ZONES À FAIBLES ÉMISSIONS (ZFE), UNE MESURE AUJOURD’HUI OBSOLÈTE ?
ZONES À FAIBLES ÉMISSIONS (ZFE), UNE MESURE AUJOURD’HUI OBSOLÈTE ?
Les ZFE vues par leurs impacts environnementaux, sociétaux et économiques
Juin 2021
Les premières Zones à Faible Émissions (ZFE ou LEZ en Anglais) sont apparues en Europe, il y a 25 ans et sont aujourd'hui, en vigueur dans plus de 250 agglomérations du continent. Elles ont pour but d'améliorer la qualité de l’air en ville en restreignant la circulation des véhicules les plus anciens.
Toutefois, ces mesures sont de plus en plus contestées. En cause, des résultats mitigés pour des inconvénients majeurs pour les citoyens.
L’objectif de ce document est de résumer le rapport entre les bénéfices et les inconvénients des ZFE, avec en creux la question de leur pertinence. Nous nous sommes efforcés de porter un regard neuf et pragmatique sur les ZFE, en prenant en compte les problématiques liées à ces mesures qui sont souvent ignorées dans le cadre d’études plus théoriques.
Contexte
7 nouvelles Zones à Faible Émission mobilité (ZFE-m) seront mises en place en France en 2021, en plus des 4 déjà actives (Paris, le Grand Paris, la métropole de Grenoble, la métropole de Lyon). En 2025, toutes les grandes villes de plus de 150 000 habitants devront avoir mis en place une ZFE. Tous les français ou presque seront donc impactés.
Les ZFE visent à interdire les véhicules qui polluent le plus, sur la base de la vignette Crit'Air en France, sous peine d’amendes de la cour de justice européenne.
Nombre de publications ex-ante (avant leur mise en œuvre) des ZFE prédisent de fortes améliorations de la qualité de l’air. Ces objectifs sont-ils atteints ?
Il est extrêmement compliqué de comparer les émissions nocives avant et après la mise en place de ZFE. Les transports sont loin d’être le seul facteur de pollution en ville et ils ne sont même pas toujours le principal. D’autres facteurs influencent aussi les résultats comme la météo ou l’explosion du télétravail avec la pandémie liée au COVID.
Toutefois, nous pouvons nous baser sur les informations de l’ADEME, en collaboration avec RINCENT Air. Ils tiennent régulièrement à jour un rapport sur le retour d’expérience des ZFE à travers l’Europe. Deux principales conclusions sont:
“Malheureusement en 2020, plus de vingt ans après le lancement de la première LEZ, la majorité de ces dispositifs mis en place à travers l'Europe présente un effet limité voire non significatif sur les concentrations en NO2/particules à l'échelle locale. Cet impact peu perceptible s'explique généralement par le fait que la LEZ ne concerne qu'une superficie trop réduite (...), un nombre de véhicules concernés trop faible (...)”
“Les principales limites identifiées pour les méthodes de calcul sont l’utilisation d’un parc circulant théorique lors du calcul des émissions polluantes. Lorsque le parc automobile futur n’est pas connu en phase ex ante, ou lorsque le parc automobile sans LEZ n’est pas connu en phase ex-post, cette estimation est soumise à de nombreuses hypothèses, souvent favorables à un impact majorant de la LEZ”
L’effet limité des ZFE est justifié par la timidité des restrictions, même si les premiers véhicules visés étaient de loin les plus polluants. Mais, il est également question d’une surestimation de l’impact des ZFE.
Le rapport de l’ADEME met en lumière un écart important entre les annonces ex ante pour promouvoir les ZFE et les résultats ex post. Ces écarts sont rarement en faveur des ZFE sauf dans des cas considérés comme “hors normes”. C’est le cas de Madrid, souvent cité en exemple, où la diminution importante des NOx s’explique en réalité par une comparaison entre mois non pluvieux et pluvieux.
Comment expliquer ces écarts ?
Nous avons passé en revue 5 évaluations ex ante des ZFE en France. Les dossiers techniques sont très peu fournis et des hypothèses importantes en sont exclues.
En premier lieu, il y est peu, voire jamais, tenu compte du kilométrage moyen des véhicules en fonction de leur âge. Or, plus les voitures sont vieilles, moins elles roulent. A contrario, il y a un pic important d’utilisation les premières années après l’achat d’un nouveau véhicule. Ces effets viennent fortement réduire l’impact de ZFE et constituent ainsi une piste sérieuse pour expliquer les résultats décevants des ZFE sur la qualité de l’air.
Ceci est d’ailleurs un point mis en avant par les passionnés de voitures anciennes et de loisirs. La Fédération Française des Véhicules d’Epoque indique sur son site que les véhicules de plus de 30 ans roulent ainsi 15 fois moins que la moyenne des autres véhicules. Qui plus est, la part du diesel y est très faible.
Un autre point important venant surestimer l’impact des ZFE est la confusion chez les décideurs entre ZFE et baisse du trafic ou du parc automobile en ville. La plupart des études se basent sur l’hypothèse qu’une partie conséquente des voitures ne sera pas remplacée (parfois plus de 20%). Ceci est erroné comme le précise encore l’ADEME :
“La mise en place de LEZ permet d’agir sur le renouvellement du parc automobile. Les études récentes sur le sujet montrent en effet que l’instauration d’une LEZ n’a pas d’impact significatif sur la diminution du parc de véhicules en circulation mais qu’elle accélère son renouvellement par des véhicules plus récents.”
Si le remplacement du parc a pu avoir lieu dans les plus grandes métropoles, il en ira de même dans les villes moyennes appelées elles aussi à passer sous ZFE alors qu'elles sont généralement moins équipées en transports en commun.
Les ZFE ne réduisent pas le trafic automobile. Les études menées ex post des ZFE en Europe ne concluent pas à un changement de trajectoire du trafic automobile (à la baisse ou à la hausse). Le renouvellement du parc peut même entraîner une augmentation du trafic par le biais du consommateur qui, typiquement, souhaite “rentabiliser” son acquisition. Ce phénomène est accentué par l'électrification des véhicules qui rend le coût de leur utilisation plus compétitif par rapport à l’usage des transports en commun.
Par ailleurs, de fréquents cas de contournements des ZFE sont observés, ce qui accroît le nombre de kilomètres parcourus et nuit à la fluidité du trafic. C’est particulièrement vrai pour les agglomérations dont le périphérique fait la jointure entre différentes autoroutes. Le déport du trafic dans des routes qui n’ont pas été dimensionnées pour accueillir un trafic aussi dense génère des problèmes d’insécurité routière.
Toutefois même si les améliorations sur la qualité de l’air des ZFE sont jugées décevantes elles n’en restent pas moins réelles.
Les données de CITEPA montrent une baisse forte et constante des émissions du secteur des transports et ce, avant même la mise en place des ZFE. Et ce au contraire des émissions liées au secteur du logement, qui représente aujourd’hui le plus gros levier pour améliorer la qualité de l’air en ville.
Ainsi, les ZFE ne font qu’avancer l’amélioration tendancielle de la qualité de l’air dans les villes
Une étude de l'impact des ZFE doit donc être menée en prenant en compte la baisse tendancielle de la pollution liée aux transports en ville comme le montre le graphique ci-dessous. Ce graphique compare pour Paris les émissions de NOx par les véhicules avec ou sans les ZFE.
- Sans ZFE la baisse attendue en 2024 des émissions de NOX est établie à -56%
- Avec ZFE la baisse attendue en 2024 des émissions de NOX est établie à environ -80%
Ainsi d’après cette étude 70% de la baisse de la pollution vient du renouvellement naturel du parc auto et seulement 30% du renouvellement forcé du parc automobile.
Toutefois l’impact des ZFE « ex ante » est, comme vu précédemment, constamment surestimé.
A contrario, l’électrification (totale ou partielle) du parc automobile s’accélère au-delà des prévisions. Par exemple, on s'attend désormais à ce que le coût d’acquisition d’un véhicule électrique, perçu comme un des principaux freins à l’achat, diminue jusqu'à rejoindre le prix des véhicules thermiques dès 2026, au lieu de 2035 comme prévu initialement.
Ainsi, on s’attend à ce que l’impact du renouvellement naturel du parc auto réduise les NOx bien au-delà des prévisions ex ante.
Le croisement de ces 2 effets, à savoir des impacts des ZFE sur estimés, et une sous estimation de l’impact de l’arrivée de véhicules plus propres, nous font anticiper que plus de 80% de l’objectif de réduction de la pollution automobile en ville seront atteints sans besoin des ZFE. Autrement dit, les ZFE ne font qu’avancer de 2 à 3 ans la baisse tendancielle de la pollution des véhicules en ville
L’accélération, même modeste, de l’amélioration de la qualité de l’air en ville grâce aux ZFE, peut-elle être suffisante pour accepter les effets néfastes des ZFE ?
Une des principales critiques à l’encontre des ZFE vient du remplacement prématuré de dizaines de millions de véhicules en Europe qu’elle entraîne. La construction, le transport et la mise au rebut des voitures génèrent une pollution, notamment une grande quantité de gaz à effet de serre.
S’il paraît clair que l’utilisation d’un véhicule électrique pollue moins qu’un véhicule thermique, il faut se garder de sortir de l’équation les autres aspects de la vie d’un véhicule. Le cas en encadré utilise des données de l’organisation Transport & Environnement. Il démontre qu’il est plus souvent écologique dans les zones urbaines d’investir dans la durabilité des voitures plutôt que dans leur remplacement prématuré.
Cas typique : Un urbain ou péri urbain, parcourant 10 000 km par an (kilométrage moyen constaté en milieu urbain) avec un véhicule essence, le remplaçant par un véhicule électrique ou hybride (fortement émissif à la production).
Dans ce cas, il sera plus écologique de remplacer le véhicule entre 20 et 25 ans.
Cependant, à ces âges et comme indiqué précédemment, le kilométrage annuel est bien inférieur à ce qu’il est dans les premières années. L’âge de remplacement écologiquement responsable s’étend alors bien au-delà de 35 ans.
Au-delà de la pure problématique du remplacement de la voiture, il existe des effets indésirables importants. Ainsi, dans de plus en plus de villes, le nombre de kilomètres parcourus a augmenté après la mise en place des ZFE. Les raisons principales sont les suivantes:
Maintien de la taille du parc automobile
Contournement routier de la ZFE
Report modal des transports en commun vers la voiture pour les nouveaux acquéreurs d’un véhicule électrique ou hybride
Exode urbain de locataires pour s’installer hors zone ZFE
Ce dernier point ne fait pas l’objet de recherches approfondies. Toutefois, il devient un sujet d’inquiétude, suite aux comportements d’”exode urbain” constatés lors le la pandémie Covid19. Des contraintes en mobilité accentuant l’exode urbain auraient des effets extrêmement néfastes sur les émissions de CO2.
Malgré une certaine confusion sur le sujet, force est de constater que les ZFE ne vont pas dans le sens de la protection de l’environnement. A l’heure où la qualité de l’air dans nos villes ne cesse de s’améliorer et où a contrario, il y a urgence climatique, on peut s’interroger sur la priorité donnée aux ZFE par les gouvernements.
Des “Zones à Forte Exclusion”
Les ZFE vont impacter tous les Français. En effet, au-delà des habitants des villes, on peut s’attendre à ce que les personnes qui habitent hors des ZFE soient touchées également. Les principaux services publics départementaux et régionaux sont localisés au sein de ces (futures) ZFE. Nombre de ces services ne sont pas accessibles en transport en commun, encore moins le soir et les weekend. Comment expliquer ainsi à une famille que pour accéder aux soins, elle devra changer de voiture ou payer à chaque visite 50€ de taxi ?
Bien que les observations montrent que la grande majorité des automobilistes trouvent, par obligation, le moyen de remplacer leur véhicule, cette lourde dépense et l’endettement éventuel aura de forts impacts sur le niveau de vie des ménages. Cela signifie également que cet argent ne servira pas à alimenter d’autres secteurs de l'économie, diminuant au passage la qualité de vie des ménages qui peuvent déjà avoir du mal à subvenir à leurs besoins. En effet les accompagnements financiers pour le remplacement des voitures sont largement insuffisants pour les raisons suivantes :
- Les aides sont très loin de couvrir le coût de remplacement des véhicules. Cela est d’autant plus dommageable que leur valeur résiduelle s’effondrera. Les aides actuelles ne permettent dans le meilleur des cas que de financer l’acquisition d’un véhicule Crit’Air 3. Ceux-ci sont appelés à être également interdits les années suivantes, ce qui réduira fortement leur valeur résiduelle. Les aides devraient être portées à 15000€ au minimum par véhicule pour permettre l’achat de véhicules Critair 0 ou 1, les seuls susceptibles d’être encore autorisés à rouler librement ces prochaines années.
- Ces aides devraient être touchées par tous, y compris par les habitants hors ZFE, pour éviter une rupture d’égalité car tous les Français sont impactés par les ZFE.
- Ces aides devraient êtres touchées quels que soient les revenus des ménages. Conformément à la Constitution, la confiscation de la propriété privée ou de son usage doit faire l’objet d’une juste et préalable indemnité, pour tous les citoyens sans exception.
Des plages horaires pour les ZFE : le bon compromis ?
Les ZFE de Paris ou Grenoble ont des créneaux d’application (E.g. “uniquement du lundi au vendredi de 8h à 20h, excepté les jours fériés”). Cela permet de:
Ne pas sur-pénaliser les ménages qui ont une utilisation raisonnable de la voiture (E.g. : usage ponctuel le weekend) et ainsi les dissuader de changer de véhicule prématurément alors que leurs véhicules ont souvent de faible kilométrages.
Ne pas interdire les voitures quand les transports en commun sont moins présents – ce qui serait une mesure particulièrement anti-sociale en assignant à résidence ceux qui n’ont pas les moyens de changer de voiture.
Éviter aux citoyens d’avoir à se déplacer la peur au ventre - dans les quartiers sensibles en particulier le soir. Les conditions de sécurité dans notre pays ne sont pas compatibles avec des déplacements en transport en commun à toute heure, partout. Les plus touchées seront les personnes qui travaillent en horaire décalé à qui on ne peut imposer de rentrer chez elles la peur au ventre.
Éviter les risques d’inconstitutionnalité - en privant les ménages de l’usage total de leur automobile ou parking – sans une indemnité pour tous à la hauteur du préjudice
Ne pas interdire la pratique de la passion automobile chez les habitants des ZFE - les automobiles de collection ou de loisirs roulent très peu tout en générant des dizaines de milliers d’emplois préservant de nombreux savoir-faire
Pour toutes ces raisons, il nous apparaît impératif d’éviter une mise en œuvre permanente, 24H/24, 7j/7, des ZFE. Toutes les études montrent que cette flexibilité sur les horaires n’aurait pas d’impact significatif sur la qualité de l’air. C’est le choix qu’ont fait des villes comme Paris et Grenoble.
Le coût de la mise en place des ZFE n’est souvent abordé que sous l’angle de la mise en place des contrôles et des primes de remplacement des véhicules des ménages les plus modestes, habitant les ZFE uniquement. Ce coût est minime en regard des compensations légitimes liées à la confiscation de 12 millions de véhicules d’ici 2025.
Pour une véritable justice citoyenne, et conformément à la constitution, l’ensemble des citoyens impactés, quels que soient leurs revenus et lieux d’habitation, doivent êtres éligibles à une juste compensation du préjudice subi suite à la privation de l’usage de leur bien privé. Avec plus de 12 millions de véhicules envoyés à la casse d’ici 2025, le coût des compensations pour le contribuable est estimé à plus de 150 milliards d’Euros !
Pour ce coût astronomique, nous pensons que des politiques plus ambitieuses pour l’isolation des logements auraient des effets plus importants que les ZFE.
Ces dépenses budgétaires viendront en sus d’une augmentation du coût de la vie avec soit des professionnels forcés d’acquérir de nouveaux et très coûteux utilitaires, soit via une diminution de la concurrence avec les plus petits entrepreneurs, qui disposent souvent de véhicules plus anciens, et qui n’interviendront plus en zone ZFE. Ces coûts seront facturés aux clients finaux, en particulier les citadins mais pas seulement.
Cette inflation des prix et des prélèvements ne sera pas sans conséquence sur la compétitivité de l’économie. Malheureusement, aujourd’hui ces effets ne sont pas mesurés, même si l’impact sur le niveau de vie des citoyens ne saurait être contesté.
Or, comme l’INSEE l’a établi, il existe une forte corrélation entre niveau de vie et espérance de vie. Ainsi les gains en terme “décès prématurés” des ZFE sont contestables puisqu’ils s’accompagnent d’une baisse du niveau de vie des Français, mais aussi d’un éloignement de nombre d’entre eux des principaux centres de soins souvent localisés à l’intérieur de ces ZFE.
De niveau de pollution à « décès prématurés »
Comme publié dans notre étude de Juin 2019, nous contestons la méthode de calcul de l’OMS qui traduit les émissions polluantes en décès prématurés.
L’espérance de vie est basée sur la combinaison de nombreux facteurs qui interagissent entre eux. Ainsi, les Chinois ont une espérance de vie qui augmente en parallèle des pollutions de l’air et des sols de leur territoire. Comme nous l’avions démontré, le premier facteur de diminution de l’espérance de vie est la baisse du niveau de vie.
Les premières ZFE en Europe datent d’il y a 25 ans, dans un contexte où de nombreuses voitures ne disposaient pas encore de pots catalytiques.
Depuis, les normes imposées aux constructeurs ont drastiquement réduit les émissions des principaux polluants. Aussi les véhicules Critair 1 & 2 représentent aujourd’hui plus de la moitié du parc roulant, et plus encore en kilomètres parcourus.
Comme l’indique le graphique, il n’ a fallu que 8 ans pour que les vignettes Critair 1&2 passent de 19% à 57% du parc en circulation. Par conséquent l’efficacité sur la qualité de l’air des ZFE ne va qu’en décroissant, sauf à faire des ZFE toujours plus restrictives, accroissant cependant de manière exponentielle les inconvénients mentionnés plus haut et une forte contestation sociale.
Si, il y a quelques années, l’affaire du “Diesel gate” a contribué à emporter le consentement des citoyens à l’idée des ZFE, cette adhésion s’étiolera au fur et à mesure que les véhicules de Critair 4, 3 puis bientôt 2 seront touchés par des mesures qui rendent obligatoire leur remplacement. On trouve parmi ces véhicules, beaucoup de motorisations essence avec de faibles kilométrages.
Pour faire face aux difficultés grandissantes à imposer les ZFE, de nombreux kits de communication sont aujourd’hui envoyés aux mairies. Il existe aussi un fort lobbying auprès des faiseurs d’opinion.
En parallèle, les personnes les plus impactées par les ZFE évoluent dans un environnement social qui ne leur permet pas d’influencer les médias. Ajoutons à cela une certaine stigmatisation des opposants aux ZFE, qu’on soupçonne de ne pas comprendre ou adhérer au bien commun. Tout cela donne lieu à une forte inégalité de représentation des opinions pour une mesure pourtant particulièrement contestable.
Conscientes des contraintes qui découlent des ZFE, les mairies proposent de plus en plus de régimes d’exemption, en particulier pour les professionnels et les particuliers. Les voitures de collection ou de loisirs ainsi que l’instauration de plages horaires (typiquement la nuit et le weekend) où la ZFE ne s’applique pas sont devenues des exemptions incontournables améliorant l’acceptabilité sociale des ZFE.
Le cas du Diesel
Les ZFE ont eu un regain d’intérêt avec les « Diesel-gate ». Toutefois il est intéressant de noter que l’effondrement des ventes de Diesel en France a commencé il y a 10 ans, bien avant les annonces de l’arrivée des ZFE. Cela démontre que d’autres leviers, comme la communication pour une prise de conscience, mais aussi la mise en place de contraintes fortes sur les constructeurs automobiles, permettent de rapidement bouleverser la typologie des motorisations vendues sans qu’il soit nécessaire de recourir à des mesures de contraintes supplémentaires sur les ménages.
Les Zones à Circulation Maîtrisée (ZCM)
Les critères
Loin de nous l’idée d’énoncer un problème sans tenter de le résoudre. C’est avec cet état d’esprit que nous avons essayé de réfléchir à une façon de remplacer les ZFE, en répondant aux critères suivants :
Avoir des objectifs au moins similaires aux ZFE en terme de réduction de la pollution de l’air dans les grandes villes
Avoir comme conséquence une diminution de l’usage de l’automobile en ville qui évite les interdictions et les sanctions indifférenciées propres aux ZFE
Être une mesure la plus juste possible, i.e. qui s’applique à tous les citoyens du territoire, en même temps, et quelque soit leur lieu d’habitation et leurs revenus
Avoir un coût pour les contribuables infiniment plus faible que les ZFE
Préserver l’économie, donc notre niveau de vie et notre espérance de vie
Le principe des ZCM
Ces critères peuvent être atteints par la création au niveau national de que l’on nommera des « ZCM » ou « Zone à Circulation Maîtrisée ». Les ZCM fonctionnent par un système de crédits. Un crédit valant une entrée/sortie d’une grande ville. Chaque adulte recevrait un quota annuel selon nos propositions suivantes:
Un nombre maximum de X crédits annuels, cumulables d’une année sur l’autre, afin de limiter et responsabiliser l’usage de la voiture en ville
Un minimum de Y crédits annuels, cumulables d’une année sur l’autre. Ce afin de préserver un accès minimum à tous aux services publics de toutes les grandes villes
Des crédits supplémentaires pour les véhicules les moins émetteurs de polluants afin de continuer à encourager l’achat de véhicules plus propres par les plus gros rouleurs
Des crédits supplémentaires pour les riverains des ZCM afin de lutter contre le remplacement prématuré de nombreuses voitures qui roulent peu
Une modulation des crédits en fonction des horaires et des jours pour chaque ZCM. Typiquement, ne pas retirer de crédits la nuit et le weekend, voire les vacances scolaires, pour lutter contre le remplacement prématuré de voitures qui ne roulent majoritairement qu’en dehors des horaires embouteillés
Obtention de crédits supplémentaires « dérogatoires » pour des personnes devant, par exemple, temporairement se rendre souvent dans un hôpital situé en ZCM, pour les véhicules spéciaux des handicapés, etc
Des crédits en moins, pour les personnes s’étant rendu coupables d’infractions, ou ayant des véhicules avec un faible score pour la sécurité des piétons.
Les « crédits ZCM » permettraient une maîtrise plus globale et plus fine de la pollution ainsi que de la circulation, tout en étant plus juste, efficace et flexible que les ZFE.
Mise en place des ZCM
Il n’y a pas d’obstacle technique à la mise en place des ZCM. Il est possible aujourd’hui, avec les mêmes moyens prévus pour faire respecter les ZFE, de mettre en place les ZCM.
25 ans après leur création, les ZFE sont de plus en plus contestées. La qualité de l’air n’a pas connu l’amélioration anticipée et les effets indésirables ont eu tendance à être sous- estimés.
Si leur effet n’est pas nul, les ZFE ne font qu’avancer de 2 à 3 ans les baisses tendancielles des émissions. Ce résultat décevant est dû par le croisement de 2 effets:
- Une surestimation ex ante des effets des ZFE.
- Une sous estimation de l’accélération de la diminution des émissions liées aux transports.
Ce bénéfice est faible par rapport aux effets néfastes des ZFE :
- Impact social et injustices : un financement de 150 milliards d'euros d’ici 2024 pour dédommager les citoyens contraints de se débarrasser de leurs véhicules. Financement qui pourrait être plus utilement investi ailleurs, e.g. l’amélioration énergétique des bâtiments qui a beaucoup moins progressé que les transports
- Impact écologique négatif: plus de 12 millions de véhicules, de tous kilométrages et états confondus, devront être remplacés prématurément
- Il n’est pas démontré que les ZFE sauvent des vies : les études sanitaires conduites ex post n’ont pas pu conclure à des améliorations. Par contre, les ZFE éloignent des millions de citoyens des grands établissements de soins et engendrent une augmentation de la pauvreté qui va de pair avec une augmentation des décès prématurés
- Les ZFE ne réduisent pas la circulation en ville et peuvent même l’augmenter car le coût d’usage des nouveaux véhicules électrifiés devient plus compétitif vis-à-vis des transports en commun
Dans ce rapport, nous avons pu observer que les bénéfices attendus des ZFE apparaissent comme minimes par rapport aux efforts demandés aux habitants. Il existe ainsi un fort risque que les ZFE exacerbent la défiance des citoyens envers les “élites”. Ce sentiment pourrait peser durablement sur l’acceptabilité des mesures futures, alors que leur mise en œuvre s’avèrerait plus urgente, e.g. celles liées au dérèglement climatique
Ce risque est envisagé largement, y compris par des associations d’ écologistes et pourtant, certains voient la nécessité de rendre les ZFE encore plus restrictives, avec l'idée ultime de bannir des véhicules de moins de 10 ans. Nous pensons que ce serait un entêtement qui rendrait encore plus insupportables les inconvénients liés aux ZFE.
Au contraire, nous proposons des assouplissements afin d’obtenir une meilleure adhésion des citoyens, sans renoncer aux bénéfices. En particulier l’obligation que toutes les ZFE soient mises en pause à certains créneaux horaires, du soir au petit matin ainsi que les week-ends et jours fériés.
Une autre alternative que nous proposons consisterait à opérer au remplacement des ZFE aujourd’hui contestées vers des ZCM ou « Zone à Circulation Maîtrisée ».
Les ZCM sont une mesure globale qui responsabilise les citoyens dans leur rapport à l’automobile plutôt que leur faire subir une accumulation d’interdits au fil des ans générant un sentiment d’acharnement réglementaire.
La conclusion de ce rapport est simple:
Nous recommandons une réévaluation honnête et rapide de la pertinence des ZFE, en y intégrant des problématiques sociétales et économiques plus larges. Nous recommandons un moratoire sur leur mise en place partout en France et une reprise en main du sujet au niveau national avec une plus grande transparence sur le rapport avantages/inconvénients des ZFE.
Transport & Environment : https://www.transportenvironment.org
CITEPA : https://www.citepa.org/fr/
Zones à faibles émissions (Low Emission Zones - LEZ) à travers l'Europe (Les) - ADEME 2020 https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/27-zones-a-faibles-emissions-low-emission-zones-lez-a-travers-l-europe-les.html
INSEE, « Tables de mortalité par niveau de vie »., INSEE 2018.
Ministère de la transition écologique : Données et études statistiques
Pour le changement climatique, l'énergie, l'environnement, le logement, et les transport : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/es-lez-a-travers-l-europe-les.html
Sites des mairies/métropoles de Paris, Grenoble, Marseille, Toulouse, Strasbourg