Interview donné par Daria GORBUNOVA.
Daria : Je vous souhaite la bienvenue dans cette interview dans le cadre de notre association estudiantine AEAELC dont le but est de mettre en valeur la culture antique et les disciplines concernées. Nous allons parler de l’histoire de la Grèce, de l’archéologie et surtout des colonies grecques. Est-ce que vous pourriez vous présenter succinctement ?
Michela Costanzi : Je suis maîtresse de conférences en histoire et archéologie anciennes à l’Université de Picardie Jules Verne et je suis chargée de cours en épigraphie grecque à l’école du Louvre. Je suis directrice d’une mission archéologique sur le site d’Halaesa en Sicile. Mon activité suppose beaucoup de facettes différentes de la culture ancienne : histoire, épigraphie, archéologie. Je m’occupe de la région de Sicile et mes recherches portent beaucoup sur la civilisation grecque là-bas, en particulier sur la question des colonies et des colonies secondaires (celles qui ont été fondées par des colonies car on remarque qu’il y a plus de cités fondées par des colonies que des cités fondées directement par les Grecs qui continuent toujours de s’élargir). La question des colonies fondées par les colonies soulève la question de stasis, la volonté des Grecs de prendre possession d’un territoire plus large. En Sicile, je m’occupe aussi d’une époque plus récente parce qu’avec ma mission à Halaesa je travaille aussi sur les sites comme Enna de Crisa fondée par les Sicules. Il s’agit d’une cité fortement civilisée derrière laquelle il y a les Grecs de Syracuse. Une autre fondation est Tindaris fondée par les Grecs quelques siècles plus tard. Mais on remarque que cette première est fortement hellénisée, on écrit et parle le grec, on a des coutumes grecques jusqu’à l’arrivée des Romains. La cité d’Halaesa passe donc sous la domination romaine. J’ai aussi étudié le phénomène de colonisation en Libye parce que j’ai participé pendant quelques années à une mission archéologique en Libye avec mon directeur de recherche.
Daria : Pour commencer avec Halaesa, est-ce que vous pourriez présenter cette cité, en soulignant l’importance culturelle, voire urbanistique de ce site? Qu’en est-il du théâtre que vous avez pu découvrir et que vous mentionnez dans votre article ?
Michela Costanzi : Halaesa a été fondée à la fin du Ve siècle par les Sicules avec, derrière, la cité de Syracuse et le tyran Denys de Syracuse qui essaie de se franchir une ouverture la mer Tyrrhénienne car c’est là que sont les Étrusques, les Carthaginois et les Romains donc c’est un lieu de grande rencontre commerciale. Les Sicules fondent cette cité sur une colline face à la mer et qui domine l’embouchure du fleuve Halaesos (d’où le nom) et qui permettait le lien avec l’arrière-pays très riche et fertile. Ce port fait l’importance toujours beaucoup plus grande à Halaesa qui, quand elle s’allie avec les Romains, obtient le statut de libre et immune, c'est-à-dire qu’elle paye pas d’impôt à Rome et donc cumule d’importantes richesses. C’est à ce moment qu’elle commence à se doter d’importants monuments. Ces monuments ont petit à petit disparu quand la ville a été abandonnée mais il y a eu plusieurs étapes : un tremblement de terre au 4e siècle qui a causé l’abandon de la ville et a réduit les dimensions de la ville, et au VIe-VIIe Halaesa devient un important évêché. Halaesa continue à exister comme évêché jusqu’en IXe après Jésus-Christ. Quand les Sarrasins arrivent sur la côte, on a peur car le site est exposé sur la colline, les habitants décident de quitter l’endroit. La monumentalisation des Sicules commence quand Halaesa devient un centre Romain. Elle dispose d’énormes richesses et commence à construire le théâtre notamment qu’on a découvert en 2018 et dans lequel on a fait quelques sondages en 2019 et 2021 qui nous ont permis de comprendre l’ampleur de ce théâtre. La fouille du théâtre est prévue pour les prochaines années. Mais le théâtre est un élément monumental dans une cité car on avait déjà fouillé l’agora qui était impressionnante. On commence à monumentaliser à partir du IIe avant JC: l’agora, le forum, le sanctuaire d’Apollon juste au-dessus et qui est mentionné dans les sources littéraires. Donc on sait qu’Halaesa est un centre culturel et religieux très important parce qu’il y a le siège des prêtres d’Apollon. À partir du IIIe et jusqu’au Ier après Jésus-Christ, Halaesa est une cité qui participe à de différentes opérations en Sicile et ailleurs, ce qui montre sa puissance et ses richesses ainsi que le contrôle maritime.
Daria : On a l’impression d’une cité florissante et prospère d’autant plus que l’élément culturel atteste d’un état d’avancement conséquent. On se demande d’ailleurs comment on peut, à travers presque 2000 ans, savoir que la cité a été dans un tel état de développement en prenant en compte les cataclysmes et les difficultés extérieures. Quelles sont les techniques utilisées, comment mobilise-t-on les connaissances en urbanisme et comment évalue-t-on le niveau de développement d’une cité ?
Michela Costanzi : Pour Halaesa, on a une grande chance, à savoir qu’aucune ville moderne ne s’est posée sur ce site. Quand la cité s’est réduite, elle en est restée là pendant des siècles, on l’avait découvert au 16e siècle à la Renaissance quand on a pris les textes anciens qui mentionnent cet endroit. Donc on a cherché à associer les noms avec les vestiges pour comprendre à quel site sur le terrain correspondait Halaesa mentionnée dans les sources littéraires. Ce sont surtout les épigraphistes qui ont commencé à y aller car il y a beaucoup de sources écrites. Le site à ce moment-là était couvert d’écoulement, de terre, de terrassement parce que le site au XIXe siècle était utilisé comme terrain agricole, mais tout restait en place. On utilise les méthodes d’investigation préliminaire aux fouilles pour essayer de comprendre le site, on suit le protocole d’inspection géophysique même si les vestiges sont déjà visibles à l’oeil nu, à partir des photos aériennes (drone). Ces méthodes permettent de voir des ondes dans le sous-sol ainsi que des anomalies qui pourraient correspondre à des murs, des citernes, quelque chose de construit. Normalement avant de fouiller nous avons déjà une idée de ce qu’il peut y avoir sous le sol. C’est ce qu’on a fait lors des fouilles du secteur de l’Acropole.
Pour le théâtre c’était un peu plus difficile parce qu’il est question des grandes profondeurs. On a utilisé une autre forme de prospection qui est la prospection par LIDAR, un instrument qui fait des photos aériennes et permet d’éliminer toute la végétation pour restituer la forme la plus brute possible du terrain. Et on a pu voir la roche taillée en hémicycle. Les géologues ont garanti que cette forme est anthropique, qui n’existe pas en nature. Or, les hommes ne s’amusent pas à tailler une roche sans raison. Donc on a fait des sondages pour chercher quelques éléments comme les gradins, l’angle du théâtre par rapport au centre du théâtre, ce qui nous donne une forme presque complète du théâtre. Dans notre site, on a une ville moderne qui s’est installée sur les vestiges anciens, ce qui est compliqué car quand on fait des travaux publics (canalisations, les lignes téléphoniques ou autres), on peut tomber sur les vestiges anciens. À ce moment-là c’est un autre chantier qui se met en place parce qu’il faut intervenir assez vite, et c’est le travail de l’archéologie préventive qui existe en France mais pas seulement; il sert à trouver des réponses à des situations de ce genre, à étudier la situation et de tout documenter afin de continuer les travaux. Mais on peut dessiner une carte archéologique qui nous permet de comprendre où se trouvent des vestiges anciens dans la ville moderne.
Daria : Pourrait-on utiliser l’IA? Est-ce déjà le cas ?
Michela Costanzi : Je ne sais pas si c’est déjà le cas, mais dans tous les cas l’IA pourrait aider à analyser les données avec plus de rapidité car elle peut mettre ensemble les différents éléments; mais elle peut pas décider sans ces éléments où se trouvent les sites archéologiques. Donc il faut quand même lui donner des éléments nécessaires. En général, c’est rare.
Daria : Comment se passe l’organisation des fouilles? Que fait-on quand on se rend compte de l’existence d’un site ?
Michela Costanzi : Quand on repère un site ou situation archéologique, il faut mettre en place un programme scientifique avec une problématique, puis il faut dire ce qu’on veut obtenir en guise de réponse, imaginer un calendrier des opération, prévoir pour chaque étape les enjeux budgétaires et trouver les fonds. Les fonds représentent quelque chose de difficile car les fouilles ont souvent un coût, elles impliquent la participation des spécialistes avec du matériel souvent assez cher, le transport. C’est surtout le cas des fouilles programmées. La mission même est composée du personnel archéologique qui doit se déplacer, être logé. C’est toute une équipe qui doit vivre sur le site aussi. En ce qui concerne les fonds: les fouilles archéologiques sont en général financées par l’institution que représente le directeur des fouilles (UPJV dans mon cas). Ça correspond à une partie des financements, il faut souvent trouver d’autres financements, on fait des appels à des institutions et organismes différents. En France il existe par exemple une commission des fouilles auprès du Ministère des Affaires Étrangères qui finance les fouilles à l’étranger, ou encore d’autres institutions qui prévoient des fonds pour l’archéologie auquel cas il faut participer aux appels à projets, ou des mécènes. Il existe aussi un projet qui permet de déduire le don des impôts pour les Français qui contribuent à financer les fouilles.
Daria : Donc on peut combiner le public et le privé pour le financement des fouilles. Quel est le pourcentage des missions archéologiques qui obtiennent le financement et réussissent ?
Michela Costanzi : Je n’ai pas les données à ce sujet, mais en général un projet archéologique constitue une demande certaine car il y a un travail complet derrière. On ne décide pas de faire une mission comme ça. Pour la durée du projet, il faut demander des autorisations pour la concession des fouilles, les autorisations sont données pour 3 ans, on a un programme à respecter et des rapports des travaux à présenter chaque années. Les autorisations peuvent aussi être renouvelées jusqu’à la fin du programme donc la durée n’est pas préétablie. Pour certains programmes, 3 ans peuvent suffire, pour d’autres non, comme la nôtre à Halaesa. On est déjà à la 3e convention car on découvre toujours de nouvelles choses importantes donc le projet est poursuivi avec le recommencement de ces conventions.
Daria : Quels spécialistes sont mobilisés? On pense automatiquement aux archéologues, mais il existe aussi certaines questions techniques. Vous évoquez par exemple la question de la transmission du son dans votre article sur le théâtre à Halaesa.
Michela Costanzi : Énormément de spécialistes participent à cela. Il y a des choses que les non-spécialistes peuvent aussi remarquer, tout comme la question du son, ou alors la forme semi-circulaire. C’est aussi important pour un historien ou un archéologue. Puis, il y a des spécialistes qui aident à mieux comprendre ces aspects. J’ai mentionné aussi la participation des géologues qui font des prospections géophysiques avec des instruments que nous n’avons pas en archéologie. Donc on fait appel à eux pour faire de la prospection. Mais il faut aussi que les archéologues aident les géologues pour expliquer à quoi peuvent correspondre les anomalies que ceux-ci découvrent. Donc on travaille en collaboration pour donner une signification précise aux données. D’autres spécialistes interviennent suite à la fouille pour étudier ce qu’on retrouve. Par exemple, il y a quelques jours on a fait une mission avec un archéozoologue qui a étudié les ossements qui pourraient donner des informations sur le style de vie, ce qu’on mangeait, la nature de l’animal, son état de santé, la manière de traiter l’animal en vie et après la mort (selon la manière d’enlever la chair des os, ce qui permet de comprendre s’il s’agit d’un sacrifice ou d’un usage quotidien). On peut comprendre donc énormément de choses grâce aux spécialistes. En plus, on a trouvé aussi des ossements humains et des tombes, donc on imagine que le théâtre a aussi été utilisé pour autre chose. C’était souvent le cas que les théâtres étaient utilisés pour des habitations, où les gens étaient ensevelis après leur mort, mais cela reste à l’état d’hypothèse. On peut s’intéresser aussi au pollen, à des graines qu’on retrouve pour comprendre l’alimentation, le style de vie des gens afin de compléter le tableau des habitudes alimentaires et sociales des habitants.
Daria : Cela prouve encore une fois la complémentarité des disciplines ?
Michela Costanzi : Tout à fait, et il y a aussi des épigraphistes dans tout ça. On a retrouvé beaucoup d’inscriptions sur le site donc les épigraphistes viennent les lire et interpréter. L’historienne que je suis a pour but de mettre ensemble ces données et reconstituer l’histoire du site.
Daria : Les inscriptions sont de quel type ?
Michela Costanzi : De type différents, surtout des dédicaces mais on a un important décret honorifique écrit sur deux tablettes de bronze dont l’une était la copie de l’autre. Et les copies sont aussi mentionnées dans le décret car l’une est mise au temple de Zeus et l’autre réservée au propriétaire. On a retrouvé les deux tablettes en bronze, c’est une inscription exceptionnelle car le bronze était déjà réutilisé dès l’antiquité pour être utilisé à autre chose. On a des dédicaces aussi à des pers importants, ou alors un rappel d’un collège de prêtres qui s’occupaient du culte d’Auguste dans le site d’Halaesa. On a surtout des documents publics qu’on a retrouvés dans la zone de l’agora, ce qui est normal vu l’endroit. L’inscription en bronze a été retrouvée dans une maison, mais c’était sans doute une maison habitée par un fonctionnaire. Donc on retrouve presque pas d’inscriptions privées. Dans tous les cas, ces documents sont importants parce que c’est une source importante, directe et privilégiée d’information sur le moment où l’événement se produit. Cela nous permet de mieux comprendre la société de l’époque et surtout les fonctions publiques.
Daria : Je voudrais bien qu’on parle en peu de la colonisation grecque; Sicile est directement concernée, de même que la Libye. Pourriez-vous présenter la colonisation grecque, comment elle s’est produite et en quoi le terme de colonisation est différent de l’acception générale ?
Michela Costanzi : J’ai consacré des études à ce sujet en effet. Cela m’intéresse énormément. On dit que la colonisation grecque est un phénomène qui correspond pas à la réalité contemporaine. Donc on a essayé de « décoloniser » la « colonisation » en utilisant des termes comme la « colonisation de diaspora ». Il y a même le terme d’apoikisation utilisé par les Anglais parce que le mot grec pour indiquer la colonie est apoikia, c'est-à-dire « maison loin de la Grèce ». Je pense que le terme de colonisation qui a toujours été utilisé pour indiquer ce phénomène ne doit pas forcément être rejeté parce que c’est pas nous qui l’avons inventé, mais les Romains. En effet, en parlant de cités grecques en Sicile, les Romains ont traduit le mot grec apoikia par colonia. Or, colonia romaine ne correspond pas tout à fait à l’apoikia grecque. Par exemple, les colonies romaines ont une seule métropole, Rome, tandis que les colonies grecques avaient plusieurs métropoles. Il y a une autre différence entre colonisation ancienne et contemporaine; dans la colonisation moderne il y a une métropole qui va exploiter les matières premières agricoles ou humaines, ce qui n’est pas le cas de la colonisation grecque même s’il y a l’idée d’occuper les territoires et utiliser les ressources. Je ne suis pas pour l’idée d’étiqueter de manière trop forte jusqu’à éliminer le terme de colonisation qui, à mon avis, correspond assez bien à l’activité des Grecs. Avec toute la différence nécessaire, ce terme décrit un phénomène qui présente ces particularités de l’Antiquité. Évidemment, il y a des éléments caractéristiques de la colonisation grecque qu’il faut mettre en évidence, mais au lieu de perdre du temps à chercher un autre mot, on pourrait simplement préciser qu’il s’agit de la colonisation « grecque », ce qui indique les informations nécessaires.
Pour les causes, les Grecs se déplacent de chez eux pour résoudre des problèmes, le manque de terres, ou alors la stasis. Il y a des problèmes internes en Grèce donc on éloigne une partie de la population pour mieux gérer les problèmes de pression sociale, mais ce n’est pas l’intégralité des causes. Il y a aussi la volonté de se placer sur des points stratégiques des routes maritimes. Donc c’est un phénomène complexe avec des causes différentes.
Daria : Est-ce que le peuple grec est le premier à faire ce genre de colonisation ?
Michela Costanzi : Non, il y a auparavant les Phéniciens qui s’étaient déplacées de Phénicie et s’étaient installés ailleurs pour fonder des colonies, en Sicile par exemple. Les raisons aussi étaient similaires: installation sur des points stratégiques (le contrôle des routes maritimes et le commerce), l’accès aux matières premières. Donc les Grecs ne font que suivre le mouvement qui a déjà été initié en Méditerranée.
Daria : Cela expliquerait alors la présence des inscriptions bilingues phéniciennes dans ces endroits.
Michela Costanzi : En effet, il y en a en Sicile, et ce genre d’inscriptions bilingues montrent qu’il y avait des contacts. Mais ils se comprenaient certainement, il faut imaginer qu’ils avaient des interprètes, tout comme aujourd'hui. D’ailleurs, les Grecs ont commencé à écrire justement pour les contacts et pour des raisons commerciales. L’alphabet grec dérive même du phénicien et il est transformé pour traduire la langue grecque, mettre par écrit les contrats, ce qui montre le besoin d’échanger avec la Phénicie.
Daria : Comment sont organisées les nouvelles cités fondées ailleurs ? Quelle est la valeur des termes epineon, de polis megale ? Comment se produisait l’administration des nouvelles fondations ?
Michela Costanzi : Pour mettre en place une cité, cela prend du temps. Au début, il s’agit de petits établissements qui, peu à peu s’agrandissent. Mais c’est encore une autre question. Quand on lit les sources, on a l’impression que la colonisation commence avec un petit nombre de personnes. Les groupes sont aussi souvent composites, des personnes qui appartiennent à des cités différentes. La question des femmes car on a l’impression que les Grecs partent sans leurs femmes pour épouser les femmes indigènes, mais c’est une image un peu naïve. Un grand spécialiste Irad Malkin a démontré que les femmes étaient nécessaires pour fonder les colonies car sans elles on peut pas transmettre la citoyenneté, le culte ou la culture grecque. Donc elles sont présentes; peut-être qu’elles n’arrivent pas tout de suite, mais par vagues successives attestées dans certaines inscriptions. Il faut imaginer aussi que la population locale est intégrée. Ces personnes locales entrent aussi à la cité en l’intégrant, même si elles n’ont pas tout de suite la citoyenneté. Comme ça la ville s’agrandit et prend parfois des dimensions encore plus importantes que la métropole. Il arrive souvent que les colonies surpassent la métropole en ampleur. On peut penser à des fondations achéennes, l’Achaïe n’a pas de villes jusqu’à l’époque classique. Et ils vont fonder des cités qui deviennent plus importantes, comme Sybaris par exemple. C’est à travers un temps long que ces cités deviennent celles que nous connaissons aujourd'hui, comme Agrigente avec cette vallée de temples qui naît au Ve siècle; donc quelques siècles ont été nécessaires pour mettre en place ces monuments.
Daria : Est-ce qu’on exporte les lois? Comment faire pour se mettre en accord avec la population locale ?
Michela Costanzi : C’est encore un sujet traité par Irad Markin. Les apoikoi, les Grecs qui partent pour fonder les colonies, emportent leur bagage culturel. Donc on a les mêmes lois. Ça devient compliqué quand on a des fondations mixtes, auquel cas il faut se mettre d’accord pour décider des lois à utiliser. C’est le cas de la fondation de Géla, fondée par des Crétois et des Rhodiens, deux cités totalement différentes. Donc ils décident d’utiliser les lois des uns et les coutumes des autres. Les populations locales n’ont probablement leur mot à dire dans l’établissement de la cité, mais quand elles sont intégrées, on adapte quelques us et coutumes, surtout en matière de religion car on a beaucoup d’éléments qui font voir un mélange des habitudes, des croyances, des adaptations des divinités grecques à des usages locaux. On le voit surtout dans les sanctuaires péri-urbains où les rencontres avec la population locale sont plus faciles. On a vu des caractéristiques qui tendent à rapprocher les divinités et les civilisations locales. On peut voir ces mélanges surtout dansle milieu religieux.
On le voit surtout vraiment dans les sanctuaires urbains qui sont plutôt des sanctuaires où les divinités grecques ne sont pas vénérées comme elles le sont dans le panthéon grec, mais plutôt dans le territoire, là où les populations locales grecques se rencontrent plus facilement, et qui présentent des caractéristiques particulières dans leurs représentations qui font penser plutôt à des caractéristiques qui servent à rapprocher ces divinités des populations locales. Il y a après des hybridations plus forte à l'époque hellénistique, mais si on parle de l'époque archaïque et de l'époque des fondations grecque de Sicile, là, on peut voir ces mélanges, ces hybridations, surtout dans le milieu religieux.
Daria : Quelles cités grecques ont fait le plus de colonies? Lesquelles ont été beaucoup plus importantes en terme de fondations ?
Michela Costanzi : Secondaires?
Daria : Oui tout à fait.
Michela Costanzi : Des sous-colonies. On les appelle comme ça, mais moi je n'aime pas ce terme. Vous savez, je n'ai jamais réfléchi à ça, je n'ai jamais compté. Mais toutes les cité grecques fondent un certain nombre de colonies. Syracuse fondent, par exemple, trois ou quatre colonies au moins, à l'époque archaïque parce qu'ensuite elle en fonde d'autres, par exemple, comme je vous le disais, Halaesa, est peut-être une fondation voulue par Syracuse aussi, mais à la fin du Ve siècle. A la fin du Ve siècle, Syracuse fonde d'autres colonies sur le continent de la Sicile même en mer érythrique. A l'époque archaïque, elle en fonde trois au moins, sinon pas plus. Parce qu'il faut après distinguer entre les cités fondées, mais il y aussi d'autres établissements dont on a les traces sur le terrain, au moins, mais pas forcément le nom de la cité parce que ces établissements ne sont jamais cités parce que ces établissements ne sont pas des vraies cités, mais quand même ce sont des établissements qui apparaissent dans le territoire après la disparition de Syracuse, dans le territoire de l'angle sud est de la Sicile. Megara Hyblaea, qui est fondée sur la cote est, va fonder une colonie tout à fait de l'autre côté vers la partie sud ouest de la Sicile, à côté presque des phéniciens, au contact même avec les phéniciens. Ce sont des choses très différentes. C'est à dire, on a des colonies qui sèment tout autour, qui fondent d'autres cités, et d'autres qui s'élargissent et fondent un peu plus loin, comme c'est le cas de Megara Hyblaea ou de Zancle qui a Messine sur l'angle nord est de la Sicile, qui va fonder sur la côte nord de la Sicile la colonie d'Hemera, connue pour la bataille de 480 et 407 av JC contre les carthaginois. Donc, parfois, on va très loin pour fonder des colonies, parfois on en fonde plusieurs tout autour. Ça dépend, c'est des situations très différentes. Mais toutes les cités, toutes les colonies directes que les grecs ont fondées en Sicile, ont fondé à leur tour un certain nombre de colonies. Gela fonde Agrigente. Agrigente n'est pas une colonie directe, en réalité c'est une colonie secondaire fondée par Gela.
Michela Costanzi : Pourtant c'est une des plus grandes villes grecques de la Méditerranée.
Daria : Et dans cette diversité de colonies et de colonies secondaires, quel est le rôle politique de chaque colonie, notamment dans le cas des conflits entre les cités? Est-ce que la colonie fondée par, mettons Athènes, va avoir obligation de participer directement à des conflits militaires ou de verser un tribut ?
Michela Costanzi : Vous voulez dire quel est le rapport entre la métropole et les colonies ?
Daria : Tout à fait.
Michela Costanzi : La métropole grecque, disons. La première métropole.
Daria : Oui
Michela Costanzi : Alors, on a une variété de situations. Encore une fois, c'est très difficile de parler d'une manière très générale du phénomène. On peut le faire, mais il y a quand même des situations différentes. En général, les colonies gardent de bonnes relations avec la métropole mais ils sont totalement autonomes par rapport à la métropole. Normalement, on ne paye pas de tribut. On ne paye jamais de tribut en réalité. Mais, par exemple, il y a des échanges commerciaux qui se font facilement entre la métropole et la colonie. Ou encore, comme je l'ai dit tout à l'heure, on a des vagues successives de colons qui arrivent dans la cité. Si la colonie a besoin d'envoyer des gens en difficulté par exemple dans la colonie, ils peuvent le faire. On a des documents qui attestent de cette relation pendant des siècles entre la colonie et la métropole. Mais la colonie reste une ville autonome et indépendante. Et donc, elle n'a pas d’obligation particulière, sauf ceux qui sont liés au fait d'avoir le même sang, la συγγενεία, l'appartenance de sang fait répondre positivement à certains appels de la métropole. Mais on a certains cas où la relation est conflictuelle entre la métropole et la colonie. La colonie se révolte contre la métropole, peut-être une métropole qui en demandait trop, voulait être plus présente. On a des cas comme ça. C'est aussi le cas pour les colonies secondaires qui normalement sont autonomes même si elles jouent un peu le même..., même si elles participent au même clocher d'occupation du territoire, chacune est autonome et indépendante. Reste le fait que dans certaines occasions la συγγενεία est forte et ils se retrouvent pour faire... pour certains projets communs, disons.
Daria : Et il y a des cas de στάσεις entre les colonies, j’imagine.
Michela Costanzi : Entre la colonie et sa colonie ? Ou entre sa colonie?
Daria : Plutôt dans les colonies. A un moment de développement, peut-être
Michela Costanzi : Quand les colonies secondaires débutent, contre les colonies ? Oui, évidement, ça existe. Alors, encore une fois, je pense à Sybaris qui a été détruite par Crotone, ville voisine, grecque aussi. Après, une fois qu'elles sont installées, elles ont une vie totalement autonome et, parfois elles, sont en conflits entre elles. On a aussi des cas de destruction d'une colonie par une autre colonie grecque. Absolument.
Elles ne s'aident pas forcément les une des autres, surtout quand elles sont dans un état de conflit. Crotone et Sybaris, pour revenir à cette situation en Italie du Sud : elles ont été fondées très proches l'une de l'autre. Et donc à un moment donné, bien évidemment, elle rentre en conflit pour des raisons de possessions territoriales.
Daria : Et est-ce que les sources littéraires ou historiographiques permettent de donner un éclairage suffisant sur ces questions là ? Ou par exemple, dans un de vos articles, vous citez la Quatrième Pythique de Pindare pour parler de la Libye, ainsi qu'Hérodote, mais est-ce qu’on a une suffisance de sources pour avoir un point de vue objectif sur la question ?
Michela Costanzi : Alors, bien évidemment, le problème des sources littéraires c'est qu'elles datent – si on parle de la colonisation archaïque, parce que bien évidement si l'on parle de la période hellénistique, c'est autre chose – on a des sources contemporaines qui en parlent, souvent. En revanche, pour la colonisation grecque qui se passe au VII siècle avant JC, on n'a pas de sources contemporaines. Hérodote, qui est la source la plus ancienne, écrit déjà au Ve siècle, donc, au moins, deux voire trois siècles après les événements. Il y a même des sources encore plus récentes qui parlent de ce phénomène. Alors, nous avons ces sources là, et il faut faire avec. Il faut essayer de comparer les différentes données, par exemple, de voir qui peuvent être, et c'est très important, les sources de ces sources. Hérodote qui écrit au Ve siècle, qu'est-ce qu'il fait ? Il invente tout ? Non. Certainement, il a utilisé à son tour des sources qui sont d'autres historiens qui ont écrit avant lui : donc il faut comprendre qui peut avoir transmis ces informations à Hérodote, voir s’ils sont fiables ou pas. Parfois on sait avec certitude qu'Hérodote a consulté les archives directement dans le pays. On sait pertinemment bien qu'il a fait un voyage en Libye et qu'il est allé consulter les archives en Libye pour parler de la colonisation. Et, en effet, si on croise les données d'Hérodote, puisqu'on parle de lui, on se rend compte que ce qu'il a dit de la colonisation grecque en Libye à Cyrène, se dit aussi sur les inscriptions. Les mêmes choses. Parfaitement identiques. Les inscriptions qui sont souvent un peu plus récentes, donc on pourrait se demander est ce que l’inscription qu'a lu Hérodote disait la même chose, mais, parfois, on sait dans un cas particulier que c'est une retranscription d'une inscription beaucoup plus ancienne qu'Hérodote a consulté. Donc, vous voyez, en creusant les différentes données, on peut arriver à une vérité, qui sera peut-être contredite un jour si l'on trouve une autre inscription contemporaine des événements et qui nous dit autre chose. Mais normalement, en creusant les données, en essayant de faire une recherche sur des sources, nous pouvons arriver à une vérité en utilisant aussi l'analogie, c'est-à-dire en utilisant des informations que l'on a pour une certaine région du monde grec qui qui sont fiables, on peut imaginer que quelque chose d'un peu pareil soit arrivé dans une région qui ne présente pas de sources. Donc, c'est en faisant comme ça, en creusant les données, en essayant de comprendre la lignée des sources de nos sources, que l'on peut arriver à une vérité qui cependant n'est pas précise. Parfois, il nous manque des éléments. L'archéologie, de son côté, nous apporte d'autres informations. Donc, si, les sources littéraires nous donnent des infos, on peut creuser avec les sources épigraphiques, par exemple. L'archéologie intervient et nous donne encore d'autres informations. Par exemple, dans les sources littéraires, on ne décrit presque jamais, ou si on le fait, on le fait de manière plus légères, les rapports conflictuels des grecs, quand ils arrivent dans la région qu'ils colonisent, avec la population locale. Souvent, les sources littéraires nous parlent d'une entente presque immédiate avec les populations locales et encore une fois, on a l'impression que les populations locales étaient là, en train d'attendre les grecs pour qu'ils leur apportent la civilisation, le bien être, la beauté, l'art les connaissances... Ce n'est pas comme ça. L'archéologie..., parfois, on nous dit : ils sont arrivés, il y a eu une guerre et après ils se sont entendus. Thucydide, par exemple, quand il parle de la colonisation de Syracuse fait comprendre qu'il y a quand même eu un choc entre la population locale et les grecs qui sont arrivés. Il survole l'information. Souvent l'archéologie.. Ou alors il ne dit rien, sur les relations. Enfin.. comment les populations locales vivent la colonisation grecque. On ne dit rien. Mais il y a maintenant des données archéologiques très intéressantes. Je pense à la fouille de Sélinonte, en Sicile. Je vous ai dis que Sélinonte était fondée par Mégara Hyblaea au VIIe siècle, dans la deuxième moitié du VIIe siècle, et on ne sait absolument rien des modalités de fondation. Or, les nouvelles fouilles faites par Clemente Marconi et son équipe (Clemente Marconi est un professeur de l'université de New York et de Milan) : ils ont retrouvé des choses très intéressantes, enfin des traces : la fondation d'un temple – chose la plus ancienne retrouvée pour le moment du moment de la fondation grecque de Sélinonte). Ils ont retrouvé des lances croisées ou placées dans la fondation d'un temple. Cela indique la puissance militaire des grecques et le fait de vouloir montrer leur domination militaire. Souvent on dit : oui mais il n'y a pas de traces de guerre. Ce n'est pas nécessaire qu'il y ait des traces de guerre. Les gens qui habitaient la Sicile à ce moment là n'avaient même pas d'armes donc ils ne peuvent pas se mettre à se battre contre les grecs qui eux sont des hoplites et armés jusqu’aux dents. Ils n'ont donc pas besoin de se battre pour dominer un territoire. Il suffit, dès lors, de montrer aux grecs leur force, leur puissance militaire pour pouvoir faire... enfin, occuper un territoire, et les autres doivent se soumettre, donc.
Daria : Par rapport à ces données, est-ce qu'il existerait des moyens de médiatisation culturelle et politique, comme par exemple les mythes de fondation qui présenteraient le processus de telle ou telle façon.
Michela Costanzi : Oui, bien évidemment. Quand on va lire quelques mythes de fondation, on se rend compte que derrière ce récit se cache d'autres vérités. Évidemment, quand les historiens écrivent au Ve, et même après, siècle après JC, donc quelques siècles après la fondation, ça ne les intéresse pas de dire comment la chose s'est passée. Ce qui va les intéresser c'est de mettre en évidence qu'il y a une cité grecque, et que cette cité grecque a été fondée par telle cité, à un certain moment, mais on glisse sur les réelles conditions dans lesquelles la fondation a eu lieu. Ça n’intéresse pas à ce moment là. Les mythes de fondation, qui essayent de remonter vraiment à l'origine de certaines choses, du coup, laissent voir les choses que l'on ne trouve pas dans les sources historiques. Mais, dès fois, les mythes de fondations cachent certaines vérités. C'est-à-dire qu'ils ont tendance à montrer la légitimité d'une certaine fondation et donc cache des vérités qui sont en revanches dévoilées par d'autres manières, comme par exemple les recherches archéologiques. Je pense à Massalia. Alors Massalia, dans les récits de fondation que nous avons, il y a toujours cette histoire de mariage entre la fille du souverain local et le grec qui arrive pour fonder la cité, et ce souverain local donne des terres à ces grec pour fonder la colonie de Massalia. L'archéologie ne montre pas du tout une situation comme ça, parce que l’archéologie a bien mis en évidence dans la région de Massalia que tous les villages des populations indigènes qui étaient présentes disparaissent au moment de la fondation de Massalia, et on les retrouve beaucoup plus loin dans le territoire. Ça veut dire que, quand les grecs sont venus, c'était tellement violent que ces indigènes ont dû s'éloigner et fonder leurs villages plus loin. Ils reviennent ensuite, dans un moment plus tardif, après que les grecs se sont installés et sont devenus plus détendus, disons. Ces villages reviennent, mais beaucoup de temps après la fondation de Massalia. L'archéologie montre clairement les difficultés et la violence d'une fondation grecque.
Daria : Est-ce qu'il y aurait des similitudes avec d'autres récits de fondation ? Est-ce que par exemple, ce serait la même chose que la colonisation lacédémonienne de Cyrène ? Est-ce qu'il y a des constances dans ces récits de fondation.
Michela Costanzi : Oui, alors, absolument. On retrouve un peu des éléments qui permettent de parler d'un phénomène globale, celui de la colonisation. C'est un phénomène commun. La cité grecque décide, il y a donc déjà une décision politique d'aller fonder une colonie. Il y a un choix d'un oeciste, d'un chef de la mission. Le chef de ceux qui doivent partir pour aller fonder la cité. Donc, déjà, localisation même de l’expédition, on retrouve les mêmes éléments un peu partout. Les oecistes sont très souvent mentionnés dans les récits de fondation. Et après, il y a l'installation. Au moment de l'installation, là aussi, on retrouve souvent quelques éléments, l'oeciste qui dirige les opérations, l'oeciste qui est souvent après sa mort honoré après sa mort, et qui serait le premier culte de la colonie (parce que normalement la colonie reprend les cultes de la métropole), celui de l'oeciste serait le premier culte typique et propre à la colonie. On a plusieurs indications dans ce sens, plusieurs colonies pour lesquelles, dans le récit de fondation, est mentionné le culte de l'oeciste ; à Cyrène par exemple mais pas seulement, à Sélinonte, à Poséidonia en Italie du Sud, il y en a plusieurs qui sont mentionnés. Bien sûr, on retrouve des éléments constants qui nous permettent de parler d'un événement global.
Daria : D'accord. Comme il nous reste presque cinq minutes, je voudrais que l'on parle de questions plus contemporaines, parce qu'évidemment, c'est passionnant de découvrir toute une histoire derrière la question des nouvelles polémiques grecques. En réalité, je me demandais pourquoi faire de l'épigraphie et de l'archéologie en 2024. Surtout, pourquoi faire de l'Antiquité son métier ? Donc, ce sera pas une question pour moi, mais bien, surtout, pour les jeunes personnes qui vont passer leur bac bientôt, et bientôt choisir leurs inscriptions dans le supérieur et qui ont encore des doutes et hésitent souvent à choisir un domaine qui leur plaît parce qu'il paraît peu accessible, qu'ils n'ont pas beaucoup d'informations, et qu'ils ont l'impression qu'il y a peu de débouché. Qu'est-ce que vous diriez a un jeune qui aime bien l'antiquité mais qui hésite encore pour en faire son métier ?
Michela Costanzi : Bien évidemment, le problème des débouchés est un problème important et donc je comprends que l'on puisse hésiter, se poser des questions, avoir des doutes. Quand on entreprend des études qui concernent l'antiquité, les débouchés sont limités, mais ce n'est pas seulement pour un parcours qui concerne l'antiquité. Les débouchés sont très difficiles aujourd'hui. Moi, ce que je conseille, c'est ce que moi-même j'ai fait : suivre sa propre passion est la chose la plus intéressante parce que, lorsque l'on suit sa propre passion, on est sûr que l'on réussira bien, tandis que quand l'on fait quelque chose que l'on n'aime pas, on ne pourra jamais s'exprimer au mieux, et on sera obligé de faire quelque chose que l'on n'aime pas, et je trouve ça terriblement triste et dur. Quand je suis obligée de faire quelque chose que je n'ai pas envie de faire, il me faut plus de temps que quand je fais quelque chose que j'aime faire et surtout, je n'ai pas la même satisfaction et le même bonheur. Les études en antiquité, ça offre quand même pas mal de possibilités. L'enseignement est une possibilité qui est très grande, qui est celle de comprendre beaucoup de choses de la contemporanéité, en réalité, parce que nos racines sont dans l'Antiquité, et ces racines nous permettent de mieux comprendre la réalité actuelle, c'est le sens plus large des études de l'antiquité. Mais il y a quand même pas mal de débouchés car il y a plusieurs spécialités possibles et beaucoup de domaines qui restent encore très peu poussés. Si l'on fait des études de lettres classiques, ce que j'ai fais d'ailleurs – moi j'ai fais des études de lettres classiques, je suis agrégée de lettres classiques, avant de me consacrer plutôt, grâce à mon doctorat, à l'histoire et à l'archéologie, et à l'épigraphie aussi mais j'avais déjà fait ça pour mon master. Là, il y a plusieurs domaines possibles, certains débouchés sont plus classiques comme l'enseignement mais il y a d'autres débouchés, toute une série de métiers qui sont ouverts à ceux qui font ce genre d'étude. Donc, ça dépend. L'archéologie offre des possibilités, pas beaucoup mais si on se spécialise dans certains domaines, aujourd'hui certaines spécialités sont très demandées en archéologie, même on manque de certains spécialistes. L'épigraphie, c'est là aussi une possibilité, surtout dans l'enseignement, bien évidemment, mais un épigraphiste peut enseigner l'histoire, l'archéologie, ça dépend de quel parcours on construit. Tout dépend de quel projet on a, et il faut, sur la base de ce projet, construire le parcours le mieux possible en se formant le mieux possible en suivant le plus de concours, de spécialité, de séminaires, de se mettre en contact avec de différents spécialistes, de faire des stages. Il faut faire son parcours bien, pour avoir le plus de possibilités. Être prêt aussi à avoir des expériences à l'étranger, parce que ça c'est très important. Mon expérience à l'étranger m'a amenée à rester en France et à devenir maître de conférence en France. Parfois s'ouvrent des opportunités totalement inattendues. Et donc, je crois que suivre sa propre passion est la chose la meilleure et après s'ouvrent pleins d'opportunités différentes. Je ne sais pas si avec ça j'arrive à convaincre quelqu'un de faire des études dans le monde ancien, en classiques mais voilà.
Daria : Quels sont d'autres exemples de métiers que l'on pourrait faire dans l’Antiquité ? Par exemple, on pense automatiquement à l'enseignement et à la recherche mais je pense que c'est souvent l'argument qui fait souvent hésiter les jeunes.
Michela Costanzi : Oui, bien évidemment. Parce que, surtout, l'enseignement c'est peut-être plus simple que la recherche parce que la recherche c'est très compliqué, mais on peut faire l’enseignement et la recherche ensemble, donc par exemple, avoir une carrière à l'université. Mais il y a aujourd'hui pleins de métiers dans la médiation par exemple, je pense un des métiers, un ensemble de métiers qui sont aujourd'hui très très demandés, heureusement, parce que mettre en valeur le patrimoine, tout ce qui concerne le patrimoine, par exemple, aujourd'hui il y a des demandes de formations différentes : les musées... Il y a pas mal de possibilités. Les collectivités territoriales ont souvent des spécialistes qui s'occupent de tout ce qui est patrimoine. Des possibilités, il y en a beaucoup, je pense, il faut se renseigner et savoir ce que l'on veut faire.
Daria : Merci beaucoup. Merci beaucoup d'avoir consacré tout ce temps à ces questions. C'était très intéressant et enrichissant.