'La métamorphose' a traversée le XXème siècle. Écrite en son tout début, elle en a dépeint, de manières multiples, bien des aspects, contemporains de l’oeuvre, mais aussi à venir et la dépassant. Aujourd’hui, la déshumanisation, l’aliénation, la non-communication et le sentiment d’absurdité de l’existence, entre autres, sont des thèmes non seulement encore présents mais constitutifs de notre monde et de ce qui nous entoure.
Si ce caractère prophétique du texte peut justifier notre choix, notre intention n’est pas pour autant de rajouter du sens et du commentaire. Au contraire, notre idée est d’en faire entendre la matérialité et de donner corps à sa langue, pleine de mystère et de jeu avec la distance
(ou les distances: entre le narrateur/lecteur/auditeur et la réalité, mais aussi entre tous ces éléments les uns avec les autres).
C’est dans cet interstice qu’une musique peut prendre sa place, comme un décor donnant de l’espace aux mots, comme si résonnait le blanc de la page derrière la lettre. Une voix et deux instruments: en écho au texte et à ses mouvements narratifs, s’instaure un jeu entre dialogue et monologue.
Nous nous sommes dit qu’il fallait de l’électronique dans cette musique. D’une part parce que le mécanique/robotique/électronique rappelle (ou est inspiré de) notre vision de la biologie, donc de l’animalité — d’ailleurs, quoi de plus fréquent, dans l’imaginaire, que l’association robot-insecte. D’autre part parce qu’elle se prête particulièrement bien à l’idée de transformation en musique. Le jeu entre la répétition et la différence est au coeur de toute musique, mais il se matérialise de manière explicite dans les musiques électroniques (ainsi que dans le minimalisme, auquel nous faisons également référence).
Aller d’un point à un autre sans que l’on s’en rende toujours compte; passer d’un état à un autre en ne le constatant qu’après coup, n’est ce pas ce que crée en nous la musique? n’est ce pas ce qui vit Gregor Samsa (et sa famille…)? et, finalement, n’est ce pas la vie?
Cette référence et ce parti pris n’empêche pas l’apport du son organique et acoustique. Au contraire, là aussi, c’est un dialogue qui s’instaure et qui montre la porosité des frontières (homme-animal, rêve-réalité, mot-musique,…). D’où, outre l’utilisation du synthé analogique, des effets et des boîtes à rythme, celle de la guitare, de la clarinette ou de la flûte.
Notre fil directeur est de redonner de l’immédiateté et de la sensation à ces mots qu’on pourrait croire trop entendus et installés. C’est dans ce sens que, par une couleur musicale particulière à laquelle se mêlera une part d’improvisation, se tisse un moment-paysage.