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Mémoires et histoire d’un conflit : la guerre d’Algérie
Mémoires et histoire d’un conflit : la guerre d’Algérie
Journée nationale d’hommage aux harkis : les enfants du camp de Rivesaltes font vivre le devoir de mémoire, L'Indépendant, 25 septembre 2023
L’Algérie traque le français jusque dans les écoles privées : “Une nouvelle gifle pour la France”, Courrier International, 4 octobre 2023
Des historiens veulent «valoriser» les tombes d'Algériens morts en France au début de la colonisation, Le Figaro, 3 février 2024
« La France a voulu oublier son passé » : l'hommage à la mémoire du martyr Maurice Audin, La Dépêche, 11 février 2024
Guerre d’Algérie : la France doit reconnaître sa « responsabilité » dans la torture, demandent des associations, Le Monde, 4 mars 2024
Le Monde, Massacre du 17 octobre 1961 : l’Assemblée nationale adopte une résolution réclamant une journée de commémoration, 28 mars 2024
La Cour européenne des droits de l'homme condamne la France pour son accueil des harkis "pas compatible avec le respect de la dignité humaine", France Info, 4 avril 2024
Emmanuel Macron entend poursuivre «le travail de mémoire» avec l'Algérie, Le Figaro, 22 septembre 2024
Algérie : le Conseil constitutionnel élargit au-delà des harkis le champ d’application de la loi de réparation de 2022, Le Monde, 16 mai 2025
Benjamin Stora, historien : « Le travail de mémoire sur la colonisation en Algérie est un élément possible de sortie de crise avec la France », Le Monde, 21 mai 2025
Des familles de rapatriés d’Algérie saisissent la justice pour obtenir une meilleure reconnaissance des préjudices qu’elles ont subis, Le Monde, 22 mai 2025
La colonisation
Face aux contestations intérieures qui s’élèvent dans la politique menée en France sous le règne de Charles X, celui-ci entreprend de redorer son blason au travers de sa politique extérieure. Il se lance à la conquête de l’Algérie en 1830. Renversé quelques semaines plus tard par une révolution, Charles X part en exil. Le nouveau régime, la Monarchie de Juillet, poursuit la conquête du territoire. Le nord de l’Algérie est conquis en 1848 et le territoire, destiné à devenir une colonie mixte de peuplement, obtient un statut particulier avec la création de départements. Des lois encouragent au travers de gratifications variées le départ de français vers les départements français en Algérie afin de réduire l’écart démographique entre la population locale et la population européenne : transfert de France vers l’Algérie, maisons, terres, outils et bétail gratuits, aux dépends des Algériens. La conquête de l’ensemble de l’Algérie est achevée en 1918. De 1881 à 1946, le code de l’Indigénat est mis en place en Algérie. Il s’agit de textes législatifs et réglementaires qui institutionnalisent l'infériorité raciale, religieuse, politique et économique des « indigènes » tout en organisant leur domination, leur contrôle et leur répression.
Les « évènements » d’Algérie
Le 8 mai 1945, un grand rassemblement est organisé pour célébrer la fin de la Seconde guerre mondiale. Les Algériens ont le droit d’y participer à condition de ne pas arborer de drapeau algérien. Ceux-ci manifestent, avec drapeau, aux cris de « A bas la colonisation ». Une terrible répression s’abat sur le Constantinois ; le bilan officiel fait état de 1 500 morts mais le bilan officieux s’élève à plusieurs milliers de victimes. Ce sont les massacres de Sétif.
Le 1er novembre 1954, les « événements » d’Algérie débutent. Une trentaine d’attentats sont organisés dans tout le nord du pays par le Front de libération nationale (FLN). C’est la Toussaint rouge qui marque le début d’une guerre de décolonisation qui durera 8 ans. Ce conflit s’achève par les accords d’Evian signés le 18 mars 1962 après deux ans de négociations. Ces accords fixent les conditions pour l’autodétermination et l’accession à l’indépendance de l’Algérie, des conditions pour assurer la sécurité des Français d’Algérie, le cessez-le-feu et l’organisation d’un référendum en France pour la ratification des accords. Le 8 avril 1962, 90 % des Français ratifient les accords d’Évian. L’indépendance de l’Algérie est proclamée le 5 juillet 1962. Le bilan humain est lourd : on dénombre entre 300 000 et 1.5 million de morts du côté algérien, 28 500 soldats français tués, 5 000 européens tués ainsi que la mort de 50 000 harkis. Les harkis sont des supplétifs algériens qui se sont engagés au côté de l’armée française dans le conflit.
Les violences continuent malgré les accords d’Evian. Le 5 juillet 1962, environ 700 Européens seront enlevés, torturés, liquidés en pleine rue. Les Français d’Algérie doivent fuir le pays et rentrer en métropole. Ces pieds noirs, qui doivent tout abandonner derrière eux, sont particulièrement mal reçus en France. Les Algériens s’en prennent aussi aux harkis restés en Algérie qui seront massacrés par milliers.
Les mémoires de la guerre d’Algérie
Les mémoires des pieds-noirs, des harkis et des Algériens sont en concurrence et les relations entre la France et l’Algérie sont encore aujourd’hui particulièrement tendues, voire mauvaises. IL faut dire que les violences perpétrées durant ce conflit sont des plaies qui restent à vif. Conflit mémoriel : débat opposant des groupes de personnes porteurs d'une mémoire spécifique, souvent douloureuse, et cherchant une reconnaissance politique et sociale. En 2001, le général Aussaresses publie ses mémoires dans lesquelles il expose la pratique admise de la torture par l’armée française. Cela crée une polémique d’autant plus aigüe que les différents gouvernements en fonction durant la guerre d’Algérie avaient donné leur blanc-seing, que ce soit pour la torture ou les exécutions sommaires. De plus, aucune poursuite judicaire n’était possible dans la mesure où avec le cessez-le-feu de 1962, un décret avait amnistié les « faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne ». C’est un scandale national. Loi d'amnistie : acte législatif qui efface le caractère punissable des faits auxquels il s'applique.
Les harkis, sont abandonnés à leur sort en Algérie ou rapatriés et logés dans des conditions dégradantes dans des camps en France. En 2002, Jacques Chirac inaugure le 1er mémorial national aux soldats français et aux harkis morts en Algérie. En 2022, le Parlement français adopte un projet de loi pour demander pardon aux harkis.
3 ans plus tôt, Jacques Chirac avait officiellement reconnu que les « événements » d’Algérie était un terme qui cachait une guerre et non une simple opération de maintien de l’ordre. En 2005, le président de la République reconnaît aussi au nom de la France les massacres de Sétif. La reconnaissance de la responsabilité de la France se poursuit sous la présidence de ses successeurs : François Hollande reconnaît la responsabilité de l’Etat lors de la répression du 17 octobre 1961 qui a eu lieu en métropole ; quant à Emmanuel Macron, il reconnaît en 2019 la responsabilité de la France dans la disparition et la mort du militant communiste et anti-colonialiste Maurice Audin.
Ce travail de reconnaissance est indispensable pour cicatriser les plaies ou au moins pour honorer la mémoire des victimes et de leurs familles. De nombreux monuments privés ou publics essaiment en France et en Algérie pour commémorer le conflit. En France, le Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie est inauguré par Jacques Chirac à Paris en 2002. L’année suivante, une « journée nationale d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie » est décrétée tous les 5 décembre. En Algérie, le ressentiment est grand aussi bien en ce qui concerne la colonisation du pays par la France de 1830 à 1962 que les violences commises contre la population durant la guerre de décolonisation. En 1982, le mémorial du Martyr est érigé à Alger.
Dans un premier temps, le FLN, qui s’est emparé du pourvoir en 1962, impose une histoire officielle dans la société et dans les manuels scolaires. Histoire officielle : Écriture de l'histoire sous l'impulsion d'un État qui exerce une censure sur la recherche historique et privilégie une version de l'histoire susceptible de lui fournir une légitimité. Le thème de la « criminalisation de la colonisation française » est développé. Les rancœurs sont relancées après l’adoption en France de la loi mémorielle de 2005 sur les aspects positifs de la colonisation française. Le pouvoir algérien entrave le travail des historiens qui sont tenus de se soumettre aux enjeux politiques de la mémoire.
Les tensions entre Alger et Paris sont donc toujours très vives. En 2020, Emmanuel Macron commandite un rapport sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » à l’historien spécialiste de la période, Benjamin Stora. Celui-ci déclare : « On ne peut jamais définitivement réconcilier des mémoires. Mais je crois qu’il faut avancer vers une relative paix des mémoires pour précisément affronter les défis de l’avenir, pour ne pas rester prisonniers tout le temps du passé parce que l’Algérie et la France ont besoin l’une de l’autre ». Son rapport rendu en 2021 présente un certain nombre de préconisations pour apaiser les mémoires : commémoration de certains événements, mise en place d’une commission mixte d’historiens pour réaliser une histoire complète de cette guerre, construction d’un musée commun, érection de lieux de mémoire…Son rapport ne satisfait ni le gouvernement algérien ni les harkis qui se sentent, toujours, les grands oubliés de ce conflit.