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Le renseignement au service des États :
les services secrets soviétiques et américains durant la guerre froide
Le renseignement au service des États :
les services secrets soviétiques et américains durant la guerre froide
A. Les services de renseignement
Selon Philippe Hayez, spécialiste du renseignement en France, « le renseignement est le processus par lequel des informations spécifiques importantes pour la sécurité nationale sont demandées, collectées, analysées, fournies ». Le renseignement est fondamental pour éclairer les dirigeants dans leur prise de décision et les citoyens, que ce soit au niveau militaire, politique ou économique. En 2023, la France consacrait 3 milliards d'euros pour le renseignement stratégique et militaire, ce qui est peu face aux Etats-Unis qui investissent 100 milliards de dollars. Le renseignement est fondamental pour la protection de la souveraineté des intérêts nationaux.
En France, deux agences s’occupent de la collecte de renseignement : la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) et la DGSI (Direction générale de la Sécurité intérieure). Au Royaume-Uni, le Secret Intelligence Service, plus connu sous le nom de MI6, est le service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni. En complément, le Security Service, dénommé MI5, est le service de renseignement responsable de la sécurité intérieure.
Aux Etats-Unis, la NSA est chargée de collecter le renseignement d'origine électromagnétique et d’assurer la sécurité des systèmes d'information du gouvernement américain. A ses côtés, la CIA est chargée de l'acquisition du renseignement et de la plupart des opérations clandestines effectuées hors du sol américain. Le FBI, quant à lui, a pour domaine de compétence l'antiterrorisme, le contre-espionnage, la cybercriminalité et la médecine légale.
En Russie, le FSB a remplacé le KGB (dissout en 1991) mais poursuit son action : le Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie est chargé des affaires de sécurité intérieure.
Les méthodes de recueil du renseignement sont diverses : surveillance des communications, recrutement de sources humaines qui peuvent par idéologie ou intérêt financier transmettre des informations secrètes à un pays ennemi. On parle alors de taupe. Une grande discrétion entoure à la fois les opérations de ces agences, le nombre de personnes y travaillant ou le budget réel alloué à ces collectes d’informations.
B. CIA et KGB durant la Guerre froide
La guerre froide qui s’étend de 1945 à 1991 est le conflit idéologique entre les Etats-Unis et l’URSS qui a façonné les relations internationales durant un demi-siècle. La volonté d’anéantir l’adversaire, de promouvoir son propre modèle de société et ses valeurs ainsi que d’imposer son influence sur le plus grand nombre de pays possible, a fourni un moteur sans précédent à la collecte de renseignement.
La CIA, première agence de renseignement étrangère au monde installée à Langley dans l’Etat de Virginie, a été créée en 1947 par les Etats-Unis. Le KGB (comité pour la sécurité de l’Etat) est le nouveau nom donné aux services de renseignement soviétique en 1954. Le KGB tire sa mission idéologique de ses insignes : le bouclier pour défendre la révolution, l'épée pour écraser ses ennemis. Sa devise est : Loyauté au Parti, loyauté à la Patrie. Il est plus spécifiquement chargé de l’espionnage extérieur, du contre-espionnage, de la liquidation des opposants politiques et des organisations contre-révolutionnaires.
Ce renseignement au service des Etats durant la guerre froide succède à l'affrontement militaire et à une guerre des services secrets qui existaient déjà durant la Seconde guerre mondiale. L'opération Overlord (le débarquement allié de juin 1944 en Normandie) incarne la plus grande réussite du renseignement de toute l'histoire de la guerre moderne reposant sur un outil puissant : la collecte d’informations et la désinformation.
En 1946, une alliance des services de renseignement de la Grande-Bretagne et des États-Unis est signée. Cet accord porte le nom de « United Kingdom – United States Communications Intelligence Agreement » mais est désigné sous l’acronyme d’UKUSA. Cette alliance est rejointe par le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L’objectif est de collecter dans la zone d’influence de chacun des membres les renseignements dont les sources d'information sont des signaux électromagnétiques : radio, satellites, radar…Cette alliance consistait en un maillage planétaire d'écoutes radio et reposait sur des effectifs qui dépassaient sans doute cent mille personnes. Les soviétiques, quant à eux, excellaient pour la collecte du renseignement mais avaient des difficultés à ne pas douter de leur véracité. La paranoïa est l’apanage des services de sécurité, d’autant plus durant la période la guerre froide.
Dès sa création, les différents directeurs de la CIA ont été mus par la volonté de changer le monde au bénéfice des Etats-Unis. L’agence a donc multiplié les manipulations d’élections, les renversements ou les tentatives de renversement des gouvernements étrangers, principalement en Amérique du Sud (sphère d’influence primordiale pour les Etats-Unis depuis la doctrine Monroe). Elle a aussi financé toutes les activités anti-communistes des syndicats ou des journaux en outre d’un soutien sans faille aux adversaires des soviétiques, tels les moudjahidines durant la guerre en Afghanistan. Le budget annuel de la CIA est classifié mais Edward Snowden affirme que son budget s’élevait à 15,3 milliards de $ en 2012.
En réponse, le KGB cherche à donner l’image d’une Amérique fragmentée en soutenant les mouvements d’opposition à la guerre du Vietnam ou en faveur des droits des Afro-américains.
La guerre froide reposant sur une impossibilité d’un affrontement militaire direct entre les deux grandes puissances au risque d’un anéantissement mutuel, la lutte se fait par espions interposés. Pour Gildas Le Voguer, spécialiste de l’histoire américaine et du renseignement, « La guerre froide fut donc, pour partie, une guerre secrète, une guerre d'espions ».
La recherche et la condamnation d’espions est une obsession des deux grands : les autorités judiciaires américaines ont condamné au moins 139 personnes pour des activités d'espionnage ayant eu lieu entre 1940 et 1994. L’étude de ces cas publics permet de dresser le portrait type de l’espion au service du KGB. Les cibles privilégiées de l'espionnage soviétique sont les membres des forces armées américaines, ainsi que quelques membres de l'industrie américaine. En effet, l’acquisition des technologies occidentales par les soviétiques devient cruciale pour compenser leur retard économique et technologique.
La chasse aux espions et aux taupes devient un enjeu de la guerre froide et est largement médiatisée. Si les arrestations sont mises en scène, les procès sont tenus secrets au nom de la sécurité d’Etat. Les coupables sont soit emprisonnés, soit exécutés.
Aldrich Ames, chef du contre-espionnage américain à la CIA et agent double du KGB, a, contre rémunération, vendu l’identité de la presque totalité des agents et taupes de l'Ouest. Il est arrêté en 1994 et condamné à perpétuité pour espionnage. Il dénonça au KGB Dimitri Pollakov, major général du GRU soviétique (service de renseignement militaire de la Fédération de Russie) qui pendant 30 années avait servi de taupe au profit des Américains. Arrêté par le KGB en 1986, il est condamné et exécuté en 1988.