Le séminaire PPSP…

psychiatrie, psychopathologie — système pénal & défense sociale

sept 2020 - nov 2022

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable: Pr Antoine Masson, en collaboration avec Dr Johan Kalonji, doctorant, Dr Amina El Nemr & Dr Aurore Mairy

Enfant mordu par un lézardLe Caravage, 1573

« Terrible enfance » renvoie à champ d'équivoques :

Janvier 2018 -  avril 2020

« Actes & Intentionnalités »

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable: Pr Antoine Masson, en collaboration avec Dr Johan Kalonji, doctorant.

Argument et programme du séminaire 2018-2020

Le séminaire « Actes & Intentionnalités », s'est attaché à préciser les dimensions de l'intentionnalité et ses rapports à la conscience, les conceptions de l'acte et ses traductions dans les agirs.
Comment l'expertise psychiatrique peut-elle prendre ces dimensions en compte? Comment s'en trouvent-elles éclairées?
Ces questions, et leur traitement conceptuel et pratique, sont largement tributaires de l'évolution des sciences et de la philosophie de l'époque.

Afin de préparer ce séminaire, deux articles sont proposés à la lecture : « Comment savoir ce que je fais ? » par Vincent DESCOMBES & « Explication, description de l'action et rationalité pratique chez Anscombe » par Valérie AUCOUTURIER

Discussion critique, introduite par Antoine Masson, concernant le type d'apports des neurosciences pour la clinique de l'intentionnalité, de la conscience, de la responsabilité.

Pour les documents préparatoires, ont été proposés :

Peggy Larrieu « Neurosciences et évaluation de la dangerosité. Entre néo-déterminisme et libre-arbitre »  Revue interdisciplinaire d'études juridiques 2014/1 (Volume 72) disponible sur le site CAIRN

Stanislas Dehaene, Le code de la conscience, Odile Jacob, 2014 (Introduction et Chap 7 l’avenir de la conscience, particulièrement les paragraphes « Les maladies de la conscience ? » et « des machines conscientes » qui traite du repérage du libre arbitre

Emilie A. Caspar « Coercition et perte d’agentivité », médecine/sciences 2017 ; 33 : 543-8, recherche dont vous trouverez une présentation résumée en pièce jointe

Résumé des résultats de rtecherche de Sarah Gregory, R James Blair, Dominic ffytche, Andrew Simmons, Veena Kumari, Sheilagh Hodgins, Nigel Blackwood  « Punishment and psychopathy: a case-control functional MRI investigation of reinforcement learning in violent antisocial personality disordered men »

Le problème de la connaissance est un problème vieux comme la philosophie et fait de multiples théories et propositions plus ou moins marquantes selon les époques. Celles découlant de la méthode et de la métaphysique cartésiennes telles qu’exposées dans Le discours de la méthode et les Méditations métaphysiques auront cependant plus que d’autres encore un effet radical sur la manière d’appréhender la question de la constitution du savoir, du sujet savant, de l’objet de connaissance et du rapport sujet-objet. En effet, par l’avènement de l’ego cogito comme seule vérité recevable et résistante au doute méthodique, Descartes introduit d’abord l’idée d’un « Je » désincarné puisque le corps même est mis en doute dans la seconde méditation. Ce Je qui pense performe sa propre existence en pensant de façon immédiate et transparente ouvre la voie à ce que l’on appelle de façon plus contemporaine la conscience de soi. Cette chose qui pense, que Descartes nomme Res cogitans, est pour ce dernier un esprit (mens), un entendement (intellectus), une intelligence (animus) ou encore une raison (ratio). Ce faisant, elle devient à la fois le moyen par lequel le sujet va pouvoir conquérir le monde des objets, mais également quelque chose à propos duquel le sujet va pouvoir se constituer un savoir. La conscience va pouvoir par un regard sur elle-même de type introspectif ou réflexif, devenir son propre objet d’observation. Selon le modèle cartésien, la connaissance est donc toute organisée autour d’un éclairage des objets du monde par l’esprit lucide, la pensée primant sur tout. L’extrait suivant issu des Principes de la philosophie (pp573-574) en est assez illustratif : « Il me semble aussi que ce biais [la pensée] est tout le meilleur que nous puissions choisir pour connaître la nature de l’âme, et qu’elle est une substance entièrement distincte du corps ; car, examinant ce que nous sommes, nous qui pensons maintenant qu’il n’y a rien hors de notre pensée qui soit véritablement ou qui existe, nous connaissons manifestement [...] que nous sommes par cela seul que nous pensons ; et par conséquent que la notion que nous avons de notre âme ou de notre pensée précède celle que nous avons du corps, et qu’elle est plus certaine ». L’expérience de la conscience de soi est première et sans médiation dans la constitution du savoir cartésien. Le monde et ses objets, soit l’étendue, la Res extensa , ne se conquièrent que par l’intermédiaire de mon esprit. Connaissance immédiate de transparente de moi, connaissance médiate possiblement opaque du Monde, soit de deux substances à la nature toute différente. Se pose à partir de là déjà quelques questions relatives au dualisme cartésien : Peut-on assimiler pensée et conscience de soi comme le fait Descartes à partir du Cogito, ce « je » pense qui prend conscience de lui-même comme pensée ? Plus largement, peut-on assimiler conscience et connaissance ? Mais si oui, alors qu’est-ce que la connaissance au-delà d’une simple capacité déclamative ? Par ailleurs, la transparence de la conscience pour elle-même assurant une connaissance introspective limpide et indubitable est-elle compatible avec la manière dont les intentions, les actes, les jugements peuvent être soumis au doute ? L’erreur de Descartes selon les épistémologues est d’avoir tenté de caractériser cette pensée qui pense comme une substance, une Res, que ses successeurs ont alors tenté de caractériser selon différents modèles dit mentalistes et traitant du caractère privé et inaccessible à autrui de l’intériorité (V. Aucouturier). D’où la questions portée vers la psychanalyse. En quoi apporte-t-elle un modèle de connaissance différent ? Comment s’approprie-t-elle le Cogito cartésien et ses conséquences ? En élaborant le concept d’inconscient, Freud, parvient-il à sortir de l’illusion de l’intériorité et du primat de la pensée par le concept de «cause mentale» (statut ontologique de l’inconscient et pouvoir causal)? Autrement dit, la psychanalyse parvient-elle à éviter de s’empêtrer dans ce que Wittgenstein appelait la grammaire des causes et qu’il voyait irréductible à la « grammaire des raisons » ? Voilà les questions qui interrogent la psychanalyse au regard de ce que Descartes fait.

Il y a cependant aussi ce que Descartes dit et qui nous amène à l’un de ses remarquables exégètes contemporains, Jean-Luc Marion. Dans ses Notes du les modalités de l’Ego, ce dernier rappelle ceci que l’ego cogito est capable de cogiter de plusieurs manières. Ainsi dans la méditation II : « Mais qu’est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu’est-ce donc qu’une chose qui pense ? C’est-à-dire une chose qui pense, qui doute, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent ». Le cogito n’est donc qu’une définition fonctionnelle de l’ego. La Res est une chose jamais définie par Descartes et elle advient selon ses différents modes d’actualisation performative. Aucun de ces modes d’actualisation ne semble pour l’auteur avoir le primat sur tous les autres malgré la tendance des classiques à en mentionner l’intellectus. Du coup, un mode de cogitatio retient notre attention : l’ego senties qui ouvre à la question du corps. Chez Descartes, le concept de corps est double. On retrouve en effet les corps physiques habitant le monde qu’il renseigne par habeam corpus et mon corps auquel mon âme est reliée qu’il désigne par corpus meum, ma chair. Ce qui distingue effectivement les corps physiques de ma chair est que quand les premiers affectent ma chair, celle-ci le ressent. Et l’ego senties dans un mouvement réflexif corrélatif doit être considéré comme non pas sentant mais se sentant sentir les corps qui l’affectent. Le sentir du sentir étant toujours vrai, il actualise l’existence et s’inscrit comme un équivalent de pensée dans l’action performative cartésienne. Mais Michon le rappelle bien, penser le cogito n’est pas encore se le représenter. Et le sentir contrairement à la volonté n’est pas forcement précédé de l’intellectus. Mieux même, elle doit être le fait en première intention d’un sentir originel. Et au-delà même se pose la question de savoir si une pensée de n’importe quoi n’est pas d’abord un sentir de soi ? Partant de là, le Cogito s’extrait-il du monde de la représentation ? Et partant, cela signifie-t-il que le sentir puisse être un mode de connaissance et de constitution d’un savoir hors champs représentatif ? Qu’en serait-il alors de ses objets et de ses états mentaux ? Qu’aurait à nous dire la psychanalyse sur cette cogitatio qu’est l’Ego senties ? Et sur le savoir qu’elle pourrait constituer par « auto-affection » pour paraphraser Michel henry?

Invitée dans le cadre du LGCL à l’école de criminologie du 12 au 19 novembre, donnera une conférence autour de la construction sociale de l'ennemi et du SSS (sujet supposé suspect)

Il s'est agi de préciser comment concevoir, à propos des meurtres immotivés, une forme d’intentionnalité ou de non-intentionnalité.
Séminaire dans le cadre d'un échange Érasmus durant lequel les collègues de l'Université de Rennes 2 ont assuré les prestations suivantes
- Cours LCRIM2306 Approches interdisciplinaires de la prévention et du traitement de la délinquance : « Clinique et pratique à plusieurs auprès d’adolescents en situation subjective d’exclusion sociale et de délinquance » Romuald Hamon (lundi 2 de 14h à 16h)
- Cours LCRIM2501 Perspectives psychanalytiques en criminologie « Denis Lortie, une destruction au nom de l'Un » Yohan Trichet & « Les dérives sectaires (en reprenant le cas Georges Roux) » Romuald Hamon (mardi 3 décembre matin et après-midi)
- Séminaire doctoral (mardi 3 décembre 16h30 -18h)

Il s'agira de rendre compte des méthodes par lesquelles l'expertise psychiatrique clinique peut dégager et transmettre un savoir sur l'ordre des raisons aussi bien que des causes, préserver et faire entendre la subjectivité et son intentionnalité

Octobre 2016-mai 2018

« l’expertise psychiatrique : enjeux, fonctions, attendus »

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable: Pr Antoine Masson, en collaboration avec Dr Johan Kalonji, doctorant.

Argument et programme du séminaire 2016-2018

Durant ce cycle 2016-2018, il s’est agi d’aborder la spécificité l’expertise psychiatrique : ses enjeux, ses fonctions, et surtout les attendus des magistrats de l’instruction, des juges du fonds, du tribunal d’application des peines et des nouvelles Chambres de Protection Sociale, et ce dans le cadre des réformes actuelles de la loi de défense sociale.

Programme 

Depuis une dizaine d’années, les politiques européennes valorisent la gestion optimale de la détention afin de contrer la surpopulation carcérale. Rationalisation et uniformisation des prises en charge sont à l’avant-plan des réformes. Or, si la fonction de la prison s’apparente toujours à "une simple privation de liberté", force est de constater qu’un détenu n’est pas nécessairement évalué compte tenu des faits délictueux dont il est l’auteur mais en fonction de la durée de sa peine. Mon propos sera de vous transmettre comment le travail d’un psychiatre SPS peut tenter de s’intégrer à cette logique contemporaine.

Dans le cadre de sa présence à Louvain-la-Neuve dans le cadre du LGCL. En lien avec une exposition photographie et prison

Caroline Protais travaille en particulier sur les liens entre justice et psychiatrie. Elle est l'auteur de « Sous l'emprise de la folie ? : L'expertise judiciaire face à la maladie mentale (1950-2009)» Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, janvier 2017

Madame la juge Patricia Jaspis partagera avec nous son expérience au sein de la CPS de Mons-Hainaut relativement à la manière dont les expertises psychiatriques sont lues, reçues, discutées, tenues en comptes, ainsi que la manière dont elles s'inscrivent dans le champ de la nouvelle loi sur l'internement.

Madame la juge Vinciane Boon partagera avec nous ses réflexions sur  le rapport de la CPS (Chambre de Protection Sociale) aux expertises psychiatriques, évaluations des SPS et maisons de Justice, rapports d'évolution rédigés par les psychiatres responsables des soins

2015-2016

« Représentations carcérales et traversées traumatiques »

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable : Pr Antoine Masson, en collaboration avec Dr Johan Kalonji, doctorant.

Argument et programme de l'année 2015-2016

La prison est une case vide. La loi pénale a été édictée dans la perspective de son inapplication, comme si la menace de la sanction suffisait à dissuader quiconque de transgresser l'interdit. Dans ce cadre de pensée, la prison est apparue comme la peine-reine, car elle est aisément graduable d'une part et, de l'autre, suffisamment "infâmante et afflictive" pour jouer le rôle d'épouvantail. Hélas, le crime est une réalité et les prisons ont dû se construire ... Mais nul ne peut dire à quoi elles sont censées servir effectivement. 

La réflexion proposée portera sur les représentations de l’expérience du détenu dans le cinéma carcéral. Ce dernier est un genre cinématographique trop vaste pour être exploré; nous nous pencherons donc sur quelques films « typiques » aux fins de tenter d’en isoler le ou les levier(s) traumatique(s) (si tant est qu’il soit traumatique) de l’expérience, et la traversée du traumatisme, entendue à la fois comme parcours (voyage au long cours) de l’expérience et à la fois comme son issue. Nous ne sommes pas cliniciens. Nous tenterons d’articuler les dimensions politique, clinique, narrative et esthétique des représentations cinématographiques sélectionnées.

ll s’agira notamment de tenter de dégager les représentations de l’"être étranger (à ce monde)", de la migration, de la loi et de la prison dans la littérature qui appelle au jihâd armé.

La prison ne consiste pas seulement à mettre un individu ‘à l’écart’ physiquement. Elle le place aussi dans une posture de repli psychique dans laquelle il va souvent se percevoir comme au travers d’un miroir déformant. L’auteur d’un acte délinquant ou criminel est aussi un homme ou une femme avec ses émotions, ses sentiments, son parcours de vie, une personne qui a une famille, des êtres chers, une vie professionnelle et sociale. Lors de l’incarcération, cette dimension tend à disparaître et cet auteur est réduit à l’acte qu’il a commis.

Le parcours de vie de Philippe Lacroix témoigne qu’en dépit de ces ‘représentations’, il est possible non seulement de survivre à l’enfermement, mais aussi d’évoluer et de se re-construire pendant et après l’incarcération.

Nous ne sommes jamais inscrits dans un destin figé, nos valeurs, notre relation au monde, nos modes de fonctionnement s’articulent parfois de façon bien différente et génèrent d’autres histoires dans notre propre histoire.

Les prisons sont des établissements clos et sécuritaires au sein desquels certaines dynamiques institutionnelles particulières s’installent. Tout un chacun qui évolue entre leurs murs participe d’une manière ou d’une autre à ces dynamiques. Quelques expériences en psychologie sociale se sont intéressées aux enjeux qui prennent place entre les différents groupes d’acteurs carcéraux et notamment aux enjeux de pouvoir qui les unissent. Il peut être intéressant de se pencher sur les apports théoriques de ces expériences. Nous nous arrêterons ainsi sur la Stanford Prison Experiment (1971) ainsi que sur la BBC Prison Study (2002) afin d’en dégager les apports et d’en débattre ensemble.

2014-2015

« Actualisations symptomatiques et contexte pénal »

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable : Pr Antoine Masson, en collaboration avec Jean-Philippe de LIMBOURG et Dr Johan KALONJI, doctorants.

Argument et programme de l'année 2014-2015

De diverses manières, le séminaire de cette année s’attachera à préciser les relations entre le contexte pénal et la psychopathologie, plus particulièrement les modes selon lesquels les symptômes s’y présentent et s’y actualisent. Nous déploierons ainsi une double question :

Comment la procédure pénale, l’incarcération ou autre mesure de peine alternative, ainsi que l’imposition de la Défense sociale, peuvent-elles favoriser une actualisation pathologique, sinon en provoquant la maladie, du moins en faisant décompenser une pathologie latente ?

Comment les symptômes psychopathologiques viennent-ils se mettre en scène dans le système pénal, et comment des constellations relationnelles pénibles ou traumatiques viennent-elles se répéter en s’accentuant et s’amplifiant ?

Programme :

Les blessures lancinantes de l’au-delà des murs entraînent inévitablement une « victimisation » du détenu qui se perçoit comme écrasé avec les siens par la froide mécanique pénitentiaire.  Ces suppléments de tourments génèrent des sentiments d’injustice et de révolte parfois ingérables. Ils hypothèquent souvent tout espoir de donner la moindre orientation réparatrice à l’exécution de la peine pour celui qui la subit. Dans ce contexte, la « tarification pénale légale» appliquée par le tribunal est extrêmement difficile à accepter tant par l’auteur que par la victime.  Derrière le « prix à payer » fixé par la décision souveraine du juge quantifiant dans les limites légales le temps de privation de liberté, il y a l’addition cachée dont le montant est incalculable, une dette qu’on ne finit jamais de payer.  « Qui peut mesurer le poids réel de ma peine ?» dit le condamné. Et « qui peut me rejoindre dans l’abîme de ma peine ? » répond la victime. Qui croit vraiment qu’infliger de la peine à l’un soulage la peine de l’autre ? Qui croit vraiment que ces peines s’équilibrent dans les plateaux d’une balance ? C’est seulement dans le monde virtuel de certains écrits théoriques que les taux de la peine sont précisément cernés, que les objectifs de l’incarcération sont mesurés, ciblés et atteints. Personnellement, à force d’accompagner des personnes abîmées dans cette expérience carcérale qui « prend l’allure d’un temps vide »,  j’ai acquis la conviction que personne n’est capable de cerner les limites de la peine de prison !

Nous partirons d’une analyse expertale des difficultés survenant lors de la détention d’un sujet dont la dynamique relationnelle et affective a une telle puissance de répétition inconsciente qu’elle inclut, à leur corps défendant, ainsi bien les agents pénitentiaires, les autorités, l’opinion publique que le sujet lui-même chargé d’une histoire douloureuse qui l’habite et ne passe pas. L’hypothèse est qu’une telle constellation psychique a dès lors trouvé un lieu où se rejouer de manière décuplée.  

L’analyse du cas de Nathan, sorte d’épisode princeps de notre analyse de l’univers carcéral, nous permettra d’étudier les notions de temps et d’espace. Ces deux coordonnées sont fondamentales, tant pour la considération anthropologique de l’homme situation d’enfermement que pour la compréhension psychopathologique. À partir de cette analyse, dans laquelle nous évoquerons notamment un texte peu connu de Sartre sur les Visages ainsi que la philosophie des émotions de Scheler, c’est la problématique fondamentale du corps que nous évoquerons. L’épisode psychopathologique du Gate fever (la « fièvre de la porte ») vécu par Nathan nous permettra également d’évoquer le vécu émotionnel paradoxal de l’expérience psychotique.

À partir d’une citation de Jean Genet (« Je sentais le besoin de devenir ce qu’on m’avait accusé d’être »), je montrerai comment les adolescents dits délinquants se piègent dans le regard de la justice et du social. Comment pouvons-nous les aider à résister à la tentation d’évacuer toute énigme sur leur être en devenant le « délinquant » conforme aux images visées par la justice et par les normes modernes de la reconnaissance ?...... 

À partir de différentes théorisations issues de l’épistémologie psychanalytique, il s’agit de mettre en tension, d’une part, une conception du délire s’établissant à partir du rapport à la réalité ́ extérieure, et, d’autre part, une approche fonctionnelle de l’activité délirante qui tient compte des enjeux subjectifs du délire. Trois principales fonctions se dégagent ainsi dans son essai de résolution auto-thérapeutique : la « fonction contenante » (mise en forme et transformation signifiante de ce qui ne peut être symbolisé de l’expérience traumatique), la « fonction localisante » (situer en dehors du sujet le débordement pulsionnel inhérent au traumatisme primaire), la « fonction identifiante » (permet de s’attribuer un énoncé identificatoire qui, de manière auto-créée, supplée à l’énigme de son histoire insensée). Ces trois fonctions de l’activité délirante s’articulent selon une logique particulière, un « processus délirant » par lequel le sujet peut rendre pensable et supportable le vécu traumatique qu’il a éprouve ́ au cours de son histoire. Comment accompagner le sujet psychotique dans l’aménagement des potentialités résolutives que le processus délirant tend à produire ? 

À partir de notre pratique psychiatrique en la prison de Forest, nous proposerons une réflexion quant à la manière dont les dispositions propres à l’institution carcérale peuvent rentrer en résonnance avec la manière dont la maladie psychotique se déploie dans le temps et dans l’espace. Nous essaierons donc de montrer comment la structuration et l’organisation particulière du lieu prison favorisent le rapport au Monde dit psychotique et comment au delà, le système pénal et le droit, à travers différentes dispositions, entretiennent ce rapport particulier.

« Les auteurs se proposent d’examiner deux cas de matricides: deux jeunes hommes psychotiques qui pour arrêter l’insupportable d’une jouissance indicible passent à l’acte et tuent leur mère. Ce crime comme solution qui se présentait sous un jour altruiste pour Pierre Rivière, en 1835, n’a pas produit l’apaisement escompté. Au contraire, il a brusquement surgi sur la scène du monde comme un monstre, et n’a eu de cesse ensuite de mourir, ne pouvant assumer cette identification. Pour Louis, c’est au contraire le travail psychanalytique sous transfert, qui lui permet d’élaborer l’altruisme comme interprétation, et ce faisant, lui permet d’assumer la responsabilité subjective du crime commis. Ainsi, nous questionnerons précisément quelle est la fonction de l’altruisme dans ces deux cas de délire, et si cette catégorie historique est valide ou non pour rendre compte de ce qui s’est produit pour ces deux sujets. » (Résumé de l’article) 

Drawing on fieldwork conducted in a Portuguese women’s prison in two different decades, I will focus on the experience of confinement as it inscribes itself on the body and the senses.  More specifically, in the light of the coherence between the social, and the sensorial orders that emerged in both periods, I will examine the way this experience is mediated by social relations. Given that within that time frame the face of prison underwent a major sociological transformation due to recent phenomena of mass incarceration, this coherence also means that such bodily experience of confinement – or the way prisoners “embody” prison and make sense of it – is highly contextual and may vary not only according to prison-specific circumstances, but also to social-specific circumstances.  Contrasting ideas of contagion, changing experiences of sounds and smells, and individual and para-collective expressions of distress ("nerves", "attacks"), will be some of the aspects approached.

2013-2014

Déterminants psychopathologiques du passage à l’acte

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable : Pr Antoine Masson, en collaboration avec Jean-Philippe de LIMBOURG et Dr Johan KALONJI, doctorants.

Argument et programme de l'année 2013-2014

Le passage à l’acte est en excès sur toute explicitation des motifs et des raisons, c’est sa définition même. Pourtant les dimensions de la subjectivité s’y trouvent impliquées, pourtant les dimensions psychopathologiques peuvent y être mises en scènes. S’il n’est aucun déterminisme qui puisse expliquer la rupture du passage à l’acte, il est cependant des déterminants qui peuvent rapprocher le sujet de ce point de rupture. Il est également possible de retrouver l’articulations de ces déterminants dans la lecture analytique de ce qui est venu s’actualiser aveuglément dans le passage à l’acte.

Telles sont les problématiques que nos différents invités croiseront chacun à leur manière, selon leur style, en déclinant selon leurs pratiques et leurs points d’appui conceptuels

Programme :

Entre l’irruption d’un phénomène élémentaire et le déclenchement d’un passage à l’acte il y a souvent un temps plus ou moins long selon les personnes. Ce temps nous permet de distinguer ces deux productions psychotiques comme étant différentes, nous formulerons néanmoins des hypothèses sur leur imbrication à partir d’une méthode qui vous sera transmise lors de cet exposé. 

À partir de l’article “Passage à l’acte” du Dictionnaire de la violence, publié sous la direction de Marzano aux PUF. Il s’agira de critiquer l’idée que dans le passage à l’acte, il y a un acte. Le phénomène serait ainsi mal nommé, ce qui constitue un obstacle épistémologique qui retentit sur la clinique, en faisant ressembler tout à fait à tort ce dont on a peur dans la phobie d’impulsion, ce que le pervers met positivement en acte, et les conjonctures particulières où un psychotique se défait.

Les paroxysmes de l'affectation autant que de la désaffection sont passibles de devenir facteurs de criminalité. La dramatique de leurs enjeux pourrait-elle contribuer à l'engendrement d'œuvres de reconnaissance et de solidarité, de valorisation et de justice?"

Le crime passionnel à proprement parlé, à savoir celui ne répondant pas de la motivation paranoïaque ou de celle du jaloux, consiste en le meurtre de l’être aimé par amour.

La psychiatrie a proposé diverses explications de ce passage à l’acte paradoxal tout au long de son histoire récente. A travers une étude de cas précis, nous nous proposons d’essayer de comprendre et dépasser ce qui apparait paradoxal à l’esprit afin de tenter d’en restituer au niveau psychopathologique la logique interne.

Évoquant l’histoire et l’actualité de la notion de « quérulence processive », il s’agira de décrire les questions que pose cette entité nosographique à la psychopathologie psychanalytique (quelle écoute pour le délire de revendication ?) comme aux institutions juridiques (tribunaux), pénitentiaires et psychiatriques.

A bien des égards, les infractions à caractère sexuel commises par Patrick peuvent sembler relever d'un accident de parcours. Pourtant, lorsqu'on se donne le temps d'écouter son histoire, l'accident prend un tout autre sens, celui d'un événement révélateur des structures fragiles de sa psyché et de son inscription sociale. Partant, il me sera donné de mettre en tension son histoire de vie avec le concept de pathologie narcissique qui me paraît ajusté aux problématiques que je rencontre fréquemment dans le cadre de ma consultation au SSM de Dinant, au sein de l'équipe spécialisée dans le traitement et la guidance des auteurs d'infraction(s) à caractère sexuel.

2012-2013

« Folies criminelles : Discours et soins »

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable : Pr Antoine Masson, en collaboration avec Jean-Philippe de LIMBOURG et Dr Johan KALONJI, doctorants.

Argument et programme de l'année 2012-2013

La folie criminelle est une double brisure. Au-delà de la vie brisée, plus que tout autre crime, c’est la familiarité des motivations qui est détruite. Et c’est cette seconde dimension qui éveille la passion sociale, jusqu’à la déraison : une mère, un père, une femme ou un homme, un adolescent, voire un enfant, réalise un acte qui est à la fois le plus contraire et le plus inscrit dans sa nature.

L’enjeu du séminaire de cette année sera de parcourir les différents discours susceptibles de rendre compte de ces cas de folie criminelle : classifications des troubles mentaux, échelle de mesure des dimensions pathologiques ou déviantes, théories psychopathologiques du criminel, hypothèses historiques, développementales et psychodynamiques, hypothèses de structure de l’appareil psychique, théories du passage à l’acte, décryptages du crime pris comme rebus, herméneutique du crime et de la scène qu’il déploie, indentification du mal, du monstrueux ou du diabolique, …

Au delà de chacun de ces discours, il s’agit également d’envisager les diverses articulations entre les différentes formes de discours permettant de rendre compte du crime et du passage à l’acte, les apports de ces discours dans le champ pénal, leur branchement sur les discours de l’instruction, du procès et de la pénalité.

Quels types d’effets induisent ces différents discours sur notre pratique professionnelle tant au niveau de l’expertise que de la possibilité de traitement ? Comment l'articulation de ces discours et leur mise en tension selon leurs différents paradigmes permettent ou non une certaine représentation intellectuelle de l'acte  criminel s'ouvrant dans une perspective de soin ?

Programme :

Discussion à partir du livre de Jean-Pierre Bigeault Le double crime de l’abbé Desnoyers, curé d’Uruffe (L’harmattan & Éditions Pepper, 2008)

Dans la plupart des cas de folie criminelle auxquels j'ai pensé, les auteurs ont montré des signes prémonitoires de leur folie, ce genre de chose qui fait dire au commun des mortels : il est fou ! Ne devrait-on pas y être plus attentif ? Et alors, qui doit agir et quelles mesures prendre ?

Précisions sur les notions de passage à l'acte,  passage par l'acte,  recours à l'acte, pour ouvrir sur des repères processuels : les accordages  primaires  avec l'objet (articulation perception/ hallucination), les problématiques de la honte primaire et les enjeux narcissiques sous-jacents…   discussion des  enjeux des  méthodes  projectives

2010-2012

« Psychiatrie, psychopathologie et système pénal »

Organisation dans le cadre du CRI&P - UCLouvain
Responsable : Pr Antoine Masson, en collaboration avec Jean-Philippe de LIMBOURG et Dr Johan KALONJI, doctorants.

Argument et programme du séminaire 2010-2012

Le séminaire vise à élaborer la place de la psychiatrie et la pensée psychopathologique dans leurs connexions avec le système pénal (les différents endroits où la psychiatrie est convoquée: expertises à différents moments de la procédure pénale, traitement sous contrainte, défense sociale, milieu carcéral…)

Les enjeux organisationnels et institutionnels ne seront cependant traités que dans la stricte nécessité de les convoquer pour penser les singularités de la mise en jeu de la pratique psychiatrique et de la pensée psychopathologique du passage à l’acte, de la folie, de la responsabilité, de la dangerosité, etc…

Au sein de l’alternative entre discours objectivant et simple opinion, il s’agirait de déployer un discours rigoureux sur l’implication subjective et ses accidents pathologiques.

Programme :