Dans les films de science-fiction comme Star Wars on voit souvent des vaisseaux spatiaux futuristes, électriques, qui ne font presque aucun bruit et qui, par dessus tout, ont un magnifique faisceau bleu. Et bien, aujourd'hui, il est possible de profiter de ce spectacle sans porter de lunettes 3D grâce à la propulsion ionique.
La grande majorité des moteurs ioniques sont des propulseurs à effet Hall couplés avec le principe d'électrostaticité car ce sont de loin les plus efficaces. En effet, ces derniers ionisent l'ergol par addition ou délétion d’électron afin de produire des ions. La plupart des propulseurs le font par bombardement d’électrons. Les électrons entrent alors en collision avec les atomes de l'ergol. Le gaz produit est alors composé de cations et d’électrons libres et ce, dans les mêmes proportions, ce qui donne un gaz électriquement neutre appelé plasma d'où le deuxième nom de ce moteur : le moteur plasmique. Le plasma présente des similitudes avec les propriétés du gaz tout en étant affecté par les champs électriques et magnétiques. Les exemples les plus communs et connus sont les substances contenues dans les ampoules fluorescentes.
L'ergol le plus utilisé dans le domaine de la propulsion ionique est le Xénon car ce dernier est le gaz le plus lourd non radioactif et qu’il est facilement ionisable. En effet, les propulseurs ioniques génèrent une poussée par accélération d’ions, alors plus ces derniers sont massifs, plus la propulsion est importante. C’est aussi son inertie et sa capacité de stockage (densité) qui font du Xénon le propergol idéal.
Dans la grande majorité des cas, les moteurs ioniques génèrent les électrons (canons électrons sur la photo) en déchargeant une cathode par un processus appelé émission thermoïonique.
L'ergol, électriquement neutre, est alors injecté dans la chambre. Les électrons entrent en collision avec les atomes de l'ergol. La collision libère des électrons en en arrachant aux atomes du propergol ce qui crée des ions positivement chargés : des cations. Des aimants super-puissants empêchent les électrons d’atteindre les parois de la chambre par effet Hall. Cela permet de laisser plus de temps aux électrons pour ioniser l’ergol en augmentant la probabilité de collision.
Les ions, positivement chargés, migrent vers deux grilles placées à l’extrémité du propulseur. Ces dernières sont parsemées de milliers de petites ouvertures parfaitement alignées. La première grille est la cathode. Un courant positif très élevé traverse cette dernière mais elle est configurée de telle manière que le plasma qui la traverse reste suffisamment chargé. Quand les ions se retrouvent entre les deux grilles, ils sont fortement accélérés vers la deuxième grille. En effet cette dernière est une anode et c’est la combinaison entre la répulsion de la cathode et l’attraction de l’anode qui crée cette accélération. Quand le moteur est bien optimisé, les ions peuvent alors atteindre des vitesses allant jusqu’à 150 000 km/h. Les ions continuent leur course au-delà de la seconde grille, ce qui, d’après la 3ème loi de Newton, produit une poussé de sens contraire à la direction des ions.
Schéma du moteur ionique à canon à électrons
Enfin, il y a un autre canon à électrons, un neutralisateur fonctionnant aussi par émission thermoïonique. Ce dernier porte bien son nom puisque son rôle est de bombarder le faisceau de propulsion alors que ce dernier est du plasma positivement chargé, cela permet de le rendre neutre. Sans neutralisateur, le propulseur aurait amassé des charges négatives et l’ion propulsé aurait tendance à être drainé par ces charges négatives. Cela réduirait la poussé et entraînerait l’érosion du moteur.
Les propulseurs ioniques sont conçus principalement pour les missions spatiales, de la simple calibration de la position des satellites de communication jusqu’à la propulsion de sonde au fin fond de notre système solaire. Ces moteurs ont un ratio de propulsion par rapport à la quantité de propergol consommée très élevé ce qui les rend parfaitement adapté à la conquête spatiale. Ainsi, pour une mission donnée, ces derniers ont besoin de bien moins de propergol que les propulseurs classiques chimique et sont alors privilégiés dans des cas où un propergol classique ne peut pas être transporté par la sonde.
Voici quelques exemples de missions spatiales rendues possible grâce à la propulsion ionique :
Le 9 mai 2003, l'agence spatiale japonaise, la JAXA, lance la sonde Hayabusa dont la propulsion est assurée par un moteur ionique. Ce dernier a fonctionné pendant près de 31 000 heures ce qui a permis à la sonde de parcourir des millions de kilomètres. Pour sa mission, la sonde, qui pesait alors 510 kg avait pour objectif l'étude du petit astéroïde Itokawa. Pour revenir sur Terre la sonde a entamé une propulsion continue de 13 mois ce qui lui a permis d'atteindre une vélocité de 400m.s-1. La mission fut un grand succès et Hayabusa a ramené, pour la première fois dans l'histoire de la conquête spatiale, des échantillons d’astéroïdes sur Terre.
Dawn est une sonde lancée en 2007 par la NASA dont la mission est d’étudier deux corps de la ceinture d’astéroïdes. Pour sa poussée la sonde disposait de trois moteurs ioniques à Xénon, ces derniers offraient une accélération de 0 à 96 Km.h-1 en 4 jours. La propulsion ionique a été utilisée durant la quasi totalité du temps de transit vers le premier objectif, Vesta (2ème plus gros corps de la ceinture d’astéroïdes). Après une mise en orbite le 16 juillet 2011, Dawn a quitté Vesta le 5 septembre 2012 pour rejoindre Cérès (plus gros objet de la ceinture d’astéroïdes) en février 2015.
La mission BepiColombo, lancée le 20 octobre 2018, consiste à envoyer deux modules d'observation conçus par l'ESA et la JAXA vers la planète Mercure. L'ensemble des sondes, avec une masse initiale de 4 121 kg, est propulsé par 4 moteurs ioniques puisant dans une réserve de 580 kg de Xénon avec une durée d'utilisation de 880 jours. Sa propulsion va être prochainement aidée par assistance gravitationnelle en effectuant successivement des survols de la Terre (Lune) de Venus et de Mercure. Les sondes arriveront en orbite autour de Mercure en décembre 2025, et la durée de la mission d'observation sera de 1 à 2 ans.
Ces missions sont grandement facilitées par l’utilisation de moteur ionique et cette technologie occupe une place de premier ordre dans l’exploration spatiale comme nous le montre l’intérêt de la JAXA, de l'ESA et de la NASA pour cette dernière.
Lors d'une série de tests réalisés au Glenn Research Center de la NASA les chercheurs ont pu atteindre une puissance de sortie record pour un propulseur à effet Hall. Le moteur a généré 5,4 Newtons de poussée contre 3,3 Newtons précédemment. Un record battu par le moteur X3 qui ouvre de nouvelles voies de recherche notamment pour les voyages spatiaux. Grâce à ce propulseur la NASA espère bien pouvoir mettre en place des missions encore plus ambitieuses comme par exemple envoyer un homme sur Mars. En effet, sur de grandes distances, le X3 est bien plus efficace qu'un moteur à propulsion chimique et peut permettre d'atteindre des vitesses allant jusqu'à 40 km/s (contre 5 km/s pour les propulseurs chimiques). Cette vitesse est due à l'accélération continue du moteur, celui-ci tourne presque à plein temps. Son seul défaut est sa consommation énergétique puisque dans sa version finale il est prévu que le X3 consomme jusqu'à 200 kW. En guise de comparaison, les 2500 m2 de panneaux solaires de l'ISS (station spatiale internationale) ne produisent que 120 kW de puissance électrique dans les meilleures conditions. Les panneaux solaires nécessaires à une telle production devront être monstrueux, surtout si la sonde tend à s'éloigner du Soleil.
La poussée produite par les moteurs n'est cependant pas très forte ce qui rend le système difficile à imaginer sur des plus gros avions. En effet celui du MIT ne pèse que que 2,45 kg pour 5 mètres d'envergure et souffre déjà de son propre poids même si ce dernier est compensé par la portance de l'air. Ce genre d'engin présente cependant des avantages très intéressants. En effet cet avion ne pollue pas puisqu'il n’émet pas de particules. De plus il ne présente aucune partie mobile ce qui rend le tout très stable (voir test ci dessus). Enfin il ne fait aucun bruit, il est 100% silencieux.
Ci contre le premier avion à propulsion ionique créé par le MIT. Ce dernier fonctionne en effet grâce à un système similaire aux moteurs ioniques spatiaux mais bien moins complexe. Il tire sa poussée d'une batterie ultra légère capable de délivrer une tension très élevée (40 kV) pour alimenter les électrodes situées sous les ailes. En résulte une différence de potentiel électrique entre la cathode et l'anode (voir schéma ci-dessous), qui va ioniser l'air alentour... Cela entraîne un déplacement aérien des ions chargés positivement de l'anode vers la cathode, c'est un vent ionique.
Aujourd'hui, les propulseurs ioniques sont parmi les moteurs les plus efficaces jamais créés et leur utilisation ne peut que se démocratiser. Cependant, comme nous venons de le voir ils souffrent d'un grand manque de puissance et sont alors très vite sensibles à tous types de frottements. Ce sont ces frottements qui freinent le développement des moteurs ioniques à l'échelle quotidienne.
Il nous faudrait donc découvrir de nouvelles technologies afin de nous affranchir de ces derniers... à moins que cela ne soit déjà fait avec l'Hyperloop ou la supraconductivité.