Thématique

Évaluation des pratiques et construction identitaire dans les formations professionnalisantes en alternance

Le terme « professionnalisation » est polysémique. D’une part, le besoin actuel de professionnalisation-efficacité du travail est fortement lié aux changements et aux évolutions qui bousculent les organisations du travail. Il en résulte que les savoirs professionnels sont organisés et validés en fonction d’une demande de performance, d’efficacité et d’adéquation avec le marché du travail dans un souci de recherche d’employabilité et de conformité à une norme attendue. Mais, en opposition avec cette première définition, la professionnalisation-formation demande des plans d’étude qu’ils visent le développement de l’autonomie, de la responsabilisation personnelle et du développement d’une posture critique et réflexive des acteurs.

Ainsi, pour répondre à ce double besoin de professionnalisation - employabilité du côté du monde du travail et émancipation du côté du monde de la formation - les formations professionnalisantes s’articulent très souvent autour d’ingénieries convoquant différentes formes d’alternance afin de mettre en synergie savoirs académiques et réalité du terrain.

De nombreux chercheurs associent la formation et l’identité professionnelle des personnes formées. De ce point de vue, la formation, initiale ou continue, contribue à la construction identitaire des futurs professionnels.les et des professionnels.les en exercice. Inversement, le processus dynamique de cette construction nécessite la formalisation et la mise en place consciente, volontaire et intentionnelle de moyens pouvant transformer l’identité, dont la formation peut faire partie.

Selon Kaddouri, la construction identitaire correspond à la réduction d’écarts entre l’identité vécue et l’identité visée, mais aussi entre l’identité acquise et l’identité assignée. Or, dans un contexte de formation en alternance, qui nécessite d’établir des partenariats interinstitutionnels, l’identité professionnelle est assignée par des institutions ayant leur culture propre : la culture de l’institut de formation et la culture du terrain ou culture du métier. Chacune se définit par des normes, des valeurs, des habitudes, des savoirs, un langage spécifique. La dynamique identitaire d’un.e professionnel.le en formation continue se développe à travers son regard critique sur ses actions, inscrites dans la culture institutionnelle du milieu de pratique, regard critique potentiellement influencé par la culture à laquelle ses formateurs adhèrent.

La réflexivité et l’autoévaluation des pratiques professionnelles reposent alors sur des cadres de référence distincts, mais complémentaires. En ce qui concerne l’évaluation des pratiques dans un contexte d’alternance, la personne évaluée est soumise à des appréciations différemment fondées ou à un double regard. En effet, l’évaluation est tantôt portée par l’institut de formation, tantôt par l’entreprise formatrice, parfois par les deux conjointement. Dans cette situation, il est légitime de penser que les normes, les modes et les modalités d’évaluation, ainsi que les acteurs impliqués, influent fortement sur la reconnaissance professionnelle et, par là même, sur la construction identitaire des professionnels.les.

Le 6ème colloque du gEvaPP s’intéresse ainsi aux effets de l’évaluation des pratiques sur la construction identitaire dans les formations professionnalisante. Trois axes, non exhaustifs, sont retenus pour cela :

Axe 1 :

Selon le cadre de référence (politique et société, chercheurs, institut de formation, terrain de formation et de pratique, formateurs, formés), quelle construction identitaire et quelle professionnalisation ? Y a-t-il un risque, dans les projets de formation en partenariat privé-public (PPP), que l’un des référentiels - productif vs de formation - dépasse l’autre au point de l’occulter ?

Axe 2 :

Selon les modalités et les finalités d’évaluation des pratiques - auto vs hétéro, paradigme enseignement vs apprentissage, normalisation vs développement - quelle place pour la construction identitaire ? Le rôle de l’acteur qui évalue - apprenant, formateur de terrain vs de l’institution, évaluation informatisée vs humaine - sera aussi observé en termes d’enjeux et de risques pour la construction identitaire.

Axe 3 :

Selon les mouvements de société et les valeurs qui y sont associées, entre compétences professionnelles et compétences transversales à développer en continu et éventuellement par soi-même, quelles perspectives pour la formation professionnelle de demain, pour la formation tout au long de la vie, pour l’évaluation et l’autoévaluation des pratiques professionnelles?