Doc

Photos

Photos suite

Documentation & méthodo  -  Cimetière  CHINOIS de Noyelles  -  Racines du 93

 800 Photos à visionner>> cliquer sur l'un des boutons jaunes en début de cette page   Documentation>> vous êtes sur la bonne page  

Intégralité des 737 emplacements de sépultures & des 59 plaques du cimetière chinois de Noyelles, également à visionner sur>> https://sites.google.com/site/racinesdu9311/cimetieres/noyelles2

- Sépultures: 842 personnes sur 737 emplacements= 633 avec 1 seule pierre tombale et 1 corps, 103 avec 2 pierres tombales, 1 avec 1 pierre tombale et 3 corps

- Plaques Commémoratives : 108 noms gravés sur 59 plaques= 11 avec 6 noms, 42 avec 1 seul nom, 6 en attente de gravure (chaque plaque photographiée séparément pour une lecture claire des noms gravés, en complément des vues générales du mur)

- Indexation en bas de chaque photo: n° de la division / emplacement dans la division / n° identifiant de la personne. Prises de vue Racines du 93-Sylvain Oerlemans le 23 août 2023

LIEU

______________________________________________________

DIVISIONS

INDEXATION des Tombes

REGISTRE des Inhumés

______________________________________________________

MÉMORIAL

INDEXATION des Plaques

REGISTRE des Inscrits au Mémorial

______________________________________________________

PRISE de VUES  &  FILIGRANE

LOGICIELS utilisés

______________________________________________________

CARTES, PHOTOS, REGISTRES, ARCHIVES

VIDÉOS


INFOS & ACTUS

AUTRES CIMETIÈRES

______________________________________________________

retranscription de l'étude "Le cimetière chinois de Nolette en Picardie", de Chaïb Yassine, p30-43 de Hommes et Migrations n°1276 nov-dec 2008    persee.fr

Des milliers de jeunes Chinois, surtout des paysans pauvres originaires du nord de la Chine, participèrent en France à l'effort de guerre entre 1917 et 1919. Recrutés par le Chinese Labour Corps, ils travaillèrent comme des forçats, assignés dans des camps. 20 000 mourront sur le territoire français. Le cimetière chinois de Nolette, en rendant hommage à ces morts anonymes, remplit, vis-à-vis du public et de la communauté chinoise, une fonction pacificatrice et réconciliatrice. 

______________________________________________________

En décembre 1916, un accord signé entre la Grande-Bretagne et la Chine portait sur l'emploi de travailleurs chinois sur le front occidental. Leur contrat stipulait qu'ils ne pouvaient en aucun cas être versés dans des unités combattantes. Les premiers volontaires débarquèrent en janvier 1917 sur le territoire français où une trentaine de camps furent organisés. Sept d'entre eux étaient localisés dans le Pas-de-Calais et la Somme, dont celui de Noyelles-sur-Mer, au hameau de Nolette, qui comptait 3 000 places. La France ayant signé le même type d'accord, on estime que 140 à 160 000 "coolies" prirent ainsi part indirectement aux opérations militaires. Les membres du Chinese Labour Corps furent affectés, à l'arrière du front, à des tâches de terrassement, d'aménagement et de construction de routes et voies ferrées, au déchargement des munitions ; quelques-uns travaillèrent dans les fermes avoisinantes. À partir du printemps 1917, un certain nombre d'entre eux furent envoyés en première ligne, avec mission de récupérer les blessés entre deux attaques. À la fin de la guerre, on les employa au déminage des champs de bataille ou au désobusage. Dès 1919 s'organisa le retour vers la Chine par vagues successives. Il fallut presque deux ans pour achever l'opération. Le bilan des morts, estimés à 2 000, paraît insuffisant : cette population, fragilisée par l'exil, a été décimée par la tuberculose puis, en 1918-1919, par la grande épidémie de grippe espagnole, ou encore victime de bombardements ou d'accidents. Le gouvernement britannique reconnut également dix exécutions entre 1918 et 1920. Cette histoire des premiers Chinois en France reste encore peu connue. 

La migration des travailleurs chinois pendant la Grande Guerre 

Le recensement de la population française de 1911 dénombre 283 ressortissants chinois. De 1900 jusqu'à la Première Guerre mondiale, cette petite communauté chinoise est déjà très composite dans sa structure sociodémographique et professionnelle. A cette époque, à Paris, elle comprend surtout des étudiants et des intellectuels. Si les chiffres ne sont pas très fiables, on estime généralement à environ 150 000 le nombre des travailleurs chinois qui participèrent indirectement à l'effort de guerre. Le déclenchement du premier conflit mondial se traduisit d'abord par la mobilisation générale (2 887 000 hommes en 1914, 2 740 000 autres les dix mois suivants), qui arrachera des millions d'hommes de leurs foyers et videra les usines de leurs ouvriers, provoquant une pénurie de main-d'œuvre dans tous les secteurs d'activité de l'économie. Le gouvernement prit alors conscience qu'il devenait impértif de créer des usines d'armement, de relancer l'économie et de faire appel aux travailleurs étrangers. Les négociations menées avec le gouvernement chinois amenèrent ainsi en France 1917 à 1918 des Chinois pour aider à l'effort de guerre : travail dans les usines d'armement, travaux de tranchée, travaux de terrassement, réfection des routes, des chemins de fer, construction de baraquements, déchargement et chargement de navires, manufactures d'armes et de munitions, chantiers navals, constructions mécaniques ou aéronautiques, secteurs agricoles et industriels. Originaires des provinces du nord de la Chine, ces hommes jeunes, pourvus d'un contrat cinq ans, étaient destinés à travailler dans l'industrie et l'agriculture. 95 000 furent mis à disposition de l'armée britannique, dont commandement se trouvait à Abbeville, les autres travaillèrent pour l'armée française dans le nord de la France. Certains auraient même pris part à la campagne de Picardie, en 1918. L'écrivain Victor Segalen, auteur de Stèles, s'était rendu en Chine en 191 7 - ce son dernier voyage - en tant que médecin chargé de superviser le recrutement des travailleurs. En mars 1917, il écrit de Nankin à son ami Jean Fernet : "J'appartiens donc à cette mission militaire de recrutement des travailleurs chinois. Les choses vont bien et on lève à raison de 200 par jour. . . Ce sont des gens du Chan-tong et du Ngan-hou infiniment plus sages et robustes que ces exportés dockers de Canton ou du Fou-kie. Et, dans une lettre à sa femme Yvonne : "On a, de 6 heures du matin à 3 heures l'après-midi, réexaminé et embarqué à bord de l'Empire, 1 800 coolies du Chantong et du nord du Kiangsou. De bons types de laboureurs bons garçons et pouvant faire de bonnes besogne. Ils sont vêtus de neuf lavés, trillés déjà. Je n 'ai jamais vu foule chinoise appétissante. Ils doivent compléter les 7000 à 8 000 que l'on a déjà reçus en France. À la fin de la guerre, près de 20 000 d'entre eux trouveront la mort en France -accidents, grippe espagnole, mort par balles...- et entre 120 000 et 125000 rentreront au pays. Ils constituent donc la base de la première immigration chinoise d'importance en France. La guerre terminée, si la très grande majorité de ces travailleurs chinois indochinois est rapatriée, entre 3 000 et 6 000 travailleurs chinois choisiront de rester en France et renouvelleront leur contrat en usine. Cette transplantation de main-d'œuvre permettra à 1 200 Chinois de s'installer en France sous le régime du droit commun. 

Une condition de forçat 

La proximité du front de la Somme avait conduit les Britanniques à établir, dès 1916, d'importantes bases arrière autour d' Abbeville, et en particulier à transformer Saint-Valéry-sur-Somme en port militaire. Les travaux d'aménagement et de maintenance exigeant une main-d'œuvre abondante, des milliers de paysans furent recrutés dans le nord de la Chine et importés comme ouvriers sur les chantiers de la région. Entre avril 1917 et la fin de 1919, ils ont été jusqu'à 12 000 à travailler moyennant des salaires de misère comme terrassiers ou dockers, véritables forçats enfermés dans des camps, n'ayant le droit ni de circuler, ni d'entrer en contact avec la population. C'étaient uniquement des hommes jeunes, âgés de vingt à trente-cinq ans. Ils étaient volontaires. Civils, ils étaient venus pour travailler et non pour faire la guerre. Parmi eux, beaucoup de paysans pauvres voulaient quitter leur pays, venir en France, gagner de l'argent et retourner ensuite chez eux. Le recrutement de cette main-d'œuvre était anglais. En effet, ils se présentaient dans les bureaux de recrutement des villes de Nankin et de Shanghai. Ils furent recrutés et employés par le Chinese Labour Corps, le corps des travailleurs volontaires créé par les Anglais. Le voyage se faisait en cargo, avec un embarquement à Shanghai pour une durée de plusieurs mois. Ils étaient entassés et souffraient de malnutrition. Certains moururent de maladies ou devinrent fous tant les conditions à bord étaient dures. Il y avait trois itinéraires possibles : de Shanghai à Marseille par le canal de Suez ; de Shanghai au Havre par le cap de Bonne-Espérance ; de Shanghai au Havre, avec traversée du Canada en train. Les moyens de transport utilisés témoignent du périple harassant entrepris par ces travailleurs migrants : le bateau de Shanghai à Marseille, puis le train de Marseille à Noyelles et à pied jusqu'à Nolette ; le bateau de Shanghai au Havre jusqu'à Saint-Valery, suivi d'un trajet en train et d'une marche de la gare de Noyelles au hameau de Nolette, enfin le bateau de Shanghai à Vancouver, puis un train de Vancouver à Halifax et un bateau de Halifax à Saint-Valery via Le Havre. Une fois arrivés en France, ces hommes ont marché jusqu'au camp de Noyelles, bien desservi par la voie ferrée qui reliait Saint-Valery à Noyelles et assez éloigné du front autour d'Abbeville. C'était un camp de transit : 90 000 travailleuchinois engagés pour l'arrière du front passèrent par ce camp. Certains y resteronmais beaucoup partiront dans d'autres camps dans la Somme. Les camps maintenaient les Chinois à l'écart de la population locale, ils ne pouvaient pas circuler librement. Ils étaient solidement encadrés par un état major, de nombreux officiers et sous-officiers surveillant et dirigeant les travaux. La discipline anglaise y était très rigoureuse et les Chinois subissaient nombreux châtiments corporels. Ils étaient logés dans des cabanes en bois, ou sous des tentes accueillant 24, 48 ou 120 personnes. Sans toilettes. Certains baraquements abritaient les cuisines, un hôpital, un asile - car de nombreux Chinois ayant travaillé sur l'arrière du front devenaient fous de terreur au bruit de la canonnade et du supplice - et même une prison. Selon les souvenirs d'adolescent de Joseph de Valicourt, ils étaient "vêtus de vestes en coton bleu matelassé, sans manches ; bleus de chauffe, jambes ficelées dans des bandelettes entrelacées, petits bonnets ronds avec cache-oreilles de fourrure". Leurs chaussons étaient confectionnés dans le même tissu que les vestes ; ils semblaient ne pas avoir de semelles, ne faisaient pas de bruit en marchant. Leurs instruments de travail étaient des perches de bambou, des brouettes triangulaires. Chacun portait un bracelet d'identification gravé à son numéro et son carnet de travail était oblitéré chaque jour. 

Le recrutement par le Chinese Labour Corps 

La plupart de ces migrants furent recrutés et employés par le Chinese Labor Corps au titre de travailleurs volontaires ". Ce corps fut créé en 1917 par Anglais, reprenant l'initiative de Georges Charles Gordon qui, en 1840, avait jeté les bases d'un corps chinois du génie formé par des officiers du Royal Ingene Corps, qui fut présent aux côtés de l'"Armée Toujours Invincible" dans reconquête du pouvoir menacé par les Tai Ping. Le traité permettant d'utiliser officiellement ces travailleurs sans que ceux-ci puissent porter les armes au nom d'une puissance étrangère fut signé et l'impératrice douairière Cixi -Tseu Hi - et les représentants de la Grande-Bretagne et de la France qui avaient participé à la guerre de l'opium. La plupart des Chinois recrutés le furent donc dans les provinces du sud de la Chine, dans régions attenantes à Canton - ou Guandong -, à Shanghai, Jinan - Shandong - Hong sous-officiers Kong - et Zhejiang. de 500 hommes. Chaque compagnie était composée d'un officier, de huit sous-officiers et de 500 hommes.  Par ce traité, ils ne pouvaient combattre, contrairement aux soldats annamites des lointaines colonies d'Indochine : Vietnam, Cambodge, Laos. Mais ils furent employés principalement par l'armée britannique à des tâches jugées ingrates ou difficiles, comme à la blanchisserie où leur réputation était sans égale, ou dans les services de santé auprès des malades, particulièrement ceux atteints de la grippe espagnole - qui fit 1 7 millions de morts en Europe. Infatigables, ils surprenaient les Européens par leur vivacité, leur endurance et leur joie de vivre. Leur contrat était ambigu. Le salaire pour un travailleur était 100 francs par mois en France contre 10 yuans par mois en Chine ; pour un chef de l'équipe avec 14 travailleurs : 125 francs par mois en France contre 10 francs par mois en Chine ; pour un chef d'équipe gérant quatre équipes : 150 francs par mois en France et 15 francs par mois en Chine ; pour un surveillant - un Chinois qui parlait bien anglais : 200 francs par mois en France et 20 francs par mois en Chine. Analphabètes et sous-informés, ces Chinois méconnaissaient les attendus du contrat de travail en y accolant la marque de leur pouce pour stipuler leur engagement. En effet, dès leur arrivée en France, le contrat exécutoire se révélait différent : 10 heures par jour, 7 jours sur 7, pour un salaire de 1 franc par jour... Le contrat était en outre particulièrement défavorable pour les accidentés et les mutilés ; quant aux morts, ils n'avaient aucun ayant droit puisque ces migrants chinois n'avaient aucune parenté en France. Beaucoup de corps sont restés sans sépulture ; mais on peut estimer à 20000 le nombre des morts selon les données officielles. Les causes de mortalité sont multiples : accidents du travail, manque d'hygiène, mauvais traitements, épuisement, froid, malnutrition, certains ont été fusillés par les officiers, d'autres sont morts de maladies, notamment la grippe espagnole, etc. Après la guerre, à l'expiration de leur contrat, ceux qui sont restés sans travail ont eu des difficultés à vivre en France. Certains sont partis à Paris, pour s'installer dans le quartier de la gare de Lyon. Les ouvriers spécialisés ont trouvé du travail dans les usines du Creusot. D'autres se sont mariés avec des Françaises, et leurs enfants vivent en France. Le dernier survivant est mort le 5 mars 2002 à La Rochelle à l'âge de cent cinq ans

Le cimetière chinois de Nolette 

Le cimetière chinois est situé à Nolette, hameau de Noyelles-sur-Mer. Il se trouve en pleine campagne, au milieu des pâtures et des champs, au fond de la baie de Somme, entre le Crotoy et Saint-Valéry, sur la route de Sailly-Flibeaucourt. Sur les 17 cimetières chinois en France, quatre sont dans la Somme, un dans les Vosges, un dans l'Oise, un dans les Bouches du Rhône, un en Seine-Maritime neuf dans le Pas-de-Calais. Celui de Nolette est le plus grand cimetière chinois de France et compte 838 tombes. Il s'étend sur 3793 yards carrés (1/2 hectare) - c'est une nécropole anglaise en France. La commission du Commonwealth chargée des cimetières militaires a été créée pale décret royal du 21 mai 1917, complété par un amendement du 8 juin 1964. Ellest chargée de l'entretien des sépultures des membres des forces alliées du Commonwealth tombées lors des deux premières guerres mondiales. Son budget de fonctionnement provient d'une participation de tous les partenaires du Commonwealth à proportion du nombre de leurs sépultures. La commission est présente dans 140 pays avec 1 694 946 sépultures. La plupart des cimetières sont directement entretenus par commission, qui se réunit quatre fois par an. Depuis les années quatre-vingt, un programme de rénovation, de sauvegarde et d'aménagement des cimetières militaires a été engagé dans le monde entier en passant des accords et des arrangements sur les effectifs d'entretien dans ces pays. Dans quarante pays seulement, la commission est dotée de son propre personnel. En 1917, les Chinois étaient enterrés en pleine terre dans le cimetière. En 1921, le préfet de la Somme inaugura ce cimetière militaire britannique. Aujourd'hui, il est entretenu par une société anglaise qui prend soin de tous les cimetières militaires du nord de la France. De petits rosiers anglais ont été plantés au pied de chaque tombe ; le cimetière comporte aussi trois cèdres du Liban. La commission a une gestion exclusive du cimetière chinois de Nolette. L'épisode des deux lions offerts par la commune de Tungkang - de Taïwan -, jumelée avec la commune de Noyelles-sur-Mer, est significatif. Pour honorer ce serment de jumelage signé en 1984, le maire de Tungkang a offert deux sculptures de lion de pierre. Mais le bureau principal de la Commission a considéré que "le cimetière militaire de Nolette n'était pas le lieu approprié pour recevoir ces deux sculptures". Pour des raisons diplomatiques et esthétiques, il décida que "ces magnifiques lions pourraient être exposés en souvenir constant du lien entre Noyelles-sur-Mer et Tougkan sur la place de la mairie, "le lieu où ils pourront ainsi être vus par un plus grand nombre de personnes" et " occuperont la position importante à laquelle ils sont destinés". Au hameau de Nolette, commune de Noyelles-sur-Mer, plus de 850 stèles rappellent  un épisode méconnu de la Grande guerre. Ce cimetière est la plus grande nécropole de travailleurs chinois de la Grande Guerre, et la seule qui leur soit entièrement consacrée. Nombre d'entre elles supportent une épitaphe en caractères chinois, rappelant que des Chinois sont venus au cours de la Première Guerre mondiale assister l'armée britannique à l'arrière du front, pour effectuer des travaux lourds. Bien que le cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer ne soit pas classé au titre des Monuments historiques, on peut considérer qu'il fait partie du patrimoine des jardins de la Somme. En effet, les politiques publiques patrimoniales ont commencé en 2004 à réaliser un inventaire des parcs, jardins et cimetières militaires de la Somme, commandité par le Conseil général de la Somme. Au-delà de la valeur architecturale et paysagère du cimetière chinois de Nolette, la conservation de ce lieu peut s'inscrire, pour les survivants, dans une démarche de "mémoire exemplaire", par laquelle le passé devient un principe d'action pour le présent. Ce cimetière est la plus grande nécropole de travailleurs chinois de la Grande Guerre, et la seule qui leur soit entièrement consacrée. Lieu majeur de mémoire des événements de cette guerre, il est en passe de devenir l'un des lieux de mémoire de la Chine populaire. La cérémonie officielle du jour du Qing Ming - l'équivalent chinois de la fête des morts - témoigne de cette reconnaissance. 

Lieu de l'immigration et creuset de la diversité culturelle 

Longtemps ignorée en France, la participation des travailleurs chinois aux efforts de la Grande Guerre représente un enjeu de mémoire collective. Aujourd'hui, cet oubli s'efface au profit d'une juste appréciation du rôle historique des ouvriers chinois de l'époque et de l'exploration de leurs racines par les communautés chinoises vivant en France. Les Chinois de la Grande Guerre et ceux qui immigreront ensuite ont transmis à leurs compatriotes ainsi qu'aux communautés chinoises en France des images édifiées sur le socle de ce passé douloureux. Les mémoires de l'exil, plurielles, se perpétuent dans la mémoire collective des Chinois de France. Entre mémoires, interdits et oublis, ces exilés chinois ont forgé des souvenirs qui vont marquer leurs familles, les lieux parisiens où ils s'installent et leurs habitants. Fréquemment isolés dans la société française, ils sont perçus par les Français comme étant solidaires, discrets, regroupés, fermés, travailleurs, polis et silencieux. En effet, ces Chinois de France ont su garder leurs traditions ancestrales tout en développant des stratégies commerciales réussies. Au regard d'autres communautés, les Chinois de France font l'objet de représentations contradictoires. Au-delà d'une image liée à l'aspect exotique et lointain d'une Chine qui fait rêver et au-delà de la peur du "péril jaune", les Chinois sont selon les époques, tantôt reconnus, accueillis, appréciés, idéalisés, tantôt mal perçus, jugés avec défiance, discrédités, rejetés par une partie de la société. Rejetés, ils le furent souvent, isolés en France et éloignés de leur patrie. Les Chinois d'outre-mer ont tissé des liens communautaires dans le monde entier. Ils ont également participé à la renaissance économique de la Chine grâce à leurs investissements dans leur pays d'origine. Conscients de leurs traditions, instruits sur l'histoire, ils participent à la reconstruction de la mémoire de l'immigration chinoise en France en matière d'enjeux, de reconnaissance sociale et identitaire œuvrant pour la construction d'un grand monde chinois réunifié. 

L'écosystème patrimonial du cimetière 

L'exemple du cimetière chinois favorise une appropriation collective. La plus haute vertu de ce lieu réside dans sa fonction pacificatrice et réconciliatrice, vis-à-vis d'autrui que de la communauté. Sa valorisation culturelle et économique est envisagée dans l'optique d'une fréquentation touristique paisible. La mémoire des travailleurs chinois constitue un "médium" pour les générations suivantes. En Picardie, le tourisme des mémoires est essentiellement lié aux traces de Première Guerre mondiale. Aux pèlerinages dans les paysages bouleversés l'après-guerre ont succédé des visites et pratiques mémorielles concentrées squelques secteurs emblématiques, aménagés pour le recueillement. En effet, des oppida gaulois aux champs de bataille du XXe siècle, les activités militaires ont laissé dans le paysage de profondes empreintes, dont certaines sont aujourd'hui des objets de curiosité et de visites. Il s'agit désormais de donner aux nouvelles générations de touristes des clés lecture d'un conflit devenu pour eux moins familier - d'où les aménagements réaménagements récents de Péronne, du Chemin des Dames ou de Beaumon Hamel. Si les paysages militaires picards ont un indéniable potentiel d'attraction touristique, leur nature particulière impose de chercher un équilibre entre contraintes d'une valorisation économique et le respect d'une mémoire sensible. La baie de Somme est aujourd'hui engagée dans une démarche d'Opération Grand Site National, conduite dans un cadre partenarial par le Syndicat mixte pol'aménagement de la côte picarde. Cette opération prolonge un projet en œuvre depuis trente ans : fonder le développement économique, social et culturel de cette région sur la préservation, la gestion et la mise en valeur de ses richesses. La valorisation économique de la baie de la Somme est une préoccupation partagée par tous les acteurs : particuliers y trouvant des satisfactions d'ordre artistique, cognitif et de loisirs, propriétaires de biens patrimoniaux désireux de mobiliser les ressources nécessaires à leur conservation, Etat et collectivités territoriales soucieux d'identité d'un territoire, entreprises, artisans et associations voulant accroître des savoir-faire et bénéficier de retombées économiques. La diversité des partenaires, des usages et des valeurs concernés font désormais de ce patrimoine culturel un véritable écosystème où s'allient les efforts des uns et des autres pour susciter des dynamiques positives. En 2000, la création culturelle de Frédéric Tellier, No Rest, prenait pour objet le cimetière chinois, mobilisant sur un fond historique la magie et le merveilleux. Cette création, histoire d'âme errante et inconsolable, exprime très librement un drame lyrique et religieux, en s'inspirant du théâtre nô japonais. Par ailleurs, une étude de faisabilité d'un projet européen - Feder - sur le cimetière chinois de Nolette est en cours. Ce projet, visant à explorer les dimensions économiques du patrimoine, s'attache à analyser l'originalité économique et culturelle de l'écosystème patrimonial du cimetière, à savoir les interdépendances entre les valeurs du patrimoine et les comportements des acteurs, des producteurs de services et des utilisateurs. 

Les représentations du cimetière pour les Chinois de la diaspora 

Aujourd'hui, le cimetière chinois de Nolette est un lieu de l'histoire de l'immigration chinoise en France. Le travail de mémoire et la préservation du patrimoine permettent une relation vitale entre passé et présent. Le besoin de trouver des points fixes ou des repères dans un monde changeant explique cet engouement. Le cimetière chinois est un exemple de faire-valoir du patrimoine de l'immigration en France. La représentation de ce cimetière vise en premier lieu à démentir une rumeur dont fait parfois l'objet la communauté chinoise, fondée, selon Jean-Noël Kapferer, sur l'absence de dépouilles, la disparition des corps apparaissant comme un fantasme. Le XIIIe arrondissement de Paris, "Hong-Kong-sur-Seine", abrite une communauté asiatique concentrée dans de hauts immeubles modernes. Deux ou trois déclarations annuelles de décès seulement seraient enregistrées sur 20 000 habitants, au lieu d'une centaine attendue. Où passent donc les morts manquants ? Selon la rumeur, ils seraient emportés en Belgique, ou en Hollande, afin d'y être ensevelis. Leurs papiers d'identité seraient récupérés et revendus ou réutilisés par d'autres immigrés clandestins. Il s'agirait là d'une façon de faire entrer de nouveaux immigrés en France. En réalité, communauté asiatique arrivée récemment comporte un nombre considérable d'enfants en bas âge : son taux de mortalité ne saurait être comparé au taux moyen de la population vieillissante de la France. Il n'y aurait donc pas de "morts manquants". En second lieu, la fonction de ce cimetière est pour les Chinois d'avoir "leurs ancêtres parmi nous". Il n'est pas facile, pour être en accord avec leurs valeurs ancestrales, de se trouver des ancêtres honorables qui résistent à l'épreuve du temps et qui fassent l'unanimité. Dans le culte ancestral chinois, il est vain de chercher la figure d'un ancêtre éponyme ou un idéal type. L'ancêtre est "un mort qui a réussi" au terme d'une sévère sélection. D'après Fabrizio Sabelli, une vie exemplaire, un "bon" trépas, des funrailles conformes ne garantissent nullement l'accès au panthéon et le droit au culte. La terre des ancêtres correspond à un pouvoir conféré à un lieu, quelques tombes ou un regroupement de tombes, comme celui du cimetière de Nolette. Le parcours migratoire des travailleurs chinois qui y sont inhumés est révélateur des valeurs de la civilisation chinoise. Leur projet de migration place le travail, l'épargne, l'éducation, le respect du savoir et la mobilisation de la volonté, la qualité d'exécution et la discipline comme valeurs essentielles permettant d'atteindre à la dignité humaine.

Fréquemment, les morts sont rapatriés dans la "Terre de famille". En Chine, la pratique du retour post mortem des dépouilles atteint une dimension inimaginable. A Canton, les cercueils venant d'outre-mer sont entreposés, avant leur transport au village natal, dans des édifices dédiés, véritables salles d'attente des morts, dans une atmosphère de consigne manuelle de "bagages à âme". Enfin, le cimetière chinois de Nolette a pour fonction le culte du souvenir et la constante référence aux souffrances du passé. Il représente une constante rédemption du passé de la Chine et un rendez-vous mystérieux entre les générations défuntes et les nouvelles générations de migrants chinois, ce cimetière leur permettant de consacrer deux bases fondamentales de la société chinoise : la société solidaire et l'harmonie sociale. 

La visite au cimetière d'un collectif des sans-papiers

Le 14 juillet 2000, à 8 heures du matin, place de la République à Paris : une petite foule bruyante de soixante sans-papiers chinois, accompagnés de quelques amis français, embarque à bord d'un car qui prend la direction du nord. Ces sanspapiers appartiennent au Troisième collectif ; ils ont décidé d'aller rendre hommage à leurs compatriotes tombés au service de la France pendant la guerre de 1914-1918. Accueillie par la secrétaire de la section de la Ligue des droits de l'homme d'Abbeville, la délégation parcourt silencieusement les allées, lisant et relisant les épitaphes gravées sur les stèles. Puis une gerbe est déposée, portant cette inscription : "Aux travailleurs chinois de 1917-1920 morts pour la France / Les travailleurs chinois de 1997-2000 rejetés par la France"

Après quelques brèves interventions rappelant l'histoire du site et la situation actuelle, suivies d'une longue séance de photos, les voyageurs se dispersent aux abords du cimetière. Puis c'est l'heure du retour ; la délégation revient à Paris avec le sentiment qu'un peu de justice a été rendue. 

La direction régionale de l'ACSE et la DRAC Picardie ont initié un projet global de tourisme économique et culturel des mémoires autour du cimetière chinois de Nolette. Plusieurs actions en 2007 et 2008 ont été menées dans ce sens :

______________________________________________________

DOC  -  Cimetière  CHINOIS de Noyelles  -  Racines du 93

Doc

Photos

Photos suite