Doctorat

Modélisation et quantification des déterminants de l'outcome dans les troubles mentaux sévères et persistants

Ma thèse, soutenue le 4 décembre 2020, a été dirigée par le Dr. Eric Brunet (PH), et co-encadrée par le Dr. Paul Roux (MCU-PH), au sein de l'équipe "Psychiatrie du développement et trajectoires" du Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations (anciennement laboratoire HandiRESP).

Le fonctionnement psychosocial est un indicateur supposé rendre compte de l'engagement de l'individu dans la vie sociale mais également de ses restrictions d'activités ; il prend en compte la vie réelle du patient, en dehors du cadre strictement médical. Etroitement lié à la notion de handicap tel que défini dans la loi du 11 février 2005, le fonctionnement et en particulier ses déficits, évalués à l'aide de différentes échelles est un enjeu central des dispositifs de suivi au long cours des patients souffrant de troubles mentaux chroniques, tels que les troubles schizophréniques ou bipolaires. Or, les déterminants du fonctionnement ainsi que leurs contributions relatives ne sont que partiellement connus.

L'approche médicale classique s'attache essentiellement à tenter d'amoindrir les symptômes afin de résorber les déficits fonctionnels, réduisant ainsi l'évolution du patient à celle de sa maladie. Cependant, cette approche ne semble aujourd'hui plus satisfaisante, car le handicap ne saurait se limiter à la somme des symptômes, et de nombreux patients en rémission de leur pathologie continuent d'avoir des déficits fonctionnels. Il s'ensuit que l'évaluation des difficultés rencontrées par un individu ne peut se limiter à un examen sémiologique et que l'évaluation de l'efficacité d'une intervention (médicament, psychothérapie, ou intervention complexe) doit tenir compte d'un profil plus large en ce qui concerne le fonctionnement des patients. Une approche nouvelle semble dès lors s'imposer afin d'étudier la magnitude des effets, directs ou indirects, de différents facteurs, au-delà des simples symptômes, sur le fonctionnement de l'individu, ainsi que les relations entre ces mêmes facteurs.

La schizophrénie est un modèle intéressant pour aborder cette problématique, car elle dispose d'une importante littérature relative à la notion de fonctionnement, dont certains déterminants été proposés : entre autres les symptômes négatifs, les troubles cognitifs, la cognition sociale, ou encore la dépression. Des liens causaux et des interactions entre ces déterminants et le fonctionnement ont été postulés dans des études transversales à l'aide de modèles d'équations structurales. Cela dit, rares sont ceux qui ont inscrit leur étude dans une perspective longitudinale permettant ainsi d'investiguer les causalités temporelles entre les déterminants putatifs, et l'évolution de leurs contributions au fonctionnement. Les troubles bipolaires soulèvent des questions proches de celles posées par la schizophrénie, mais l'ampleur de la littérature sur cette pathologie est moindre.

Pour pallier cette situation, il serait pertinent de s'interroger sur le caractère transposable ou non à ces pathologies des modèles du fonctionnement établis pour la schizophrénie, afin d'identifier les similitudes entre ces deux pathologies et leurs particularités.

Ce travail doctoral s'attache à proposer des modèles de différents outcomes (fonctionnement, qualité de vie, risque suicidaire) dans le cadre de la schizophrénie et des troubles bipolaires, qui seront testés à l'aide de modèles d'équations structurales appliqués à des données issues de cohortes longitudinales de la Fondation FondaMental. Nos modèles sont élaborés selon la nature de nos hypothèses soit de manière transversale soit de manière longitudinale afin d'étudier à la fois les associations simultanées et l'évolution temporelle de la contribution des déterminants retenus. Ces modèles permettront de comparer les déterminants de l'outcome dans ces pathologies et d'élaborer des recommandations à destination des acteurs de la prise en charge et du matériel d'éducation thérapeutique pour les patients.

Objectifs

Ce travail doctoral présente plusieurs objectifs :

  1. Établir un modèle de fonctionnement des patients souffrant d'un trouble du spectre de la schizophrénie ou de troubles bipolaires,

  2. Promouvoir l'utilisation de la modélisation par systèmes d'équations structurales en psychiatrie, notamment grâce à l'apport des cohortes longitudinales, qui permettent d'approcher la question de la causalité,

  3. Inscrire la thèse dans une perspective interventionnelle en élaborant des recommandations aux professionnels de la prise en charge sur le fondement des résultats de nos recherches dans une optique de rétablissement.

Valorisation

Trois publications directement liées à ce travail doctoral sont parues dans des journaux internationaux à comité de lecture :

  1. sur les liens entre cognition et fonctionnement dans le trouble bipolaire (British Journal of Psychiatry, lien),

  2. sur les conséquences néfastes d'un meilleur insight clinique en termes de qualité de vie, de dépression et d'idéation suicidaire dans les trouble du spectre de la schizophrénie (Journal of Clinical Medicine, lien),

  3. sur les déterminants transversaux de la qualité de vie dans la schizophrénie (Psychological Medicine, lien).

Je suis intervenu en novembre 2019 au siège de la division R&D de EDF sur la reconnaissance et la prise en charge du handicap psychique en entreprise et pour aborder les travaux que nous avons mené.