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Paris entre protection et nouvel urbanisme
Paris entre protection et nouvel urbanisme
"Joyau architectural, faux pas écologique : à Paris, les toits en zinc sèment la discorde", Ouest France, 14 juillet 2023
Les travaux de réaménagement des abords de la cathédrale Notre-Dame de Paris débuteront en 2025, France Info, 7 mars 2024
Notre-Dame : le gouvernement lance un projet de vitraux contemporains, BFM.TV, 8 mars 2024
Comment Sites et Monuments espère bloquer le projet de vitraux contemporain à Notre-Dame, le Figaro, 1er janvier 2025
A. Présentation
L’attrait de Paris auprès des touristes ne se dément pas année après année. Le riche patrimoine historique, culturel et artistique de la capitale attire des millions de touristes français et étrangers chaque année. Il faut dire que l’histoire de la capitale remonte à la période gallo-romaine autour du cœur de Paris : l’Île de la cité. A partir du bas Moyen-âge, la ville n’a cessé de se développer et de s’étendre, aimant à population et musée à ciel ouvert des différentes périodes historiques que l’on peut admirer en déambulant dans les rues. Les sites les plus fréquentés par les touristes remontent d’ailleurs aussi bien à la période médiévale qu’à des siècles plus récents.
B. Les transformations de Paris sous Haussmann
Dès l’arrivée de Napoléon III au pouvoir, l’ambition de l’empereur a été d’embellir Paris tout en la modernisant à la fois pour le confort des Parisiens que pour faire rayonner la Capitale à travers l’Europe. Il faut dire que réaménager Paris en perçant de grandes artères avait aussi des motivations sécuritaires : les rues étroites étaient favorables aux barricades et le peuple parisien était bien connu pour se soulever : Révolution française, révolution de 1830, révolution de 1848, sans compter les fameuses émotions populaires. Les grands travaux sont confiés au baron Haussmann, préfet de la Seine et durent de 1853 à 1870. Le Paris que l’on connaît aujourd’hui tant dans son architecture que dans son organisation est l’héritière de ce grand projet.
Haussmann doit transformer la ville mais aussi l’assainir. La pression démographique (gain de 300 000 habitants en 30 ans entre 1817 et 1849) et l’insalubrité favorisent la diffusion des épidémies. Des pâtés de maisons entier sont détruits pour laisser place à de larges avenues bordées d’immeubles Haussmanniens qui caractérisent encore la capitale. Plus de 95 km de rues nouvelles sont créés dans le centre et 70 km en périphérie. La largeur moyenne des rues passe de 12 mètres en 1852 à 24 en 1860. Les rues sont pavées ou recouvertes de macadam, et bordées de trottoirs. Des travaux de pompage des eaux et la création de réseaux d’eaux potables, d’eaux usées et d’égouts s’accordent avec les nouveaux principes de l’hygiénisme. Le réseau de distribution d’eau passe de 747 à 1545 km et permet de tripler le volume d’eau distribué. L’eau courante arrive jusqu’en haut des immeubles de la rive droite en 1865, de la rive gauche en 1875. De grands parcs sont créés tels les Buttes-Chaumont ou Montsouris tandis que le bois de Boulogne et le bois de Vincennes sont aménagés pour devenir des lieux de détente et de flânerie. Paris devient aussi « ville lumière » avec l’éclairage au gaz. Ces travaux transforment Paris mais maintiennent la ségrégation socio-spatial verticale et horizontale qui existait précédemment.
C. Des aménagements récents qui font se côtoyer les différentes époques
Le ventre de Paris, Les Halles, a connu des transformations : une grande modernisation de ce quartier central dans les années 1970 transforme ce marché géant (qu’est Rungis aujourd’hui) en un centre commercial : les anciens pavillons métalliques sont détruits ou déménagés (Nogent sur Marne avec le pavillon Baltard) et le quartier est creusé afin de développer ce nouveau centre en sous-sol : on parle du trou des Halles. Aujourd’hui la Canopée chapeaute l’ensemble. L’offre culturelle y est forte avec le cinéma, la médiathèque, le centre culturel Hip-Hop et la proximité du centre Beaubourg construit sous la présidence de George Pompidou, tout à la fois médiathèque et musée d’art contemporain.
Paris voit se juxtaposer les périodes historiques : l’Île de la Cité est un hymne au Moyen-âge avec la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle construite sous Saint-Louis et la Conciergerie. Elle est reliée aux deux rives de Paris par le pont neuf construit au XVIIème siècle. Les rives de la Seine, du pont de Sully au pont d'Iéna, ont été classées site du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1991.
De même, dans le 13ème arrondissement parisien, on peut voir se côtoyer les différents styles, témoins du passage du temps : des immeubles du début 1800 côtoient des immeubles du début du XXème siècle, eux-mêmes cernés par des immeubles des années 1980 et le premier gratte-ciel de Paris inauguré en 1960.
Paris est une ville-mémoire mondiale qui met en avant son patrimoine pour se démarquer dans la compétition entre villes globales. Il faut donc préserver, entretenir, valoriser ce capital patrimonial tout en transformant et modernisant pour s’adapter aux nouveaux défis, à la forte circulation automobile, aux aspirations de verdure ou d’espaces partagés apaisés. Paris développe le thème de la « métropole sur Seine », fleuve qui est le berceau de la ville. Dans cette optique de valorisation et de protection de ce site, les voies sur berge ont été piétonnisées au détriment de la circulation automobile, au grand dam des automobilistes parisiens. De même, chaque année est organisé l’événement Paris Plage.
D. Le nouvel urbanisme en débat
Le 15 avril 2019, Notre-Dame de Paris est victime d’un incendie. Monument religieux emblématique au cœur de l’histoire de Paris et site le plus visité avant sa destruction partielle avec 12 millions de visiteurs en 2018, la reconstruction de la cathédrale fait débat : doit-on la reconstruire à l’identique ou faire juxtaposer la base médiévale avec des éléments du XXIème siècle ? Les historiens, comme les Français, sont partagés. Les architectes rivalisent d’idées novatrices et audacieuses. C’est la nouvelle querelle entre anciens et modernes. Ainsi des déclarations comme « Le patrimoine d'aujourd'hui est une superposition d'époques, chaque siècle, ou presque, aura laissé son empreinte dans la cathédrale » s’opposent à d’autres proclamant que « Notre-Dame doit être reconstruite exactement à l'identique ! Nous devons avoir le courage et l'humilité de la refaire comme elle était avant l'incendie ». La décision de reconstruire la cathédrale à l’identique avec les mêmes matériaux et les mêmes méthodes qu’aux siècles précédents est finalement entérinée.
Le même débat entre préservation et nouvel urbanisme symbole du XXIème siècle émerge à l’occasion du projet de la Tour Triangle qui doit voir le jour dans le sud-ouest de la Capitale au niveau de la porte de Versailles et agite les Parisiens depuis plus de 15 ans. Avec 180 mètres de haut et 42 étages, la Tour Triangle deviendra une fois terminée le troisième bâtiment le plus haut de Paris, derrière la tour Eiffel et la tour Montparnasse. Son coût doit s’élever à 660 millions d’euros. Malgré les nombreuses oppositions au projet, les travaux ont commencé en 2021 et devraient être achevés en 2026. Les écologistes sont à la pointe de l’opposition à la Tour Triangle au nom de la sobriété tandis que les Parisiens invoquent la défiguration du quartier.
La modernisation de la ville soulève aussi des débats autour du petit patrimoine qui ne bénéfice pas forcément d’une protection de la loi. Composé de « frontons, portails, statues, puits, kiosques, fresques murales, bornes » qui font le quotidien des Parisiens et sont autant de témoignages du passé, des associations se mobilisent pour leur protection. La dernière passe d’armes en date concerne la préservation de l'intégrité d’un immeuble des XVIIème et XIXème siècles situé Faubourg Saint-Antoine dans le 12ème arrondissement. La construction d’un ascenseur entrainerait la destruction d’un escalier du XIXème siècle. Les associations mettent en avant l’histoire de ce lieu au travers des siècles pour s’opposer au projet : Bâtiments construits au XVIIème siècle, ils abritaient les mousquetaires du roi et incarnaient l’ébénisterie par ses activités artisanales au XIXème siècle. Des événements de la Commune et de la persécution des Juifs pendant l’Occupation y auraient pris place.
Préserver le patrimoine de cette ville-mémoire, cher aux touristes et aux Parisiens, est donc fondamental, à la fois au niveau historique que financier : un euro investi génère 70 euros de retombées économiques, avec des recettes qui s’élèvent à environ 5 milliards d’euros. En conséquence, la région Île-de-France investit chaque année 10 millions d’euros pour la préservation de son patrimoine. Ces millions d’euros restent toutefois insuffisants, dans la mesure où l’Île-de-France regroupe près de 10% des monuments historiques français.