Le courrier envoyé par les autrices à la société Bragelonne

Nom de l'autrice

Adresse de l'autrice

Ville de l'autrice

Société BRAGELONNE

60 rue d’Hauteville

75010 Paris

A l’attention de :

Monsieur Stéphane Marsan, Administrateur et Président

Monsieur Alain Nevant, Administrateur et Directeur général délégué

Monsieur Arnaud Nourry, Administrateur

Monsieur Fabrice Bakhouche, Administrateur

Monsieur Bernard Chaussegros, Administrateur

Delnoch Group S.A.S., en sa qualité d’actionnaire à hauteur de 56,4%,

représentée par Monsieur Alain Nevant

Hachette Livre S.A, en sa qualité d’actionnaire à hauteur de 43,6%,

représentée par Monsieur Pierre Leroy

Deloitte S.A.S., en sa qualité de Commissaire aux Comptes,

représentée par Monsieur Sami RAHAL

Paris, le 25 mai 2021,

Objet : Mise en cause de Monsieur Stéphane Marsan par le journal MEDIAPART

Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général délégué, Messieurs les Administrateurs, Messieurs les représentants légaux des actionnaires, Monsieur le Commissaire aux Comptes,

Nous sommes des autrices françaises qui collaborons avec la maison d’édition Bragelonne et ses labels Milady / Castlemore. Nous avons pris connaissance de deux articles respectivement intitulés « #MeToo: le patron d’une maison d’édition mis en cause », publié par MEDIAPART le 21 avril 2021, et « #MeToo dans l'édition : “Je suis Jeanne”, une témoin se dévoile », publié par ACTUALITTE.

L’article de MEDIAPART, fruit d’une longue enquête menée par un journal connu pour son indépendance, fait état de faits graves, susceptibles d’engager la responsabilité pénale de Monsieur Stéphane Marsan. Dans cet article, plus de 25 personnes ont témoigné, générant par la suite une vague importante d’autres témoignages relatant, preuves écrites à l’appui, des faits similaires.

Si Monsieur Stéphane Marsan bénéficie de la présomption d’innocence, les deux droits de réponse adressés par le cabinet d’avocat PIERRAT & ASSOCIES, qui le représente, au journal ACTUALITTE, sont très loin de nous satisfaire au regard de leur dénégation de tout fait illicite en dépit d’une enquête documentée. Aussi, ce droit de réponse est très choquant dans sa violence à l’encontre des témoins. L'absence complète de prise de conscience de la gravité de la souffrance professionnelle engendrée chez de très nombreuses collaboratrices de la société Bragelonne laisse à penser que cette dernière cautionne les agissements de son président dans un cadre professionnel. Le droit de réponse de Stéphane Marsan correspond très exactement aux mécanismes mis au jour par de nombreuses associations d’aides aux victimes de violences sexuelles, par lesquels les auteurs de ces violences dénient quasi systématiquement la gravité des faits allégués, retournent la faute sur leurs victimes, et finissent par culpabiliser ces dernières via une menace au suicide.

En outre, l’absence de positionnement clair exprimé par la société Bragelonne, ainsi que par ses actionnaires, suite à ces faits, nous laisse à penser que la société Bragelonne n’entend pas respecter son obligation légale de sécurité prévue par l’article L-1153-5 du Code du travail. Aux termes de cette obligation, une enquête sur les faits allégués devrait déjà avoir été diligentée, en sollicitant à tout le moins les instances représentatives compétentes, l’inspection du travail et la médecine du travail.

Au regard de la gravité des faits allégués et de l’absence de réponse satisfaisante, tant de la part de Monsieur Stéphane Marsan que de la société Bragelonne, il ne nous est plus possible que notre nom et nos œuvres restent associés au nom de la société Bragelonne et de ses labels Milady / Castelmore.

C’est la raison pour laquelle nous vous mettons en demeure de bien vouloir nous indiquer, dans les plus brefs délais, les actions que la société Bragelonne entend effectuer pour prévenir toute situation outrageante ou de harcèlement pour ses salariées, ses autrices, traductrices et ses autres prestataires.

Nous vous demandons également de bien vouloir nous indiquer comment, en vos qualités d’administrateurs et d’actionnaires, il vous est possible de ne pas révoquer le mandat de représentant légal de Monsieur Stéphane Marsan, les faits allégués étant constitutifs d’une faute grave au regard de la jurisprudence.

Nous vous informons que, à défaut de réponse que nous jugerions satisfaisante, nous nous réservons la possibilité de prendre conseil auprès de nos avocats et de nos syndicats en vue d’obtenir la résiliation de nos contrats d’édition en cours, au motif d’une part des manquements à vos obligations légales de sécurité, et d’autre part sur le fondement de notre droit moral de retrait tel que prévu par l’article L121-4 du code de la propriété intellectuelle.

Nous vous informons également que le présent courrier a été rédigé concomitamment entre plusieurs autrices sous contrat avec la société Bragelonne, qui toutes ont convenu d’en rendre public sa teneur, en établissant un courrier commun. L’original du présent courrier a été adressé à Monsieur Stéphane Marsan, qui exerce encore les fonctions de représentant légal de la société Bragelonne, à charge pour lui, nous l’espérons, de vous en adresser à tous une copie. A toutes fins utiles cependant, nous prenons la précaution d’adresser une copie du courrier commun au domicile de chacun des administrateurs de la société Bragelonne, et au siège social de ses associés.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général délégué, Messieurs les Administrateurs, Messieurs les représentants légaux des actionnaires, Monsieur le Commissaire aux Comptes, l’expression de notre considération distinguée.

Signature

PJ : Copie de l’article intitulé « #MeToo: le patron d’une maison d’édition mis en cause », publié par MEDIAPART, et du droits de réponse adressés par Monsieur Stéphane Marsan via le cabinet PIERRAT ET ASSOCIES.

PS : Nous vous recommandons la lecture de l’ouvrage de Caroline De Haas intitulé « En finir avec les violences sexistes et sexuelles – Manuel d’action » et qui vous permettra de mieux appréhender les droits de réponse de Monsieur Stéphane Marsan au regard d’affaires similaires.