Blog

La performance cognitive globale prédit le score fonctionnel sur une année dans le trouble bipolaire

Le trouble bipolaire est une pathologie invalidante fréquemment associée à des difficultés cognitives et fonctionnelles. Ces difficultés persistent en dehors des phases de crise. Progressivement, les prises en charge en santé mentale sont passées d’une approche purement symptomatique à une approche globale visant à améliorer la qualité de vie et le fonctionnement quotidien des patients. Ainsi, la recherche des déterminants du fonctionnement est un sujet très actuel en psychiatrie, car le rétablissement des patients ne peut être complet sans rétablissement fonctionnel.

La littérature scientifique démontre que les symptômes dépressifs résiduels (qui persistent en dehors des périodes de crise, mais sans atteindre le seuil de dépression caractérisée) comptent parmi les principaux déterminants du fonctionnement. Les troubles cognitifs se sont également progressivement fait une place parmi les déterminants potentiels du fonctionnement. Cependant, la plupart des études traitant de ces sujets ont été réalisées de manière transversale, c’est-à-dire que toutes les mesures sont réalisées au même moment, ce qui ne permet pas d’établir un modèle chronologique et donc de mettre en évidence des liens de causalité. Par ailleurs, peu d’études ont utilisé un bilan cognitif complet réalisé par un neuropsychologue ; beaucoup se sont contentés d’une mesure de plainte cognitive rapportée par le patient alors qu’il a été démontré que les plaintes cognitives sont rarement corrélées à des difficultés réelles.

Nous avons souhaité pallier ces deux limitations méthodologiques grâce aux cohortes de la Fondation FondaMental, dont les patients ont bénéficié d’un suivi sur plusieurs années et de bilans neuropsychologiques standardisés. Nous avons fait l’hypothèse principale que les performances cognitives des patients au moment de leur inclusion dans la cohorte prédiraient le fonctionnement des patients aux évaluations suivantes, et que les symptômes dépressifs résiduels seraient corrélés au fonctionnement au moment de l’évaluation. Les données de 272 patients hors épisode ont permis de confirmer ce modèle : les performances cognitives des patients à l’inclusion permettent de prédire le fonctionnement du patient un an plus tard, et la dépression résiduelle est associée au fonctionnement au même moment. Une version graphique du modèle est disponible en bas de page.

Ce résultat intéressant confirme, en allant au-delà des limitations méthodologiques de précédentes études, que la cognition a toute sa place parmi les déterminants du fonctionnement dans le trouble bipolaire. Notre étude plaide ainsi en faveur de la réalisation d’un bilan cognitif complet au début de la prise en charge d’un patient présentant un trouble bipolaire, et elle ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant la cognition dans une optique d’amélioration du fonctionnement.

Mickael Ehrminger

Vous pouvez consulter l'article complet en suivant ce lien : Longitudinal relationships between cognition and functioning over 2 years in euthymic patients with bipolar disorder: a cross-lagged panel model approach with the FACE-BD cohort.

Merci à Eric pour ses commentaires.

Version simplifiée du modèle.

Cognition = VM : mémoire verbale, WM : mémoire de travail, EF : fonctions exécutives, PS : vitesse de traitement, A : attention, VPR : raisonnement. Fonctionnement = A : autonomie, W : travail, C : cognition, F : finances, IP : interpersonnel, L : loisirs. MADRS = échelle de dépression de Montgomery-Asberg. Les doubles flèches indiquent des covariances/corrélations, les flèches simples indiquent des régressions. Les ellipses sont des variables latentes et les rectangles sont des variables observées. Les indiquent la part de variance expliquée.