Rat noir et rat bruns sont deux espèces différentes (pour en savoir plus sur le processus de création des espèces, lire notre article "La différenciation des espèces: la spéciation").
Le rat brun (rattus norvegicus) est aussi appelé rat gris, rat d'égout, rat des villes. Il est à l'origine du rat domestique (rattus norvegicus domesticus).
Il possède un organisme diploïde comprenant 42 chromosomes (2n= 42).
Le rat noir (rattus rattus) est aussi appelé rat des champs, rat noir. Il est environ deux fois plus petit en terme de poids que le rat brun mais sa queue est plus longue ainsi que ses oreilles et il est plus agile que ce dernier.
Une révision taxonomique a conduit à la séparation du rat noir en 3 sous-espèces en fonction de leur couleur:
Rattus rattus alexandrinus: corps brun et ventre gris
Rattus rattus frugivorus: corps brun et ventre blanc ou crème
Rattus rattus rattus: corps noir et ventre noir à gris foncé
Mais De l'Isle (1865) a déterminé grâce à ses expériences que les trois sous-espèces peuvent se reproduire librement entre-elles et que les différentes couleurs peuvent se retrouver dans une même portée. Cela a incité les chercheurs à considérer le rat noir comme une espèce monotype (espèce ne possédant pas de sous-espèce).
Cependant, il semble plus correct de séparer le rat noir en deux populations distinctes: le rat noir Européen et le rat noir Asiatique. Le rat noir Européen a 2n = 38 chromosomes (voire 40 dans certains pays) tandis que le rat noir Asiatique 2n = 42 chromosomes. Il existe aussi des distinctions biochimiques (Baverstock et al., 1983) et morphologiques à ces deux populations.
Tous les autres rattus rattus (Rattus rattus diardi ou Rattus rattus flavipectus par exemple), ne seraient que des hybrides issus des croisements entre les différentes sous-espèces existantes. Par exemple, les rattus rattus de Ceylan que l'on trouve dans les hautes terres ont 2n = 40 chromosomes tandis que les rattus rattus des plaines de Ceylan ont 2n = 38 chromosomes. Il existe des hybrides évoluant dans les deux régions possédant 2n = 39 chromosomes !
Il semblerait que les rats noirs Européens et Asiatiques ont pu subir une spéciation sympatrique (spéciation à l'intérieur d'un groupe frère) car la reproduction entre ces deux populations donne des animaux stériles.
1778: Un naturaliste Russe découvre que le rat brun est originaire d'Inde et nomme l'espèce Mus decumanus (le nom de rattus norvegicus n'arrivera que bien des années plus tard).
Le rat noir, lui, ne s'appelle pas encore rattus rattus mais Mus rattus.
XIXè siècle: Un rat étrange, tué à Norwich, fut apporté au naturaliste M.W. Thompson qui l'étudia en le comparant au Mus decumanus et au Mus alexandrinus (voir au-dessus le rattus rattus alexandrinus). Il constate que ce rat se situe morphologiquement entre le Mus decumanus et le Mus alexandrinus: taille semblable à celle de Mus rattus, queue et oreilles courtes et très poilues semblables à Mus decumanus. Il appelle le spécimen Mus hibernicus.
Mus hibernicus possède un poil doux, une tache triangulaire blanche sur la poitrine.
Pour Thompson, aucun doute: il s'agit d'un hybride entre un Mus alexandrinus et un Mus decumanus. Plusieurs autres Mus hibernicus (surnommé le rat Irlandais: "Irish rat") ont été signalés dans la même localité, ce qui conforte Thompson dans sa théorie.
Le Mus hibernicus fut exposé au Belfast Museum.
Il ne serait en réalité qui rat brun ayant possédé une couleur de pelage particulière.
(Pour vous aider, vous pouvez vous reporter à la rubrique "Petit vocabulaire génétique").
Dès le début du XXe siècle, H. W. Feldman a entrepris des études génétiques sur le rat. L'une de ses découvertes concernait la difficulté de croiser des rattus rattus et des rattus norvegicus: en effet, les embryons ne vivaient jamais. Raison pour laquelle il était impossible de trouver des hybrides dans la nature.
Plus récemment, en 1977, deux chercheurs japonnais, Tosihide H. Yosida et Choji Taya ont choisir d'étudier plus longuement le sujet. 20 femelles rattus norvegicus (issues de lignée de laboratoire Fischer) ont été inséminées artificiellement par le sperme de 9 rattus rattus mâles (rats noir asiatiques (Rattus Rattus flavipectus). Cette sous-espèce de rat noir a été choisie pour la similarité du nombre de chromosomes avec le rat brun (2n = 42 chromosomes tous les deux) et la similarité de leurs caryotypes.
Il a été possible d'observer un développement normal des embryons hybrides jusqu'au 7e jour de gestation, puis un retardement notable dans le développement embryonnaire est apparu. A partir de 9/10 jours après l'insémination, le développement embryonnaire s'est arrêté. A la suite de cela, l'embryon hybride a dégénéré et seules des cellules embryonnaires rudimentaires ont pu être observées dans l'utérus maternel. Il semblerait que l'embryon pourrait se développer jusqu'à l'âge maximal de 14 à 15 jours après l'insémination mais jamais plus tard. Pourtant, l'embryon hybride possède un caryotype diploïde normal et possède les chromosomes de ses deux parents. C'est ce qui appelle le phénomène d'isolement post-zygotique: le génotype des hybrides a une valeur sélective inférieure à celle de ses parents. Selon Dobzhansky, il existe 3 catégories d'isolement post-zygotique: la dégénérescence des hybrides, la stérilité des hybrides et la létalité des hybride (ce dernier cas concerne l'hybride rat brun/rat noir).
Il n'est pas évident de déterminer la cause de la dégénérescence des embryons par la seule observation histologique. Deux explications ont cependant été suggérées par les auteurs:
* une réaction immunologique de la mère: le développement de l'hybride causerait un désordre à cause d'un déséquilibre génique. Ce déséquilibre génique serait possiblement dû à une incompatibilité entre les chromosomes du rat noir et le cytoplasme de l'ovule du rat brun.
* la différence d'organisateur nucléolaire: Yosida (1978) a démontré que l'organisateur nucléolaire (NOR) des chromosomes était différent entre les deux espèces de rats. Le NOR a un rôle important pour l'expression génétique et cette différence entre les deux espèces serait un facteur notable de la mort embryonnaire des hybrides.
Source:
Wilson & Reeder's: "Mammal species of the world" (3e edition)
The Zoologist, a monthly journal of Natural History (3e série, volume XIII)
"Études de micromammalogie: Revue des musaraignes, des rats et des campagnols" par Edmond de Selys-Longchamps
"The domestication of the rat" par W.E. Castle
"Studies on interspecific hybridization in rodents, II. Histological observations on the hybrid embryos developed by artificial insemination between norway rats and black rats" par Tosihide H. Yosida et Choji Taya.
"Studies on interspecific hybridization in the rodents, I. Artificial insemination between the norway rat and black rat and the resulting karyotypes in the hybrid blastocysts", par Tosihide H. Yosida et Choki Taya