La différenciation des espèces: la spéciation

Comment la nature a t-elle créé les différentes espèces ? En voilà une curieuse question !

Même si elle ne touche pas uniquement le rat, mais le vivant en général, elle peut s'appliquer à notre rongeur préféré. En effet, le rat possède deux espèces: le rattus rattus (le rat noir) et le rattus norvegicus (le rat brun).

Qu'est-ce qu'une espèce ?

Selon la classification du vivant, une espèce est une population homogène dont les individus peuvent se reproduire entre eux et engendrer une descendance viable et fertile.

Il existe plusieurs critères servant à différentier les espèces:

* Le critère généalogique: Il s'agit du critère de rapport des ancêtres avec leurs descendants.

* L'interfécondité: S'il existe une incompatibilité reproductrice entre deux populations, c'est donc qu'elles sont définitivement divergentes: ce sont deux espèces différentes.

* Le critère phénétique: Il s'agit de la ressemblance entre les individus. Ceux-ci possèdent des caractères héritables non liés à l'environnement. Ce n'est cependant pas un processus rapide: en effet, une espèce récemment créée possédera encore des caractères issus de sa population d'origine. Lorsque le changement morphologique est majeur, on parle de macroévolution; tandis que lorsque le changement morphologique est mineur au sein d'une lignée, il s'agit de gradualisme phylétique.

* Le critère phylogénétique: Il a été découvert par Hennig en 1966 et suppose que seuls les apomorphies (soit les caractères dérivés, différents de leur état ancestral) peuvent permettre de retracer l'histoire généalogique d'une population.

Les mécanismes de spéciation

Il existe plusieurs mécanismes pouvant entraîner une spéciation:

* La spéciation allopatrique: Barrière extrinsèque, le flux de gènes est stoppé par une barrière géographique. La population isolée du groupe ancestral évolue différemment, selon ses propres contraintes environnementales (sélection disruptive).

* La spéciation sympatrique: Barrière intrinsèque, aucune barrière géographique ne vient perturber le flux de gènes, pourtant une spéciation s'opère dans le génotype d'une population. Ce cas de figure est particulièrement adapté aux parasites. L'isolement pré-zygotique évolue particulièrement rapidement dans le cas de l'isolement sympatrique (voir ci-dessous).

* La spéciation par renforcement: Il n'y a pas de différentiation entre deux populations mais une adaptation causée par la pression de la sélection naturelle.

* La cospéciation: Cas particulier de la spéciation simultanée d'un hôte et de son associé (les parasites par exemple).

Le cas de l'interfécondité

Comment une espèce s'isole t-elle d'une autre en terme reproductif ? Pour ce faire, deux mécanismes peuvent s'enclencher avant ou après la fécondation:

* L'isolement pré-zygotique: il s'agit d'un moyen d'isolement reproductif empêchant une fécondation. Ainsi, il n'est pas possible que des hybrides puissent naître entre les deux espèces. L'isolement pré-zygotique peut se déclarer sous plusieurs formes comme le SMRS (Specific Mating Recognition System) imaginé par Paterson en 1985: une reconnaissance des conspécifiques pour la reproduction (les deux partenaires doivent avoir le même "langage" et se comprendre: parade amoureuse, lecture de phéromones...). Une barrière temporelle est possible: dans ce cas, les périodes reproductives des deux espèces divergent (périodes de chaleurs par exemple). Il peut y avoir aussi -entre autres- une barrière mécanique (la reproduction entre deux partenaire de deux espèces différentes n'est physiquement pas possible).

* L'isolement post-zygotique: dans ce cas de figure, la fécondation entre deux partenaires d'espèces différentes est possible: c'est la création d'hybrides. Cette situation s'applique aux espèces de rats. Cependant, la valeur sélective des hybrides est inférieure à celle de leurs parents. Ce qui signifie que la descendance des hybrides aura moins de chance d'atteindre l'âge de la maturité sexuelle pour se reproduire à leur tour (voir rubrique "Génétique des populations").

Dobzhansky considère 3 catégories d'isolement post-zygotique: la létalité des hybrides (les fœtus meurent in utero), la stérilité des hybrides (cas de la mule) ou la dégénérescence des hybrides.

Pour que l'isolement post-zygotique soit complet, tous les hybrides doivent avoir une valeur sélective nulle.