L’historique d’un acteur musical et
social chaux-de-fonnier
La fondation
C'est en 1905, à l'occasion de la commémoration du 1 er mai, que la Musique ouvrière La Persévérante fut fondée. C'est à Messieurs Wehren, Novazzio, Chopard, Jeanneret, Baelher, Freiburghaus que nous devons la fondation de cette société. Dès juin 1906, la « Persé » devenait musique officielle de l'Union ouvrière et des syndicats. L'idéal de ces fondateurs était alors le syndicalisme, le socialisme et la coopération.
A ces débuts, la « Persé » répétait dans l'ancienne Synagogue ou encore au Cercle Ouvrier de la rue du 1 er mars. C'est en 1924 que la « Persé » prend ses quartiers dans la nouvelle Maison du Peuple qu'elle ne quittera plus. Ces membres n'hésitaient pas à gravir les 5 étages à pied pour se rendre à la répétition jusqu'à trois fois par semaine.
Au niveau national, la Musique ouvrière La Persévérante était un membre fondateur de l'Union romande des musiques ouvrières fondée en 1919 ainsi que de l'Union suisse des musiques ouvrières fondée en 1920. Au niveau local, la société faisait partie alors de l'Union locale des musiques. Elle entretenait également des relations extrêmement cordiales avec l'Union ouvrière, le Parti socialiste et les coopératives.
Afin de plonger dans le quotidien de la société, regardons ce témoignage d'Eugène Maléus recueilli par le journal L'Ouvrier en 1955 intitulé : La « Persé » va vers cinquante ans :
« Cela m'a rappelé certains souvenirs d'enfance, alors que j'exerçais avec mes copains mes talents de galopin bruyant aux abords du Cercle ouvrier de la rue du 1 er Mars.
Nous aimions beaucoup la musique et ne perdions aucune occasion de nous faire remarquer par les musiciens de l'Armée du Salut, qui concertaient souvent sur la place du Stand, et par ceux de La Persévérante , qui formaient leur cortège sur la même place. (…)
Nous avions, par contre, une admiration sans limite pour le camarade Grosvernier, qui tenait la basse, au premier rang ; cela était probablement dû au fait qu'il avait le plus gros instrument et qu'il était coiffé d'un chapeau melon.
Par contre, notre ami Alcide, qui portait le grand lampadaire chargé d'éclairer les partitions lors des sorties du soir, avait bien des motifs de se plaindre de nous (…). Nous racontions que lorsqu'on lui confiait un instrument, il était toujours muni d'un bouchon, ce qui n'a d'ailleurs jamais été confirmé, mais fait partie des légendes du quartier.
(…)
Le cinquantenaire
Alors que la « Persé » allait fêter ses cinquante ans, le journal L'Ouvrier publie une série d'articles et de témoignages sur la société. Figure de proue de toutes les manifestations syndicalistes de la ville, la société s'agrandissait. Elle avait besoin d'uniformes et d'instruments.
Voici l'appel de l'Amicale de La Persévérante aux syndicats, mouvements politiques et organisations ouvrières :
« Depuis plus de 50 ans, notre vaillante fanfare est à la tête de toutes nos manifestations ; son histoire est intimement liée à l'histoire du mouvement ouvrier de notre ville. Conduisant nos cortèges aux jours de grève comme aux jours de fête, menant les élections et les votations, nos musiciens on fait preuve de fidélité.
C'est donc un tribut de reconnaissance que lui doivent toutes les organisations ouvrières, tous les travailleurs, et il est bon de se pencher sur le sort de cette société ; non pas qu'elle court un grand danger, mais elle passe simplement pas une crise de croissance.
Elle est plus vivante que jamais, ses éléments sont plus nombreux, les jeunes dominent, gage d'un avenir heureux. Pleine de bonne volonté, gagnée du désir de bien faire, de jouer de la belle musique (…), elle veut servir notre idéal.
Seulement, à toute activité accrue correspondent des besoins plus grands. Il est impossible de mettre deux musiciens dans le même uniforme, de les faire jouer le même instrument, de les faire suivre une partition unique. Il faut donc trouver des ressources nouvelles (…)
C'est à cette tâche que nous vous invitons tous, groupements syndicaux, politiques, membres d'organisations ouvrières : aidez-nous à trouver une base financière régulière (…)
Pour le comité de l'Amicale de La Persévérante :
Eugène Maléus, Marcel Frey, René Mathys.
C'est le 1 er mai 1955 que la Musique ouvrière La Persévérante fêta ses 50 ans. A l'occasion de cet anniversaire, la société chaux-de-fonnière invita « sa filleule », l'Harmonie ouvrière de Strasbourg. Les différents journaux de la région font alors l'éloge du concert de Gala organisé pour l'occasion.
La fin de l'aventure ouvrière
Les années passèrent et la « Persé » était toujours présente aux manifestations ouvrières et défilés du 1 er mai. Mais l'implication au sein des mouvements ouvriers chaux-de-fonniers s'estompa au fil du temps.
En effet, après 70 ans au sein de l'Union Romande et l'Union Suisse des Musiques Ouvrières, La Persévérante décida de quitter ces mouvements.
Il ne s'agissait pas d'un changement brutal de direction, mais, à la lecture des procès verbaux des assemblées générales de la société, on peut constater qu'au fil des années la conviction ouvrière s'estompait. Le terme de « Camarades » est peu à peu remplacé par celui de « membres ». Ce changement progressif des convictions fondamentales de la société va de pair avec la régression du mouvement ouvrier à La Chaux-de -Fonds.
C'est officiellement en 1991 que La Persévérante a quitté le mouvement musical ouvrier. Bien que laïc de politique et de religion depuis des années déjà, ce mouvement musical se voulait plus historique que réellement impliqué politiquement.
La « Persé » parade
Toujours soucieuse de plaire et de divertir, la « Persé » se lança alors dans une tâche loin d'être aisée : la Parade. C 'est en 1995-96 avec l'arrivée d'une équipe de percussionnistes des Armourins que la société décida de relever ce nouveau défi.
Cet art de défiler était difficile à aborder, à l'image de ses quelques mots du président en 1995 :
« Notre tâche était de mettre au point un programme de marche pour les cortèges. Là, ça à commencé à grincer. Les gestes étaient présents mais la musique n'était pas au point. Finalement, avec le stress de l'échéance, nous sommes parvenus à faire quelque chose qui a plu au public des Promotions ».
Jean-Pierre Matthey, rapport de gestion 1995
Mais une année plus tard, après bien des répétitions, les membres prirent du plaisir à parader et la motivation était au rendez-vous, à la satisfaction du tambour-major :
« Le tambour-major, Grégoire Neuhaus, est surpris en bien par la motivation de chacun ce qui a permis d'effectuer des variantes en parade qui ont été appréciées à plusieurs reprises par le public ».
PV assemblée générale du 10.02 1996
Depuis lors, la « Persé » se spécialisa dans les cortèges, ce qui lui valut sa renommée et de nombreux contrats et sorties en dehors des frontières nationales.
1905-2005 : 100 ans, ça se fête !
Pour fêter dignement son centenaire, la « Persé » constitua un comité pour organiser les festivités. Outre l'aspect festif, un réel travail de tri des archives fut effectué, ce qui aboutit à la création d'un DVD historique. De plus, l'année du 100 ème fut l'occasion pour la société de changer son image avec son nouveau logo. Dynamique et jeune, ce logo est la création de Mme Gisèle Conrad.
Du côté manifestation, la « Persé » organisa une course pour remercier ces membres, à Center Parcs, en France. Profitant de son passage en Sologne, la société eut l'honneur de jouer devant les portes du château de Cheverny, demeure dont s'est inspiré Hergé pour créer le château de Moulinsart.
Une journée anniversaire fut organisée le 12 novembre. Au programme : Kiosque à Musiques, Concert de La Persévérante , humour avec le Dr. Sylac et concert de rock celtique avec les Stout. A travers cette journée anniversaire, le souhait le plus cher du comité d'organisation était d'offrir à la population une soirée gratuite pour la remercier de son soutien.
La « Persé » : pour toujours !
Aujourd'hui la « Persé » se porte bien et ceci grâce au comité et à ses chefs musicaux. La volonté de la société est d'aller de l'avant et de travailler d'arrache pied pour présenter un programme de qualité. Se tournant toujours vers l'avenir, la « Persé » souhaite maintenant changer d'uniforme pour garder une image jeune et dynamique. Au niveau musical, elle collabore avec les 3 autres fanfares de la ville de La Chaux-de -Fonds pour créer une structure de formation solide et performante.
La Persévérante est un élément essentiel du paysage musical chaux-de-fonnier, aussi bien par son passé ouvrier que par sa volonté de promouvoir la musique dans la 3 ème ville de suisse romande.