Considérations autour du rapport sur l'organisation de la psychiatrie

Considérations autour du rapport sur l’organisation de la psychiatrie

du département du Lot-et-Garonne

UNAFAM 47

La perception du rapport est plutôt positive sous réserve d'une condition incontournable: que la proposition d’une réorganisation globale de la psychiatrie du département ne masque en aucun cas une réduction des moyens alloués à la santé mentale (une réduction du budget, réduction de personnel, etc). Notre prise de conscience des difficultés de prise en charge des malades psychiques nous amène à penser que l'on doit toujours envisager une augmentation des moyens pour mener à bien les missions du service public de santé. Une interprétation fallacieuse du rapport pourrait amener à penser qu'étant donné que le taux d’équipement en psychiatrie générale est supérieur aux moyennes régionales et nationales, on n’a pas besoin de les augmenter, pourtant il pourrait s’avérer que cette moyenne nationale soit largement insuffisante. On ne doit jamais s'aligner sur des notes moyennes.

Certes, le rapport sous entend qu'il n'y aura pas réduction du budget; mais seulement une rationalisation et un redéploiement des moyens existants, mais cela devrait être formulé plus explicitement et clairement, car l'expérience nous apprend que ce type de rapport s'accompagne souvent d' une réduction de personnel et du budget, aussi la première réaction est-elle souvent une réaction de méfiance, voire de soupçon ou de rejet, Pour notre part, et au risque d’être naïf, nous restons confiants mais vigilants, car malheureusement on sait très bien que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Nous apprécions la vision globale du rapport, en amont et en aval, et avec tous les secteurs concernés de la psychiatrie du département et approuvons ses axes généraux :

1-Une vision critique de la situation actuelle: Absence de projet médical global, absence de bons outils d’évaluation, insuffisance de prise en compte de l’accueil, de l’accompagnement et du suivi des handicapés psychiques; juxtaposition de projets (projets médical, social, de soins infirmiers,…) sans cohérence d’ensemble et sans lisibilité du parcours du patient. Manque de coordination de la psychiatrie (en particulier de la Candélie) avec ses partenaires qui n’ont pas été associés non plus à la réflexion sur un projet psychiatrique pour le département (familles, secteur médico-éducatif, justice, Inspection académique, EHPAD, CHRS, Centres hospitaliers généraux du territoire pour les urgences, la psychiatrie de liaison, CH d’Agen, le service de psychiatrie de Monbran …). Par contre, le rapport insiste sur la richesse du département et le besoin de canaliser et profiter de ces atouts : grand dynamique associative, idées imaginatives, initiatives de psychiatres particuliers très créatives.

2- Une bonne photo des tensions qui paralysent la Candélie et bloquent son évolution:

-Tensions larvées, conflits ouverts, déficit de dialogue entre les différentes instances: directions, psychiatres, psychologues infirmiers, assistants sociaux. “Chacun a tendance à rigidifier ses positions et à tenter, sans efficacité réelle, le passage en force, au risque de tout bloquer en permanence. Dans ce climat, la moindre erreur, voire une simple maladresse, risque d’apparaître irrémédiable car interprétée à l’aune du passé et non comme une difficulté à traiter un problème dans le cadre d’une organisation humaine complexe.”

-La division du corps médical, confrontation de clans, combat des “egos”, manque de leadership, sentiment général de frustration, alimentation des conflits préexistants, stratégies de repli, méfiance vis-à-vis de l’extérieur. Cela explique en grand partie la non implication des médecins dans un projet global et l’absence de vision cohérente et partagée d’un projet par le corps médical, replié sur une stratégie de secteur sans dimension polaire, ni véritable vision d’agglomération.

-Le collège des psychologues n’est presque pas sollicité par la direction, les médecins ont été insuffisamment associés à l’élaboration du projet d’établissement. Ils sont isolés. Les assistants sociaux sont presque tenus à l’écart des débats alors qu'ils doivent être un élément clé pour le travail en réseau.

«On observe une tendance de certains partenaires naturels du Centre hospitalier La Candélie à s’organiser pour être autonomes vis-à-vis de celui-ci et ne pas être victime, des tensions internes à l’établissement.»

«Ce déficit relationnel est générateur d’un déficit de coordination sur le territoire. Enfin, le Centre hospitalier La Candélie doit en être conscient, ses dissensions internes et son repli par rapport à l’extérieur, donnent de lui une image globalement très négative qui en fait, par ailleurs, un bouc émissaire commode.»

3. Nous pensons, sens entrer dans le détail, que la redéfinition pertinente, négociée et acceptée de l’organisation sectorielle et polaire du CHD préconisée par le rapport est tout a fait nécessaire pour arriver a une organisation plus rationnelle et viable, permettant d’optimiser les moyens dans l’intérêt des patients, et de dépasser les questions interpersonnelles. Il semble évident qu'un pôle ne peut valablement fonctionner, avec uniquement un ou deux médecins.

4. Repenser globalement l’hospitalisation des enfants et adolescents. L'équipe du RESEDA semble, en effet, bien petite au regard de ses ambitions et pose la question des moyens dévolus aux soins des adolescents sur le département et surtout de leur organisation. Et, bien sûr, le traitement des adolescents implique un travail avec les parents. « Ce travail avec la famille, très particulier en situation de parents confrontés à la nécessité d’admettre ou de solliciter une hospitalisation psychiatrique de leur enfant, permet non seulement une contention de l’adolescent, mais aide aussi la famille dans son ensemble à aborder la situation de crise générée par l’hospitalisation elle-même. S’il peut être utile d’engager ou de poursuivre un travail familial simultanément à l’hospitalisation mais en dehors de celle-ci, cela ne peut dégager les soignants d’un travail intensif avec la famille au sein même de l’unité d’hospitalisation ».

5- La rapport prend en compte nos revendications concernant les urgences psychiatriques: “Un dispositif global et gradué de prise en charge de l’urgence et de la crise doit permettre, en amont et en aval des urgences hospitalières, de mobiliser toutes les réponses ambulatoires et les ressources de prévention et de détection des troubles. C’est une demande légitime des familles, qui permet, par ailleurs, de limiter le recours aux services des urgences et à l’hospitalisation”. D' un côté le rapport suggère de formaliser, en collaboration avec le SAMU, l’organisation d’une mise à disposition de professionnels de la psychiatrie au profit du SMUR, chaque fois que cela s'avèrerait nécessaire; Par ailleurs, il évoque la création d’un équipe Mobile type Eric: Une équipe mobile de crise, avec intervention à domicile, qui s’appuie sur les ressources de la famille et de l’environnement proche, « Ces interventions doivent trouver leur équilibre entre une durée d’intervention suffisamment restreinte pour ne pas se saturer mais également suffisamment durable pour « tamponner » la situation en urgence et la réponse programmée. »

“Il s’agit donc d’améliorer la capacité de réponse immédiate, non programmée, voire urgente, sur chaque CMP pivot, pour les patients connus comme pour les primo arrivants, afin de limiter l’adressage aux urgences et le recours à l’hospitalisation, et faciliter la sortie des urgences et de l’hospitalisation.”

« Aujourd’hui, le rôle de chaque structure intervenant dans la prise en charge de l’urgence psychiatrique est mal repéré (PIEA, UHTCD psy d’Agen, UMPL, CMP…). L’articulation entre le Centre hospitalier La Candélie et chacun des trois services d’urgences des trois hôpitaux mais aussi celui de la Clinique St Hilaire d’Agen est peu définie et peu harmonisée. Or, la réponse à l’urgence et la régulation des admissions sont deux problématiques liées qui nécessitent une appréhension globale. Le Centre hospitalier La Candélie a tout intérêt, dès la phase de mise en service du pré-SIRA et même bien avant, du fait du caractère central de l’unité, à engager un dialogue et une concertation élargie à toutes les parties prenantes intra-candéliennes comme extérieures, afin que le positionnement de l’ensemble des « pièces » du dispositif, de fait départemental, soit discuté puis connu et clair pour tous et ce sur les trois territoires intermédiaires concernés.

Une coordination est à prévoir et une information à partager avec les médecins généralistes, les psychiatres libéraux, les PASS, le centre 15, le SAMU, le SMUR, les urgences des CHG, la gendarmerie, les pompiers, la police … Cette coordination suppose l’élaboration de protocoles départementaux, qui pourraient être élaborés dans le cadre de groupes de travail associant les équipes médicales et soignantes des établissements concernés mais aussi d’autres acteurs. »

6- Le rapport défend un management participatif, associant effort de communication, dialogue et délégation de pouvoir, prenant en compte l’ensemble des corps professionnels et le point des vues des usagers et des familles.

7- Le rapport souligne le déficit de 40 postes infirmiers, un décalage négatif de 6 à 9 postes dans tous les pôles. La fuite des agents et la difficulté de recruter pose une question centrale : que fait-on pour rendre ces postes plus attractifs ? Ce n' est sûrement pas uniquement l’argent qui génère la fuite, mais plutôt des conditions de travail peu satisfaisantes : déficit de travail en équipe ( Ex :problème du chevauchement des équipes non encore résolu), manque de dynamique de soin .

8- Repérer et traiter le problème des hospitalisations inadéquates. Le rapport relève que l' on maintient dans l’établissement de nombreuses personnes ne nécessitant pas une prise en charge psychiatrique,elles relèvent d’un service de soins actifs proches de ce que sont les foyers de vie mais actuellement ils occupent du personnel spécialisé à temps plein dans des unités de soins,

« On estime, en effet, que chaque patient inadéquatement hospitalisé en psychiatrie, bénéficiant d’une sortie réussie, « libère » une douzaine de places annuelles d’admissions. 30 patients au long cours dont la sortie est réussie, réserve faite des lits nécessaires à des ré hospitalisations sporadiques, « libèrent » 360 places annuelles d’admission. 40 sortants « libèrent » l’équivalent des besoins en places d’admission, chaque année, d’un secteur entier de psychiatrie.

Il s’agit ainsi d’offrir aux patients, dont certains lourdement handicapés, des réponses améliorées, plus adaptées à leurs besoins et plus respectueuses que la déambulation ou le confinement dans des locaux d’hôpital. »

9- Une des demandes récurrentes de l'UNAFAM 47 est la manque d’un projet de sortie de l’hôpital. Le rapport conseille dans cette ligne d’assurer la cohérence du parcours du patient au sein de l’ensemble du dispositif et sur la totalité du département. “L’articulation de la psychiatrie avec les secteurs sociaux et médico-sociaux constitue un enjeu important, tant pour l’amélioration des conditions d’existence d’une partie des patients vivant aujourd’hui dans des unités d’hospitalisation en psychiatrie et accueillis demain selon des modalités plus adaptées, que pour l’amélioration des conditions de soins des personnes accueillies dans ces secteurs ou encore des patients aux troubles graves et persistants, isolés ou précarisés dans la communauté.”

“La conjonction d’acteurs créatifs et dynamiques sur le territoire devrait permettre un travail en complémentarité dans une forme d’alliance et non de concurrence (comme les initiatives associatives semblent parfois vécues en particulier en psychiatrie générale), sur des champs d’intervention et des publics variés : hébergement, logement, accompagnement, insertion professionnelle, réponse à l’urgence et à la crise, personnes âgées, adolescents …”

10- Nous considérons aussi très importante la communication, comme le souligne le rapport: “L’image de l’établissement doit être améliorée auprès du public, des partenaires et des professionnels potentiellement susceptibles d’y travailler. Les actions originales réalisées par les équipes doivent faire l’objet d’une information, tant au sein de l’établissement qu’à l’extérieur, les supports de communication (plaquettes, annuaire…) doivent être mieux adaptés et le site Internet de l’établissement complété.