I. Les mers et océans, un atout de la puissance française
A. Des espaces maritimes immenses
Si la France ne rassemble qu’1% de la population mondiale sur une surface représentant seulement 0.45% des terres émergées, elle est à la tête du second espace maritime le plus vaste au monde avec une superficie de près de 11 millions de km2 grâce à ses « confettis d’empire ». En effet, héritage de l’histoire coloniale, la France n’est pas que métropole mais aussi outremer. Son territoire s’étend dans l’océan Pacifique au travers de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française et de l’atoll de Clipperton. Dans l’océan Atlantique, la France est présente au travers de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint Barthélémy, de Saint Martin et enfin de la Guyane, seul territoire d’outremer à ne pas être une île. Dans l’océan Indien, on recense Mayotte, La Réunion et les TAAF, c’est-à-dire les Terres australes et antarctiques françaises. A ces territoires, il faut rajouter la Terre Adélie dans l’Antarctique.
La France possède ainsi des côtes d’une longueur de trait de 18 450 km dont plus de 5 800 km (5 853 km) pour la métropole.
Au travers des Zones Economiques Exclusives, son espace maritime dépasse celui de l’Australie ou de la Russie et est à peine moins vaste que celui des Etats-Unis. Pour rappel, une ZEE (Zone Économique Exclusive) est une bande de mer ou d'océan située entre les eaux territoriales et les eaux internationales, sur laquelle un État riverain dispose de l'exclusivité d'exploitation des ressources. Selon la Convention de Montego Bay signée en 1982, la ZEE est une bande limitée par la ligne des 200 milles marins internationaux (c’est-à-dire 370 km) à partir de la ligne de base.
La ZEE de la métropole ne représente que 3% de la superficie totale du domaine maritime français, tandis que l’outremer de l’océan Pacifique en représente à lui seul 68%. A noter que l’atoll inhabité de Clipperton qui s’étend sur 2km2 permet à la France d’étendre sa souveraineté sur un espace maritime de 440 000 km2. Cette présence mondiale de la France sur l’ensemble du globe lui permet d’avoir des frontières maritimes avec 30 Etats.
Cet outremer français est cependant hétérogène. Si ces territoires sont majoritairement des îles situées dans les mers du Sud, ces territoires ont des statuts administratifs différents et une importance démographique, économique et stratégique très diverse. On dénombre 5 DROM (département et région d’outremer) : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte. Ces territoires disposent d’infrastructures en matière d’équipements publics (ports, aéroports internationaux, transports, hôpitaux, etc.) et d’un arrière-pays relativement bien relié à la métropole. Ces DROM sont donc considérés comme des bases arrière privilégiées pour explorer, exploiter et contrôler l’espace maritime. Les autres territoires ultramarins sont regroupés dans les COM, c’est-à-dire les collectivités d’Outremer. Il s’agit de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon et des îles antillaises de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Ces territoires disposent d’un arrière-pays et d’infrastructures moins développés, ainsi que d’une démographie moins importante.
B. Richesses maritimes et exploitation
Lorsque l’on évoque l’économie liée aux activités de la mer, on parle d’économie bleue. Ce secteur comprend le tourisme littoral, les produits de la mer, le transport maritime, la construction navale, la production d'énergies marines, les services parapétroliers et para-gaziers offshore, la gestion des câbles sous-marins, l'extraction de matériaux marins, ou encore les assurances et les services bancaires maritimes. Cette économie bleue a un poids relativement important en France dans la mesure où le secteur emploie représente près de 3,2% du PIB et emploie plus de 301 000 personnes, soit plus que l’aéronautique, les télécoms ou le secteur automobile.
Grâce aux richesses sous-marines présentes dans ses ZEE, la France est à la tête de la seconde réserve mondiale de terres rares et de nodules polymétalliques qui sont essentiels à la construction de nombreux objets technologiques de notre quotidien tels les téléphones portables, les batteries de véhicules électriques, les panneaux photovoltaïques…Les fonds sous-marins français recèlent aussi des réserves d’hydrocarbures comme du pétrole et du gaz. Ces gisements se trouvent au large de la Nouvelle-Calédonie, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Guyane et de Mayotte. Toutes ces richesses sous-marines ne sont cependant pas exploitées, que ce soient les gisements d’hydrocarbures ou de terres rares ne sont pas exploités.
Comme vu dans le précédent chapitre, ces immenses espaces marins peuvent aussi être exploités dans le cadre des énergies vertes au travers de l’implantation de champs d’éoliennes et de panneaux solaires offshore, de marémotrices ou d’houlomotrices. De même, les algues et les molécules marines peuvent être utilisées dans l’industrie pharmaceutique, cosmétique, la chimie ou l’agroalimentaire.
La France métropolitaine est aussi le 4ème producteur de pêche et d’aquaculture de l’Union européenne (UE) après l’Espagne, le Royaume-Uni et le Danemark. Cependant, la France doit importer une partie de sa consommation de poissons, ce qui représente un déficit extérieur pour le secteur de la pêche. De plus, en 20 ans la flotte de pêche française a été divisée par deux.
II. Un atout économique qui pourrait être mieux exploité
A. Un poids économique
La France et ses ZEE sont situées sur le parcours de voies maritimes mondiales avec par exemple la proximité de la Northern range, la route maritime reliant l’Europe à l’Asie par la méditerranée, ou encore les routes secondaires de l’Afrique australe ou des Antilles.
Cette localisation et ses 5000 km de littoral métropolitain permettent à la France le développement de ports de commerce qui accueillent aussi bien des porte-conteneurs, que des vraquiers, des chimiquiers ou des pétroliers.
Le port de Dunkerque accueille 20% des flux portuaires français, tandis que le port de Boulogne est le 1er port européen pour les produits de la mer. Le port de Rouen voit transiter près de la moitié des céréales françaises tandis que le port de Marseille se distingue par l’approvisionnement en hydrocarbures.
Les ports français réceptionnent 10% de du trafic maritime des ports européens et accueillent 35 millions de passagers, soit 9% du trafic des ports européens. Les activités portuaires sont créatrices d’emploi, que ce soit de manière directe dans les ports ou de manière indirecte au travers du transport de marchandises à destination ou en provenance de l’hinterland.
B. Une faible compétitivité des ports
Cependant, ces bons chiffres reflètent surtout la faible compétitivité des ports français, que ce soit au niveau européen ou mondial. Seuls deux ports français pèsent au niveau européen : le port du Havre et le port de Marseille.
Cependant, ces ports ont un trafic de conteneurs bien moindre que les ports de la Nothern Range et une importance marginale au niveau mondial. En effet, le port du Havre n’est classé qu’à la 76ème place en 2021 tandis que le port de Marseille n’est qu’à la 119ème place.
Un rapport du Sénat déplore que « les ports français ne soient pas parvenus à s’imposer comme les principales portes d’entrée du commerce européen ». En raison d’un faible investissement dans les infrastructures de transports en lien avec l’hinterland et principalement dans le développement du transit fluvial et ferroviaire, plus de 40% des conteneurs à destination de la France métropolitaine transitent encore par les ports étrangers en 2020. A ces causes s’ajoutent d’autres facteurs explicatifs : une image dégradée de la fiabilité des ports français et des coûts de passage portuaire élevés.
III. Les ZEE, un enjeu stratégique et écologique
A. L’importance géostratégique de ces espaces maritimes
Du fait de l’augmentation de la population mondiale et de la raréfaction des sources d’approvisionnement à terre, la compétition pour l’appropriation des richesses marines et leurs exploitations suscitent des tensions au niveau d’un certain nombre de ZEE. Certains alertent en soulignant que si la France n’exploite pas davantage ses ZEE, des pays pourraient les revendiquer. Ainsi, des encouragements à davantage exploiter économiquement nos ZEE et à les protéger militairement sont émis. Déjà, 4 limites de nos ZEE sont contestées par des pays riverains dans les Antilles, dans nos ZEE de l’océan Indien, ainsi qu’autour de l’atoll de Clipperton dans l’océan Pacifique. Ces ZEE sont en effet considérées comme de nouvelles frontières. Notre espace maritime nous met en contact avec 30 Etats, ce qui nous donne un avantage diplomatique. En effet, la France, en tant que « voisin du monde », est membre de toutes les instances régionales.
En 1982, la Convention de Montego Bay instaure des droits sur les ressources présentes dans les ZEE mais impose aussi des devoirs dans celles-ci. La France doit ainsi préserver la biodiversité et l’équilibre des milieux marins mais aussi lutter contre la criminalité représentée par les trafics divers et la piraterie. Cette criminalité maritime se concentre principalement dans les Caraïbes, dans le golfe de Guinée, dans le golfe d’Aden et sur la côte Est de l’Afrique. Pour lutter contre la criminalité maritime, la marine nationale a installé de nombreuses bases dans ses ZEE afin d’être présente sur l’ensemble des océans. Elle a aussi passé des accords afin de pouvoir installer des bases au Sénégal, à Djibouti et aux Emirats arabes unis.
Avec son porte-avions nucléaire et ses quatre sous-marins, la France est l’un des rares pays à pouvoir opérer sous l’eau, à la surface et dans les airs. Un nouveau porte-avion entrera en fonction en 2038 afin de remplacer le porte-avions Charles de Gaulle.
B. Un enjeu écologique
La préservation de l’environnement marin est décisive dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et les pollutions ainsi que pour la préservation des ressources halieutiques.
Des aires marines protégées sont ainsi créées. On les trouve dans les ZEE métropolitaines, dans celles à proximité de l’Afrique australe et celles localisées dans les TAAF.
En 1995, sur l’initiative des Etats-Unis, l’Initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI) est créée afin de sensibiliser et de lutter contre la dégradation des récifs coralliens. La France a immédiatement adhéré à ce partenariat et a complété le dispositif en fondant l’IFRECOR (initiative française pour les récifs coralliens) en 1999.
Comme évoqué dans le chapitre précédent, en février 2022, s’est tenu à Brest le One Ocean Summit durant lequel les pays participant se sont donnés pour objectif de tenter de sauver les océans.
La France en a profité pour décréter l’extension de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises et la Polynésie française a annoncé le projet d'une « aire marine protégée de plus de 500 000 km2 ».