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Le modèle de Clausewitz à l’épreuve des guerres irrégulières : d’Al Qaïda à Daech
Le modèle de Clausewitz à l’épreuve des guerres irrégulières : d’Al Qaïda à Daech
Le 11 septembre 2001, le monde assiste en direct aux attentats les plus meurtriers de l’Histoire : environ 3 000 morts. Le choc est d’autant plus grand que ce sont les Etats-Unis qui subissent ces attaques, hyperpuissance depuis la fin de la guerre froide, première puissance mondiale en ce début de XXIème siècle.
Les Etats-Unis, au travers de leur président George W. Bush, déclarent la guerre au terrorisme et aux pays qui assurent une aide aux terroristes. Celle-ci est présentée comme une guerre juste. Ce concept de « guerre juste », qui a émergé durant l’Antiquité et qui a été théorisée par le christianisme, repose sur défense de la Patrie, de ses citoyens et de la propriété. Il s’agit d’une guerre de défense et de protection. Ces guerres justes s’appuient sur des alliances dans le but d’établir une paix durable. Saint Thomas d’Aquin, affirme au XIIIème siècle : « Pour qu’une guerre soit juste, elle doit être déclarée par une autorité publique compétente, la cause doit en être juste, et l’intention de celui qui la mène doit être droite ». Les différents discours de George Bush rappellent l’impératif de protéger « nos concitoyens, notre mode de vie, notre liberté ». La guerre contre le terrorisme doit assurer la préservation des libertés, de la démocratie et du droit, aux Etats-Unis comme dans l’ensemble du monde. Pour les Américains, ces attaques terroristes sont une déclaration de guerre et il faut donc y répondre par la guerre. Les grandes nations occidentales se joignent à cette lutte.
Cet attentat terroriste est revendiqué par le groupe Al Qaida (La base), créé en 1987 et dirigé à l’époque par Oussama Ben Laden. A travers le monde, de nombreux groupes djihadistes se réclament d’Al Qaida : Aqsi (en Inde), Aqmi (au Maghreb), Aqpa (dans la péninsule arabique) ainsi que le Front Al-Nostra en Syrie ou les shebabs dans la corne de l’Afrique.
En 2006, suite à la seconde guerre d’Irak qui a eu lieu en 2003, un nouveau groupe djihadiste émerge : Daech (ou daesh), acronyme de « État islamique en Irak et en Syrie ». Dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi depuis 2010, Daech affirme son indépendance face à Al Qaida et proclame l’Etat islamique (EI) en 2011. L’EI se lance à la conquête d’un territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak, profitant de la situation politique instable de ces deux pays. L'État islamique (EI), comme Al Qaida a des groupes terroristes affiliés : Boko Haram, Etat Islamique en Lybie, les Soldats du califat en Algérie, Etat du Sinaï en Egypte, Al-Shabaab en Somalie, l'Armée de libération du Baloutchistan (BLA) et Jamaat Nusrat Al-Islam wal Muslimeen (JNIM). Selon le site gouvernemental français consacré à la diplomatie : « L’action de la Coalition internationale contre Daech en 2014 a permis de priver l’organisation terroriste de la totalité des territoires qu’elle contrôlait en Irak et en Syrie. Grâce à la mobilisation internationale, ses capacités de planification d’attentats, d’attraction de combattants étrangers ou encore de financement ont été considérablement réduites ». Cela n’empêche pas le développement d’actions terroristes à travers le monde, par tous les moyens possibles : bombes, attaques armées comme en France le 13 novembre 2015, avec un camion-bélier comme sur la promenade des anglais à Nice le 14 juillet 2016, au couteau comme à Saint-Etienne-du-Rouvray le 26 juillet 2016, etc… Abou Mohammed al-Adnani le porte-parole de l’EI jusqu’en 2016 prêchait pour une mise à mort des « incroyants » et des « mécréants » « de n’importe quelle manière ».
L’Indice mondial de terrorisme (GTI), publié en 2023, soulignait des tendances préoccupantes : les attentats terroristes ont été plus meurtriers en 2022 ; La région du Sahel en Afrique subsaharienne est désormais l'épicentre du terrorisme, concentrant à elle seule 43 % du total mondial des décès liés au terrorisme. Le rapport fait le lien entre situation intérieure d’un pays et son exposition face au risque terroriste. En effet, plus un Etat est faible, failli, déstabilisé par des conflits internes ou des coups d’Etat, plus un pays connaît des difficultés liées à l’eau, au manque de nourriture, à une forte croissance démographique, plus ce pays est touché par le terrorisme. De même, les attaques dans les pays impliqués dans un conflit sont sept fois plus meurtrières que les attaques dans les pays pacifiques. Aujourd’hui, l’inquiétude porte sur l’utilisation de drones ou de l’IA pour la perpétration d’attentats.
La théorie de la guerre de Clausewitz repose sur trois principes : un « duel à grande échelle » opposant deux entités se reconnaissant comme ennemies, la guerre subordonnée au pouvoir politique et l’aspect multiforme de la guerre. Clausewitz emploie le terme de « caméléon » dans ce dernier cas de figure. Il évoque aussi la guerre absolue qui se caractérise par une montée aux extrêmes, c’est à dire une absence de limites.
Avec le terrorisme, la typologie de la guerre non conventionnelle est celle d’une guerre irrégulière et asymétrique. Il s’agit d’une guerre irrégulière dans la mesure où les forces armées ne relèvent pas d’un État ; d’une guerre asymétrique car les forces en présence sont déséquilibrés ; de même, contrairement à une opération militaire qui vise la destruction physique de l'adversaire, le terrorisme cherche à inspirer la terreur par le choc psychologique. Enfin, le terrorisme ne se combat pas par une guerre régulière.
Si on s’en tient aux caractéristiques du terrorisme, les thèses de Clausewitz portant sur la guerre semblent dépassées. La violence sans limite ne permet pas d’atteindre la paix, objectif derrière tout conflit. De même, tous ces acteurs non-étatiques, comme Al-Qaida, ne cherchent pas à constituer un Etat. Cependant, le terrorisme se rapproche de l’aspect « caméléon » de Clausewitz et des guerres irrégulières qu’il évoquait. La montée aux extrêmes constatée dans la guerre absolue de Clausewitz est valide dans le cas du terrorisme. Les thèses de Clausewitz sur la guerre peuvent donc en partie s’appliquer au terrorisme.