Licence 3

Cours Licence 3

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Licence 3 Lettres Classiques, Lettres Modernes

Introduction à la linguistique spontanée

Philippe Monneret

Connaître une langue, ce n'est pas seulement maîtriser un vocabulaire, une morphologie, une syntaxe. Sous l'apprentissage  de la parole quotidienne et du langage écrit se développe spontanément une connaissance tacite relative à de nombreux paramètres linguistiques.

Introduction

La linguistique spontanée a pour objet l'étude les connaissances linguistiques implicites des locuteurs sur leur propre langue, sur le langage ou sur les langues en général. Entrent notamment dans ce cadre, outre le sentiment de grammaticalité ou d'acceptabilité, la connaissance intuitive des types de discours et des contextes discursifs, le sentiment métaphorique, le sentiment de littérarité, l'étymologie populaire ou encore le jugement puriste. Les connaissances sur lesquelles reposent les compétences impliquées par ces processus cognitifs ne sont en général pas conscientes et ne procèdent jamais d'un apprentissage explicite. Elles sont spontanément élaborées puis utilisées par les sujets parlants. Comme la linguistique analogique ou l'étude de la compréhension, la linguistique spontanée peut être considérée comme une problématique relevant du champ de la linguistique théorique.

1. Linguistique populaire, linguistique naïve, linguistique spontanée : champs et définitions

Dans la recherche contemporaine sur ces questions, la terminologie est particulièrement flottante. Ces divergences sont-elles de simples variations terminologiques ou s'expliquent-elles par des clivages théoriques ou relatifs au champ de recherche impliqué ? Comment se justifie le choix de la dénomination "linguistique spontanée" ?

2. Une perspective intégrante : La linguistique populaire

La linguistique populaire, ou "folk linguistique" (Marie-Anne Paveau), s'intéresse à toutes les activités linguistiques pratiquées par les non-linguistes (locuteurs ordinaires mais aussi correcteurs, écrivains, humoristes, etc.).  Peut-on clairement distinguer les linguistes des non-linguistes ? Comment les pratiques "profanes" de ces derniers en matière de langage se distinguent-elles de celles des linguistes ? Qu'est-ce que la linguistique populaire peut nous apprendre au sujet du langage ?

3. Le problème de la distinction des plans linguistique, épilinguistique, métalinguistique

Toute activité langagière n'est pas une activité linguistique. Une activité linguistique est une activité de langage qui porte sur le langage. Mais toute activité linguistique est-elle métalinguistique, comme dans le cas du discours savant du linguiste ou du grammairien ? Peut-on considérer que la linguistique spontanée relève d'un autre plan, que l'on pourrait nommer "épilinguistique" (Culioli) au sens où elle s'appuierait sur des aptitudes cognitives présupposant une sorte d'analyse métalinguistique élémentaire ?

4. La problématique de l'autonymie

La linguistique spontanée repose sur une propriété fondamentale du langage humain, l'autonymie, c'est-à-dire la capacité du langage à se prendre lui-même pour objet. Le langage permet de parler du langage. Cette réflexivité lui est consubstantielle. Un énoncé épilinguistique comporte-t-il nécessairement une dimension autonymique ? Quelles sont les relations entre la linguistique spontanée et la perspective autonymique ?

5. Métareprésentation et métacognition

Un énoncé relevant de la linguistique spontanée est une représentation linguistique d'une autre représentation linguistique. Il s'agit donc d'une métareprésentation (représentation d'une représentation). En quoi les apports de la théorie de l'esprit (qui s'intéresse aux métareprésentations en général) et de l'étude de la métacognition (qui s'attache aux processus cognitifs de contrôle ou de régulation de la cognition) enrichissent-ils l'étude de la linguistique spontanée ?

6. Métaphore et sentiment métaphorique (4 avril)

Pourquoi l'emploi de "contagion" dans des expressions comme "la contagion du rire", "la contagion des idées", "la contagion de la crise", nous apparaît-il spontanément comme métaphorique, alors que l'identification d'une métaphore au sens technique du terme dans de tels cas est douteuse ? Et pourquoi inversement ne percevons-nous pas immédiatement comme métaphorique une expression du type "le contenu de ce livre" ? Il s'agit de polysémie dans les deux cas, mais cette polysémie est parfois perçue comme une métaphore. Il semble donc nécessaire de distinguer la métaphore (au sens métalinguistique) du sentiment métaphorique qui, lui, appartient au domaine de la linguistique spontanée.

7. Conclusion (9 mai)

La problématique de la linguistique spontanée peut être considérée comme un cas particulier de l'étude de la théorie de l'esprit, si l'on nomme ainsi  l'ensemble des connaissances courantes (c'est-à-dire non scientifiques) des individus sur leurs croyances, leurs intentions, leurs désirs ou ceux d'autrui. Cependant, compte tenu du fait que la linguistique spontanée véhicule des représentations du sens, on peut émettre l'hypothèse que celle-ci joue un rôle central dans la théorie de l'esprit.

 

Bibliographie

Guy Achard-Bayle et Marie-Anne Paveau (dir.),  Pratiques n° 139/140 : « Linguistique populaire ? »

Jacqueline Authier-Revuz, « Le fait autonymique : langage, langue, discours – quelques Repères », Colloque Autonymie, 5-7 octobre 2000, http://www.cavi.univ-paris3.fr/ilpga/autonymie/theme1.htm

Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, chapitre XI, Minuit, 1963

Catherine Julia, Fixer le sens ? La sémantique spontanée des gloses de spécification du sens, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001

Joëlle Proust, « La Métacognition comme contrôle de soi », Psychiatrie, Sciences Humaines, Neurosciences (Springer) 6 (2008) 1-7

Marie-José Reichler-Béguelin, « Saussure et l'étymologie populaire », in C. Normand & M. Arrivé (éds), Saussure aujourd'hui, Actes du Colloque de Cerisy (12-19.8.1992), Numéro spécial de LINX, Université Paris X-Nanterre, 1995, 121-138.