Séminaire PHITECO 2024

Connaître et soigner aujourd’hui : 

la fabrication des savoirs 

en médecine et en psychiatrie


du 15 au 19 janvier 2024

Amphithéâtre FA 205 (centre Benjamin Franklin) - Université de technologie de Compiègne

Organisation :  Elodie Gratreau & Vincenzo Raimondi  

Inscriptions : par mail à chimene.fontaine@utc.fr


Ce séminaire propose d’examiner la question des savoirs médicaux et psychiatriques au prisme des pratiques et techniques que déploient ces disciplines aujourd'hui. Il part de l’hypothèse selon laquelle la technique n’est pas neutre et ne peut se réduire à une vision instrumentaliste : dans les soins, la technique n’est pas qu’un moyen thérapeutique mais est aussi porteuse de valeurs. Qu’il s’agisse de classer les pathologies, de poser un diagnostic ou encore de prodiguer un traitement, les techniques mobilisées contribuent à façonner les savoirs et les pratiques et transforment les concepts. Dans cet esprit, le séminaire propose d’explorer la question des interactions entre techniques et médecine & psychiatrie par un regard pluridisciplinaire et des études de cas. 




Les inscriptions sont désormais closes.


PROGRAMME DU SÉMINAIRE PHITECO 2024


LUNDI 15 JANVIER

 

MARDI 16 JANVIER

 

MERCREDI 17 JANVIER

 

JEUDI 18 JANVIER

 

VENDREDI 19 JANVIER



ARGUMENTAIRE


Quels sont les outils conceptuels et matériels permettant de classer, diagnostiquer et traiter les maladies ? Les questions relatives à la catégorisation, au diagnostic et au traitement se posent de manière tout aussi cruciale en médecine qu'en psychiatrie, étant fondamentales pour la construction de leurs savoirs respectifs. Bien que ces disciplines partagent des similarités importantes dans les problématiques qu’elles abordent, historiquement, elles ont été amenées à adopter des approches souvent distinctes pour y répondre. Cependant, avec la diffusion de nouvelles approches employées en médecine — telles que l'imagerie médicale avancée, les techniques de séquençage des molécules impliquées dans la manifestation des phénotypes (sciences Omiques), ou encore l’intelligence artificielle et l'analyse de données massives — se pose aujourd'hui la question de savoir si les frontières entre ces deux disciplines sont destinées à disparaître, à mesure que la construction des connaissances repose de plus en plus sur des bases technologiques et conceptuelles partagées.

En effet, les techniques qu’emploient la médecine et la psychiatrie contribuent à refaçonner la manière dont ces disciplines envisagent leurs activités et concepts, et notamment celui de maladie. Loin de n’être que des instruments, des moyens neutres à des fins de soin et de connaissance, les techniques sont porteuses de normes et de valeurs qui transforment les milieux où elles se déploient. Par exemple, les technologies de pointe qui caractérisent la recherche biomédicale sont vectrices de l’idéal de la médecine de précision, dont l’objectif est d’individualiser les soins à travers la caractérisation des patient-e-s par de multiples données et l’identification de clusters prédictifs de la réponse aux traitements. Il s’agit d’un système qui s’appuie sur une certaine conception de l’objectivité et de la validité, qui diffère par exemple d’un système reposant sur les savoirs expérientiels des clinicien-ne-s.

Ces normes et valeurs embarquées par des techniques viennent aussi rejouer le débat entre corps et esprit, et dans, le cadre médical, entre le soin du corps et le soin psychique. Les techniques contribuent alors à la renégociation de frontières disciplinaires, et reposent la question de la spécificité de la psychiatrie au sein de la médecine. Par exemple, si les troubles mentaux et leurs causes peuvent être caractérisés par l’emploi de biotechnologies, ils peuvent alors être conceptualisés comme des maladies somatiques, en particulier comme des maladies du cerveau. Le rôle tout à la fois symbolique et matériel des techniques réadresse donc le problème corps- esprit, en particulier au sein des disciplines médicales.

La question de la fabrication de savoirs de la médecine et de la psychiatrie est donc centrale. Ces savoirs sont construits à l’aide de techniques qui les rendent possibles tout en les normant, et en retour les savoirs transforment les techniques et l’usage qui en est fait. Ce processus de co-construction, entre savoirs médicaux et concepts de maladie d’une part et pratiques cliniques et techniques d’investigation d’autre part, est au cœur de ce séminaire. De nombreuses questions se posent alors : qu’est-ce que les techniques de la précision visent, au juste ? Quelles valeurs et quelles normes sont embarquées et incarnées par ces techniques ? Quelles sont les alternatives à ces techniques de la précision ? Quelles conceptions de la maladie et du soin sont véhiculées par ces différentes techniques ? Comment se matérialisent-elles dans des pratiques : diagnostic, classifications, soin ? Et comment dialoguent soin et connaissance dans les disciplines médicales ? Au fond, donc, comment les techniques qu’emploient la médecine et la psychiatrie reconfigurent les savoirs de ces disciplines tels qu’ils se déploient dans les pratiques de classification, de diagnostic, et de soin ?

Axe 1 La maladie dans sa désunité

Qu’est-ce qu’une maladie ? Les maladies sont-elles découvertes ou inventées ? Sont-elles mieux conceptualisées comme des entités “naturelles” ou bien comme des entités “pratiques” ? Quels sont les fondements conceptuels, normatifs et techniques qui sous-tendent la distinction entre normal et pathologique ? Et comment interagissent conceptions de la maladie et conceptions du soin ? Cet axe propose d’explorer la manière dont concepts de maladie et pratiques de soin se codéterminent, en particulier par le prisme des techniques qui les norment tous deux et déterminent ce lien de codétermination.

Parmi les pistes que nous aimerions explorer : psychiatrie et explication des troubles mentaux, notamment pluralité des facteurs explicatifs (biologique, social...) ; spécificité des troubles mentaux par rapport aux maladies somatiques et manière dont cette spécificité est renégociée par l’usage de techniques ; concepts de normal et de pathologique au prisme des techniques, mais aussi par ex. concepts de symptômes, de signes, de maladie, de handicap, de détresse, d’incapacité ; éthiques du care, conceptions du soin, et place des techniques dans le soin.

Axe 2 Épistémologie & techniques de classification

En médecine, classifier répond à plusieurs impératifs distincts : contrôle épidémiologique, reconnaissance d’un état pathologique aux yeux des services médico-sociaux ou des assurances-maladies, standardisation des soins (couplage diagnostic - traitement)... Aujourd’hui, la médecine semble entrer dans un régime industriel où l’activité de classification devrait reposer sur des outils de production et de traitements de très nombreuses données supposées permettre d’identifier avec précision la maladie dont le-a patient-e est atteint-e et les facteurs sur lesquels agir pour le-a soigner. Mais la question reste ouverte d’identifier ce qui est visé au juste par cette précision, et la manière dont cela redessine les contours des entités à classer (ex. : catégories de risque, de prodrome...). De son côté, la psychiatrie est confrontée aux difficultés de ce tournant de la précision, qui semble appeler une refonte de son système de classification : passage de catégories à des dimensions, renouvellement des critères diagnostiques sur la base de fonctions altérées, usage de technologies pour penser les dynamiques psychopathologiques... Cet axe propose donc d’explorer la manière dont classifications et paradigme de la précision sont liés en médecine et en psychiatrie, y compris au regard de leur histoire respective.

Axe 3 Recherches médicales & développement technologique

La construction des connaissances en médecine et en psychiatrie repose sur la synergie entre la recherche scientifique et l'expérience clinique, synergie au sein de laquelle le développement de technologies est central. Ces technologies ne sont pas neutres : elles sont porteuses des valeurs et de normes qu'il convient de prendre en considération, comme le montrent par exemple les questionnements éthiques liés à l'introduction de l'intelligence artificielle dans le diagnostic médical. Cet axe propose d’examiner la manière dont la recherche clinique est adossée à des développements technologiques qui en retour la transforment. En particulier, nous souhaitons aborder des cas d’étude précis comme par exemple l’IA en médecine, les agents conversationnels, l’imagerie médicale, etc.


LIVRET DES RÉSUMÉS (EN PDF)

PHITECO 2024 Livret du séminaire.pdf