Conseils pratiques

Du bonheur de pailler…

Vous qui aviez l’habitude de désherber, arroser, traiter, biner et bêcher vos massifs, pieds d’arbres et de haies ou votre potager, cette époque est désormais révolue ! Découvrez le bonheur du paillage et le plaisir de troquer le travail que vous demandait l’entretien de votre jardin contre la préparation de cet or brun naturel qui transforme la terre la plus ingrate en un sol fertile et vivant !

Le paillage késako ?

« Une méthode anti-extrême » selon Stéphane Loriot animateur du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et jardinier « paresseux » comme il aime à se présenter, mais surtout, adepte inconditionnel de la litière de sol qui utilise non pas de couteuses pouzzolane, paillette de lin, écorce de pin, cacao ou coco... mais les ressources du jardin dont il répand les vertus et plébiscite l’usage en toutes occasions car elles permettent d’entretenir ses plantations de manière autonome, de limiter les allers-retours en déchèterie, de devenir (dans ce domaine au moins), un champion de la filière courte et de faire de substantielles économies en eau, en espèces sonnantes et trébuchantes et en temps.

Transformer les déchets en ressources

Donc plus question de considérer vos tailles de haie et d’arbres, vos feuilles et branches mortes, ronces, mauvaises herbes… comme de vulgaires « déchets verts » car quelle que soit leur nature elles peuvent se transformer, se recycler, se valoriser sur place !

Les branches d’élagage ( diamètre maximum 7 à 8cm) , bois morts, coupes d’arbres, rameaux de feuillus et de résineux (encadré) peuvent en effet être broyés et transformés en BRF (Bois Raméal Fragmenté) à l’aide de broyeurs. Si vous faites appel à un professionnel assurez-vous qu’il peut broyer les branches et vous laisser le BRF. Vous pouvez également acheter ou louer un broyeur individuel ou adhérer au collectif « Jardin vivant » qui peut mettre du matériel à votre disposition selon certaines modalités.

Les jardiniers peuvent aussi fabriquer leur propre paillage sous réserve d’être bien équipés : paire de gants en cuir de préférence, sécateur de bonne qualité, coupe-branches télescopique (privilégier l’aluminium). Débités en bâtonnets de 10 ou 20 cm, lierre, ronces (1), sureau, troène, charmille, buddleia, fougère (2)… rien ne se perd tout peut se transformer en paillage. De même, les feuilles mortes (y compris les feuilles de chêne)(encadré), les herbes folles, les orties et les brindilles peuvent également servir au paillage du jardin et la tonte des pelouses constituer une couverture protectrice au pied des haies.

Les avantages du paillage

Une couche de 10 cm de paillage autour des plantations permet pendant un ou deux ans de limiter l’arrosage par temps sec de 70%, de garder un sol frais par temps chaud, d’absorber l’eau en excès par temps trop pluvieux, d’isoler le sol d’un gel excessif, de contenir la prolifération des plantes sauvages, de créer une symbiose mycorhizienne (3) protégeant les racines des attaques pathogènes, de fabriquer par l’intermédiaire du mycélium (4), de la microfaune, des lombrics et un humus déjà en place pour un sol tendre et régénéré. Pensez à rapporter régulièrement du paillage pour maintenir les 10 cm car avec le temps et la décomposition de la couche en contact avec la terre il perd en épaisseur et donc en efficacité protectrice et nourricière.

Zéro phyto grâce au paillage

Si pailler permet de fabriquer un jardin autosuffisant il permet aussi d’obtenir des végétaux en bonne santé sans utiliser de produits phytosanitaires (y compris biologiques) délétères pour la terre et les auxiliaires. En effet, les désherbages chimiques répétés fragilisent la terre et peuvent induire des résistances des mauvaises herbes et des parasites qui deviennent de plus en plus difficiles à détruire. Ils ont des effets indésirables sur des hôtes utiles comme les vers de terre qui participent à la décomposition des déchets végétaux et des feuilles mortes et par conséquent, à la fertilisation des sols. De même, certains insecticides dirigés contre des espèces nuisibles tuent des insectes utiles pour les jardins (coccinelles mangeuses de pucerons, abeilles et papillons utiles pour la pollinisation). En outre, par infiltration ou ruissellement ils polluent les eaux de surface et les nappes phréatiques… Choisir le paillage c’est choisir de tourner résolument le dos aux produits « phyto », abandonner la culture du « jardin à la française », bien propret et taillé au cordeau pour un jardin plus naturel et plus riche en biodiversité. « Une pelouse qui monte en graine abrite des criquets et des sauterelles qui sont d’excellents régénérateurs de sol, explique Stéphane Loriot. Les herbes hautes laissées ici et là permettent l’installation de vers luisants dont les larves sont des prédateurs redoutables des limaces et des escargots. Mais il faut aussi savoir que les traitements à base de purin d’ortie ou de tabac déciment les auxiliaires alors que le paillage les préserve et facilite leur travail ». Autrement dit, à vouloir trop domestiquer nos jardins nous les rendons stériles en retirant à la nature son pouvoir d’autorégénération et lui retirons ses capacités intrinsèques à se défendre. « Vouloir éradiquer toutes les maladies est une erreur, poursuit Stéphane Loriot. Les plantes doivent comme les humains développer leur système immunitaire en se confrontant aux germes pathogènes et les soumettre à trop de traitement c’est les exposer à des résistances comme il en existe chez l’homme notamment vis-à-vis des antibiotiques ». Autrement dit, laissons faire la nature, cessons de vouloir lui imposer notre dictat et redécouvrons par le paillage le bonheur de redonner vie à la terre. Avec le compostage et la récupération de l’eau de pluie, le paillage forme le trio gagnant d’un jardin beau, bio et autosuffisant. A vous de jouer.

(1) Comme le lierre, la ronce marcotte de son vivant mais ne bouture pas une fois coupée

(2) le paillis de fougères est particulièrement recommandé sur les fraisiers

(3) La mycorhize est un champignon associé par symbiose aux racines d’un végétal

(4) Le mycélium est formé d’un ensemble de filaments, plus ou moins ramifiés qui sécrètent des enzymes permettant de décomposer la matière organique même très résistante (bois par exemple). Il contribue à augmenter l’efficacité de l’absorption de l’eau et des nutriments des plantes.

Le paillage de résineux et de feuilles de chênes c’est possible

Même s’il fonctionne mieux la deuxième année car les molécules acides de la résine diminue la petite faune du sol et le mycorhize et mettent un an pour s’évaporer, le paillage de résineux a fait ses preuves dans les jardins publics parisiens car c’est un paillage longue durée efficace qui limite durablement l’apparition d’adventices et l’intervention du jardinier. Quant aux feuilles de chênes, également plus longues à se décomposer, les sous-bois de la forêt de Rambouillet riches en humus odorant sont la preuve qu’avec un peu de patience elles peuvent parfaitement être utilement recyclées en paillage.

Quantité : 10m3 de branches vont donner environ 1m3 de broyat (BRF) à étaler entre 1 à 10 cm d’épaisseur, soit 10 à 100m2 de terrain.

Epaisseur 10 cm pour pieds d’arbre, 5 à 10 cm pour préparer à la culture un terrain en friche, 1 à 5 cm pour couvrir un sol déjà préparé au moins 3 à 4 mois avant plantation. Ne pas utiliser sur semis, ni sur pommes de terre. A écarter avant repiquage et remettre en place dès que les pousses sont assez vigoureuses.

Il n'est plus nécessaire de bêcher, ni retourner la terre au motoculteur( ce qui détruit la macrofaune), il faut juste en ajouter un peu de BRF à chaque automne pour compenser celui qui s’est décomposé.

Remarques : le broyat de branches mortes est carboné et contient peu d’azote nécessaire à la vie des plantes. Idéal pour pailler des allées, mais peu efficace pour les plantations.

Pour pailler des plantations, il faut soit ajouter de l’azote ou engrais vert, soit broyer des rameaux verts et bien pourvus de feuilles qui contiennent de l’azote.

Idéalement ne pas stocker le BRF, il perd rapidement son azote, il faut le répandre dès la fin du broyage.

Ne pas incorporer le BRF dans le sol (sauf griffage en surface). Il doit se décomposer en surface. Pour un résultat optimum, il est souhaitable d'ajouter du compost (1 à 5 cm) sur le sol et sous le BRF.

Nota : il est aussi possible de composter le broyat obtenu ou de l’ajouter à votre compost.

Attention : les limaces risquent de se plaire dans le paillage la première année, mais la vie de la macrofaune commence à se réguler la 2è année.

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Voir les articles suivants:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bois_raméal_fragmenté

http://www.parc-naturel-chevreuse.fr/new-life-starts-here/habitat-et-jardin-jardins-au-naturel/un-broyeur-pour-tous

http://www.parc-naturel-chevreuse.fr/une-autre-vie-sinvente-ici/habitat-et-jardin-jardins-au-naturel/litiere-ou-paillage

http://www.parc-naturel-chevreuse.fr/une-autre-vie-sinvente-ici/habitat-et-jardin-jardins-au-naturel/guide-eco-jardin