L’ÉCRITURE PAR JACQUES SCHAFF MAGDALA
« Tout vient d’un « Exercice d’écriture ». Pour mettre son imagination au pouvoir que faut-il ?
Trois conditions. Laisser venir, d’on ne sait où, le son des mots et leurs rythmes naturels, comme « un chat dansait le jazz que claquaient les gouttes de pluie sur les ardoises ». Un espace où rien ne peut vous déranger ni téléphone ni écran… un temps disponible à ne pouvoir faire que ça, laisser votre musique du dedans et toutes espèces de sensations vous envahir.
Trois règles impératives. Commencer en écriture automatique. Se limiter à une feuille A4. Et à mesure de la progression de l’écriture,la laisser créer son monde à elle et finir, au bout de la page, par une pirouette, une surprise, une chute, comme une clé de voûte de ce monde, mais dans ce cadre imposé tout est permis, tout est possible, l’imagination n’a plus aucune limite, pas même et surtout pas celle de la vraisemblance. Alors peut éclore votre poésie, celle qui vous définit, peut-être malgré vous… et la terre peut devenir « bleue comme une orange ». C’est ce qui est arrivé à l’auteur.
Et alors que chaque texte contient sa propre logique de développement indépendante des autres, voilà que des images, des créatures, des catastrophes, des fins de monde, des sortes de troubles obsessionnels compulsifs, TOC d’écriture, apparaissent régulièrement et donnent à leur insu une certaine cohérence interne à l’ensemble de ces Petites Histoires, et ce malgré l’incohérence débridée et assumée de chacune d’entre elles.
Là est le miracle de l’écriture qui surgit de cet exercice auquel chacun peut se prêter afin de révéler peut-être une part de soi-même qu’il ignorait encore.A bien des égards, ce Bestiaire est une expérimentation poétique où le chantre interpelle le lecteur et l’auditeur et se fait le montreur et le maître des règnes, des éléments, des animaux – voire le juge d’une époque qui enferme les lions dans des cages et les défait de leur royauté…
La simplicité et la naïveté apparentes du recueil recouvrent une réelle érudition, un trait constant de la création poétique. A cette érudition qui entremêle les mythologies païennes et chrétiennes aux souvenirs littéraires de la carte du Tendre, Jacques Shaff Magdala, bien iconoclaste, juxtapose la référence à la tradition populaire de la voix de la rue.
Le choix de l’allégorie prend ici son sens en regard de cette poétique de la ligne et de la lumière. On observe que rarement la bête est le sujet du poème. Elle ne fait pas l’objet d’une description minutieuse : Jacques Schaff Magdala n’est ni le Jules Renard des Histoires naturelles ni le Claudel exégète du Porc dans Connaissance de l’Est, ni le Ponge du Parti pris des choses.
Son éthique poétique s’appuie constamment sur un détail propre à l’animal, qui nous suggère l’humain si proche dudit animal, qui lui-même est constamment tiré vers l’humain. Si la bête est humaine, l’homme est bestial. Autant dire que l’homme n’est plus la mesure des règnes : l’homme est puce, hibou, lion, colombe ou méduse, eux-même indissociables des grands mythes qui les ont humanisés.
***
Ce bestiaire regroupe des fables et des moralités sur les « bêtes », animaux réels ou imaginaires voire humains. Elles semblaient indissociables d’un dessin, d’une peinture qui les accompagnent. On le sait, les illustrations d’un peintre valorisent un recueil de poèmes, quel qu’il soit. La convergence est donc évidente, entre un langage pictural moderne et une écriture poétique moderne : le à une forme de primitivité, y compris dans ce qu’elle a de populaire, permet en toute liberté une création poétique originale et innovante.
LE PLASTICIEN BERNARD MIRAMONT
C’est ainsi que le plasticien Bernard Miramont s’est associé volontiers au projet de ce livre. « Ce qui m’a séduit dès la première lecture fut l’idée d’un bestiaire. Dessiner une ménagerie me plaisait bien.Mais il y a bien plus que ça dans les textes de Jacques. Il y a de la surprise, de l’humour, les chutes sont souvent inattendues.
Comment traduire tout cela en images ? Je me suis fait aider par la couleur, les contrastes, les oppositions, et l’encre, très sympa, a sa propre vie et permet des effets inattendus, ajoute de la poésie.
Chaque histoire que j’ai illustrée m’a permis d’inventer un univers particulier dans lequel je pouvais intégrer un élément humain, animal ou botanique. »
Il revient donc à chaque lecteur, chaque spectateur, d’entendre et lire (L’Œil Écoute), avec ses propres yeux et ses propres oreilles, ce qui converge et diverge du poème à l’illustration. Il est évident que le narratif, les jeux sur le langage, les calembours sont à voir et à savourer.
LE COMPOSITEUR VALERY ARZOUMANOV
Une musique , inspirée par la lecture, fut composée par le grand compositeur russe Valery Arzoumanov qui réside maintenant en France, à Eu en Seine Maritime.
Ainsi s’exprime-t-il à propos des textes de Jacques Schaff Magdala. « Énigmatiques, ils dégageaient un curieux possible deuxième ou troisième sens. Commenter musicalement, une par une, ces histoires-monologues m’était difficile. En revanche, prolonger par la musique leur ambiance générale était très tentant. Ainsi sont nées mes douze courtes pièces pour piano op 237, que j’ai appelées « À la frontière de l’humour » et dédiées à Jacques.
Dans mon travail, j’ai été aidé de façon indirecte par Jacques Schaff Magdala lui-même. Je le connaissais déjà bien et certains traits de son caractère m’ont donné des clés complémentaires pour mener à bout cette aventure.»
« La lecture des textes de Jacques Schaff Magdala inspirait, d’évidence, des jeux de correspondance entre l’oralité de ces textes, la musique et la peinture. Séduit par ces petites histoires j’ai proposé de créer un Gueuloir, à la manière de Flaubert, autour de ces textes en proposant une collaboration artistique sur le plateau avec le peintre Bernard Miramont et avec le compositeur Valery Arzoumanov dont les œuvres composées pour ces textes furent interprétées par la pianiste Marie Mélanie Pavie et la voix du comédien Francis Facon.
Plusieurs spectacles ont déjà été donnés à Toulouse, Rouen, Varengeville, près de Dieppe.
Un CD a donc été produit par L’Œil Écoute proposant de nombreux extraits de la lecture des Petites Histoires à lire tout haut ou à dire devant quelqu’un et donnant à écouter l’intégralité des douze courtes pièces pour piano op. 237, « À la frontière de l’humour » de Valery Arzoumanov.
Pour ce Gueuloir, cette voix, cette musique, cette œuvre plastique qui surgissent de la page écrite, nous avons été les humbles passeurs de cette poétique où la lettre et le trait, les mots et les formes, se répondent en un fascinant jeu de miroirs et de correspondances. »
Francis Facon Comédien