DESPLAT Michel
153e Centre d'Instruction du Train, 54e Bataillon des Services, 304e Compagnie de Transport.
Mise en ligne par Roger LOUIS (SITE)
DESPLAT Michel
153e Centre d'Instruction du Train, 54e Bataillon des Services, 304e Compagnie de Transport.
Mise en ligne par Roger LOUIS (SITE)
Engagé volontaire pour deux ans au titre du Centre d'Instruction du Train n° 153, stationné à Auvours, affecté à la 1ere Compagnie à compter du 1er mars 1960, nommé brigadier à compter du 1er décembre 1960.
Je viens d'être nommé Brigadier et on me désigne de semaine à la 1ére compagnie, il s'agit de faire exécuter les corvées ordonnées par le maréchal-des-logis de semaine, lui-même sous le commandement de l'adjudant du service général. Ce jour-là c'est la corvée de pluches, chaque soldat doit éplucher un plein casque lourd de patates et parfois plus. Je procède donc au rassemblement dans la cour et vérifie que tout le monde est là, on me dit qu'il y a un tire au flanc resté dans la chambre à l'étage, j'envoie un gars le chercher, il revient me dire qu'il lui a dit qu'il n'était pas venu en France pour éplucher des patates. Le récalcitrant est un pied-noir arrivé récemment d'Algérie prénommé FERRER. Ok on va voir ça! Je monte vite fait dans la chambre de mossieu... il est tranquillement couché sur son lit entrain de lire, je lui ordonne de prendre son casque et de rejoindre les autres, il ne bouge pas, prestement je le vire du lit et on s'empoigne, je le maîtrise et lui lance : " Tu as le choix ou tu vas aux pluches ou tu vas en tôle!" et j'ajoute que moi aussi j'épluche les patates et que ce n'est pas dégradant, que c'est pour une cause commune. Il obtempère malgré tout en maugréant sous le regard malicieux des autres qui attendent patiemment d'aller à la servitude. Quand le service de semaine est enfin terminé, je rejoins la FRADE où j'assurais la fonction de moniteur, boulot bien plus intéressant que celui de Brigadier de semaine. Ce premier grade obtenu après le 1er peloton fait suite pour les sélectionnés aux classes communes. C'est un poste difficile car on commande des hommes issus de la même classe, ils ne sont pas toujours très coopératifs et rechignent d'être dirigés par un des leurs.
Le Putsch
Le 22 avril 61, des régiments commandés par des généraux félons entraient en rébellion contre l'Etat et la République était en danger. Heureusement le 23, l'allocution télévisée du général de Gaulle remis tout le monde à sa place. On parle beaucoup du comportement du contingent en Algérie mais qu'en était-il de ceux de France et bien nous à Auvours, la grande majorité des appelés était pour de Gaulle. Après son discours, nous sommes mis en alerte, les permissions sont annulées, dont la mienne pas content du tout ! Il paraît que les paras vont occuper les aérodromes tout autour de PARIS, celui du Mans en ferait partie. Branle-bas de combat, on se rend à l'armurerie prendre armes et munitions, on récupère tous les camions disponibles et direction l'aéroport du Mans. Le dispositif est simple on agence un camion tous les 50 m en travers des pistes pour empêcher tout atterrissage, puis on se répartie autour des pistes, prêts à en découdre. Le temps passe, une nuit, un jour... Une question se pose : Que va-t-on faire si les paras arrivent et nous sautent dessus ? Beaucoup d'entre nous ont un parent, un frère ou un cousin en Algérie dont certains dans les paras mais je pense qu'eux aussi doivent se poser les mêmes questions. Va-t-on faire usage de nos armes...Quel dilemme! Enfin la nouvelle arrive, c'est fini le contingent n'a pas suivi les régiments dissidents qui ont été neutralisés et dissous ainsi que les généraux, certains sont même en fuite. Nous rentrons au camp d'Auvours où nous attendent café et casse-croûte. Ensuite les choses se précipitent, le départ en AFN est avancé, on nous dit qu'il faut remplacer les régiments dissidents. Les opérations militaires doivent reprendre sur le terrain, la guerre n'est pas finie. À AUVOURS la liste des affectés en AFN vient de paraître, je ne suis pas dessus mais tous mes copains le sont. Je vais voir mon adjudant et lui fait part de mon désir de partir aussi, il me dit : " C'est dommage tu faisais bien ton travail à la FRADE, ok je m'en occupe !" et 15 jours après je débarquais à 0RAN.
Sa nouvelle mutation est au 54e Bataillon des Services en Algérie. Embarque à Marseille sur le Sidi Bel Abbès le 13 mai 1961, débarque à Oran le 14 mai 1961.
Rejoint le 54° Bataillon des Services à TIARET et après quelques semaines il est affecté à la 304° Compagnie de Transport stationnée à FRENDA, il occupe quelques temps une ferme aux alentours.
Cette compagnie a pour mission de transporter en renfort les unités combattantes pour leurs déplacements en opération. Le Brigadier DESPAS, en tant que conducteur d'un GMC, est détaché au 2° peloton pour servir au 9e Spahis à LA FONTAINE sur la route N 23. Après quelques semaines son nouveau détachement le conduit au 1er peloton pour servir le 5° BCP à FRENDA. Il assure également le transport d'autres unités (*) qui occupent la région et participe de ce fait aux nombreuses opérations qui s'étendent de l'Oued Fodda plus au nord à Alflou dans le djebel Amour plus au sud.
(*) 10° Dragons à Aflou, Commando 42 à Frenda et Aïn Alouf, 1er RT à Frezel.
Au service du commando 42 stationné à Martinprey près de Frenda
Après un court séjour aux spahis à la Fontaine je suis revenu au PC de la 304 CT cantonné dans la ferme ATTANE à quelques kilomètres de TIARET je suis désigné comme chef de patrouille avec quelques hommes et un GMC pour un tour dans Tiaret, du bon boulot la ville étant en principe tranquille. Mon chauffeur musulman a de la famille dans le quartier arabe c'est justement là que je dois patrouiller, il me demande s'il peut passer vite fait chercher quelques affaires, autorisation accordée. Pour y arriver il faut passer dans une ruelle étroite et il heurte et renverse une fontaine à eau. Aussitôt un attroupement se forme et s'en prend au chauffeur, ça commence à dégénérer. Je sors sur le marchepied et ordonne à la foule de dégager, rien n'y fait, alors je tire quelques rafales au-dessus des têtes, cette action les fait reculer, j'en profite en donnant l'ordre au chauffeur de mettre tous les gaz pour quitter ce lieu et de retourner au PC. En arrivant au milieu de la cour un copain est assis sur une pierre à l'ombre d'un arbre. Le camion s'arrête et tout excité je saute à terre, mon PM en bandoulière mais la main serrant fermement la poignée pistolet, une rafale part et atteint l'arbre à quelques centimètres du copain. Quelle connerie, je n'avais pas rabattu le chargeur, pour un peu je tuais un ami. Je suis sans voix, le capitaine a entendu les coups de feu et il s'est précipité vers nous, je bafouille encore sous l'émotion. Heureusement le chauffeur lui explique comment j'ai sauvé la situation à Tiaret, je m'en tire avec une remontrance et dispensé de patrouille. Le lendemain ma dispense est levée et les patrouilles ont repris de plus belles. On ramène des suspects pour un contrôle au PC, un jeune prend peur et s'échappe, je le prends en chasse et au moment de le saisir je roule sur un caillou et me tords la cheville. Le gars disparaît dans le djebel. Plus tard le capitaine me dit que j'aurais dû tirer, je lui réponds que je ne tire pas dans le dos d'un homme sans arme, j'ai encore des principes. Les autres contrôlés sont en règle et relâchés. Il semble que le fuyard a eu peur d'être malmené selon ses coreligionnaires. Enfin mon séjour au PC se termine, je suis muté au 1er peloton à FRENDA. L''adjudant qui le commande réclame un dépanneur, le sien a la quille, et il a des camions en panne. Ça va me faire du bien de changer d'air il paraît que c'est le meilleur peloton de la compagnie, je vais voir ça!
Au service du 5e BCP stationné qui est aussi notre hébergeur à Frenda
(*) GMS = Groupe Mobile de Sécurité.
Au cours d'une patrouille autour de Frenda on tombe sur un couple d'arabes, lui est sur le bourricot et elle à pied un fagot sur le dos, on s'arrête et on fait l'échange malgré la réticence des deux, ça n'a pas servi à grand chose parce que plus loin ils ont repris leurs places. La patrouille terminée, on rentre dans la ville, sur notre trajet il y a un café, qui dit café dit de la bière fraîche. La première bière est vite avalée, on n'a pas le temps de prendre la seconde qu'un client visiblement éméché nous interpelle nous reprochant de boire au lieu de garder les fermes des environs. Je lui demande de s'occuper de ses oignons et qu'on n'a pas d'ordre à recevoir. Naturellement ça s'envenime et je lui colle ma MAT sur le ventre heureusement mes gars m'entraine dehors vers le camion et on rentre au camp. Que serait-il passé sans l'intervention de mes potes; à cette époque j'avais tendance à agir et a réfléchir après, ce qui n'est pas toujours bon.
Au service du 9e Régiment de Spahis cantonné à La Fontaine.
Au service du 2e Régiment de Tirailleurs cantonné à Frezel.
Diverses interventions dans le Djebel Amour
Aflou
Sidi Bakti
(1) FSNA = Français de Souche Nord Africaine.
Arzew une escapade à la plage avec son lieutenant
Quelques missions autres que les opé...
Je pars avec quelques GMC chercher du matériel et des caisses de boîtes de ration pour le 5e BCP, arrivés sur place nous procédons au chargement qui se terminant tard nous empêche de repartir, couvre-feu oblige... Avec un des chauffeurs, on décide d'aller boire un coup sur le port pas très loin... C'est parti. Dans un café, on fait connaissance avec deux matelots de la royale et on trinque jusqu'à plus soif, on fait la fermeture du bar, c'est le couvre-feu. Il nous faut rentrer sans se faire repérer, les rues sont vides, on rase les murs, un bruit de bottes, c'est une patrouille, on se cache sous un porche. Au loin, on entend une explosion puis une autre, la patrouille accélère le pas et s'éloigne, on repart en vitesse vers la caserne. On frappe au portail, la sentinelle ne veut pas ouvrir malgré les explications sur notre situation et au bout d'un moment il se décide ouf! On était mal parti, quand j'y repense on aurait pu se faire descendre par la patrouille ou même par l'OAS. Au matin, après un savon du chef de poste, on a repris la direction de Frenda tout content de rentrer enfin chez nous.
(*) Force locale : La force locale est une force mixte de maintien de l'ordre en Algérie, créée le 30 mars 1962 dans le cadre des accords d'Évian du 18 mars 1962 et placée sous les ordres de l'Exécutif provisoire et du haut-commissaire de la République française en Algérie, Christian Fouchet. Elle est organisée en Unités de Forces Locales (UFL) et compte à sa création un effectif de 40 000 hommes répartis en 114 unités. Les UFL sont des formations mixtes, composées majoritairement de « Musulmans » (90 %) et commandées par des Européens (10 % des effectifs). Inefficace et travaillant dans l'improvisation, la force locale est rapidement confrontée aux désertions massives des Algériens incorporés dans ses rangs, partis rejoindre les rangs de l'Armée de libération nationale algérienne (ALN). Elle perd petit à petit de son utilité et elle est dissoute à partir du 17 juillet 1962.
Ce que ne dit pas DESPLAT, sans doute par modestie, c'est le côté permanent d'insécurité des convois au cours de déplacement ou en attente en un point de ralliement, dans ce dernier cas il faut assurer sa protection avec ou non un élément détaché des opérationnels. Ce sont parfois des dizaines de km à travers des pistes innommables de jour comme de nuit. Il n'y a plus de chef de bord; le conducteur est seul avec son véhicule avec le souci constant d'être en distance de sécurité avec son précédent et en s'assurant dans le rétro que le suivant ne décroche pas. Si le jour le convoi est visible, la nuit il est tout autant par le bruit des moteurs et la projection lumineuse des phares plus au moins camouflés. (Le webmaster).
Maintenu sous les drapeaux au titre de l'article 40 de la loi du 31 mars 1928, ce qui porte son service initial de 24 mois à 28 mois. Renvoyé dans ses foyers, il embarque à Oran le 28 avril 1962 sur le "Ville d'Alger "et débarque à Marseille le 28 mai 1962. Titulaire d'une permission libérable de 28 jours avec solde, il est rayé des contrôles du corps le 28 mai 1962.
Le brigadier DESPLAT obtient la médaille commémorative d'AFN avec agrafe "Algérie", la croix du combattant volontaire AFN, la croix du combattant et le Titre de la Reconnaissance de la Nation.
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Bulletin de liaison du 54e Bataillon des Services (3e trimestre 1961) Cliquer ICI