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Histoire : environ 245 000 rescapés de l’Holocauste sont encore en vie, Sud Ouest, 23 janvier 2023
Seconde Guerre mondiale : en Belgique, un rapport parlementaire révèle la collaboration de la société nationale des chemins de fer dans la déportation des juifs, France Info, 30 décembre 2023
En Allemagne, les dépouilles de nazis agitent les débats sur la mémoire nationale, France 24, 9 mai 2025
Le viol des femmes allemandes: crime de masse et face cachée de la Libération, RFI, 21 mai 2025
La solution finale
Le bilan dramatique de la Seconde guerre mondiale est renforcé par l’horreur de la « solution finale » mise en place au cours de la conférence de Wannsee qui s’est tenu le 20 janvier 1942 à Berlin. A la mort sociale mise en place au travers des lois d’exclusion et de persécution de la communauté juive dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, à la volonté de pousser les juifs à l’exil pour ne plus les avoir sur le territoire allemand, succède une politique active de mise à mort. Les Einsatzgruppen commencent leur œuvre exterminatrice dès le début de la guerre. En 1944, le bilan de leur action meurtrière au travers d’un exécution par balle s’élève à 1.5 million de personnes, en grande majorité juives. Le IIIème Reich veut accélérer l’anéantissement de la communauté juive. C’est lors de la conférence de Wannsee que la méthode et les protocoles de la Shoah sont discutés et adoptés : déportation en masse vers des camps d’extermination, gazage et incinération des corps. 6 camps d’extermination sont créés : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Auschwitz et Maidanek. Ces camps complètent le processus de mise à mort lente instauré dans les camps de concentration construits au sein de Grand Reich. A la Libération, on dénombre 6 millions de juifs et de tsiganes assassinés par les Einsatzgruppen et dans l’ensemble de ces camps.
La mémoire de la Shoah en France
La France de Vichy, sous la direction du Maréchal Pétain qui engage le pays dans la collaboration dès 1940, participe au génocide juif et tsigane. Au sortir de la Seconde guerre mondiale, un mythe résistantialiste se met en place : les Français auraient dans leur grande majorité résister à l’occupant ; le nombre de collaborateurs aurait été marginal. Robert Aron développe la thèse du bouclier et de l’épée. « Le Maréchal était le bouclier, le Général l'épée ». L’idée est de présenter le Maréchal Pétain comme celui qui a protégé les Français de la folie nazie et qui a œuvré à la protection des juifs nationaux. Le Général De Gaulle crée d’ailleurs en 1960 un lieu de mémoire au Mont Valérien pour essayer d’imposer la mémoire d’une France résistantialiste. Le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon s’inscrit dans la même logique.
« Ce mythe résistantialiste » selon l’expression d’Henri Rousso est mis à mal au moment de la publication de La France de Vichy de l’historien américain Robert Paxton en 1972. Il y affirme « Il y a notamment cette idée absurde que la France de Vichy a essayé, dès le début, de protéger les Juifs de nationalité française ». C’est un coup de tonnerre dans la société française.
Dans sa thèse soutenue en 1991, l’historienne Annette Wieviorka considère que la mémoire du génocide des juifs s’est mise en place selon quatre phases principales : La phase de retour et du choc de la découverte des camps (de 1945 à 1948) ; La phase d’occultation du génocide (de 1948 à la fin des années 1950) ; La phase de réveil des mémoires (de la fin des années 1950 à la fin des années 1970) ; La phase de l’omniprésence des mémoires du génocide dans l’espace public (à partir des années 1970). L’historien Henri Rousso quant à lui identifie 4 phases dans la mémoire de la Shoah au sein de la société française : il met en avant le « deuil inachevé » qui s’étend de la Libération au milieu des années 1950 ; le « refoulement » des années soixante ; un « retour du refoulé » au début des années soixante-dix ; une phase « obsessionnelle », d’hypermnésie du souvenir à compter des années 1980. Dès les années 1990, la société converge désormais vers l’idée d’une réparation officielle des crimes commis. En 1995, le président Jacques Chirac prononce une allocution historique sur la responsabilité de l'État français dans la déportation des juifs durant la deuxième guerre mondiale. Jusque-là, aucun gouvernement ou président n’avait assumé la participation de la France au génocide, distinguant l’Etat de Vichy qui, officiellement, n’était plus la France. Jacques Chirac affirme et reconnaît dans son allocution que « la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français » lors de la rafle du Vel d’Hiv de juillet 1942 mais aussi lors d’autres rafles et déportations. « La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable ». En 2002, la plus haute juridiction administrative française reconnaît la responsabilité civile de l’État français d’aujourd’hui. Ce mouvement de reconnaissance est suivi en Europe. Les ministres européens de l'éducation ont adopté, le 18 octobre 2002, la déclaration qui institue une journée de mémoire de la Shoah et de prévention des crimes contre l'humanité. La date a été laissée libre de choix à chaque pays. La France et l'Allemagne ont choisi le 27 janvier, date symbolique puisqu’elle correspond à l'anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau.
La mémoire de la Shoah dans la communauté juive
Henri Rousso évoque à travers l’expression biblique des « raisins verts » « la transmission des blessures à travers plusieurs générations ». Les rescapés des camps de la mort ressentent le devoir moral de témoigner au nom de ceux qui moururent de l’œuvre exterminatrice nazie : « Qu’avons-nous promis à nos morts ? Que le monde entier saurait ce que fut leur calvaire, que le monde entier reconnaîtrait en eux des martyrs et des héros, que nul ne toucherait à leur mémoire » publie le journal Le déporté en 1953. Cette entreprise connaît plusieurs étapes en considération de l’impréparation de la société face à ces témoignages.
Dans son ouvrage publié en 1988, Le syndrome de Vichy, Henri Rousso développe la thèse du refoulement. Au retour des camps, les rescapés auraient voulu effacer le souvenir de ces années noires pour guérir de leur traumatisme. Plusieurs années plus tard, Henri Rousso admet l’inexactitude de sa thèse. Il évoque désormais les silences des rescapés plutôt que l’oubli. Simone Veil, rescapée des camps de la mort, juriste puis ministre analyse le silence que l’on reproche aux rescapés après leur retour : « Si nous n'avons pas parlé c'est parce que l'on n'a pas voulu nous entendre, pas voulu nous écouter. Parce que ce qui est insupportable, c'est de parler et de ne pas être entendu ». Face à cette surdité de la société, les survivants ressentent un sentiment de culpabilité comme l’analyse le philosophe africain Thaddeus Metz. L’historienne Annette Wieviorka souligne quant à elle que les années suivant la Libération était dédiées à la célébration des héros de la Résistance. La mémoire d’Auschwitz, portée par des acteurs juifs, ne pénètre dans l’espace public qu’à la fin des années 1960. C’est avec le procès Eichmann, en 1961, ce « Nuremberg du peuple juif » comme disait Ben Gourion, qu’émerge dans l’opinion publique la conscience du génocide.
Le négationnisme
Vers la fin de la Seconde guerre mondiale, les centres de mise à mort sont progressivement fermés et détruits par les Allemands soucieux de ne laisser aucune preuve de leurs crimes. A Treblinka, Sobibor et Belzec, les nazis font aussi disparaître les corps des victimes : Les cadavres sont déterrés et brûlés pour ne pas laisser de traces des massacres qui ont eu lieu. Au printemps, les nazis procèdent à la destruction des documents. A la fin de l’année 1944, Auschwitz est le seul camp d’extermination à fonctionner à plein rendement. Le 27 janvier 1945, les nazis quittent le camp après avoir détruit les crématoires II, III et V, puis ils incendient les entrepôts du « Kanada » de Birkenau. De même, en mai 1945, L’ancien camp de concentration de Bergen-Belsen est totalement brûlé par des soldats britanniques pour empêcher la propagation du typhus. Ces destructions font le jeu des négationnistes, tel Louis Darquier de Pellepoix, ex-commissaire aux Questions juives du gouvernement de Vichy qui affirme : « Je vais vous dire, moi, ce qui s'est exactement passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c'est vrai. Mais on a gazé les poux ». Robert Faurisson se situe dans la même ligne tandis que Maurice Bardèche dénonce une « falsification de l'histoire ». Pour lui, il n’y a eu ni chambre à gaz, ni génocide juif. Cette invention aurait servi à asseoir les revendications des juifs à la création d’un Etat d’Israël.