L'effet de serre, un phénomène pas si simple...

Cet article s'adresse à un public qui souhaiterait comprendre de manière plus précise, mais plus complexe scientifiquement, le phénomène de l'effet de serre. 


Nous avons développé précédemment une approche classique et simplifiée de l’effet de serre. Lorsqu’on ajoute des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, on augmente la capacité de l’atmosphère à absorber le rayonnement infrarouge émis par la Terre vers l’espace. L’atmosphère émet alors, pour disperser cette énergie absorbée, plus de rayonnement infrarouge, dans toutes les directions mais notamment en retour vers la surface de la Terre, ce qui augmente l’énergie reçue par cette dernière. On visualise alors l’effet de serre additionnel comme une augmentation du rayonnement émis par l’atmosphère vers la surface.


Néanmoins, cette description n’est pas directement valide pour une augmentation de la concentration en CO2 de l’atmosphère. En effet, dans le domaine de longueur d’onde où le CO2 absorbe le rayonnement, ce dernier est déjà totalement absorbé par l’atmosphère. Comment expliquer alors que l’ajout de CO2 dans l’atmosphère augmente quand même l’effet de serre ? Pour comprendre cela, il ne faut plus modéliser l’atmosphère comme une seule couche homogène mais comme une superposition verticale de couches de plus en plus froides à mesure que l’on s’éloigne de la surface de la Terre. Chaque couche contient une certaine quantité de gaz à effet de serre qui détermine sa capacité à absorber le rayonnement qui la traverse. Elle émet également son propre rayonnement infrarouge, vers la surface et vers l’espace, qui est proportionnel à sa température à la puissance 4 (c'est la loi de Stefan–Boltzmann). Autrement dit, plus la couche est loin de la surface, plus elle est froide et moins elle émet de rayonnement infrarouge : sur la figure 1, des teintes plus foncées représenteront des couches plus froides. Le rayonnement absorbé par chaque couche d’atmosphère est égal au rayonnement infrarouge qu’elle émet. Notamment, sur la figure 1, au sommet de l’atmosphère, le flux solaire entrant FS est égal au flux infrarouge sortant FIR.

Figure 1 : un état d’équilibre initial où l’altitude d’émission est Z1 et où la température de l’atmosphère à ce niveau est T1. Les couches sont représentées par différentes teintes de bleu, les plus froides étant les plus foncées. FS correspond au rayonnement solaire entrant au sommet de l’atmosphère et FIR le rayonnement infrarouge sortant au sommet de l’atmosphère. Le système est à l’équilibre car FS = FIR. TTerre est la température moyenne à la surface du globe. 

À l’exception d’un certain domaine de longueur d’onde, le rayonnement infrarouge émis par la surface de la Terre (loi de Stefan–Boltzmann) est intégralement absorbé par les basses couches de l’atmosphère – c’est à dire celles proches de la surface terrestre. C’est donc en réalité seulement le rayonnement infrarouge émis par les hautes couches de l’atmosphère qui va réussir à s’échapper vers l’espace. Plus précisément, le rayonnement infrarouge émis par la surface de la Terre va être entièrement absorbé par la première couche d'atmosphère qu'il traverse. Celle-ci émet à son tour un rayonnement infrarouge plus faible, dont la partie dirigée vers l'espace est absorbée par la couche supérieure, et ainsi de suite jusqu'à une certaine altitude. A partir de cette altitude, symbolisée par les pointillés roses sur la figure 1, la quantité de gaz à effet de serre est assez faible pour qu'une part importante du rayonnement infrarouge émis à cette altitude puisse atteindre l’espace. On la nomme « altitude d’émission » : dans la figure 1, elle est indiquée par Z1, et sa température est T1


Lorsqu’on ajoute du CO2 dans l’atmosphère, on augmente le nombre de couches totalement absorbantes et, par conséquent, l’altitude d’émission augmente, comme cela est représenté sur la figure 2. Cela signifie que le rayonnement infrarouge qui parvient à s’échapper vers l’espace est émis par une couche plus froide qu’auparavant : sur la figure 2, la température T2 à l’altitude Z2 est inférieure à T1. Ce rayonnement infrarouge, qui est évacué vers l’espace, est donc moins important (loi de Stefan–Boltzmann). En ajoutant du CO2 dans l’atmosphère, le rayonnement infrarouge sortant vers l’espace est plus faible : FIR dans la figure 2 est inférieur à FIR dans la figure 1. Comme le rayonnement solaire entrant n’est pas modifié, FS est supérieur à FIR : le système n’est donc plus à l’équilibre (figure 2).

Figure 2 : État de l’atmosphère après ajout de CO2. L’épaisseur de l’atmosphère totalement absorbante a augmenté ; la nouvelle altitude d’émission Z2 est donc plus élevée et la température à cette altitude plus froide. Le système n’est plus à l’équilibre : FS > FIR. Voir la figure 1 pour une légende plus complète. 

Autour de l'altitude d’émission, le rayonnement absorbé est devenu supérieur au rayonnement infrarouge émis. Cela entraîne un réchauffement de l’atmosphère à cette altitude. C’est ensuite par des mouvements dans l’atmosphère que les couches vont se réchauffer de proche en proche. La température de la surface de la Terre va également finir par augmenter, comme on peut le voir sur la figure 3.

Figure 3 : Nouvel état d’équilibre de l’atmosphère après ajout de CO2. Au niveau de la nouvelle altitude d’émission Z2, et comme dans le reste de l’atmosphère, la température est plus élevée. La température à la surface du globe a, elle aussi, augmenté. Voir la figure 1 pour une légende plus complète. 
Source : https://www.climat-en-questions.fr/reponse/fonctionnement-climat/effet-serre-par-philippe-bousquet-jean-louis-dufresne