Quelques extraits


« Vouloir nous brûle

et pouvoir nous détruit.

Je n’ai jamais rien désiré.

j’ai tout attendu. »

Honoré de Balzac

dans "Peau de chagrin"


Prologue

(…)

La science des hommes serait-elle en train d’entrouvrir la porte d’un Au-delà qui nous dit tout, mais que nous ne voulons pas entendre ? Cette science osera-t-elle un jour regarder par le trou du big bang ? Ou bien, pour satisfaire au scientifiquement correct, se contentera-t-elle toujours de professer que l’Univers est né, sinon de rien, car cela pose une question philosophique insoluble, mais de « presque rien ».

Pour le savoir, j’ai engagé le dialogue avec Prométhée, l’un de ces ordinateurs du futur dotés d’intelligence dite artificielle. Est-ce parce que le robot prétend dérober à Dieu l’intelligence confiée à l’Homme, comme Prométhée a voulu dérober à Zeus le feu pour le donner aux hommes, que je j’ai nommé ainsi ?

Ce livre n’est pas un manuel de vulgarisation, même si j’ai lu et relu des étagères d’ouvrages de philosophes et de scientifiques, spiritualistes ou positivistes, croyants ou athées ; même si j’ai écrit quatre ouvrages sur le sujet. Un éminent scientifique a bien voulu m’écrire :

D’une certaine façon, vous marchez sur les traces du célèbre ouvrage de Georges Gamow "M. Tompkins au pays des merveilles", la référence en matière de roman de vulgarisation scientifique.

J’ai seulement voulu admirer l’œuvre d’art qu’est l’Univers pour en comprendre le sens caché. C’est cela que je vous propose que nous fassions ensemble. Alors, trouverons-nous, peut-être, la réponse à cette question tant entendue : « Je me demande ce que je fais là, dans un monde à l’agonie ».

(…)

Le temps des mystères

(…)

— Dis-moi encore, Prométhée, qu’est-ce que le présent ? Comment expliquer ce qui n’est plus, dès qu’on en parle ? Car il n’y a pas de place entre le temps passé qui n’est plus, et le temps futur qui n’est pas encore, pour y loger le présent. Comment concevoir un présent qui n’est jamais, puisque sitôt sorti du passé, il est déjà futur ?

(…)

Après un long silence, l’ordinateur répondit :

— Tu l’as dit. Je n’ai pas trouvé d’instant présent dans ma mémoire. Il n’existe pas.

— Puis-je pourtant te suggérer une idée à mettre dans ton intelligence artificielle ? L’instant présent, sans dimension, ne serait-il pas l’éternité d’un Tout bien réel, mais invisible, qui nous serait révélé amputé de sa dimension de Tout en Un. Je m’explique, ce présent ne serait-il pas une sorte de souvenir d’un monde passé ? Je crains que, pour contrer cette vision du temps qui fait appel à l’existence d’un monde hors du temps, et donc amène à la question : d’où vient ce monde, le matérialisme prudent ne préfère théoriser l’idée d’une fabrication intrinsèque du futur, présent après présent…

(…)

— Le "big bang", un jour, a tout mis en branle. Et, les vestiges de ce big bang, les astrophysiciens les ont décelés.

J’interrompis la machine :

— Voilà qui mérite qu’on s’y arrête ! Ainsi, il y a bien eu un commencement à l’Univers !

(…)

Bon voyage dans l’immense infime !

C’est très troublant : l’infiniment loin, donc infiniment petit, est tout autour de nous, et pourtant, nous le voyons infiniment grand !

— Attention au départ ! Prochain et premier arrêt : Proxima, dans la constellation de Centaure. Nous l’atteindrons dans 40.000 ans... C’était mon brave Prométhée qui m’offrait un voyage intersidéral artificiel à bord d’une fusée où, au lieu de compter les distances en kilomètres, on les comptait en années. On dit bien que l’épicier du coin est à cinq minutes ! Temps et espace se remplacent aisément pour mesurer les distances.

(…)

À chacun son présent

La machine tourna en silence quelques longues secondes, puis la voix synthétique de Prométhée reprit enfin :

— Il n’y a pas de présent dans la nature, ou plutôt il y a autant de présents que d’individus, disions-nous, ou bien encore, tout instant du passé ou du futur est le présent de quelqu’un. Chacun porte en soi son propre présent évanescent. Il n’y a pas de "présent" universel indépendant de la conscience humaine. L’univers, dès lors, n’est qu’un immense présent. Ton présent n’est pas le même que le mien parce qu’un espace nous sépare, donc un temps, car l’espace n’est que l’avatar du temps. Même si, proches l’un de l’autre, nos présents paraissent coïncider, jamais je ne pourrai entrer totalement dans ton présent, ni toi dans le mien.

(…)

Quand le temps s’enfuit dans l’espace…

L’intelligence "artificielle" de mon ordinateur ne se contentait pas d’accumuler le savoir historique des hommes, elle se tenait aussi au courant de l’actualité. O, l’on venait d’apprendre une intéressante nouvelle qu’il m’annonça :

— Le télescope spatial Hubble vient de révéler par la NASA une émouvante photo de l’espace. On y voit trois galaxies d’étoiles, de poussières et de gaz en train de se percuter et de fusionner. Elles se situent dans la constellation du Lynx, à 763 millions d’années-lumière de distance !

— C’est en effet bien loin, mais finalement dix-huit fois plus près que les 14 milliards d’années-lumière qui nous séparent du fameux big bang.

— Oui, mais cela veut dire que l’évènement de la collision des trois galaxies en question a eu lieu il y a 763 millions d’années, et que nous recevons seulement aujourd’hui l’image du spectacle ! On aurait tendance à penser que ce que montre le télescope est ce qui est aujourd’hui. En réalité, ce qu’il nous montre est une vieille photo de 763 millions d’années… À cet âge-là, l’Homme n’existait pas.

(…)

Nés, images de l’Esprit

— Rien ne peut sortir du néant, repris-je. Ceci n’est pas un dogme, car un dogme sous-tend toujours une affirmation de croyance. En disant cela, je ne crois à rien. Je me réfère seulement à la définition du néant : l’état d’inexistence. Comment l’inexistant pourrait-il devenir existant, tout à coup, de soi-même ?

— Le zéro, admit Prométhée, n’est pas de ce monde. C’est pour cela qu’il n’y eut pas d’année zéro dans notre calendrier. On ne peut compter ce qui n’existe pas. Pourtant, tout nous y conduit. On dit parfois que le zéro est l’inverse, le pendant de l’infini, autre cible que nul ne peut atteindre. Or l’infiniment grand aussi conduit au zéro du temps, donc de l’espace et de la matière, ce zéro d’où serait issu le big bang.

— Le zéro ne peut être la porte du néant, puisqu’à travers lui est entré le Tout. Mais, que tout semble provenir du zéro ne signifie pas que ce zéro soit l’origine. On sait cela depuis les Grecs, qui nous apprirent que rien ne peut naître de rien, même si certaines religions disent le contraire.

(…)

Ces drôles de particules

— À force de descendre les marches de l’infiniment petit, expliqua cette brave machine, l’homme de science est entré dans un monde étrange subatomique où, en dessous d’un niveau de petitesse infinitésimale, la matière file entre les doigts, ne laissant qu’une indéfinissable sensation de présence vibratoire. S’il cherche à saisir cette matière évanescente avec ses outils de détection de corpuscules subatomiques, alors il compte en effet des corpuscules infimes. Mais, s’il cherche à la piéger avec ses détecteurs d’ondes de vibrations, alors il décèle, cette fois, des vibrations et leurs interférences multiples.

— Cette matière serait les deux à la fois ?

— Oui, ou bien ni l’un ni l’autre. Vers 1800 un physicien anglais, Thomas Young bombarda de photons, c’est à dire en quelque sorte de ”grains” de lumière, un écran spécial qui permettait d’en dénombrer les impacts. Entre la source de photons et l’écran, il interposa un masque percé de deux fines fentes verticales. Il était logique d’imaginer que certains photons traverseraient l’une des fentes, que d’autres emprunteraient l’autre chemin, de sorte que leur impact dessinerait sur l’écran deux taches lumineuses verticales en regard des deux fentes. Eh bien en réalité, ce fut une multitude de raies verticales qui furent obtenues, alternativement lumineuses et sombres à la manière des codes barres. On appelle cela des raies d’interférences de vibrations. Les photons qui se montraient corpuscules au départ s’étaient transformés en ondes de vibrations en cours de voyage ! Et même si on les envoyait un par un, on les surprenait à passer par les deux fentes à la fois !

— Ne seraient-elles pas finalement, ces particules, ce que l’observateur veut qu’elles soient, questionnai-je ? S’il dit « ce sont des corpuscules de matière », et s’il choisit son appareillage de détection idoine, alors il trouve des corpuscules ? Mais, s’il dit « ce sont des ondulations du vide » et s’il cherche des ondes, alors il trouve des ondes ?

Alors, Prométhée sortit de sa gigantesque mémoire cette autre expérience :

(…)

"Big bang" et expansion de l’Univers

Or, comment peut grandir quelque chose qui n’a pas "d’autour" ?

(…)

Le fantôme de "l’avant-big bang"...

L’avant-big bang n’était donc pas le néant. Il était empli de tout ce qui allait naître, sous une forme immatérielle.

(…)

L’infiniment petit est infiniment loin !

L’infiniment petit est un milliard de fois plus éloigné de nous que nous ne sommes éloignés de l’infiniment grand.

(…)

L’expansion décryptée

L’œil rivé sur l’horizon cosmique qui s’éloigne, nous n’avons pas vu que, puisque rien ne peut grandir dans un dehors qui n’existe pas, c’est notre propre matière qui s’enfuit dans l’autre sens, vers son zéro.

(…)

Le grand retour

Quand chacun aura atteint son propre zéro matériel, s’ouvrira à ses yeux l’infini immatériel de l’Esprit.

(…)

Le zoom arrière cosmique

(…)

— Là bas, très loin, immensément loin au cœur de notre infiniment petit dont est issu notre univers matériel, le Tout originel nous attire à lui. Ces astres monstrueux que nous regardions précédemment s’enrouler dans un espace qui grandissait entre eux, mais dans rien, nous apparaissent, dès lors, de plus en plus lointains, de plus en plus petits, tournoyant dans un espace libéré par leur effondrement sur leur propre infiniment petit de matière. Comme dans un coup de zoom cosmique, les distances s’allongent parce que l’instrument de mesure se contracte. La masse manquante n’est plus nécessaire pour expliquer ce coup de zoom arrière. C’est la dynamique de l’implosion sur l’immatériel qui maintient l’équilibre. Toute velléité d’un astre de s’enfuir vers un lointain contraire est naturellement rattrapée par l’espace qui s’accroît plus vite. Toute matière est désormais contrainte de rejoindre son propre zéro originel où elle laissera la place à l’Esprit qui l’anime. Aucune échappatoire n’est possible. Alors, un jour, tout, absolument tout sera redevenu vibration immatérielle occupant tout l’espace originel sans dimension et sans âge. La localisation de la multitude aura disparu. Un pas de plus, et s’ouvrira le "Tout".

(…)

L’attente confiante

Quand l’heure approche, remonte du tréfonds des particules de l’Esprit une sorte de musique qui éveille l’espérance, procure l’indicible état d’attente confiante.

(…)

Épilogue

Les paradigmes d’une science strictement positiviste nous privaient de toute espérance en une fin salutaire de notre existence humaine en cet ici-bas. Un univers en expansion vertigineuse et inexpliquée, dans un au-delà inexistant, n’ouvrait à la créature humaine que le destin d’une néantisation désespérante, au sein d’un espace infiniment vide, infiniment glacial, infiniment inutile.

(…)

Il fallait un autre regard sur ce monde temporel et sur son Au-delà immatériel pour en comprendre, ou commencer à en comprendre, le dessein. Je l’ai cherché pendant de nombreuses années. Plusieurs livres écrits m’y ont aidé. J’ai fini par me rendre à l’évidence qu’il y avait une autre dynamique pour l’Homme et pour son Univers, dans l’autre sens. Le "big bang" devait se lire autrement (…)