Articles / La Léontine
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La Léontine - Brick Goélette
Ce brick goélette a été construit en 1878 par le chantier G. Beck de Dunkerque.
Le « Clio » devient ensuite la « Léontine » en 1913 et on la retrouve armée au Légué naviguant pour le compte d' Alphonse Kohler pour faire « le grand cabotage ». La « Léontine » navigue en Manche à partir du Légué en France (Brest, Douarnenez, Dunkerque...), vers l’Angleterre (Fowey, Southampton... ), les Pays-Bas (Gand, Ostende…).
Ce brick est enregistré sous le N° SB-65.
Longueur de 32,82 m - largeur de 8,1 m – Tirant d’eau 3,51 m et 124 Tx.
Brick Goélette le "Saint-Laurent" du même type que la " Léontine "
Le premier rôle d’équipage en notre possession fait état d’un commandant de Pléneuf, Ludovic Jean Jumel.
Équipage de la Léontine - juillet 1912 (voir ci-dessous) :
Nom - Prénom Date et lieu de naissance N° et port d'inscription Grade
Jumel Ludovic, Jean 27/09/1879 à Pléneuf 22 158 à Saint-Brieuc Capitaine
Panon Adolf, Alfred 03/09/1873 à Saint-Vaast 50 6460 à Lannion Maître
Donne Jean, Marie 16/03/1877 à Plounez 22 553 à Paimpol Q. Maître
Le Bars Étienne, Yves 26/12/1867 à Pleudaniel 22 2147 à Paimpol Q. Maître
Cozic François, Marie 21/02/1888 à Trébeurden 22 99 Lannion Matelot
Donnès Jacques 09/03/1874 à Lannion 22 2485 à Lannion Matelot
Derrien René, Marie 09/01/1894 à Lambézélec 29 4170 à Boulogne Novice
Geffroy Hippolyte, Marie 20/06/1894 à Lannion 22 4248 Lannion Mousse
Souliman Pierre, Marie 20/05/1897 à Servel 22 2284 Lannion Mousse
Tableau de la "Léontine" par Paul Émile Pajot
En 1913, le bateau est vendu à un armateur de Saint-Nazaire M. Cotton.
Parti de La Pallice le vendredi 23 mars 1917 en convoi pour Swansea avec un chargement de 280 T de poteaux de mines, le capitaine André Le Glatin vient de prendre le commandement de ce navire. Quelques jours plus tôt, il a perdu sa goélette l'« Eugène-Robert » coulée à coups de canon par un sous-marin mais l’équipage est sain et sauf.
Dans la nuit, le brick goélette perd le contact avec les autres bateaux au sud de Belle-Ile, sachant qu’un autre convoi doit partir de cette île, il se rapproche du Palais et continue sa route à petite vitesse en les attendant.
C’est dans ces conditions que le 25 au matin la « Léontine » est surprise par l’arrivée d’un sous-marin1 ennemi qui tire un premier coup de canon long. La position du bateau à ce moment serait de 5 à 6 miles dans le Sud de Groix (Latitude : 47 ° 32 '/ N / Longitude : 003 ° 30 '/ W). L’équipage y voit un avertissement à quitter le navire ; les huit hommes se précipitent aux palans des embarcations pour la mise à l’eau pendant que le capitaine descend récupérer les papiers du bord. Il est probable que du sous-marin, on n’a pas vu la mise à l’eau des chaloupes, pourtant, les coups de canon reprennent mais cette fois directement sur le bateau. Environ quarante obus à balles sont tirés, dès le premier coup, les quatre hommes situés à l’arrière sont tués. Des quatre de l’avant, trois sont grièvement touchés, le quatrième moins gravement. Le capitaine qui remonte sur le pont est lui aussi touché. « En un instant le pont est devenu un charnier ». Dès que le capitaine se rend compte que les allemands ont décidé de couler le bateau avec son équipage, il se cache à l’avant du bateau avec les deux marins les moins gravement blessés. La « Léontine » ne coulant pas, l’équipage du sous-marin tire des obus incendiaires puis décide de monter à bord pour y placer des bombes. Les plaintes du maître d’équipage et du mousse se sont tues après le tir d’un coup de revolver pendant que les Allemands rient et chantent ; c’est un des matelots qui vient d’être abattu. Alors que le sous-marin s’éloigne, le première bombe explose, le capitaine sort de son abri avec les deux autres marins ; il coupe les saisines de la deuxième bombe pour qu’elle parte à l’eau puis détache le canot le moins abîmé quoique percé. C’est alors que le brick se couche, les hommes (trois qui se sont cachés et deux restés sur le pont gravement touchés mais encore en vie) glissent à la mer ; le mousse et le maître d’équipage à bout de force coulent.
Le capitaine voyant leur position très périlleuse fait des signes au sous-marin ; celui-ci pointe son canon mais ne tire pas, probablement que l’équipage est sûr de la fin inéluctable de cette coque et des marins…
Route et lieu de naufrage de la Léontine.
La presse locale et nationale s'émeut de ce drame.
Ce n’est que quatre heures plus tard qu’ils seront récupérés par des canots de sauvetage du vapeur anglais le « Baynaen » qui venait d’être torpillé par le même sous-marin, les embarcations font route terre lorsque les deux équipages sont récupérés par un dundee de Lorient le « Mirabeau » puis débarqués à Port Louis.
Dans ses différentes dépositions, Le Glatin écrit que les membres d’équipage morts ont été assassinés, l’armateur enfonce le clou en stigmatisant la marine française :
« M. le Ministre, non dans les bureaux mais chez les pêcheurs ... de l’île d’ Yeu à Groix ils voient chaque jour des sous marins évoluer en surface … Interrogez les navigateurs … jamais ils ne rencontrent un navire de guerre, un patrouilleur... ».
Aussi, lorsque l’armateur demande une décoration pour le capitaine, la commission d’enquête jugera l’attitude de Le Glatin imprudente, il aurait dû mouiller en attendant le convoi suivant de même au moment du premier tir d’obus il aurait été préférable qu'il reste sur le pont plutôt que de chercher les papiers du bord, affirmation insolite lorsque l’on sait que les commissions d’enquêtes stigmatisaient les capitaines qui n’avaient pas sauvé ces documents… Après bien des difficultés, il fut accordé une prime de 1.000frs aux 3 rescapés et une de 2.000frs aux familles des morts.
Équipage de « La Léontine » :
Nom - Prénom Date et lieu de naissance N° et port d'inscription Grade
Le Glatin André, Jean, Ignace 31/07/1879 à Pordic 22 169 à Binic 22 Capitaine
Auffray Gilles 04/02/1883 à Plérin 22 4511 à Saint-Brieuc 22 Maître
Balac Ange, Marie 12/07/1903 à Questembert 56 4157 à Vannes 56 Mousse
Berjon Félicien 25/03/1890 à Fouras 17 364 à Rochefort 17 Matelot
Briand Jean 07/02/1899 à Pléguer 35 10504 à Saint-Malo 35 Matelot
Gautier Maurice 30/08/1900 à Annecy 74 1388/6550 à Saint-Malo 35 Novice
Gouret Auguste 05/01/1900 à Dinard 35 19225 à Saint-Malo 35 Matelot
Gauvin Henri ? 1605 à Granville 50 Second
Salahun Laurent ? 1295 à Groix 56 Matelot
Les trois rescapés sont Le Glatin, Gauvin et Salahun.
Le Glatin sera poursuivi par le sort puisque durant cette guerre, il sera attaqué et coulé quatre fois.
1 - Le sous-marin est le UC 36 de type UCII ; il est construit à Hambourg et opérationnel le 05/06/1915 dans la flottille des Flandres. Son capitaine, le KL Gustav Buch (1887-1917), effectue cinq patrouilles coulant vingt quatre navires ; plusieurs de ces navires ont été coulés avec les mêmes méthodes expéditives que pour « La Léontine ». Il finit éperonné par le vapeur français « le Molière » au large de Ouessant en mai 1917 et coule avec son équipage.
Le sous marin UC 36 et son capitaine Gustav Buch.
Jean-Luc Huet
Sources :
Service historique de la marine
Ouest-Éclair
Revue des deux mondes
Généanet
Dictionnaire biographique des commandants de la marine impériale allemande
Rôle d'août 1912