Chapitre 4 : L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France
Chapitre 7 : Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914
I. Les transformations des modes de production
A. L’industrialisation
La "révolution industrielle" est née en Angleterre au 18ème siècle et s'est répandue en Europe jusqu'à la fin du 19ème siècle avec un rythme différent selon les pays. On assiste à une industrialisation des productions. L’Industrialisation est un processus caractérisé par l'utilisation de nouvelles techniques, le développement de nouvelles branches d'activité et une forte croissance de l'activité. Les grands bassins industriels se situent à proximité des grands bassins houillers dans la mesure où l'industrialisation, liée à la mécanisation, s’appuie de plus en plus sur le charbon de terre, la houille, remplaçant le charbon de bois.
L’utilisation de la machine à vapeur révolutionne les modes de production. L'usine organise désormais le travail aux dépends des manufactures et le nombre d'ouvriers augmente drastiquement. Les travailleurs sont dépossédés de l'outil de production et effectuent un travail nécessitant peu de qualification et très répétitif. L'industrialisation repose sur la division des tâches.
La machine à vapeur ne révolutionne pas seulement l'industrie mais aussi les transports. L'espace-temps commence à se réduire au fur et à mesure que les voies de chemins de fer sont construites. En Allemagne la longueur du réseau de chemin de fer est multipliée par 60 entre 1840 et 1880. Ce réseau de voies de chemin de fer relie principalement les villes les plus peuplées en passant par les grands bassins industriels et houillers pour le transport des matières premières et des produits finis. Cette "révolution des transports" stimule l'économie en amont (par le besoin de matières premières) et en aval (par le transport des marchandises et des voyageurs). Certaines régions tendent à se spécialiser puisqu'elles peuvent compter sur l'importation des marchandises qu'elles ne produisent plus.
B. Urbanisation et exode rural
L’agriculture connaît aussi une mécanisation qui tranche avec les techniques agricoles centenaires. Au fil du 19ème siècle, la situation des paysans s’améliorent et les disettes disparaissent sous l’action combinée de la culture de la pomme de terre, des progrès de la mécanisation, de l’utilisation d’engrais chimiques et de la spécialisation régionale des productions permise par la révolution des transports.
L’industrialisation, avec son besoin croissant en main d'œuvre, a généré un afflux de population immigrée (inter-régionale ou internationale) et un exode rural massif (Un exode rural est un mouvement d'une population qui quitte la campagne pour aller s'installer définitivement en ville). On assiste à un processus d’urbanisation. Le taux d'urbanisation des pays industrialisés s'accroît fortement. De 48% de population urbaine en 1851, l'Angleterre atteint un taux d'urbanisation de 73% en 1911. Urbanisation : Processus d'extension urbaine dans le cadre d'un projet politique
Paris se transforme sous le 2nd Empire sous l'impulsion de Napoléon III qui confie cette mission au baron Haussmann. Celui-ci axe la transformation de Paris autour de deux grands axes (du Nord au Sud et sur le pourtour de la Seine d'Est en Ouest). Le coût élevé de ces travaux contraint Haussmann à recourir à des investisseurs privés, tels les frères Pereire qui ont fait fortune grâce aux chemins de fer. Paris voit se construire de grands boulevards et des avenues bordés de trottoirs et entourés de bâtiments en pierre de taille, d'arcades et de grandes places. Paris devient " ville Lumière" grâce aux réverbères à gaz.
C. L’immigration et la place des étrangers
Pour répondre au besoin croissant de main d’œuvre des industries et compenser la faible croissance de la population française, des ouvriers étrangers viennent travailler en France. Ils sont issus des pays frontaliers, tels la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Ils s’installent dans les grands bassins industriels et houillers.
Ces immigrés sont de plus en plus nombreux au fil de développement de l’industrialisation du pays. Ils passent de 380 000 en 1951 à un million en 1881. Face à la concurrence, les Français entretiennent des sentiments xénophobes qui mènent parfois jusqu’au meurtre.
II. L’importance politique de la question sociale
A. Les conditions de vie des ouvriers
Les populations ouvrières sont celles qui paient le prix de l'industrialisation : semaine de travail frôlant parfois les 80h par semaine dans certains secteurs, travail excessif des enfants accompagné de mauvais traitements, travail de nuit... Le salaire décroît en fonction de l'âge et du sexe (Une femme sera payée deux fois moins qu'un homme, mais deux fois plus qu'un enfant).
Chez les enfants, ce travail harassant dès le plus jeune âge se traduit par des déformations physiques, du rachitisme, la tuberculose...La mortalité est terrible : dans les grands centres industriels anglais, la moitié des enfants n'atteint pas l'âge de 10 ans.
Les accidents du travail sont nombreux et les salaires sont faibles, permettant seulement de renouveler la force de travail. Les maladies professionnelles font des ravages. L'historien de l'environnement John McNeill estime qu’entre 1840 et 1900, de 800 000 à 1,4 million de Britanniques sont morts de maladies respiratoires dues au charbon.
L’usine Schneider au Creusot : un exemple de paternalisme
Les frères Schneider fondent dès 1836 une entreprise spécialisée dans l'acier, les chemins de fer, l'armement et la construction navale au Creusot.
Les Schneider multiplient d'abord les logements collectifs afin de loger les ouvriers qui travaillent dans leurs usines avant de se tourner vers la construction de maisons individuelles qui ont un grand succès.
La famille Schneider incarne le paternalisme d'entreprise au travers du financement d'une école, d'équipements collectifs (nouvelle église, hôpital) ou de la gratuité des soins. On parle de paternalisme lorsque le patron assume l'autorité et les devoirs d'un père à l'égard de ses « enfants salariés » qui sont alors dans l'obligation de respecter les règles décidées unilatéralement par l'employeur. Il est responsable de leur bien-être en contrepartie de quoi ils lui doivent respect et obéissance.
Les habitants du Creusot, surnommée Schneiderville, confient la gestion de la ville aux Schneider en élisant comme maire 5 membres de cette famille entre 1841 et 1896.
B. Théories économiques, syndicats et convergence des luttes
Si "la pensée dominante est que l'industrialisation améliore le niveau de vie des pauvres qui travaillent ", la question sociale s'invite dans la vie politique et économique. Les premières lois régissant le monde du travail et plus particulièrement le travail des enfants apparaissent en 1833 en Angleterre. En France, il faut attendre 1841 avant que les premières lois se penchent sur la question mais elles seront peu appliquées. L'inspection du travail n’apparaît en France qu’en 1874 sous la IIIème république. Les femmes et les jeunes filles remplacent les enfants dans les usines textiles.
Karl Marx, philosophe, historien et économiste allemand, théorise sa lutte des classes dans "Le manifeste du Parti Communiste" écrit en collaboration avec Friedrich Engels en 1848. Il y dénonce l'exploitation et l'oppression de la classe ouvrière qu’il désigne sous le terme de prolétariat par la bourgeoisie, c’est-à-dire la classe possédante. Il appelle à une révolution prolétarienne pour s'emparer des moyens de production qui seraient remis à l'Etat. La disparition des classes sociales mènerait à une égalité et donc à une paix sociale.
L'Eglise, au travers de l'Encyclique du pape Léon XIII, dénonce elle aussi "La richesse qui a afflué entre les mains d’un petit nombre et la multitude qui a été laissée dans la misère". Cependant, il y condamne les thèses marxistes.
Les législations sur la grève en 1864 et les syndicats en 1884 permettent de structurer le mouvement ouvrier. Les grèves se multiplient. Certaines sont réprimées dans le sang comme à Fourmies en 1891. La troupe intervient dans une manifestation festive qui réclame la journée de 8 heures. Le bilan est dramatique : neuf morts, dont deux enfants, et de 35 blessés. Les revendications ouvrières font évoluer les lois et permettent une amélioration progressive des conditions de travail.
Le drame de Fourmies 1891
Fourmies est une petite ville ouvrière du Nord de la France, spécialisée dans la production textile (filature, peignage, tissage). Une crise économique liée à une décélération économique et amplifiée par la concurrence allemande survient dans les dernières décennies du XIXème siècle.
Une fête ouvrière couplée avec des revendications sociales est organisée le 1er mai 1891. Les ouvriers réclament un abaissement de la durée journalière de travail, la suppression des amendes ainsi que le versement de la paie le samedi. Malgré le pacifisme de la manifestation, les patrons appellent la troupe. Bilan : 9 morts et 35 blessés. Les dénonciations des responsabilités pleuvent. Pour les ouvriers, il s’agit du patronat ; pour les bourgeois, il s’agit des socialistes.
La CGT, Confédération Générale du Travail, est un syndicat crée en 1895. Un syndicat est une association de travailleurs qui a pour but la défense des droits des salariés et l’organisation de la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés.
Les revendications des ouvriers, l’action des syndicats et des grévistes mènent à l’adoption de la journée de 10 heures en 1900, ainsi qu’à la fixation d’un jour de repos hebdomadaire (le dimanche) en 1906.
Les expositions universelles 1889 et 1900
A partir de 1851, sont régulièrement organisées dans les plus grandes villes des pays développés, des expositions universelles. Celles-ci sont des évènements internationaux dont l'objectif est l'éducation du public, la promotion du progrès et la coopération. Elles se tiennent au moins tous les cinq ans, pour une durée de six mois environ. Elles offrent une audience internationale aux nations participantes et une puissante vitrine économique pour le pays organisateur.
En 1889, la France est le pays hôte de l’exposition universelle afin de commémorer la Révolution française. Elle en profite pour mettre en avant son savoir-faire et ses progrès techniques. Pour l’occasion, la tour Eiffel est construite. Prévue pour n’être qu’une démonstration provisoire de la maîtrise technique française, son installation est finalement définitive après maints débats. Les différents pavillons construits vantent la maîtrise de la vapeur et la « Fée électricité ».
Les expositions universelles marquent le paysage urbain. En effet, de nombreuses infrastructures construites pour ces occasions s’insèrent de manière permanente dans les villes hôtes. Pour paris, nous retiendrons, outre la tour Eiffel, le palais du Trocadéro ainsi que le Petit et le Grand Palais.