Eglise Saint-Martin de Ré


Les premiers siècles

De l’histoire nous ne savons à peu près rien. La fondation de Saint-Martin par le Duc d’Aquitaine, Eudes, en 732, n’est qu’un mauvais récit de basse époque, fondé sur des documents faux. Il est probable que l’Ile de Ré et ses premières paroisses, dont Saint-Martin, furent dévastées par les Normands.

Au XI° siècles

Le Comte de Poitou, Guillaume Aigret donna l’église de Saint-Martin aux Chanoines du Puy en Velay, qui en conservèrent jusqu’au XVI° siècle le patronage  partagé avec l’Abbé, puis l’Evêque de Maillezais. L’église devait être alors un édifice de style roman dont il ne reste rien.

Aux XIV° et XV° siècles

Cet édifice roman fut remplacé par une nouvelle église. A en juger par ses restes, c’était un bel et grand monument qui reçut des éléments de fortification comme bien d’autres églises d’Aunis et de Saintonge. Cette époque en effet fut longtemps troublée par la Guerre de Cent Ans et l’Ile de Ré, disputée entre les rois de France et  d’Angleterre, est passée définitivement à ceux de France en 1372 après avoir subi plusieurs incursions anglaises. Cette église, important élément défensif, prit alors le nom de « Grand Fort ».

Au XVI° siècle

De nombreux troubles, dus cette fois aux guerres de religion, ont eu pour l’église de Saint Martin des conséquences catastrophiques. L’Ile de Ré, dont une partie des habitants passa à la réforme, fut considérée comme une des défenses avancées de la principale place forte protestante, La Rochelle. Aussi l’Ile fut elle disputée entre catholiques et protestants. Ceux-ci s’en emparèrent en 1586 et ruinèrent complètement l’église de Saint-Martin. Ils ne laissèrent debout que la partie fortifiée et quelques pans de murs. La partie fortifiée avec ses créneaux domine le transept. Ce sont les parties les plus vénérables de l’église.

Après 1591, lorsque le culte catholique fut de nouveau permis, il dut se faire ailleurs, dans la Chapelle Saint-Clair. Puis au début du XVII° siècle, les offices purent y être célébrés de nouveaux.

Au XVII° siècle

Le triomphe du catholicisme dans l’Ile de Ré puis en Aunis assura la reconstruction de l’église. En 1627, la résistance opiniâtre de Thoiras dans la citadelle  de  Saint-Martin permit de chasser les Anglais de Ré. L’année suivante La Rochelle fut prise.

La reconstruction commencée dès 1629 se  poursuivra pendant plusieurs années ainsi que l’embellissement du nouvel édifice. La paroisse de Saint-Martin dépendait  jusqu’à cette époque de l’évêché de Saintes. L’Ile toute entière passa alors sous l’autorité de l’Evêque de Maillezais dont le siège sera bientôt transféré à La Rochelle.

En 1696, du 15 au 17 juillet, Saint-Martin subit le bombardement d’une flotte anglo-hollandaise. L’église « Grand Fort » fût atteinte cruellement, notamment le crénelage couronnant le transept. 

Au XVIII° siècle

Les tempêtes ajoutèrent leurs effets destructeurs à ceux du bombardement.

Le 1er janvier 1774, le clocher s’effondra, abîmant les voûtes. Dans les dix années suivantes, l’église fut en partie reconstruite mais avec un changement important : l’orientation fut inversée. Le maître autel sera alors placé à l’ouest et le clocher à l’est.

Bien que Monsieur Charles Pinelière, curé de Saint-Martin, ait été élu député du clergé d’Aunis aux Etats Généraux, l’église eut à souffrir durant la Révolution de  1789.  Lors  des heures les plus cruelles, elle fut fermée au culte. Il dut être célébré clandestinement dans des maisons particulières.

Aux XIX et XX° siècles

Grâce à des curés qui y demeurèrent longtemps, M.M. Hontang, Dières-Monplaisir, Manseau, l’église fut réparée et reçut diverses adjonctions, en particulier les fonts baptismaux, lesquels il faut le dire ne conviennent pas au caractère du monument.


DESCRIPTION


Les diverses constructions, destructions et reconstructions mentionnées dans l’historique expliquent l’état actuel de l’église. Lorsqu’elle fut reconstruite, elle était orientée selon la pratique constante des architectes chrétiens. C’est à dire que le chœur était tourné vers l’Orient, la Palestine où naquit le Christ et où il fut crucifié. Lorsqu’elle fut refaite au XVIII° siècle, il n’était pas possible de rétablir l’ancien clocher situé à l’ouest. Par contre l’ancien chœur était si vaste qu’il apparut comme pouvant se substituer à la nef. D’où la place du clocher actuel. Dès lors il devenait nécessaire d’établir le chœur sur une partie de l’ancienne nef. Le transept, lui, subsista dans  sa  vénérable construction en style gothique

Les parties gothiques extérieures ont été conservées lors de la  reconstruction du XVIII° siècle pour servir d’amers (repères pour les navigateurs), en raison de leur hauteur, et elles dominent en effet de beaucoup les constructions postérieures

Il s’agit des bras Sud et Nord du transept comprenant chacun un portail et des parties hautes avec des pans de murs, fenêtres, tourelles d’escalier, surmontés de petites flèches et de contreforts. Une abondante décoration d’arcs et de pinacles à crochets et fleurons sur les contreforts indique le XV° siècle, de même que les arcs en accolade des portails et des baies. Il subsiste une partie des Saints sous des dais ; on notera d’autres détails amusants dans les sculptures : un escargot et un lapin.

Faisant contraste avec cette décoration, les éléments de l’appareil de défense qui valurent à l’église le  nom de « Grand Fort » subsistent encore sous forme de deux chemins de rondes superposés. A l’intérieur, subsistent de l’époque gothique XV° et du début  du XVI° siècle  les chapelles du chœur (autrefois de la nef) et du bas côté sud voûtées d’ogives à grosse clés rondes et une clé pendante.

Dans le bas côté nord, une fenêtre bouchée témoigne encore de la construction de la même époque.

Parties des XVII° et XVIII° siècles

A la reconstruction de 1628 doivent remonter les grosses colonnes de la nef qui ont perdu leur sommet après l’écroulement de 1774, mais montrent encore l’extrémité des pénétrations des voûtes qu’elles devaient supporter. On peut supposer, en effet, que comme en bien d’autres endroits dans la région, on a construit encore des voûtes gothiques en plein XVIII° siècle.

Les parties hautes de la nef et des bas-côtés (à l’exception de la charpente moderne) sont de cette époque, ainsi que les très beau portique à pilastres doriques qui orne le fond de l’église et qui a été complètement dégagé par la récente reconstruction.

L’ensemble du porche d’entrée paraît être du XVII° siècle. Il est surmonté d’un clocher de la fin  du XVIII° siècle. La statue de  Saint Martin qui est placée en son centre  est  du  XIX° siècle. C’est également des XVII° et XVIII°  siècles que datent certains éléments des plus intéressants. On remarquera particulièrement :

Dans le chœur, sur les colonnes, les inscriptions funéraires des gouverneurs militaires de Ré, importants personnages de l’Ile, volontiers protecteurs des habitants, par exemple celle de Henri de Suares d’Aulan (première colonne de gauche), Louis Vallon (première de droite), face au sud. Les épitaphes du Baron de Chantal, père de Madame de Sévigné et des frères Thoiras tués lors des  combats  contre  les Anglais en 1627, datent du XIX° siècle. Outre ceux-ci de nombreux corps avaient été ensevelis dans l’église.

Le maître autel a été refait en 1966 sur le modèle du précédent. Les retables latéraux sont mutilés mais ont gardé en partie leur peinture d’origine du XVII° siècle, rouge pour celui du Sacré Chœur (où a été placée une statue de Saint Martin), bleu pour celui de la Sainte Vierge. Les stalles du XVIII° siècle ont été réemployées comme ambons. Beau lutrin.

Dans la chapelle latérale consacrée aux âmes du purgatoire, un groupe de marbre représente l’Enfant Jésus, Jean Baptiste et un agneau. La tradition veut qu’il ait été offert par le Pape Léon X à François 1er à l’occasion du Concordat de 1517 et donné par le Roi à la paroisse de Saint-Martin de Ré après le naufrage du bateau qui le transportait.

Cette version est discutée. On objecte  à  son encontre qu’il est peu plausible que le groupe de marbre ait été transporté par un navire devant effectuer l’immense  périple autour de la péninsule  ibérique et le long des côtes de France jusqu’à l’embouchure de la Seine, afin de remettre au Roi de France le don du Saint Père.

On  pourra remarquer  dans l’une des chapelles de la nef, le retable en bois doré sculpté du XVIII° siècle provenant du couvent des Capucins.

Dans la chapelle des Marins ont été placés des ex-voto des XVIII° et XIX° siècles,  notamment un tableau,  le navire  « Suzanne Marguerite  »  (1766), comparable aux ex-voto de la cathédrale de La Rochelle et deux modèles de navires datant du XIX° siècle.