Touche pas à mon lycée !

Panneaux de chantiers, cônes fluorescents, casques de protection… La symbolique utilisée par les manifestants est révélatrice de la situation : le lycée Victor Duruy est menacé de destruction ! Pas le bâtiment en lui-même, mais les postes d'enseignants, d'infirmières scolaires, de surveillants ou encore d'agents d'entretien. Ils étaient donc en grève mardi 26 janvier, face à notre lycée, banderoles et tracts de sortie.

Mais reprenons du début. Pourquoi cette grève ?

"Il s'agit d'une grève nationale" nous explique une professeure, "Ses mots d'ordre sont les retraites, les salaires, les conditions d'enseignement qui se dégradent, mais aussi les conditions sanitaires dans lesquelles nous devons travailler".

Et concrètement ?

"Il y a quelques jours, nous avons reçu la DGH (Dotation Globale Horaire = nombre d'heures allouées par le rectorat), l'enveloppe budgétaire pour l'année scolaire à venir. Et on constate que nous perdons 60 heures postes, c'est-à-dire l'équivalent de 3,5 postes d'enseignants. En réalité, il n'y aura pas 3 ou 4 professeurs licenciés au lycée. Mais certains seront obligés d'aller faire des compléments de service dans d'autres établissements. C'est déjà le cas avec le collège Blanche Odin de Bagnères, mais cela pourrait s'étendre jusqu'à Tarbes. Les autres devront assurer des heures supplémentaires, car le nombre d'élèves reste le même."

Sur les tracts distribués, nous pouvions lire les informations suivantes (clique sur la flèche à droite):

  • +11% d’heures supplémentaires (un chiffre qui témoigne d'une inégalité au sein du département) = moins d’enseignants = moins de suivi individuel des élèves

  • moins d’heures + même nombre d’élèves = moins de dédoublement = plus d’élèves par classes

  • -45.5 heures en une seule année au lycée général et technologique, -12h en une seule année au lycée professionnel

Nous avons souligné ci-dessus les informations qui touchent directement les élèves. Car même si tu es indifférent à ce mouvement de grève, tu es directement impacté par ces mesures budgétaires.

Quels impacts sur les élèves ?

"Pour vous, ces suppressions d'heures se traduisent par la suppression des enseignements de spécialités (EDS) Espagnol et NSI (Numériques et Sciences Informatiques). De plus, la réforme Blanquer affirme qu'au-dessous de 36 élèves, les dédoublements de classes ne sont plus possibles. Les lycéens seront donc regroupés dans des classes surchargées, alors que les conditions étaient plus favorables jusqu'à présent. Ce n'est pas avec des classe gonflées d’élèves qu’on peut assurer votre réussite scolaire."

Une de ses collègues l'a rejoint sur ce point : "Nous aurons moins de disponibilités pour chaque élève. Quand vous êtes 18 dans les EDS, les profs peuvent vous aider, mais à 35, nous avons moins de temps à vous consacrer. De plus, avec ce déficit d’heure de travail, vous êtes moins bien formés à l'arrivée dans le supérieur qu'en condition normale."

Elle précise : "Victor Duruy a toujours été une structure familiale où les élèves sont au centre des priorités. Ils sont très bien formés pour le supérieur, ils réussissent, on voudrait pouvoir garder ces moyens pour permettre aux élèves futurs d’être dans les mêmes conditions."

Les parents d'élèves sont également mobilisés. "On est très sensibles à l’avenir des jeunes" témoigne une représentante de la FCPE. "Comment une classe de 36 va pouvoir fonctionner ? Ce n'est pas bon pour le bien-être des élèves. Alors oui, on n’est pas enseignant, on ne peut pas se mettre à leur place, mais on est parent ! On connaît le stress de nos enfants. Et on s'inquiète particulièrement pour ceux en difficulté, voire en décrochage scolaire".

Tu l'as donc compris, tu es autant concerné par cette grève que tes professeurs. Et puis au-delà de l'avenir du lycée, c'est aussi l'avenir de Bagnères-de-Bigorre qui se joue. Le lycée Victor Duruy est un des principaux employeurs de la ville, et s'il n'y a plus de professeurs, plus d'élèves, donc des rues désertées par la jeunesse.

Des anonymes se sont donc joint à la manifestation de mardi, comme cette retraitée :

"Je m'intéresse aux jeunes, à leurs conditions de vie, d'éducation, au travail des professeurs. Je suis là en tant que simple citoyenne afin de savoir ce qui se passe dans le lycée de ma ville."

Les enseignants peuvent donc compter sur le soutien de personnes extérieures au lycée, à l'heure où leur image dans les médias n'est, avouons le, pas très valorisante. "Je prends un exemple concret", propose un autre professeur, "vous avez 4 professeurs. Les trois premiers voient leur salaire augmenter, tandis que le quatrième perd son travail. Le ministère, suivi des médias, va donc parler d'une augmentation des salaires, et l'opinion publique ne comprendra pourquoi les profs manifestent encore."

Les autres employés du lycée sont également touchés :

- Il n'y a pas d'embauche chez les agents d'entretien, à qui on demande plus de travail en raison du protocole sanitaire renforcé. Ceux qui partent en arrêt maladie ne sont pas remplacés.

- les surveillants assistent aussi à une diminution de leur postes. L'internat était donc fermé dans la nuit de lundi à mardi.

- les infirmières scolaires sont menacées. Elles pourraient être regroupées dans une même structure au niveau du département, et seraient donc moins présentes au sein des établissements scolaires.

C'est donc pour soutenir toutes ces personnes qui font la vie du lycée Victor Duruy, pour montrer que les élèves ne sont pas indifférents à leurs revendications, et afin de ne pas tomber dans le même panneau que certains médias, que l'équipe du Média du Lycée s'allie à eux en disant à Mr Blanquer et autres responsables politiques :

Touche pas à mon poste, mon agent, mon infirmière, mon prof, mon CPE, mon EDS, mes heures, mes groupes, ma classe ! Touche pas à mon lycée !


V.J. , M.T. et A.R.

28/01/21