellal n'a strictement rien à voir avec ce vulgaire assassin … mais qu'il s'agit du grand Caïd AHMED EL HANSALI des Aït M'HAMED ?
Commentaires : j'avais mis en ligne le 15 mai 2021 sur la page La ville de Kasba Tadla du forum DAFINA une brève parue dans l'Écho d'Alger du 21 janvier 1942 évoquant la mort caïd Si M'Ha ou Ahmed Ahansali, chef de la confrérie d'Ahansal (Haut-Atlas Central) (voir dans album photographique)
suchet 08 juillet 2021, 09:56
L'expression GIGIBOY tombe le masque peut sembler malheureuse, quel masque ? Tomber le masque est l'action d'une personne, tu veux sans doute parler d'une ambiguïté sur la personne de ce HANSALI. GIGIBOY n'y est pour rien ! Les autorités municipales de BENI auraient décidé de donner ce nom et déjà depuis longtemps ? Tout comme celles municipales ou autres à bien des endroits. Émets-tu l'idée que ce Hansali honoré est un ancien caïd des Aït M'hamed ?
je ne sais pas mais tout ce que j'ai lu ne va pas dans ce sens.
Nous avons fait le maximum pour essayer de cerner la personnalité du tueur, nous avons dit l'aspect odieux du crime et condamné la falsification grossière.
Bien entendu , tu peux prendre la tête d'un comité pour interpeller les pouvoirs marocains, je ne crois pas que DAFINA soit le meilleur vecteur. Maintenant si tu pouvais nous donner des raisons de croire l'hypothèse du CAiD HANSALI, je serais très content !
Les us et coutumes berbères en ont vu bien d'autres même si j'aime bien ce peuple ; de même l'Islam s'est accommodé de bien des crimes (et pas que l'Islam).
cigalou 08 juillet 2021, 11:01
Comme tu le sais très bien j'ai posé plusieurs fois la question sur le lien éventuel entre le nom de l'Avenue Ahmed el Hansali de Béni-Mellal et le vulgaire assassin Ahmed el Hansali …
Tu as répondu : oui.
Un autre intervenant a abondé dans ce sens.
Donc j'ai dit que si c'était vrai c'était un scandale, une honte, etc.
Par voie de conséquence sachant que DAFINA est sans aucun doute le meilleur site évoquant l'Histoire du Maroc, très lu par les marocains, j'ai transmis un message.
Politiquement je pense effectivement que la municipalité de Béni-Mellal a pu, à une certaine époque, vouloir honorer la mémoire d'un vulgaire assassin d'innocentes victimes civiles françaises … en le présentant, de bonne ou mauvaise foi, comme un « héros » de la résistance ...
Mais pour l'instant, officiellement nous n'en savons rien … aucun marocain de Béni-Mellal est venu nous dire si c'était vrai ou faux.
Donc j'ai ouvert une grande porte … et la petite porte par laquelle j'ai fait rentrer Ahmed el Hansali, grand Caïd des tribus Aït M'HAMED … c'est juste pour susciter une réflexion et, éventuellement aider.
Commentaires : « Par voie de conséquence sachant que DAFINA est sans aucun doute le meilleur site évoquant l'Histoire du Maroc, très lu par les marocains, j'ai transmis un message. », je laisse les gens à leurs illusions ; je ne connais pas un.e tadlaoui.a lettré.e, comme on cause, qui connaît ce forum. Comment un.e mellali.e saurait plus de choses sur la dénomination d'une avenue de sa ville, à moins d'avoir accès aux archives de la municipalité, de s'intéresser à l'histoire locale, de lire DAFINA ? On peut rêver ou imaginer l'inexistant.
Jean-Francois.RABATI, 08 juillet 2021, 11:07
Pour moi les autorités marocaines ont surtout voulu limiter le nombre de militants marocains pour l'indépendance à qui elles ont souhaité apporter reconnaissance en donnant leurs noms à des voies ou lieux publics, parce qu'elles en ont massacré un bon nombre qui cherchaient ou non à s'arroger une partie du pouvoir de décision à l'indépendance, qu'ils soient de l'Istiqlal ou syndicalistes.
Bon nombre de ceux-ci, assassinés par le pouvoir, par des groupuscules liés au pouvoir ou par leurs ennemis politiques, sont oubliés.
Comme il fallait honorer un minimum de Marocains qui s'étaient montrés hostiles au Protectorat, on a ajouté à la liste un personnage des plus mineurs, « le tueur du Tadla », et on lui a fait une grande place dans l'histoire populaire du Maroc.
Bien sûr que le Roi actuel est d'accord. J'ai rappelé ici que le nom d'Ahmed El Hansali avait été donné sous HASSAN II au barrage sur l'Oum Errbia dont la construction a commencé en 1997.
Je ne suis pas spécialiste de l'Islam, mais pour moi ce « tueur du Tadla » a agi en considérant qu'il respectait les préceptes de sa religion. Dans ces Berbères, il y a des combattants plus que féroces et l'armée française et ses supplétifs ont payé un lourd tribut en les affrontant.
Je pense qu'il faut se calmer à propos de cet Ahmed El Hansali. Il ne mérite pas tant d'attention et nous n'aurons pas d'autres réparations, pour le mokhazni ou les Français assassinés, que celles décidées lors du procès de février 1953 qui a condamné ces actes.
Commentaires : Les arabisant.e.s remarqueront que la vraie dénomination du barrage inauguré en octobre 2001 par Mohammed VI est « Barrage martyr Ahmed El Hansali » (voir photographie) ; en 2001 l'agence de presse officielle, la MAP, utilisait ce nom pour en parler. Jean-Francois.RABATI a raison, l'important ce n'est pas de parler d'Ahmed el Hansali, il ne le mérite pas, mais de comprendre comment cet assassin a obtenu un statut de résistant, comment il s'est imposé dans des réunions autour d'une table pour qu'un grand barrage porte son nom.
suchet 08 juillet 2021, 12:16
Ton enchaînement d'idées et de portes n'est pas mauvais mais j'ai bien peur que ce Hansali soit le tueur, que les très nombreuses autorités publiques le savaient au moins en haut. Je crains que ce soit malheureusement irréversible mais j'espère me tromper sur ces 3 points.
Comme J F RABATI, je pense qu'on a eu besoin de légende et comme la lutte pour le pouvoir entre les différents « partis » dont le pouvoir royal a été sanglante, Hansali devenait un héros facile et mort, ne faisant d'ombre à personne. Plus tard, défendre cette légende est devenu un label … J'ai l'impression aussi, facile 70 ans après, que les autorités françaises ont été très répressives et que toutes les actions un peu fortes pour impliquer les indépendantistes, Istiqlal, syndicalistes ou communistes se soient retournées contre eux et laissé une porte [ouverte] pour faire d'Hansali un résistant et comme les vainqueurs ont souvent raison !!
En France quand on baptise ou change le nom d'une rue, d'une place – à la demande d'une association, d'un particulier, de la municipalité elle-même –, il y a délibération du conseil municipal avec trace écrite archivée, en est-il de même au Maroc ? On peut le supposer tant la culture administrative du Maroc fut forgée par celle de la France. Si des rues au Maroc porte le nom Ahmed el Hansali, si ce nom de rue est bien celui du tueur du Tadla, il doit exister des procès-verbaux de délibérations municipales, qui permettraient au minimum de dater le moment du changement du nom de rue ou du baptême de la rue ; c'est de la minuscule Histoire mais cela permettrait d'asseoir des certitudes, de lever des doutes.
suchet 18août 2021, 05:24
Oui, on peut supposer qu'au Maroc ; les noms de rues ou les changements sont officiels, soumis à des autorités qui décident et choisissent ; ce serait intéressant de voir les « procès verbaux ».
J'ai bien peur aussi que tout cela soit un peu opaque.
J'ai bien observé dans les années 60 que l'administration bureaucratique était très inspirée par la française mais que parfois on l'avait bien « améliorée » !
Un livre sur le tueur a été édité (parait-il) à Béni, il doit bien en rester au moins un exemplaire quelque part ??
cigalou 20 août 2021, 06:59
À ma connaissance avant la fin des accords de Protectorat entre la France et le Maroc en 1955 il n'y avait ni rue ni avenue dénommées Ahmed el Hansali à Béni-Mellal.
Je suis évidemment convaincu que cette dénomination est relativement récente et n'a rien à voir avec le grand Caïd qui a rallié le MAKHZEN au début des années 1920.
Non il s'agit bien du nom de ce vulgaire assassin d'innocentes victimes civiles françaises ainsi que d'un moghazni.
Cet individu a été érigé en « héros de la Résistance » … bien évidemment la municipalité et toute la pyramide au dessus ont avalisé cet acte pour des raisons de politique intérieure.
Si j'ai ouvert volontairement une porte en imaginant que cela pouvait être le fameux grand Caïd … c'est uniquement pour susciter des réactions officielles ou officieuses.
Mais rien nada, WALOU … quid des journalistes marocains ? en fait le sujet est « tabou ».
suchet 20août 2021, 09:04
Il serait un peu intéressant de savoir si cette dénomination est antérieure ou postérieure à la vague journalistique qui falsifie allégrement les faits.
Jean-Francois.RABATI, 21août 2021, 00:38
Même si la vague journalistique qui falsifie les faits historiques en grand nombre existe depuis des décennies au Maroc, j'aurais tendance à penser qu'il s'agit d'un mouvement qui touche dans le même temps le pouvoir, la presse et certains « historiens ».
Ainsi, sont réécrits en actes glorieux les actions, ou actions supposées, des sultans, rois, princes, etc. … jusqu'aux militants de l'indépendance tant que ces derniers n'auraient pas trop combattu la monarchie Alaouite, depuis les débuts de la colonisation jusqu'au règne d'Hassan II.
La revue ZAMANE, consacrée à l'histoire du Maroc, qui se targuait d'un travail sérieux, n'a pas échappé à certains articles mal étayés, complaisants ou falsifiant l'histoire.
Il en est allé de même pour le journal TELQUEL qui a fait l'objet de nombreuses attaques judiciaires du pouvoir.
Commentaires : cigalou pense assez naïvement que les journalistes marocain.e.s, les autorités du Maroc, dès leur arrivée au bureau lisent les derniers messages sur DAFINA ; le sujet des artères portant le nom d'Ahmed el Hansali n'est pas tabou au Maroc, c'est un non sujet.
suchet 23août 2021, 09:57
TUEUR
Depuis 10 ans sur Dafina, on tourne en rond, cela a le mérite de nous occuper mais je ne vois pas trop ce qu'on pourrait dire de neuf, à part préciser quelques détails.
Je me demande ce que pensaient les Marocains dans les souks les douars du TADLA avant, pendant et après l'affaire. Difficile à savoir !!!!
En ce qui concerne l'utilisation politique avec quelques contorsions de la réalité elle a pu se faire dans les années 59/60 lors des conflits entre le Roi et les deux fractions rivales de l'Istiqlal ; puis il y a eu (peut-être) de nouvelles vagues avec l'exhumation des héros oubliés et cette fois des mensonges encore plus gros.
Je mets en ligne une capture d'écran de l'article de Rivarol du 21 novembre 1957 (voir ci-dessus) (23 août 2021, 11:01) suggérant que l'attribut « résistant » accolé au nom du tueur du Tadla est une pratique ancienne.
suchet 23août 2021, 12:53
On avance dans le temps pour les changements de noms des rues !!!
En 57, la Vigie pouvait encore dire cela !!? Peut- être un peu avant ?
ZERKTOUNI ? Il n'était pas connu ??
Effectivement on n'a pas trop pris en compte l'ambiance dans le Tadla, les rumeurs partant de quelques exaltés pouvant conduire à une sorte de légende reprise à bon compte par les politiques par une sorte de démagogie.
Pour ma part, en ce qui concerne les faits (les crimes), je pense qu'ils sont bien établis, nombre, lieux, dates, identité des victimes par les autorités et relatés par les médias européens ; pour le reste, je ne sais pas trop.
Mais à un moment, il y a eu falsification grave par des journalistes ou historiens qui sont censés enquêter et les politiques ...
AL ALAM aurait condamné au moins dans un premier temps les crimes ???
Les autorités françaises après avoir parlé de grave fait divers ont dirigé les responsabilités vers des cellules nationalistes, se réunissant dans des souks ou des nouallas, qui auraient pu faire croire à des esprits comme [celui] HANSALI qu'une émeute allait partir [pour] tuer tous les français.
Ce qui n'empêche pas de considérer l'aspect lâche et horrible des crimes et de condamner la falsification des faits.
On a beaucoup moins parlé de son complice !
Commentaires : La conversation est de plus en plus décousue et je remercie suchet pour sa phrase « Depuis 10 ans sur Dafina, on tourne en rond, cela a le mérite de nous occuper mais je ne vois pas trop ce qu'on pourrait dire de neuf, à part préciser quelques détails. », qui me permet de mettre fin à cette contribution. Je renvoie les quelques lectuer.rice.s à la page Beni Mellal du forum DAFINA, il faut remonter la discussion pour y trouver d'autres intervenants, d'autres messages, parfois intéressants, parfois approximatifs, parfois posés, parfois éruptifs, https://dafina.net/forums/read.php?52,333417.
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