I. Des territoires inégalement intégrés dans la mondialisation
A. Les FTN au cœur de la mondialisation
La mondialisation est un processus continu d'intensification et de fluidification des échanges, porté par l'essor des transports et des mobilités qui renforce le poids géostratégique des espaces maritimes. Cette mondialisation se caractérise par une multipolarité grandissante dans l’organisation mondiale qui se traduit par à une hiérarchisation et une mise en concurrence des territoires.
La constitution d’un marché global unique des capitaux, des biens, des services et du travail font des Firmes Transnationales des actrices majeures de cette mondialisation. Ces FTN ont développé des chaînes de valeur ajoutée mondiale : leur siège social est implanté le plus souvent dans un pays des Nords tandis que la production de biens et de services est dispersée entre différents territoires, principalement appartenant aux Suds.
Les FTN cherchent la meilleure rentabilité en mettant les territoires en concurrence. Leurs choix se portent traditionnellement sur les territoires qui proposent une main d’œuvre bon marché mais cette condition n’est pas la seule qui rentre en ligne de compte. En effet, si le faible coût de main d’œuvre est important, il faut néanmoins que les travailleurs aient un minimum de qualification. De même, les infrastructures de transport sont prises en considération : Il est indispensable que ces territoires de production soient reliés au reste du monde par les ports, les chemins de fer ou les autoroutes. La stabilité du régime politique, le niveau de fiscalité ou les réglementations locales interviennent aussi au moment d’investir dans des filiales, de passer commande à des sous-traitants ou des fournisseurs.
Les FTN pèsent lourd dans l’économie mondiale. Les entreprises du FORTUNE Global 500, c’est-à-dire les 500 multinationales les plus riches, ont généré des revenus totalisant plus d'un tiers du PIB mondial en 2020. Elles ont généré 31 700 milliards de dollars de revenus, 1 600 milliards de dollars de bénéfices et emploient 69,7 millions de personnes dans le monde. Sur les 10 multinationales en tête de ce classement, 5 sont américaines et 3 sont chinoises.
Les 10 multinationales les plus prospères réalisent un chiffre d’affaires qui dépasse le PIB des ¾ des Etats du monde avec un chiffre d’affaires compris entre 253 et 559 milliards de $ en 2020. Selon l’INSEE, en 2017 en France, les firmes multinationales représentent 1 % des entreprises des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers. En revanche, elles emploient 49 % des salariés en France et génèrent 57 % de la valeur ajoutée brute produite sur le territoire français.
B. Les centres de la mondialisation
Selon le géographe Laurent Carroué, loin d’uniformiser l’espace mondial, la mondialisation est un facteur majeur de différenciation des territoires. Le processus concurrentiel entre territoires crée une hiérarchie entre pôles dominants, périphéries intégrées, plus ou moins dominées, et marges de la mondialisation.
Les aires de puissances sont constituées d’un ensemble d’États ou de régions qui, par leurs poids économiques, par leur influence politique, militaire ou culturelle occupent une place prépondérante dans l’organisation géographique du monde et dans la mondialisation. Les pays composant la nouvelle Triade incarnent les pôles dominants de la mondialisation. On parle d’aires de puissance pour désigner ces pôles composés des Etats-Unis et de l’Europe de l’Ouest ainsi que de leurs périphéries respectives et de l’espace de l’Asie orientale représenté par la Chine, la Corée du Sud et le Japon.
8 pays de ces pôles, auxquels il faut rajouter le Brésil et l’Inde, réalisent les 2/3 du PIB mondial.
Les mégapoles du Nord-Est américain, de l’Europe et du Japon constituent un archipel métropolitain mondial, centre de commandement de la mondialisation, qui concentre les principales places financières mondiales, les sièges des FTN ainsi que les plus grandes universités. Les littoraux sont aussi fondamentaux dans la mondialisation dans la mesure où l'intensification et la fluidification des échanges matériels renforcent la littoralisation et la maritimisation.
L’indice de mondialisation réalisé par l’institut suisse KOF permet d’évaluer le degré d’intégration des pays dans la mondialisation selon des critères politiques, économiques et sociaux. Il s’agit d’un chiffre entre zéro et cent. Plus on se rapproche de 100, plus le pays est au cœur de la mondialisation. En 2019, les 15 premiers pays les plus intégrés à la mondialisation selon cet indice étaient européens. La Chine, malgré sa position incontournable dans les processus de production, est classée de façon assez moyenne par cet indice en considération des faiblesses au niveau de l’intégration politique et sociale.
La mondialisation fait émerger de nouveaux centres d’impulsion. On parle de pays émergents. Les pays émergents sont des Etats qui s'intègrent à l'économie globalisée et au capitalisme mondial grâce à une croissance économique forte pendant plusieurs années. On compte au sein de ces pays émergents, les 5 BRICS qui dominent cet ensemble (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Parmi ces pays émergents, on note la présence des NPI (Nouveaux pays industrialisés). Ces pays émergents sont attractifs pour les investisseurs.
Ces pays émergents marquent le passage à la multipolarité donnant un poids géopolitique à ceux-ci. Ces pays émergents ont intégré le G20. Le G20 représente 85 % du commerce mondial, 66% de la population mondiale et 90 % du PIB mondial.
Cependant, même si ces nouveaux pôles ont une place dans la mondialisation, les géographes préfèrent parler d’émergence plutôt que de développement. En effet, la croissance économique est bien présente mais ne débouche que peu sur une réduction des inégalités. Les écarts de richesse y sont importants et les populations pauvres encore nombreuses. Les caractéristiques de ces pays dits émergents sont les suivantes : une population nombreuse qui a achevé sa transition démographique, un régime politique stable mais souvent autoritaire, la formation d'une classe moyenne et un métropolisation rapide.
C. Les périphéries, espaces moins intégrés
Dans la hiérarchie née de la mondialisation, il existe des territoires en marge, c’est à dire à l'écart du système et/ou situé en périphérie des pôles d'impulsion. Parmi les territoires restés en marge de la mondialisation, se trouvent les PMA. Cet acronyme désigne les 47 pays les moins avancés qui sont les plus pauvres de la communauté internationale. Les 3/4 des PMA se situent en Afrique
et sont caractérisés par un IDH très faible qui entraîne des difficultés économiques et sociales importantes : une mortalité infantile élevée, une forte fécondité, une forte proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et une faible alphabétisation. Les pays ayant un littoral essaient de s’insérer dans la mondialisation au travers de leur façade maritime.
En outre, les pays en marge de la mondialisation sont aussi incarnés par les Etats touchés par la guerre et les Etats faillis. Les Etats faillis sont des Etats dont les gouvernements ne contrôlent pas le territoire laissant place à une forte insécurité.
Le continent le plus touché par les conflits armés est le continent africain. De même, parmi les 10 premiers Etats faillis au monde, 6 sont africains.
Carte des pays les moins avancés
II. Coopérations, tensions et régulations aux échelles mondiale, régionale et locale
A. Des coopérations à l’échelle régionale et mondiale
Afin de permettre le développement et/ou d’être plus compétitifs à l’échelle mondiale, des associations économiques régionales sont créées. La réalisation d’accords de coopération volontaire, entre pays proches géographiquement, devrait permettre un accroissement des échanges menant vers une intégration régionale pour ces marges de la mondialisation. Cependant, ces accords économiques ne concernent pas seulement ces zones périphériques, mais aussi les pôles dominants.
On recense l’intégration la plus poussée au travers de l’UE qui a un marché commun qui permet la libre circulation des biens, des capitaux, des personnes. L’UE a aussi institué une citoyenneté européenne, de même qu’une union monétaire avec l’adoption d’une monnaie commune : l’Euro.
D’autres ensembles régionaux s’appuient principalement sur le libre-échange, c’est-à-dire la réduction ou la suppression des barrières douanières et des restrictions quantitatives entre les pays signataires. L’ALENA qui regroupe les Etats-Unis, le Canada et le Mexique fonctionne sur ce principe, de même que le ZLEC en Afrique (Zone de libre-échange continentale africaine) et l’ASEAN (l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est) qui rassemble 10 Etats asiatiques.
Le MERCOSUR (Marché commun du Sud), qui comprend l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, va plus loin en instaurant le principe d’une zone de libre-échange qui se dote en outre d’un tarif extérieur commun. Le poids de ces différents ensembles économiques régionaux est considérable. Le MERCOSUR réalise 82,3 % du PIB total de l'Amérique du Sud.
L'ASEAN, 5ème « bloc économique » mondial, rassemble 620 millions d’habitants et participe à hauteur de 8% dans le commerce mondial tandis que l’UE, à la tête d’un marché intérieur de 500 millions d’habitants, est le premier pôle commercial mondial.
Des accords intercontinentaux complète cet arsenal d’associations économiques. Le CETA (Accord économique et commercial global) signé en 2016 entre le Canada et l’UE supprime 99% des droits de douanes afin de stimuler les échanges commerciaux. L’UE s’est aussi engagé auprès du MERCOSUR dans un projet de libre échange qui n’es encore qu’en projet.
Le Partenariat économique régional global (RCEP) est un projet d'accord de libre-échange entre quinze pays autour de l'océan Pacifique qui comprend des pays asiatiques et d’Océanie. Entrée en vigueur en 2022, il s’agit du plus grand accord commercial au monde. En effet, cet accord crée un espace rassemblant 2,2 milliards d’habitants qui représente 28% du commerce mondial et 30% du PIB mondial.
A ces dispositifs s’ajoutent le modèle des corridors de développement. Les corridors de développement sont des voies de transport facilitant le passage des flux lorsque les territoires sont enclavés : ils permettent d’améliorer les relations entre différents espaces et l’ouverture de l’économie de certains pays. Ces corridors doivent transcender les frontières physiques, politiques, administratives, sociales et économiques au niveau régional et à terme permettre une meilleure insertion dans la mondialisation. En Amérique latine, des corridors de développement qui traversent le continent d’Est en Ouest ont été mis en place en complément d’accords de libre-échange. Ces accords régionaux sont nombreux et remontent pour le plus ancien à 1960.
Cependant, le PIB/hab. reste relativement moyen dans l’ensemble de cet espace. Les Bahamas, le pays le plus riche d’Amérique latine avait en 2020 un PIB/hab. s’élevant à 28 000$ tandis qu’Haïti, le pays le plus pauvre atteignait un PIB/hab. de 1176$.
De même, les taux de croissance ont fortement baissé depuis 2019. Des problèmes structurels freinent la reprise de la croissance : forte proportion (54%) d’emplois informels, 1/3 de la population en situation de pauvreté, manque de diversification des secteurs d’activités et dépendance à la seule exploitation de matières premières exportées. Le modèle des corridors de développement n’est donc pas gage de succès.
B. Les tensions liées à la mondialisation
Il existe cependant des tensions au sein de la mondialisation y compris au sein des partenariats économiques régionaux. En Amérique du Nord, sous la présidence de Donald Trump, les accords de l’ALENA ont été remis en cause. En effet, la balance commerciale états-unienne en 2017 était déficitaire au profit du Canada et du Mexique. Le poids des échanges commerciaux au sein de cet espace régional est cependant à relativiser pour les Etats-Unis. Le commerce avec le Canada et le Mexique soutient 12 millions d'emplois américains. De même, le Mexique et le Canada ne représentaient en 2017 que 34% des échanges commerciaux pour les Etats-Unis alors que les Etats-Unis en représentaient les ¾ pour le Mexique et le Canada.
Le rapport de force était donc à l’avantage des Etats-Unis et Donald Trump en a profité pour mettre fin unilatéralement à l’ALENA et imposer un accord plus avantageux à ses yeux : l’AEUMC (Accord Canada–États-Unis–Mexique). Celui-ci vise à faire revenir les emplois industriels aux USA et à ouvrir le marché canadien à ses agriculteurs. Le Mexique profite peu de ces accords de libre-échange : son IDH, comme son PIB, est bien inférieur à celui des deux pays d’Amérique du Nord, et sa main d’œuvre bon marché est utilisée par les Américains au travers des maquiladoras situées à la frontière mexicaine.
Fondée par les accords de Marrakech en 1994, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a pour mission de favoriser les échanges commerciaux internationaux. Elle fixe des règles qui doivent favoriser le libre-échange et s’occupe de la résolution de conflits commerciaux entre partenaires. Afin de développer les exportations et importations entre pays, l’OMC plaide pour des droits de douane faibles et le principe de non-discrimination. Cependant, depuis la crise de 2008, certains pays tentent de protéger leur économie nationale de la concurrence étrangère en instaurant des droits de douane élevés. Par exemple, l’UE subit une discrimination commerciale, mise en place principalement par la Chine, l’Inde et la Russie tandis que les Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump généralisaient l’augmentation des droits de douane. Fin 2018, la Commission européenne recensait 425 mesures restrictives au commerce dans 59 pays.
En outre, les grandes institutions économiques et financières comme le FMI et la Banque mondiale, dominées par les puissances occidentales, souffrent d’un discrédit et d’une défiance parmi les pays émergents. Ceux-ci, sous l’impulsion de la Chine, crée des institutions concurrentes. En 2015, les BRICS fondent la Nouvelle Banque de développement tandis que la Chine fonde la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII). La BAII, dont le siège est à Pékin, a acquis un véritable statut international avec 97 Etats membres.
C. Une volonté de régulation
Malgré ces tensions, les Etats sont capables de coopérer. Adoptés à l’unanimité par les 193 pays membres de l’ONU en 2000, les Objectifs du Millénaire pour le développement se fixaient 8 grands objectifs à atteindre en 2015 : Réduction de l’extrême pauvreté et de la faim, actions pour favoriser l’éducation primaire pour tous, promotion de l’égalité entre hommes et femmes, réduction de la mortalité infantile et maternelle, lutte contre le VIH, préservation de l’environnement et création de partenariat favorisant le développement, tels étaient les objectifs fixés afin de réduire les inégalités dans le monde. Des améliorations sont constatées mais le travail restant à faire reste considérable.
Ainsi, en 2015, un nouveau plan nommé « Objectifs de développement durable » est adopté, avec une échéance fixée à 2030. Plus ambitieux, les ODD sont au nombre de 17 dont 6 dédiés uniquement au développement durable et à la protection de l’environnement. L’objectif fixé est la disparition de la pauvreté et de la faim dans le monde.