Piero Fornasetti

« Ce que je cherche dans chaque objet est la marque de l'homme. »

Piero FORNASETTI (1913-1988) né à Milan, il est tout à la fois peintre, graphiste, sculpteur, décorateur d'intérieur et graveur. Il a vécu et travaillé à Milan de 1935 a ses débuts, jusqu'à sa mort en 1988. Durant sa carrière, il réalise plus de 11 000 décors et costumes, et travaille sur tous les supports possibles, cravates, gilets, verres, assiettes, papier, parapluies, lampes, meubles, paravents... C'est l'une des figures artistiques les plus prolifiques du XXe siècle.

Par-delà même ses réussites incomparables, il est une personnalité versatile à la tête d'une œuvre multiforme embrassant aussi bien l'art graphique que la verrerie, la porcelaine, le tissu, la gravure, le théâtre, le mobilier et la peinture. Il est l'un des plus grands artistes des années cinquante, un travailleur acharné qui poursuit toute sa vie une recherche obstinée, se créant une mythologie personnelle, un monde imaginaire dont il ne cesse, un peu à la manière de Jean Cocteau, de varier les éléments. Il reste l'un des plus riches créateurs d'espaces excentriques et d'images envoûtantes.

De toutes ses trouvailles, l’une s’impose particulièrement, par l’insistance qu’il met à la « varier » au point d’en faire une véritable image de marque. Il s’agit de ce visage d'une femme lisse et absente, tel un mirage de féminité, objet de la série des Thèmes et Variations, dont n’existent pas moins de cinq cents versions différentes. Les versions de ce visage à l’origine sont dessinées à l’encre de Chine, tel que le restitue une gravure avec un réseau impalpable de lignes et de points, un voile venant se déposer à la surfaces des choses.

Cette série de Thèmes et Variations qu’il module à plus de 500 variations, au départ essentiellement pour la vaisselle, représente soit, le visage d'une courtisane tiré d’un magazine français du XIX° siècle ou celui de la chanteuse Italienne Lina Cavalieri, par laquelle il est obstiné.

Son œuvre tient à sa fascination pour le mécanisme de la répétition et de la mise en série de thème favoris sur lesquels il ne cesse de revenir, en les modifiant à plaisir, emblématique de sa démarche, image-clef de son monde.

Ces motifs déclinés à l'infini, il les applique sur les supports les plus variés, les forçant à épouser leurs formes, des cendriers aux rideaux, en passant par les chaises, à leurs dossiers en forme de chapiteau , ou encore des commodes au décor de villas palladiennes, jusqu'aux lampes, gilets, paravents ou porte-revues, constituant une œuvre singulière, et ludique.

Tout au long de sa carrière, il s’affirme comme un décorateur à la fois unique et universel. Un style prenant sa source dans le trompe-l’œil, les perspectives architecturales, ainsi que dans une multitude d’images familières. Parmi ses thèmes favoris, le soleil, les cartes à jouer, les signes du zodiaque, les poissons, les montgolfières, les fleurs, masques, les instruments de musique et les décors de la comedia dell’arte, particulièrement présents dans les intarsia de la Renaissance et surtout ce visage de femme que certains ont suggéré être la Mona Lisa de Fornasetti, à partir desquelles il décline d’infinies variations.

A chaque série Piero Fornasetti associe une signature, ses signatures deviennent à leur tour une nouvelle série.

A 19 ans, Piero Fornasetti est renvoyé pour indiscipline de l'Académie des beaux-arts de Brera. C'est en 1933, à la 5e Triennale de Milan, sa ville natale, qu'il expose ses premières créations, des foulards imprimés. Dès 1936 il est reconnu pour son talent de dessinateur et son goût pour les mises en scène d'architecture. A la Triennale de 1940 il présente un plateau en marqueterie de marbre et des chaises avec des motifs qui reviendront constitutifs de son travail, masques, végétaux, éléments de l'Antiquité romaine, détails d'architecture. Son travail est remarqué par l'architecte designer Gio Ponti.

L'amitié de Gio Ponti et de Fornasetti donne lieu entre autres, en 1942, à une suite d'almanachs commandés par le 1er et dessinés par le 2nd, intitulé le Lunario del Sole, almanach du soleil imaginé pour Ponti sur le thème de l'astre solaire, Fornasetti poursuit ensuite l'idée à titre privé, qu'il décline à nouveau en multiples variations dans sa série, Soli e Lune.

Pendant les années cinquante il travaille de nouveau avec Gio Ponti, en 1950 à la décoration du casino de San Remo, puis en 1951 à une ligne de mobilier baptisée Architettura. La même année ils décorent ensemble la Casa Lucano où murs, portes, fauteuils, bureaux sont recouverts de motifs de livres anciens, statues et draperies, un univers où le vrai se dispute au faux. En 1952 pour l'aménagement du paquebot Andrea Doria, il applique des motifs de poissons, étoile de mer et signes du zodiaque,et décore toujours en parallèle des meubles créés par Ponti.

« Il donne la parole aux objets. » Gio Ponti

Au-delà de sa collaboration avec Gio Ponti qui sans aucun doute l’a révélé, Fornasetti dirige personnellement son travail créatif vers la magie et l’illusion. Il se réfère souvent aux maîtres du trompe l’œil de la Renaissance en déroutant les modèles. Pour le designer, un seul objet ne peut offrir toutes les facettes d’une idée. Il prend plaisir à laisser dériver son imagination, un thème se décline dans des formes multiples mais aussi sur des supports multiples.


« Le design tel que je l’entends devrait favoriser la production d’objets de qualité à bas prix. » Piero Fornasetti



« Ma fantaisie me survivra. » Piero Fornasetti

Semblable à un maitre zen, Fornasetti avoue ne dessiner que la mémoire des choses. Il ne copie jamais le modèle mais se laisse imprégner de sa forme pure afin de pouvoir la restituer. Le monde naturel est ainsi la réserve essentielle de son imaginaire. Son œuvre est source d'étonnement, de délice et d'inspiration mélangeant le dessin, l'art graphique, le trompe l’œil et l'architecture.

Il invente comme il respire, librement, tout est foisonnant, à l'image de son créateur, c'est se retrouver au cœur d'une jungle folle où papillons, chats, lions se disputent les tissus, assiettes, les chaises, murs. Son imagination ne connait aucune limite, les paravents sur roulettes s’imbriquent avec le reste du mobilier, les chaises font échos aux rideaux, comme une grande mise en scène illusionniste, il trompe l’œil en perpétuant la tradition italienne, l’illusion enrobant la fonction.

« Mon travail est une folie pratique. » Piero Fornasetti

« Un artiste qui veut réussir, n'est plus un artiste, il n'est plus que quelqu'un qui veut réussir. » Piero Fornasetti