Au départ, des envies…
2017, une année charnière pour La Fonderie, un tournant pour son service éducation permanente : il fallait faire mieux que pour les gens. Il fallait faire avec, par et pour eux…
Nous avions envie de former un groupe de personnes dont les métiers souffraient d’une mauvaise image et qui auraient eu la volonté, toutes ensembles, de « décoller les étiquettes » collées à leurs métiers par la société et de construire un outil de revalorisation.
Nos objectifs étaient :
- la mise en débat des métiers et du travail, sous une forme convenue entre tous
- l’affirmation de l’utilité sociale d’une série de métiers
- de faire prendre conscience au public le plus large possible de l’utilité sociale des métiers et de notre rapport au travail
En septembre, nous nous sommes mis à la recherche de participants…
Janvier 2018
L’animatrice rencontre Patrice, photographe, en entretien compréhensif. Patrice est passionné par les métiers, dans leur ensemble, et par les maîtres-artisans particulièrement. Il va d’atelier en atelier pour les photographier et documenter leur art dans un blog, Les miroirs de l’ombre.
Intarissable sur les métiers des autres, il a par contre du mal à parler de lui.
Premier à s’être intéressé au projet, Patrice ne sera pas le plus assidu lors des rencontres du groupe. En effet, il est le seul à avoir un travail à temps plein et le cumul de son travail salarié et de sa passion pour la photographie lui laisse peu de temps pour nous rejoindre. Néanmoins, il suit notre travail par les compte-rendu des rencontres et sera présent lors des trois journées d’octobre.
Le deuxième entretien individuel sera celui de Margaux, qui a travaillé quelques mois au balayage de rue pour Bruxelles Propreté. Artiste performeuse, Margaux pose un regard original sur son métier, à la fois critique, poétique, passionné et amusé. La retranscription de cet entretien, retravaillée ensuite par Margaux elle-même, fera plus tard l’objet d’un article dans les Nouvelles de La Fonderie.
A la fin du mois de janvier, nous rencontrons Léon. Il est venu témoigner de l’utilité des petits métiers mal considérés mais qui, pour lui, sont d’une importance capitale : infirmières, éboueurs, métiers manuels… Il tient à dire toute son admiration pour ces gens. Alors qu’il estime avoir participé au mieux au projet ce faisant, l’animatrice lui demande quel est son métier à lui. Il est fonctionnaire de l’Etat, et fut un temps contrôleur des impôts. Alors qu’il ne l’avait pas du tout prévu, Léon deviendra notre porte-drapeau pour l’utilité des métiers touchant à la récolte des impôts.
Le lendemain ; nous rencontrons Michel, artisan-carreleur passionné par son métier et par tous les métiers touchant à la construction et à la restauration. Michel sera longtemps l’un des principaux moteurs du groupe, alimentant régulièrement la page Facebook dédiée au projet, venant à chaque rencontre avec des propositions. Mais à partir de mars 2019, il ne vient plus aux rencontres et ne donne plus aucune nouvelle. Malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé de traces de lui. Jusqu’au bout, nous avons regretté son absence.
Février 2018
Une animatrice d’Infor-femmes contacte l’animatrice du groupe. La similitude de nos deux projets nous convaint de l’intérêt de faire se rencontrer les deux groupes. Il faut néanmoins attendre un peu : le groupe «Nos métiers» n’est pas encore tout à fait formé et le groupe d’Infor-femmes finalise un outil qui sera apprécié lors de la rencontre entre les deux groupes.
Mars 2018
Dominique, surveillante d’école maternelle, rejoint le groupe. Elle n’assistera néanmoins qu’à 3 ou 4 rencontres car son emploi du temps change et ne lui permet plus de consacrer du temps au groupe.
Peu après Dominique, c’est Mohamed qui vient gonfler nos rangs. Ouvrier polyvalent et clarckiste, Mohamed a aussi longtemps été délégué syndical. Il peut parler de ses diverses expériences pendant des heures et est intarissable sur les droits des travailleurs et l’égalité hommes-femmes au travail. Mohamed n’est pas le plus assidu lors des rencontres et, malheureusement, il sera à l’étranger lors des trois journées d’octobre. Néanmoins, il a beaucoup apporté au groupe et nous lui en sommes reconnaissants.
Mai 2018
C’est la première fois que les membres du groupe se rencontrent. Ils vont commencer à « faire groupe ». Léon, Michel et Mohamed sont présents, les autres n’ont pas pu venir. Les discussions vont bon train et on sent très vite une certaine cohésion entre les personnes présentes.
Lors de cette rencontre, l’animatrice demande aux participants de réfléchir à la rédaction d’un texte fondateur du groupe, dont elle propose les points forts et fédérateurs qu’elle a collectés en se basant sur les entretiens individuels.
Nous décidons que le groupe restera ouvert à de nouvelles personnes jusqu’à ce que la production de l’outil final (dont nous ne connaissons pas encore la nature) soit trop avancée pour intégrer de nouveaux membres.
Ils se connaissent à peine et déjà rencontrent un autre groupe : chez Infor-Femmes, une association anderlechtoise, un groupe de femmes a également pris pour thème « le travail ». Elles sont allées rencontrer des travailleuses et les ont interrogées. Elles ont également débattu entre elles de l’importance du travail. Aujourd’hui, elles viennent en débattre avec nous et les sujets de conversation sont aussi divers que passionnés : les syndicats et les mécanismes de solidarité : historique, par qui ? Pour qui ? Pourquoi ? ; se former : au sein de collectivités ou par l’obtention d’un diplôme ; femmes et travail, travail salarié, travail ménager ou familial, égalité hommes/femmes ; robotisation et disparition du travail… On se quitte ravi de la rencontre.
Juin 2018
Ensemble nous travaillons sur un texte fondateur du groupe. Au final, ça donnera ceci :
Nous qui pratiquons des métiers manuels ; nous qui sommes balayeur de rue, carreleur, clarckiste… mais également surveillante d’école, photographe, contrôleur des impôts, délégué syndical ou animatrice… ; nous qui avons l’impression de vivre des mutations de nos conditions de travail ; nous qui pratiquons des métiers peu valorisés mais qui en sommes pourtant fiers et convaincus d’être utiles à la société… Nous ne sommes pas des clichés.
Nous travaillons ensemble à produire sous une forme concertée quelque chose qui vous fera réfléchir à nos conditions de travail et à la façon dont vous pouvez contribuer à les améliorer.
Nous nous réunissons pour parler de nos métiers, échanger nos expériences avec pour objectif, entres autres, la valorisation de ces métiers.
Ceci prendra la forme d’une pièce de théâtre, une exposition, un livre, un reportage photo ou vidéo… Peu importe, mais le résultat devra être percutant et marquer les esprits.
Pour plus de respect, d’échanges, de reconnaissance ; pour mettre en avant les savoir-faire et savoir-être présents derrière nos métiers ; pour plus de bienveillance et de compréhension ; pour moins d’injustice et d’inégalité, de mépris ou de pitié ; pour faciliter la transmission ; pour changer les mentalités… Pour changer la société ?
Nous déterminons également un ensemble de sujets à mettre en débat dans le groupe :
universels, sujets de société
le travail qui disparaît parce que donné à faire au citoyen (banque, poste…)
retour vers l’histoire pour documenter le présent
élitisme, tendre vers l’excellence
temps de travail
l’Europe (comparer Belgique et autres pays)
garder pour fil conducteur NOS MÉTIERS (les métiers présents dans le groupe)
Nous nous renseignons enfin sur le principe de la bibliothèque vivante et envisageons quelque chose de ce type pour rencontrer un public que nous n’avons pas encore défini.
Un brainstorming a lieu sur les différentes formes que pourrait revêtir notre outil de valorisation final. Les idées fusent. Nous notons tout.
Juillet 2018
Sur le conseil de Michel, nous allons visiter l’exposition Humans of construction à Saint-Géry, envisageant un temps d’exposer quelques portraits à La Fonderie…
Nous réfléchissons à la meilleure façon de rencontrer le public.
Une ancienne institutrice Freinet, Deniz, rejoint notre groupe. Très assidue, Deniz ne manquera jamais par la suite de nous amener des sujets de réflexion et de débat. Elle sera aussi à l’origine de plusieurs ateliers lors des trois journées d’octobre.
Lors de notre rencontre mensuelle, nous décidons de créer une page Facebook qui sera dédiée au projet. Nous espérons qu’elle amènera de nouveaux membres dans le groupe… ce qui ne sera jamais le cas malheureusement.
Nous décidons de lister une série de clichés sur les métiers pour la rencontre de septembre. Nous ne sommes pas encore certains de la façon dont nous utiliserons cette liste…
Un nouvel entretien individuel a lieu : Marylin est psychologue mais a longtemps été intérimaire, notamment en secrétariat, au début de sa carrière. Elle a beaucoup à dire sur le travail intérimaire. Néanmoins, elle est en train de monter son asbl et ne reste que peu de temps dans le groupe. C’est pour la bonne cause puisqu’à partir du moment où son asbl voit le jour, elle s’y consacre entièrement.
Septembre 2018
L’animatrice du groupe rencontre Serge, ex-gendarme et policier, ayant une vision très sociale de son métier. Serge intègre le groupe et y restera jusqu’au bout, participant avec bonheur aux journées d’octobre.
Bernard est le dernier à rejoindre le groupe. Il est photographe professionnel, indépendant, et est particulièrement intéressé par les rencontres en elles-mêmes.
Octobre 2018
Nous visionnons ensemble une série de courts métrages d’étudiants qui alimentent nos débats. Peut-être pourrions-nous en diffuser quelques-uns publiquement ?
Ça y est, nous savons enfin qui sera notre public. Nous visons large : il y aura une journée consacrée aux écoles primaires et secondaires, une journée consacrée aux associations et une journée pour le grand public, durant le weekend.
Cette rencontre d’octobre est particulièrement propice aux prises de décision : insatisfaits depuis un moment du titre initialement donné à notre groupe et à notre projet (Nos métiers), nous choisissons un titre plus clair : Ces métiers qui sont les nôtres. En effet, trop souvent, lorsque nous disions « Nos métiers », les gens à qui l’on en parlait entendaient « No métier »… Juste l’inverse de ce que nous voulions porter comme message !
Nous aimerions organiser nos trois journées en septembre, voire en octobre. Nous déciderons des dates le mois prochain.
Nous aimerions exploiter les retranscriptions des entretiens individuels de chacun… mais comment ?
Nous aimerions tourner des capsules vidéo sur chacun de nos métiers. Mais avec quel budget ?
Beaucoup d’autres idées sont émises durant cette rencontre mais nous ne sommes certains que d’une chose : nous désirons faire participer le public et ne pas proposer d’activité auxquelles ils assisteraient passivement.
Novembre 2018
Le groupe a envie de dépasser cette notion de métiers peu ou mal valorisés, à mauvaises réputation. Ils trouvent qu’ils peuvent être fiers de leurs métiers et n’ont plus envie de porter ce message négatif. C’est décidé, les 3 journées ouvertes au public seront ouvertes à tous les métiers. Durant ces trois jours, nous essaierons de prouver qu’un métier vaut avant tout par celui qui l’exerce…
Durant ce que nous appelons désormais « les 3 jours d’octobre », nous proposerons des ateliers interactifs à nos publics. Aujourd’hui, nous choisissons le premier de ces ateliers : nous encouragerons les visiteurs à nous laisser l’arbre généalogique des métiers dans leur famille. Ça peut être intéressant de voir comment et si les métiers se transmettent de génération en génération. Nous commençons d’ailleurs par remplir nos propres arbres.
Janvier 2019
Plusieurs d’entre nous ont ou ont eu des rapports avec les métiers de la propreté publique. Pourquoi ne pas en faire une exposition ? La personne « phare » serait évidemment Margaux. Nous l’encourageons tous à monter son expo.
Deniz nous raconte une activité qu’elle a un jour mise en place dans sa classe, pour prouver que l’on n’a pas toujours « la gueule de l’emploi ». L’atelier des visages vient de naître.
Après avoir lu les entretiens individuels de chacun-e, après s’être conseillés mutuellement, nous mettons chacun-e la touche finale à notre texte, notre « portrait », afin qu’il puisse être mis en ligne par l’animatrice du projet.
Février 2019
Sur une autre idée de Deniz, nous commençons à construire l’atelier des salaires, une activité destinée à faire réfléchir adultes, ados et enfants au rapport entre le travail effectué et les salaires qui en découlent.
Nous peaufinons et testons l’atelier des visages, tout en faisant évoluer le reste de la programmation. Lentement, mais sûrement…
Mars 2019
Bernard nous propose de participer aux trois journées avec deux de ses reportages photographiques. L’un d’eux sera projeté, l’autre sera exposé.
Une animation permet à chaque membre du groupe présent ce jour-là d’imaginer un blason, une fiche d’identité, un document revendicateur sur son métier. Ce blason, une fois mis en forme par la graphiste de La Fonderie, accompagnera les membres du groupe durant les trois jours d’octobre et pourra servir de base de discussion avec le public.
Nous imaginons également mettre sur pied un atelier d’écriture ainsi qu’un dispositif de recueil de témoignages des visiteurs pour octobre prochain.
Enfin, l’animatrice annonce au groupe que l’équipe de La Fonderie a décidé de donner « carte blanche[i] » à Margaux pour son exposition Journal de rue et d’exposer un reportage de photos de Patrice sur le site extérieur dès cet été, et jusqu’aux 3 journées d’octobre.
C’est en mars que Margaux rencontre l’équipe « expositions » de La Fonderie pour l’aiguiller dans la réalisation de l’expo Journal de rue.
Avril 2019
Margaux anime pour les autres membres du groupe qui le souhaitent un atelier autour de la réalisation du blason.
L’animatrice prend contact avec Bruxelles Propreté dans l’espoir de développer un partenariat autour des trois journées d’octobre.
Nous envisageons une balade dans le quartier de La Fonderie en compagnie de Bernard, pour le public des 3 journées d’octobre, à la recherche de sujets à photographier représentant des métiers.
Juin 2019
Nous commençons à envisager la promotion de nos 3 journées. Mais pour pouvoir les promouvoir, il faut commencer par arrêter définitivement la programmation. Nous nous y attelons.
La graphiste est maintenant devenue une partenaire privilégiée du groupe et nous lui demandons plusieurs travaux.
C’est également durant ce mois de juin que l’exposition de Patrice est inaugurée. Les membres du groupe sont invités à participer à cette inauguration.
Juillet 2019
Notre programmation est désormais définitive, ce qui nous permet d’avancer sur les moyens de la promouvoir.
Bruxelles Propreté est officiellement partenaire des trois journées d’octobre. Très intéressée par le travail de Patrice et Margaux, l’équipe nous a notamment promis de nous envoyer des travailleurs (balayeurs et collecteurs) durant nos trois journées d’octobre.
Nous testons et peaufinons l’atelier des salaires.
Août 2019
La rencontre du mois d’août est entièrement dédiée à la communication des journées « Ces métiers qui sont les nôtres ».
Nous testons ensemble l’atelier des visages.
Septembre 2019
C’est la dernière rencontre de l’ensemble du groupe avant notre événement. Nous passons en revue toutes les activités prévues et nous assurons que chacun-e connaît son rôle, son horaire, et le matériel dont il-elle aura besoin.
Une personne est venue de Bruxelles Propreté discuter avec nous de la meilleure façon d’intégrer leurs travailleurs dans notre événement.
Nous réalisons une vidéo présentant deux reportages photo de Patrice et Bernard, à intégrer au musée lors des 3 journées d’octobre.
Octobre 2019
Après deux ans de travail, nous y voilà enfin ! Les trois journées d’octobre ont été tour à tour : épuisantes, enthousiasmantes, chargées, vides de public, propices aux discussions, difficiles à gérer, etc etc.
Le jeudi, journée consacrée aux écoles, a vu s’inscrire pas mal de classes, principalement de secondaire. Les ateliers et rencontres se sont très bien déroulées excepté avec deux classes plus difficiles que les autres. Les enseignantes de ces deux classes sont reparties insatisfaites, voire très mécontentes. Conclusion : travailler avec des ados, ça ne s’improvise pas ! Nous en reparlerons durant notre évaluation.
Tout le monde sort de cette journée – particulièrement bruyante – très fatigué.
La deuxième journée est consacrée aux groupes associatifs. A nouveau, la plupart d’entre eux partent du musée ravis. Néanmoins, un groupe n’a pas vu ses attentes rencontrées et ses membres diront plus tard au responsable du groupe qu’ils se sont sentis mal accueillis.
Le samedi, nous attendons, en vain, le grand public. Monsieur et madame tout-le-monde ne sont pas au rendez-vous. Nous sommes déçus, mais pas fâchés de terminer plus tôt que prévu, parce que nous sommes tous épuisés.
Durant ces trois jours, nous avons récolté 66 arbres généalogiques des métiers. Certains groupes sont repartis avec leurs arbres.
Quelques jours après cet événement, nous envisageons déjà l’évaluation du projet dans son ensemble. Rendez-vous est pris pour le mois prochain.
Novembre 2019
Chacun-e a préparé soigneusement son évaluation et le tour de table est assez rapide. Dans l’ensemble, nous sommes très satisfaits du projet mais chacun y va de ses critiques, toujours très constructives. Un autre groupe, comprenant ou pas les membres actuels (certains sont prêts à continuer), bénéficiera de toutes les remarques enregistrées ce jour.
Lors d’un repas très convivial, nous nous disons aurevoir… et à bientôt.
Décembre 2019
Constatant qu’aucun document ne décrit l’ensemble du projet, l’animatrice décide de rédiger un rapport final.
A l’arrivée, des constats...
Plutôt positifs :
- les interviews compréhensifs individuels pratiqués au début du projet et retravaillés par chacun-e ensuite donnent de très beaux résultats > à refaire
- « l'année de débats et de réflexion a donné beaucoup de choses intéressantes. Il m'a fallu un an pour installer véritablement le groupe. Pendant cette année-là, il était difficile de construire quelque chose parce qu'il y avait toujours des gens qui venaient s'ajouter. Un an pour construire le groupe puis un an pour construire le projet, il me semble que c'est un timing correct » (l’animatrice du groupe, durant l’évaluation du projet par le groupe)
- Nous avons porté une question (qu’est-ce qu’un métier ? Est-on défini par son métier ?) de façon collective, nous avons formé un « nous »
- Le fait d’avoir dû s’adapter au changement de point de vue du groupe sur le projet (passer de métiers mal perçus au fait qu’un métier est ce qu’en fait son praticien) a été très intéressant pour l’animatrice en termes de dynamique de groupe et d’animation. Il est important de laisser beaucoup de liberté au groupe tout en le cadrant suffisamment pour l’aider à avancer. « A ce moment, j'ai dû prendre un virage assez serré pour changer d'optique. J'ai essayé de le faire avec vous et ne pas vous maintenir dans la direction que j'avais prise au départ. C'était une expérience intéressante pour moi : suivre ce que vous aviez envie de faire plutôt que ce que j'avais projeté. » (L’animatrice du groupe, durant l’évaluation du projet par le groupe)
- Très vite, les sujets de discussion du groupe ont dépassé les limites des métiers en présence pour parler du travail en général. Les débats ont été très riches et ont duré pendant plus d’un an. Il a cependant fallu re-concentrer les discussions à l’approche des journées d’octobre. « Pour moi, toute cette expérience était très positive : je me suis retrouvé avec des gens qui avaient quelque chose à dire, le groupe était vraiment très intéressant. Et j'en conclus qu'un balayeur, ce n'est pas qu'un balayeur. Entre le balayeur et n'importe qui d'autre, celui qui ne mérite aucune considération est celui qui jette, pas celui qui balaie ! » (Mohamed, durant l’évaluation du projet par le groupe)
- La dynamique de groupe était toujours bonne, souvent excellente. Même si les participants étaient parfois peu nombreux[ii], nous avancions toujours et l’animatrice faisait alors rapport à l’ensemble du groupe, après la rencontre, de ce qui y avait été dit
- Durant les trois journées d’octobre, des résultats tangibles ont été obtenus, tels ces élèves qui sont repartis en ayant compris à quoi servent les impôts (et donc les contrôleurs d’impôts) ou ces femmes décidées à prendre en main leur destin et à faire ce qu’elles avaient envie de faire après avoir discuté avec Margaux…
- « L'animation parcours de nettoyage était très bien. Mettre les gens en situation, c'est une bonne idée. Et puis c'est chouette que ça se fasse à LF qui est un lieu que j'aime beaucoup pour son atmosphère, son cadre et tout ça. » (Léon, durant l’évaluation du projet par le groupe)
- « Ce que je trouve précieux, c'est le presque travail d'archivage du futur c'est à dire que moi je suis très contente quand je vais au centre doc du musée de lire l'interview de la première femme surveillante à Bxl Propreté dans les années 80-90. Et je trouve que ce travail qu'on a fourni, dans 50 ou 60 ans, peut-être même avant, sera précieux. Ce sera une perception d'un travail il y a longtemps. Le travail d'archivage, je le trouve précieux pour le futur. » (Margaux, durant l’évaluation du projet par le groupe)
Mais pas toujours :
- Nous aurions aimé plus de rencontres comme celle qui a eu lieu avec le groupe de femmes d’Infor-femmes
- Nous aurions dû avoir un budget plus important pour nous permettre d’expérimenter d’autres choses, comme par exemple une pièce de théâtre
- La page Facebook dédiée au projet a été trop peu alimentée, n’a pas attiré de nouveaux participants et était très peu vue
- Malgré notre volonté de le faire, nous n’avons jamais su attirer des jeunes gens en activité dans le groupe (excepté Margaux). Les rencontres étaient pourtant programmées sur base des disponibilités de tous (via un Doodle) et l’animatrice veillait à proposer aussi bien des soirées ou des jours de weekend que des jours de semaine
- Durant les journées d’octobre, les problèmes rencontrés avec deux classes de secondaire ont donné lieu à des échanges ente l’animatrice de « Ces métiers… » et l’une des enseignantes. En voici un extrait : « Je suis sûre que nos élèves aussi en ont retiré des choses utiles pour leur réflexion, juste que dans l'instant c'était très compliqué pour nous, ce sont des élèves qu'il faut "tenir" en alerte tout le temps sinon ils s'engouffrent dans la moindre faille pour faire autre chose. ». Suite à ces problèmes, il est apparu lors de l’évaluation qu’il valait mieux, à l’avenir, ne pas s’adresser aux écoles pour ne plus risquer ce genre d’ennuis.
- L’atelier des visages tel qu’animé pendant les trois journées d’octobre n’a pas amené suffisamment de fond et de matière à réflexion pour les groupes auxquels il a été proposé. Certains groupes s’en sont emparés après l’événement, d’autres pas
- Durant l’événement, l’animatrice du groupe aurait dû se contenter de coordonner les activités et ne pas animer d’atelier. Coordination et animation ne sont que très difficilement compatibles
- Il faut éviter de programmer des activités à destination des groupes associatifs le vendredi. En effet, le vendredi après-midi, il n’y a quasiment pas de cours, de formations ou de rencontres prévues par les associations
- Les débats n’ont fonctionné avec aucun public. L’animatrice du groupe n’est pas compétente pour les animer et le groupe n’a pas pris le relais. C’est une forme qui n’intéresse ni les écoles, ni le public associatif. A la place, prévoir plus de rencontres entre un « métier » et un groupe. Le public associatif venait vraiment dans l’intention d’entendre parler d’un ou plusieurs métiers en particulier. Cette attente n’a pas suffisamment été rencontrée
- L’atelier des salaires n’a pas séduit sur base du programme et peu de groupes s’y sont inscrits. Pourtant, il a très bien fonctionné avec les groupes inscrits > comment le « vendre » mieux ?
- « De façon très générale et globale, je pense que ce à quoi je dois m'atteler pour un potentiel prochain groupe, c'est de toujours bien rappeler pourquoi on fait les choses. Avec vous, je me suis rendu compte que de réunion en réunion, vous oubliiez pourquoi on avait décidé de faire telle ou telle chose, dans quel esprit on avait développé telle ou telle activité... C'est arrivé à plusieurs reprises. Et pendant les trois journées d'octobre, vous n'êtes pas toujours revenus à la source du projet donc dans les ateliers - mais c'est normal parce qu'on est dans l'action et que c'est difficile d'être à la fois dans l'action et dans la réflexion - vous n'avez pas expliqué au public pourquoi nous avions décidé de faire tel ou tel atelier, ou telle ou telle rencontre. Il va donc falloir que je veille à toujours revenir sur ce qu'on a fait précédemment, pourquoi et comment on l'a fait. Vous me donniez parfois l'impression de penser que c'était moi qui avais tout construit alors qu'en fait, tout a été construit ensemble. Il faut donc que je travaille sur le fait de toujours bien rappeler au groupe que tout est issu de lui, pour que vous gardiez la maîtrise des choses. » (L’animatrice du groupe, durant l’évaluation du projet par le groupe)
- Le format d’une heure par atelier n’était pas toujours adéquat, cela ne laissait pas le temps d’aller au fond des choses, d’encourager les participants à réfléchir. Une heure et demie aurait parfois été préférable
« Je suis arrivé ici avec une certaine incertitude. Je ne savais pas très bien à quoi on participait, quelle était la finalité du projet. Si ce n'est qu'on se penchait sur la question des métiers et que nous nous sommes rencontrés les uns les autres. J'ai trouvé super positive cette idée d'être en lien avec d'autres métiers. C'est une question essentielle. C'est neuromoteur, quelque chose qui nous fait tenir ensemble et auquel on n’est pas souvent amené à réfléchir. Qu'on y réfléchisse en venant de différents métiers, j'ai trouvé ça super. Sans très bien savoir où ça allait, ce que j'ai appris au passage c'est que finalement, le métier ou la fonction, on peut la décrire de toutes les manières qu'on veut, en réalité, c'est la personnalité de chacun qui est la chose importante, c'est l'interprétation, un peu comme un chanteur ou un acteur, c'est son interprétation qui est vivante, qui a une valeur. Les autres pourront dire que c'est un bon ou un mauvais acteur juste après l'avoir vu à l'oeuvre. On redonne une place au vivant, à l'identité, là où le métier ou la vie en société peut aussi nous déshumaniser. C'est l'expérience qui fait de nous ce qu'on est, le métier à travers nous. Du coup, j'avais presque envie d'aller plus loin sur cette idée-là.
Comment sommes-nous déterminés ? L'éducation et la scolarité nous orientent et parfois, on se retrouve embarqué pour une vie et on peut avoir loupé... ne pas avoir pris la bonne entrée et si on doit se repencher sur comment choisir son métier, il y a lieu de s'écouter, de se connaître les uns les autres, de rester curieux, d'aller retrouver ce qui rend soi et notre essence, ce pour quoi on serait fait. C'est une question philosophique, existentielle, poétique qu'on se pose tout au long de notre vie: à quoi je sers ? Est-ce que c'est bon ce que je fais ? Moi, c'est cette dimension très intime qui m'a intéressé dans la rencontre des uns et des autres. En général, on use les uns des autres, on va au guichet, on a à faire à une caissière... on vient pour la fonction, le service, on est tous des prestataires de services et on ne demande pas toujours qui on est. Mais c'est redonner de la place à l'individualité, à l'histoire personnelle, aussi aux potentialités même non verbales de quelqu'un.
J'ai appris plein de choses, j'ai dépassé moi-même mes a priori. Un policier, ça peut être un amour d'homme, une balayeuse peut être une poète et une artiste etc. Et même au-delà, on ne s'est pas toujours vu suffisamment et pris du temps donc je ne sais pas très bien finalement quel métier ils faisaient. Le carreleur a disparu en cours de route. J'ai trouvé intéressant qu'on se retrouve au-delà des affinités et des directions choisies. Les personnes rencontrées, au-delà de la question des métiers, et à travers cette question, c'était vraiment intéressant : pouvoir rencontrer l'autre. Moi, mon métier, c'est aussi pour ça que je le fais : je ne sais pas qui je vais rencontrer, à qui je vais avoir à faire. »
Bernard, durant l’évaluation du projet par le groupe