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Un débat historique et ses implications politiques : les causes de la Première Guerre mondiale
Un débat historique et ses implications politiques : les causes de la Première Guerre mondiale
Les causes de la Première guerre mondiale sont multiples : sentiment revanchard en France, engrenage lié aux alliances militaires, tensions, rivalités économiques, augmentation des dépenses militaires dans la décennie précédant le déclenchement de la Première guerre mondiale. Comme l’affirme Ernest Lavisse dans l’avant-propos de son livre L’Allemagne impériale paru en 1909 « L’Europe, aura donc la guerre parce qu’elle se prépare à la guerre ». Dès 1913, la France et l’Allemagne s’accusent mutuellement de se préparer à une offensive. En France par exemple, l’allongement à 3 ans de la durée du service militaire est présentée comme une préparation nécessaire à l’inévitable agression allemande. De leur côté, les Allemands considèrent cette augmentation des effectifs armés français comme une preuve évidente du bellicisme des intentions françaises. Cette méfiance mutuelle engendre des discours nationalistes et agressifs des deux côtés du Rhin.
Dès le déclenchement de la Grande guerre, la question des responsabilités se posent. Qui est responsable du déclenchement du conflit ? Le débat est d’autant plus aigu dès 1919 en considération du bilan humain dramatique. La désignation des responsabilités dans le déclenchement de la Première guerre mondiale, et donc dans ses conséquences, est l’objet d’enjeux politiques et mémoriels. Les deux principaux ennemis de ce conflit, la France et l’Allemagne, se rejettent cette responsabilité.
« La question des responsabilités de la guerre est, depuis 1914, et sera sans doute longtemps encore la question des questions européennes. » René Gerin, intellectuel pacifiste, 1933
La responsabilité de la Première guerre mondiale vue de France
La thèse de la responsabilité allemande dans le déclenchement du conflit est un impératif en France. Ernest Lavisse dans son manuel scolaire Histoire de France contemporaine paru en 1921, relaie ce propos d’Etat et présente l’Allemagne comme la seule responsable de la guerre et des atrocités qui ont suivi : « Mais l'Allemagne était de mauvaise foi et voulait la guerre ».
En 1925, Pierre Renouvin publie Les Origines immédiates de la guerre et nuance la thèse officielle en évoquant les causes multiples du conflit. Selon lui, les responsabilités sont partagées et les Puissances centrales ne sont pas les seules responsables de la Grande Guerre. Cependant, la France reste présentée comme innocente dans le déclenchement de la guerre.
En 1933, Jules Isaac dans son ouvrage Un débat historique. Le problème des origines de la guerre, remet lui aussi en cause la « responsabilité unilatérale » de l’Allemagne et souligne l’acceptation délibérée de l’Europe de faire la guerre. Cependant, à l’instar de Pierre Renouvin, les empires centraux portent la responsabilité du conflit.
La responsabilité de la Première guerre mondiale vue d’Allemagne
Le traité de Versailles signé le 28 juin 1919, exemple de la mondialisation de la diplomatie, condense les critiques au travers du siècle. Ce traité est considéré comme l’exemple même de la paix bâclée qui porte en germe l’émergence du nazisme et le déclenchement de la Seconde guerre mondiale.
En effet, selon l'article 231 du traité, seuls le Reich allemand et ses alliés sont responsables du déclenchement de la Première Guerre mondiale. L’Allemagne est désignée par ce traité comme la seule responsable du déclenchement de la Grande guerre. L’Allemagne en conçoit une vive humiliation qui sera exploitée par le NSDAP. Dès sa signature, le traité de Versailles est mis en accusation. L’un de ses principaux détracteurs est l’économiste John Maynard Keynes, qui à l’époque cherche à se faire un nom. En 1922, il publie Nouvelles considérations sur les conséquences de la paix. Il y condamne le montant des réparations de guerre imposées à une Allemagne affaiblie financièrement et privée d’une partie de ses ressources par le découpage ou l‘occupation d’une partie de son territoire. Ces réparations s’élèvent à 132 milliards de marks-or et leur paiement doit s’échelonner jusqu’en 1988.
L'historienne Sally Marks remet en perspective le poids relatif de ces réparations. Selon ses calculs, elles n'ont jamais pesé davantage que 8 % du revenu national allemand en 1921, alors même que l'indemnité allemande imposée en 1871 représentait 13 % du revenu national français en 1873. Mais le ressentiment allemand, entretenu par cette caution de l’économiste Keynes, est exploité par le parti nazi et la crise de 1929 achève de porter Hitler au pouvoir. Le traité de Versailles est perçu comme une volonté de la France d’humilier, d’affaiblir durablement et de se venger de l’Allemagne. A l’inverse, en France à la même époque, de nombreux contemporains considèrent ce traité comme trop conciliant. L’Action française juge le traité de Versailles comme une paix « trop douce pour ce qu'elle a de dur ».
La querelle des responsabilités est relancée en 1961 par la parution du livre d’un professeur allemand Fritz Fischer : Les Buts de guerre de l’Allemagne impériale. 1914-1918. Il y affirme que c’est bien l’impérialisme allemand qui est responsable du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Cette thèse ravive les traumatismes dans une population allemande déjà honteuse des horreurs nazies. L’Allemagne, responsable de la Seconde guerre mondiale (60 millions de morts), serait aussi responsable de la Première guerre mondiale (20 millions de morts).
Un sujet moins sensible
Après la Seconde guerre mondiale, l’heure est à la réconciliation entre la France et l’Allemagne. La construction européenne est organisée afin de préserver la paix en Europe. De même, le général de Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer signent le traité de coopération franco-allemand en 1963 destiné à sceller la réconciliation entre la France et la République Fédérale d’Allemagne.
En 1984, main dans la main, le président français François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl commémorent à l'Ossuaire de Douaumont près de Verdun le souvenir des soldats français et allemands tombés pendant les deux guerres mondiales.
Le centenaire de la commémoration de la Grande guerre donne aussi lieu à des gestes symboliques, soulignant que les mémoires sont apaisées et que le sujet des responsabilités n’est plus d’actualité. L’enjeu est le maintien de la paix et la célébration de l’entente franco-allemande.
En 2013, l’historien australien Christopher Clark dans son ouvrage Les somnambules revient sur les responsabilités de chacun dans ce 1er conflit mondial du XXème siècle. Il rééquilibre les responsabilités et décrit des sociétés convaincues de la brièveté du conflit dans lequel elles souhaitent s’engager et qui leur paraît inéluctable. « Hantés par leurs songes et aveugles à la réalité des horreurs qu’ils allaient déclencher, ils marchèrent vers le danger tels des somnambules. »