LE MANIFESTE DES DIX REVOLUTIONS - #10R

Bienvenue sur la page de construction du Manifeste des dix révolutions. Pour comprendre d'où vient ce projet, consultez l'introduction du Manifeste ci-dessous. Le contenu des dix révolutions est en cours de constitution et de formalisation. Pour en connaître les premiers contours, parcourez la liste ci-dessous. Vous souhaitez apporter votre pierre à l'édifice, et contribuer à l'écriture du Manifeste ? Vous souhaitez réfléchir avec nous au contenu des grandes propositions de la Gauche pour les années à venir ? Renseignez le formulaire !

SOMMAIRE

LE MANIFESTE 10R - INTRODUCTION

Nous sommes à l’aube de grands basculements.

Comme le décrit avec acuité Gramsci, l’ancien ordre s’estompe, menant à une crise à tiroirs, économique, sociale, écologique, démocratique. S’y ajoute, en un hasard qui n’en a que l’apparence, la crise sanitaire. Le monde tremble, et la France est aux premières loges. Plus, la France en est l’un des épicentres.

Ce temps clair-obscur, qui tend chaque jour vers plus, non d’obscurité, mais d’obscurantisme, permet aux monstres gramsciens de surgir. Ces anti-Lumières se nourrissent de la crise autant qu’ils l’entretiennent ; ainsi s'explique leur succès grandissant, qui peut sembler inéluctable.

Le nouveau monde doit donc s’imposer, « en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions ». Mais à travers qui ? Comme en 1789 puis 1792, comme en 1830 puis 1848, comme en 1871, comme en 1936 puis de manière plus diffuse en 1981, c’est bien à « la Gauche » que revient cette responsabilité.

La Gauche. Le mot a-t-il toujours un sens ? Après tant de reniements, de la part de ses représentants arrivés au pouvoir, après l’entreprise de négation systématique du clivage gauche-droite par une partie de la droite libérale, faut-il abandonner ce terme ? Sa démonétisation est évidente. A l’ère où les slogans et autres catchwords investissent jusqu’aux noms de partis (« En Marche », « Agir », « Libres », mais aussi à gauche « Place Publique », « Génération∙s »…), remplaçant peu à peu les idéologies (« Socialiste », « Ecologiste », « Républicain », « Démocrate », « Libéral »…) et participant ainsi à en estomper les contours, le mot Gauche fleure le XXème siècle.

Pourtant, le combat d’un Condorcet pour une émancipation par l’éducation est-il obsolète, à l’heure où l’obscurantisme et ses vérités alternatives progressent ? Le combat d’une Hubertine Auclert pour l’égalité femmes-hommes a-t-il abouti, quand les salaires des hommes sont de 19% supérieurs à ceux des femmes, où qu’une femme sur trois dans le monde a déjà subi des violences physiques ou sexuelles ? Le combat d’un Jean Jaurès pour une République sociale est-il anachronique dans une France qui voit plus de neuf millions de ses enfants vivre sous le seuil de pauvreté ?

Non, mille fois non. Les combats de gauche sont plus que jamais d’actualité, ce qui mène à une seule conclusion : notre société, notre pays, et plus encore ses habitantes et habitants, ont besoin d’une Gauche qui assume ses valeurs et sa filiation.

Mais qui, bien évidemment, ne s’en contente pas. A nouveau, l’ADN de la Gauche nous le rappelle : elle porte en elle une capacité à se réinventer, à intégrer de nouveaux champs de lutte, à porter plus haut ses exigences dès lors que la société a, sous son impulsion, progressé sur le chemin de l’émancipation. De républicaine et démocrate au XVIIIème siècle, elle s’est ainsi faite sociale au XIXème, avant d’intégrer les combats sociétaux au XXème.

La Gauche du XXIème siècle se fera, elle, écologiste. Avec plus ou moins de retard selon ses composantes : si c’est bien parmi ses rangs que l’écologie politique a été théorisée, certaines familles politiques qui composent la Gauche ont mis plusieurs décennies à prendre conscience de l’urgence absolue devant laquelle se trouve l’humanité. Voire ont encore des réticences à intégrer ce combat au même titre que les autres. Mais l’urgence est là, comme le démontre le dernier rapport du GIEC, et comme l’illustre si tragiquement l’été 2021, ses incendies, ses glissements de terrain, ses inondations.

Pour y répondre, sur quelle politique compter ? Celle, caricaturale, qui refuse de reconnaître la responsabilité de l’humanité sur les crises écologiques, qu’elles concernent le climat, la biosphère ou la santé ? Celle, en retard sur son temps, qui prône un capitalisme vert, tentative désespérée de conserver ses avantages et privilèges ? Ou bien celle qui a intégré la nécessité absolue de changer de système, celle qui sait que les premières victimes de ces crises sont les populations les plus fragiles, celle qui a compris que l’égalité et la fraternité sont les seuls chemins envisageables ?

Voilà donc cette Gauche responsable de fait d’ouvrir la voie du « nouveau monde » de Gramsci, ce « monde d’après » selon l’expression consacrée par la crise sanitaire. Pourtant, en une mise en abyme de la société, la Gauche elle-même est en crise, entre une ancienne Gauche agonisante et une nouvelle Gauche qui tarde à apparaître. Les anciens partis, socialiste, communiste ou radical, sont touchés par une sécheresse idéologique chronique depuis, au moins, le début de ce siècle. Celle-ci n’est pas inconsciente : souvent reprochée en interne, elle donne lieu à des batailles fratricides lors des congrès successifs. Des ballons d’essai sont lancés, ici en tentant une mue vers un social-libéralisme qui offre des perspectives de prise de pouvoir, là en revenant à des fondamentaux identitaires dépassés, là encore en s’autoproclamant garants d’un universalisme des Lumières dévoyé, converti en glaive de l’intolérance. Les nouveaux partis, eux, ne font pas beaucoup mieux. Les partis écologistes, sentant leur heure poindre, oublient que l’environnementalisme est l’un des écueils les plus dangereux à l’avènement de l’écologie politique. Les divers petits partis plus récents peinent à imposer leurs thèmes et se retrouvent satellisés par telle autre force plus massive. Seule, La France Insoumise propose un véritable projet de société, autour de l’Avenir en Commun, mais la valse-hésitation entre populaire et populisme, savamment orchestrée par son dirigeant, autant que le quasi-culte qui lui est voué, suffisent à la disqualifier – pour l’instant.

Ce hiatus entre le besoin – vital – de Gauche d’une part et l’incapacité – pathologique – de la Gauche à y répondre d’autre part n’est pas irrémédiable. De plus en plus de mouvements, associations, initiatives – trop nombreux, trop atomisés, sans doute – investissent le terrain intellectuel, produisent des idées et des propositions. Mieux, les enquêtes menées autour de ces idées montrent une réelle adhésion des Françaises et des Français. Le terreau est là. Les actrices et les acteurs de la Gauche à venir sont au travail. A nous, militantes et militants de gauche, de les accompagner, de faire germer ces initiatives, pour redonner un sens, porteur d’espoir, à notre engagement.

Ces nouvelles propositions, tout au plus, bruissent ; si la production intellectuelle est de retour à gauche, elle reste pour l’instant confidentielle. Pourtant, c’est au contraire avec tumulte et vacarme que la bataille pour l’hégémonie culturelle – Gramsci, encore – doit être menée. Le « monde d’après » doit être identifié, raconté, écrit, chanté, joué. Le projet de société nouvelle, écologique, sociale, démocratique, doit infuser dans chaque foyer.

Comment ? Tout d’abord en étant clairement défini. Défendre une République sociale ne saurait suffire, sans expliquer clairement ce en quoi elle consiste. De même pour une République écologique, ou une VIème République. A l’heure des réseaux sociaux et des messages politiques de 140 caractères, le message doit être explicite, immédiat.

Ensuite, en adressant très concrètement les difficultés du peuple français. Plus de grande déclaration d’intention générale, de « motion » ou « vœu » dont nos partis sont spécialistes. Énonçons très clairement des propositions dont l’application pourra être contrôlée simplement par les citoyennes et citoyens. Les promesses trop floues ont généré une déception quasi-permanente, alimentant la défiance envers toute politique et celles et ceux qui les mènent.

Enfin, en assumant la radicalité. L’assertion « une élection se gagne au centre », pourtant fausse, a infusé dans la quasi-totalité de la classe politique au point de ne laisser la radicalité qu’aux extrêmes. Notre système économique, et à travers lui notre modèle de société, est à bout de souffle. Une majorité de plus en plus forte de Françaises et de Français en est convaincue. En changer demande des transformations radicales, en un mot : des révolutions.

Voici l’objectif de ce manifeste : définir les dix révolutions dont la société française a un besoin impérieux à court terme. Il ne s’agit ni d’un programme présidentiel, ni d’une liste de réformes ou d’ajustements, encore moins d’un guide de bonne gestion d’un pays tel que la France. Il s’agit de dix propositions permettant de changer de paradigme, d’impulser une direction alternative pour notre pays, de transformer en profondeur nos modèles, schémas et manières d’envisager la vie dans notre société.

Ce choix, sélectionner dix révolutions, a bien évidemment comme conséquence directe l’incomplétude des propositions. De nombreuses autres réformes restent bien évidemment nécessaires, voire vitales. Faisons confiance aux partis politiques pour produire cette matière. Nous regrettons suffisamment que leur projet se limite à de telles réformes pour ne pas reconnaître leur expertise à le faire. Portons ici une vision plus large, plus structurante, plus radicale.

Dix révolutions, démocratiques, sociales, écologiques et européennes : à travers elles, convaincre du pouvoir de la politique de « changer la vie », et faire renaître l’espoir de lendemains qui chantent.


Francis Poézévara

Coordinateur des travaux du Manifeste

LES DIX RÉVOLUTIONS

La Constitution de la Vème République, instaurant la monarchie présidentielle, est usée. Nos institutions doivent être revues en profondeur pour accroître le rôle du Parlement, tout en faisant plus de place à la démocratie directe.

Mesure écologique autant que sociale, la semaine des quatre jours représente la prochaine étape de réduction du temps de travail et du partage d'une quantité de travail globale en diminution.

Nouveau pilier de sécurité sociale, le revenu universel d'existence répond à des enjeux d'éradication de pauvreté, de transformation du rapport au travail, et d'engagement citoyen dans la société.

Les inégalités de patrimoine sont significativement plus fortes et plus persistantes que les inégalités de revenus (voir travaux de T. Piketty). L'héritage doit être revu en profondeur pour jouer un rôle redistributeur accru.

Nous vivons les dernières années, voire les derniers mois, au cours desquels nous pouvons éviter, ou limiter, la catastrophe écologique qui s'annonce. Pour cela, l'écologie doit être remise au coeur de la République.

Soignant·e·s, enseignant·e·s, policier·e·s : les "premières lignes" sont en souffrance depuis plusieurs décennies. Il est urgent de mettre en place un plan Marshall en faveur de ces professions.

L'école est au coeur du système de reproduction des inégalités sociales de notre pays. En cause notamment : la frilosité des gouvernements successifs vis-à-vis des établissements privés payants.

L'universalité des droits, bien qu'elle soit en théorie assurée par notre Constitution et la Déclaration universelle des droits de l'Homme, se heurte à la réalité quotidienne de bon nombre de citoyennes et citoyens.

La justice en France est structurellement dysfonctionnelle. L'accès à la justice est profondément inégalitaire, les moyens qui lui sont alloués sont largement insuffisants, le système pénitentiaire est à bout de souffle.

L'Union Européenne s'est éloignée progressivement des citoyennes et des citoyens, et ce faisant de sa raison d'être, pour devenir un objet technocratique antidémocratique. L'adoption d'un traité démocratique constituera la première étape vers un fédéralisme solidaire.

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