Distanciation sociale

Objectif de la distanciation sociale : être sous le seuil de saturation des hôpitaux

Suivre les recommandations du gouvernement pour lutter contre la propagation du virus.

Mathieu Persan, Restez à la maison, ça n'a jamais été aussi facile de sauver des vies, 2020, affiche. Source : Mathieu Persan

Si nous continuons à interagir comme nous avons l'habitude de le faire, rapidement presque tout le monde aura eu le virus. Surtout, trop de personnes seront en état de détresse au même moment. Le système de santé sera saturé comme par exemple le système hospitalier en Italie. Nous ne pourrons donc pas soigner une partie des gens atteints du coronavirus ou d'autres maladies. Le niveau de saturation des hôpitaux est le nombre maximum de personnes malades que notre système de santé peut accueillir au même moment. Si ce nombre est à 10 000 personnes (chiffre choisi au hasard) et qu'il y a 30 000 personnes malades, alors 20 000 malades (20 000 = 30 000 - 10 000) ne pourront pas être soignés !

La distanciation sociale, consistant à limiter/diminuer les contacts entre personnes, permet de limiter le nombre de personnes malades et donc le nombre de personnes nécessitant des soins, au même moment. C'est ce qui est représenté avec le graphique suivant qui montre l'évolution du nombre de malades dans le temps avec (courbe bleue) et sans (courbe rouge) distanciation sociale. Dans les deux cas, le nombre de personnes malades augmente dans un premier temps car chacun transmet le virus à ses voisins, puis il diminue (par exemple dès qu'une grande partie de la population a contracté la maladie). Dans le cas rouge sans distanciation sociale, toutes les personnes malades au dessus du seuil de saturation ne peuvent pas être soignées. Ce qui induit bien évidement un taux de mortalité relativement élevé (la grande majorité de la population est contaminée). La distanciation sociale peut permettre de rester en dessous du seuil de saturation du système de santé en aplatissant la courbe.


Source : Le Parisien

Se convaincre de l’efficacité de la distanciation sociale : simulations d'une épidémie

Afin de nous convaincre de l'importance de la distanciation sociale, nous allons utiliser une simulation extraite d'un article du Washington Post.

Cette simulation utilise un modèle simplifié dans lequel une personne malade (en marron) qui touche une personnes saine (en bleu) contamine la personne saine, qui elle même à son tour contamine une autre personne.

Dans la prochaine simulation, au bout d'un certain temps (très court ici), une personne malade guérit. C'est ce que l'on représente avec la couleur rose. Ainsi, on considère ici qu'aucun malade ne meurt, et qu'une personne guérie (c'est à dire qui à déjà été malade -- en rose) ne peut pas retomber malade même si une personne malade (marron) la touche à nouveau.

La simulation suivante montre l'évolution dans une petite bourgade d'une épidémie sans distanciation sociale (tout le monde continue à faire ce qu'il veut). La courbe du haut montre l'évolution du nombre de gens en bonne santé (Healthy), malades (Sick) et guéris (Recovered) au fil du temps. Au final, presque tout le monde a été malade. La durée de l'épidémie est assez brève mais en pratique le taux de mortalité est très élevé.

Pour diminuer le nombre de malades simultanés (bien pour nos hôpitaux), la distanciation sociale réduit le nombre de contacts en réduisant la "mobilité" d'une grande majorité de la population. Cette distanciation sociale peut être plus ou moins forte: ainsi le nombre de personnes côtoyées par chaque individu; la manière dont les règles barrières sont appliquées (lavage de main, serrage de main, distance, etc.); le temps durant lesquelles les personnes restent en contact; la proportion de personnes appliquant la distanciation sociale ont un impact sur la diffusion du virus. On parle ici du taux de distanciation pour définir la "force" avec laquelle est appliquée la distanciation sociale. Ce taux dépend donc du comportement de chaque individu, chaque entreprise face aux règles/recommandations.

La simulation suivante montre le cas dans lequel la distanciation sociale est appliquée mais de manière modérée : trois personnes sur quatre (3/4) appliquent la distanciation sociale, mais un quart de la population continue à vivre comme avant. On observe un aplatissement de la courbe des malades.

La simulation suivante montre un cas dans lequel la distanciation sociale est appliquée de manière plus forte. Ici, sept personnes sur huit (7/8) appliquent la distanciation sociale contre 3/4 dans la simulation précédente. La courbe est d'autant plus aplatie.

La distanciation sociale doit être suffisante

À la vue des simulations précédentes, nous imaginons bien que si seulement quelques personnes appliquent la distanciation sociale, ça ne sert à rien. La bonne nouvelle dans le cas présent est que: si une majorité de citoyens applique la distanciation sociale, cela suffira, même si les personnes nécessaires au maintien des activités vitales (soins hospitaliers, nourriture, ordre, etc) ne l'appliquent que partiellement !

Pour illustrer l'impact du taux de distanciation sociale sur l'évolution d'une épidémie, nous allons maintenant utiliser une simulation simplifiée de l'évolution en France (cette simulation est illustrative et ne prétend pas prédire de manière réelle, la situation en France). On considère trois scénarios différents avec des taux de distanciation de plus en plus drastiques :

  1. On suppose dans un premier temps le scénario dans lequel durant toute la durée de l'épidémie, aucune personne ne change son mode de vie comme si de rien n'était. On appelle ce scénario "sans changement" (courbe rouge).

  2. On suppose ensuite deux scénarios de "confinement". Le premier qui s'avère "suffisant" (courbe verte);

  3. Le second qui lui est "insuffisant" (courbe bleue).

Le graphe suivant représente le nombre total de personnes non soignées (en fonction du nombre de jours écoulés depuis le début de l'épidémie). C'est à dire le nombre de personnes qui ont eu le virus mais qui n'ont pu être accueillies à l'hôpital quand celui-ci était saturé (note technique: les nombres reportés sont peu dépendants du niveau de saturation des hôpitaux). Dans ce graphe, les courbes s'arrêtent quand l'épidémie s'est éteinte (nombre de malades tombé à 0).

Nombre total de personnes non soignées pour différents scénarios de distanciation sociale. La simulation utilisée est extrêmement simplifiée et ne peut en aucun cas être utilisée comme outil de prédiction.

  1. Dans le scénario extrême dans lequel aucune habitude n'est changée (scénario rouge), le nombre de malades croît très vite (dans cet exemple il doublerait chaque jour -- la croissance est dite exponentielle) jusqu'à inclure presque l'ensemble de la population (57 millions sur 66 millions d'habitants dans notre cas). Très rapidement, le système hospitalier est saturé et la grande majorité des malades ne peuvent profiter de soins (56 millions dans notre cas!). Une fois une partie de la population décimée (plus d'un million) l'épidémie s'arrête (au bout de 6 semaines dans notre cas). En effet, les personnes (dans notre simulation) ayant déjà été malades ne peuvent pas retomber malade.

  2. Dans le scénario représenté en vert, le confinement permet de maintenir la propagation du virus au dessous d'un seuil critique (chaque malade contamine en moyenne moins d'une personne) . Le nombre de malades baisse jusqu'à extinction de l'épidémie. Bien entendu, la durée nécessaire du confinement dépend du taux de distanciation sociale. Dans notre exemple, 2 mois suffisent à totalement éteindre l'épidémie. Aussi, le confinement ayant été mis en place suffisamment tôt, le nombre de malades est resté au-dessous du seuil critique et l'ensemble des malades a pu recevoir des soins.

  3. La courbe bleue permet d'illustrer que le taux de distanciation a une valeur critique: si celui-ci n'est pas suffisant, alors le nombre de malades va continuer à croître. Cette croissance sera plus lente que dans le scénario rouge mais suffisante pour saturer le système hospitalier (car toujours exponentielle). De fait, le seul moyen dans ce cas pour que l'épidémie s'éteigne est qu'une très grande partie de la population soit immunisée en ayant été malade. C'est vraisemblablement le scénario que l'Italie semble vivre. Dans ce cas (courbe bleue), le confinement a principalement pour effet d'étaler l'épidémie dans le temps (8 mois dans notre exemple) mais en ne réduisant la pression sur les hôpitaux que de manière trop insuffisante (ici 300 000 malades au moment du pic de l'épidémie).

Cette simulation (non utilisable comme outil prédiction) permet d'illustrer trois points importants:

  • Il n'est pas nécessaire d'immobiliser toute la population. Il suffit que le taux de distanciation sociale soit au-dessus d'une valeur critique : le taux de distanciation appliqué dans le cas vert permet de laisser aux personnes en charge de tâches vitales (approvisionnement et distribution de biens, soins hospitalier, etc.) la possibilité de servir le pays. Le gouvernement a été clair : les personnes en charge de ces services ne sont pas astreintes à s'arrêter et il serait aberrant (vu les enjeux) de les en empêcher. En conséquence de quoi, il est inutile et même absurde de dévaliser les magasins pour remplir nos placards !

  • Si le taux de distanciation sociale est suffisant (au dessus de la valeur critique), meilleur il est, plus courte sera la douleur : Que penser des entreprises qui ne souhaitent pas arrêter leur activité ? Que dire des individus qui s'autorisent des petits travers ? Plus les règles seront appliquées collectivement, plus rapidement le confinement sera levé.

  • Si le taux de distanciation sociale est au dessous de la valeur critique alors les mesures prises par le gouvernement seront inutiles : nous aurons donc arrêté la quasi totalité de l'économie pour rien. Nous pouvons alors nous demander s'il est vraiment nécessaire que l'enfant du voisin vienne jouer/travailler à la maison ? Si il est nécessaire d'aller faire la queue au supermarché pour acheter un n-ième paquet de papier toilette ? Ce taux doit être maintenu au-dessus d'une valeur critique. De toutes petites entorses peuvent suffire à rendre insuffisantes les mesures décidées. Un peu moins et c'est raté, un peu plus et c'est gagné !


Nous devons TOUS·TES être EXEMPLAIRES

Pour augmenter le taux de distanciation, le gouvernement a deux leviers : convaincre (discours + média) et imposer (loi + forces de l'ordre). La situation, notamment en Italie, semble montrer qu'il est nécessaire de légiférer, c'est à dire de forcer les individus et entreprises qui préfèrent servir leurs intérêts propres à appliquer les recommandations/règles. Mais a priori ça ne suffit pas !

Il faut donc que nous comprenions tous que notre attitude individuelle est fondamentale. Elle est comparable à celle d'un citoyen face au vote : le vote d'un individu seul ne change pas le résultat d'une élection. Mais si vous en concluez que voter ne sert à rien, alors il est probable que d'autres personnes comme vous pensent de même. C'est ainsi que l'on finit avec une participation au scrutin inférieure à 50%. Pour la distanciation sociale, c'est pareil : juste "pas assez chacun" et c'est raté !

Dernière mise à jour: 19 avril 2020. Contact: Fabrice Rastello