applications technologiques efficaces :
Tirer profit de la recherche
Le contenu de cette page reprend les diapos et propos exprimés lors d'un atelier donné par Martin Tremblay lors du congrès de l'AQEFLS en 2022.
Applications technologiques efficaces : tirer profit de la recherche
Trois théories seront présentées. Celles-ci peuvent avoir un impact positif sur l'apprentissage et la mémoire des élèves et peuvent être facilement appliquées avec des outils technologiques simples.
Le double codage
Qu'est-ce que le double codage en éducation ?
Le double codage, c’est l’utilisation combinée de stimuli verbaux et non verbaux pour aider l'élève à mieux saisir l’information et à augmenter ses chances de s’en rappeler à long terme. Autrement dit, c'est comme les mots que vous entendez, en lisant à voix haute, qui s’associent aux images que vous voyez à gauche de l’écran et vice-versa.
Les stimuli verbaux et les images sont traités distinctement dans votre cerveau. Et le fait que vous soyez exposés aux deux formes de stimuli fait en sorte que si on vous demande plus tard ce qu’est le double codage, vous devriez avoir plus de chances de vous en rappeler et vous aurez certainement une meilleure compréhension de ce que c’est.
Ce que le double codage n'est pas
Le double codage, ce n’est pas écrire sur chaque diapo ce que nous allons dire à haute voix, ce n’est pas surcharger de stimuli visuels ni fournir des images sans leur donner un sens ou une pertinence comme le fait ce contre-exemple. Enseigner continuellement de la sorte mène vers une surcharge cognitive.
Un exemple concret
Disons que l’on expose nos élèves à un nouveau mot ou à un nouveau concept. On pourrait tout simplement leur demander de le prendre en note et de le mémoriser.
Par contre, si on l’associe à une représentation non verbale, comme une image, la mémorisation et la compréhension s’en trouveront avantagées, car chaque stimulus laissera son empreinte sur la mémoire.
Une image à elle seule peut valoir mille mots, mais peut-être pas celui recherché. Ici, sans mot ou définition, on aurait pu penser à faim, mal de ventre ou allergies.
Plus le concept recherché est abstrait ou inconnu, plus il a besoin d’explications et de supports non verbaux. Lorsqu’on parle de double codage, ça implique vraiment la mixité des stimuli.
Un contre-exemple concret
Par exemple, le mot et concept d’affordance ou de potentialité. Je peux le définir et laisser le temps au cerveau des élèves de le traiter et de tenter de créer leurs propres références.
OU
Je peux tirer profit du double codage pour mettre mes élèves sur la voie rapide de l’apprentissage.
Un exemple concret
Si j’explique le concept de potentialité en utilisant cette illustration, je tire avantage des deux façons dont les élèves traitent l’information pour augmenter les chances qu’ils s’en souviennent plus longtemps et aussi qu’ils comprennent plus rapidement.
On peut lire la définition et la combiner avec l’image : un côté de la porte offre une plaque qui indique aux utilisateurs que ce côté de la porte doit être poussé, tandis que la poignée indique qu’elle doit être tirée.
On en comprend plus rapidement le concept d’affordance ou de potentialité soit la propriété qu'a un objet d'indiquer comment il doit être utilisé. En plus, on aura un exemple valable sur lequel on peut s’appuyer pour ensuite aller se chercher d’autres exemples, comme la poignée d'une théière, un interrupteur, un volant de voiture, etc.
Ce procédé est utilisé constamment à la télévision, mais comme enseignants, on doit être pleinement conscients de son utilité et de son utilisation surtout si l’on envisage de créer du matériel multimédia pour aller de pair avec notre enseignement.
À ne pas faire...
On doit toutefois éviter de surcharger les élèves avec des éléments redondants, inutiles ou trop distrayants comme de nombreuses animations.
Des outils technologiques mettant le double codage de l'avant
Adobe Creative Cloud
Adobe Creative Cloud ou Adobe Spark Video permettent de créer facilement des vidéos explicatives dont le montage se fait automatiquement. La façon dont le programme est fait limite la quantité d'informations verbales et non verbales pouvant être intégrées dans chaque séquence.
Quizlet
Quizlet permet, entre autres, de créer des cartes de notes ou d'étude. On peut donc créer une carte pour définir et illustrer un concept en utilisant des supports verbaux et non verbaux.
Pexels
Comme son compétiteur Pixabay, Pexels est une mine de photos et de vidéos libres de droits qui permettent d'illustrer des propos ou des concepts.
Le stockage externe
Le deuxième point, comme vous le remarquerez, est intimement lié au premier.
Qu'est-ce que le stockage externe ?
La théorie du stockage externe propose un développement de notre capacité à créer des symboles qui, au fil du temps, a dopé notre développement cognitif entre autres par la création d’outils qui nous servent de mémoire externe. Au cours de son histoire, l'humain a essayé de simplement se rappeler des informations, puis a développé des mouvements, du langage, des dessins et des écrits détaillés pour arriver à se souvenir plus longtemps et même à transmettre ces informations. Ces symboles, une fois décodés, nous donnent accès à de l'information qui serait sinon tombée dans l'oubli.
Symboles, représentations, analogies, métaphores...
Ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas tant la capacité du symbole à stocker de l’information, mais surtout l’effort et l'avantage cognitif de créer ce symbole.
Si on reprend le double codage, les élèves tirent un avantage en tant que receveurs de l’information verbale ET de la symbolique non verbale créées par l’enseignant. Mais qu’en est-il lorsqu’on inverse les rôles? C’est-à-dire que l’on demande aux élèves de représenter des choses et des concepts de façon symbolique?
Pour le découvrir, on va faire une expérience en utilisant un outil basé sur le modèle Frayer qui s’appelle SEEI en anglais et que j’ai traduit par CEDI en français.
La stratégie CEDI
On peut se servir de CEDI pour aider nos élèves à acquérir un nouveau concept et suivre l’évolution de leur compréhension.
Après avoir donné une définition du concept à l'étude, les élèves tentent de la reformuler dans leurs propres mots ou de la préciser davantage.
Ensuite, les élèves doivent donner des exemples et des contre-exemples.
Finalement, les élèves doivent tenter de représenter le concept de façon non verbale. Ils peuvent créer un symbole, dessiner ou trouver une image qui représente le concept.
Toutes ces actions poussent l'apprenant à traiter l'information, la comprendre et se l'approprier au point de générer un symbole qui viendra représenter et stocker cette information pour pouvoir la retrouver plus tard.
Exemple concret de la stratégie CEDI
Voici un exemple d’un élève de deuxième année. Leur enseignante, Nathalie Lauriault, lui a demandé de recopier la définition de tradition avec laquelle les élèves allaient travailler.
Ici, l'élève a ajouté des détails à la définition. L'apprenant et l'enseignant pourront par la suite, au fil des apprentissages, valider ce qui y est inscrit.
L'élève donne ici un exemple épisodique qui puise dans ses expériences et connaissances antérieures, ce qui ajoute du sens avec sa dimension personnelle et servira sa mémoire à long terme.
Ici, l'élève a dessiné son exemple. Par la suite, il a ajouté une image de sapin de Noël pour représenter le concept de tradition. Il a aussi comparé tradition avec les migrations de canards. Bien que la comparaison semble avoir peu de sens, en vérifiant auprès de l'élève, on s'apercevait qu'il avait compris durant ses apprentissages que, tout comme les migrations de canards, bien des traditions étaient cycliques et revenaient selon une saison, une date ou un évènement. Elles se font souvent en groupe et marquent quelque chose de spécial. L'élève démontrait ainsi une compréhension beaucoup plus approfondie qu'une simple répétition de la définition apprise par coeur.
La stratégie CEDI peut servir pour des concepts plus complexes. On voit ici un exemple fait à partir de la théorie de la mémoire externe.
En conclusion, on peut dire qu’on peut optimiser l’apprentissage en créant ce que Merlin Donald appelle une boucle cognitive. C’est-à-dire que l’élève reçoit l’information sous forme verbale et non verbale ET doit ensuite la traiter en la verbalisant et en la symbolisant pour créer une mémoire externe qu’il pourra consulter, donc retraiter et peaufiner. Cette boucle devient, en fait, une roue qui fait avancer la compréhension de l’élève.
Exemples d'outils
Au lieu de vous parler de nouveaux outils, je vous demande de remarquer comment on fait rouler cette roue cognitive, simplement en demandant aux élèves d’être les créateurs derrière les outils déjà présentés.
En effet, en demandant aux élèves de créer leur propre Quizlet ou vidéo explicative, on les force à trouver les mots et les images qui vont symboliser leur pensée. Ces outils offriront un défi de plus : ils n’offrent pas nécessairement l’image identique à celle que les élèves avaient en tête. Ils doivent donc se forcer à trouver des représentations alternatives augmentant ainsi le traitement de l’information et le travail de compréhension.
Comme enseignant, vous devriez avoir utilisé ces outils technologiques, en amont, pour créer du contenu et familiariser vos élèves avec l’outil.
La stratégie CEDI quant à elle devrait être modélisée en groupe et monitorée par l’enseignant au fur et à mesure que les élèves se l’approprient.
Adobe Creative Cloud
Adobe Creative Cloud ou Adobe Spark Video permettent aux élèves de créer leur propre compte ou d'avoir accès à des versions éducatives. Ils peuvent par la suite facilement créer des vidéos dont le montage se fait automatiquement. La limite des réglages disponibles diminue les distractions. On se concentre sur le contenu davantage que sur le contenant.
Quizlet
Les élèves peuvent créer leurs propres cartes de notes ou d'étude. Ils doivent donc choisir comment définir et illustrer un concept en utilisant des supports verbaux et non verbaux disponibles.
Pexels
Comme son compétiteur Pixabay, Pexels est une mine de photos et de vidéos libres de droits qui permettent d'illustrer des propos ou des concepts.
Traitement en profondeur de l'information
Notre dernier point porte sur le traitement de l’information en profondeur qui mise sur l’expérience de vie de l’élève, représentée par un cœur, et le vocabulaire pertinent qui gravite autour. Ça va très bien avec ce qu’on a vu jusqu’à maintenant! On en a même déjà vu un exemple !
Profondeur = Rétention
Comme vous l'avez peut-être constaté, le fil conducteur des recherches présentées est la relation entre le traitement de l’information et la mémoire à long terme. C'est assez pertinent parce qu’on voudrait bien que nos élèves se rappellent tout ce qu’on leur enseigne le plus longtemps possible. Or, on sait grâce aux travaux de Craik, Lockhart et Tulving que la profondeur avec laquelle un élève traite l’information affecte sa rétention. Allons voir ça de plus près…
La création de sens
Ces chercheurs ont tenté de comprendre pourquoi on retenait certaines choses plus que d’autres, peu importe l’entrée sensorielle par laquelle l’information était arrivée. Ils en sont arrivés à la conclusion que les informations que nous traitions en profondeur avaient plus de chance de coller, de passer à la mémoire à long terme. Pour eux, traiter l’information en profondeur signifie d’être capable de lui donner du sens en associant l’information comprise avec des éléments qui partagent son sens et qui lui donnent du sens.
La création de sens et l'acquisition de vocabulaire
Prenons notre exemple précédent. L’élève a dû élaborer sa pensée à partir de la définition donnée du mot tradition. Il a dû trouver des exemples qui faisaient du sens avec ce qu’il comprenait. En plus, on l’a poussé à lier ce qu’il apprenait avec des expériences vécues, ce qui est encore plus efficace selon d’autres recherches. En voyant ce qu’il a dessiné, on peut même voir tout ce que ce mot et l’analyse du sens de ce mot ont pu évoquer en lui. Son dessin englobe à la fois sa compréhension du concept, mais aussi beaucoup d’autres éléments qui gravitent autour du mot tradition comme vacances, joie, plaisir, parasol, famille, amis, cadeaux, sourires, etc.
En énumérant ces éléments, on obtiendrait une liste de mots de vocabulaire qui serait extrêmement significative et pertinente pour l’élève. Ces mots font du sens entre eux et donnent du sens au concept de tradition. En enseignement du français, on parlerait de champs lexicaux. On se sert rarement des champs lexicaux pour la création de listes de mots d’étude. Pourtant, on peut y voir le potentiel.
Le potentiel
On effleurerait que le traitement en surface en ne retenant ou en ne répétant que l’épellation, la prononciation ou la définition du concept de tradition. En cherchant à lui donner du sens en le reliant à des connaissances et à des expériences antérieures, on s’est assuré que les élèves traitent et comprennent le concept. En plus, on y a ajouté des mots qui gravitent autour et on a fait en sorte que tout ça colle plus longtemps en mémoire !
Comment amener les élèves à traiter l'information en profondeur ?
Dans l'excellent ouvrage How Learning Happens, on y indique des étapes à suivre pour traiter l'information en profondeur. À la lecture de ce qui est énuméré, on peut rapidement faire le lien avec ce que nous avons vu précédemment.
La stratégie CEDI utilisée comme boucle cognitive permet de couvrir tous les points sauf peut-être la distinction entre les concepts semblables.
Conclusion
On devrait donc garder ces actions en tête lors de l'application technologique des approches mentionnées précédemment.
Les outils mentionnés permettent à chaque élève de consigner et de partager l'organisation de ses apprentissages. Il ne reste qu'à faire de petits pas pour transformer nos pratiques.
On recommande des cartes heuristiques et des croquinotes en version traditionnelle ou en version numérique pour plus de maniabilité.
Pour aller plus loin...
Ces deux livres peuvent vous aider à aller plus loin dans ce qui a été vu sur cette page.
Voici un lien vers un article qui traite du double codage de façon plus détaillée.
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