HGGSP Th4 Objet de travail conclusif
Jalon 3
Le patrimoine, facteur de rayonnement culturel de la France dans le monde et objet d’action diplomatique
Un exemple du patrimoine immatériel : le repas gastronomique des Français
Le patrimoine, facteur de rayonnement culturel de la France dans le monde et objet d’action diplomatique
Un exemple du patrimoine immatériel : le repas gastronomique des Français
A. Le repas gastronomique français, un atout touristique
En 2010, l'UNESCO classe le « repas gastronomique des Français » comme patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Cette catégorie, créée en 2003, a pour objectif de protéger les pratiques culturelles et savoir-faire traditionnels, aux côtés des sites et monuments. Le repas gastronomique français commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert. Mais la notion va bien au-delà du nombre de plats, de leur ordre de service ou d’une heure fixe durant laquelle les Français se mettent à table. Il s’agit en effet d’une pratique sociale « destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes ».
Le patrimoine gastronomique français rassemble à la fois les savoir-faire et techniques culinaires, les recettes et les produits, mais aussi les coutumes. Comme l’affirme l’ancien ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian « il n’y a pas meilleure porte d’entrée pour la France que ses saveurs et ses goûts ». Il existe une association très forte dans l’esprit des étrangers entre la France et la gastronomie. Chaque région de France possède une ou plusieurs spécialités culinaires.
Les touristes, étrangers comme français, conjuguent souvent tourisme historique ou naturel avec le tourisme culinaire. Ainsi, 13 millions de touristes déclarent pratiquer le tourisme gastronomique. Face à un tourisme mondialisé et à la concurrence qu’il entraîne entre les territoires, les particularités du patrimoine culturel immatériel local et régional deviennent un facteur de différenciation pour attirer les touristes. L’attrait massif pour la cuisine française, célèbre dans le monde entier, a généré plus de 11 milliards d’euros de retombées économiques sur l’ensemble du territoire en 2021. Sont inclus dans cette pratique de tourisme gastronomique, l’agritourisme ou l’œnotourisme. On compte ainsi 10 millions d’œnotouristes par an dont 42% sont des étrangers. Cette branche du tourisme génère environ 5,2 milliards d’euros de recettes. Selon un sondage Odoxa de 2015, 69% des Français placent la gastronomie en tête des caractéristiques dont ils sont le plus fiers.
B. Gastrodiplomatie et diplomatie culinaire
La diplomatie culinaire désigne l’utilisation des repas dans le cadre de négociations diplomatiques classiques ou interétatiques. Le repas est alors utilisé comme un outil de négociation. En parallèle, on note l’existence de la gastrodiplomatie, terme apparu et mis à la mode dans les années 2000, qui désigne la pratique d’États qui font la promotion de de leur cuisine à l’étranger, avec pour objectif de gagner en influence et en attractivité. La gastrodiplomatie relève du « soft power ». Ainsi, Denis Matton-Perry, ancien consul de France affirme qu’ « Incontestablement, le savoir-faire dans les arts de la table est un des marqueurs de l'identité française. Bien évidemment, les ambassades sont amenées à jouer de ce levier de rayonnement ».
L’exemple le plus célèbre de diplomatie culinaire remonte au Congrès de Vienne (1814-1815) durant lequel Talleyrand déploie des trésors de conviction dans les négociations autour de repas très courus concoctés par son chef Antonin Carême. A tel point qu’il affirme à Louis XVIII qui l’avait envoyé pour négocier au mieux le sort de la France après la période napoléonienne, « Sire, j’ai plus besoins de cuisiniers que de diplomates ! ». Les sociologues et les psychologues ont fait des études afin de caractériser les raisons du succès de la diplomatie culinaire. Ils listent 6 raisons qui font qu’un repas peut influer sur les résultats de négociations : Instauration d’une proximité par la nourriture partagée, capacité d’influencer une décision par le contenu de l’assiette et le contexte du repas, génération d’émotions positives par le plaisir gustatif, théâtralisation du repas par les codes et les rites respectés, facilitation de la communication, transmission symbolique de messages au travers d’attentions particulières ou d’un plan de table.
« Certains gouvernements décident de promouvoir leur nation comme une marque » affirme Alessandra Roversi. La gastrodiplomatie rentre dans ce cadre. En 2015, Laurent Fabius, ministère des Affaires étrangères, lance l’opération « Goût de France / Good de France » afin de célébrer et glorifier la cuisine française. Cette année-là, un dîner est cuisiné et servi au château de Versailles par six grands chefs étoilés à l’intention de l’ensemble des ambassadeurs étrangers en France. Cette opération a aussi lieu le même jour dans les ambassades, consulats et restaurants de 150 pays. « Savourer la France » est un argument qui génère des bénéfices économiques que ce soit au travers du tourisme ou de l’exportation de produits français à l’étranger. Cette opération a lieu tous les ans. Ainsi, en janvier 2023, l’Ambassadeur de France en Israël a célébré au travers de cette expérience gastronomique les arts de la table à la française.