"Si j'écarte de la reproduction tous les animaux présentant le défaut à éliminer, alors ce défaut disparaîtra !"
Oui, mais non... Cette idée reçue est solide et se trouve parfois dans l'esprit des débutants souhaitant se lancer dans l'élevage. Il faut bien se douter que si les choses étaient aussi simples, il y a bien longtemps que les animaux d'élevages ne présenteraient plus aucune tare délétère !
Prenons un exemple pour illustrer notre propos: la malformation.
Une malformation congénitale est une malformation apparue dès la naissance de l'animal. Cependant, "congénital" n'est pas synonyme de "héréditaire" ! Une malformation n'est pas forcément liée à une anomalie ou un mauvais fonctionnement d'un gène. Elle peut être liée à une cause toxique, des carences, une maladie (la présence de diabète chez la mère par exemple)...
Et -pour compliquer la chose- si la malformation est d'origine génétique, elle n'est pas pour autant obligatoirement héréditaire: on appelle cela "mutation de novo".
Le premier point à prendre en considération est le suivant: tout n'est pas uniquement d'origine génétique !
Rappelons que chaque gène est composé de deux parties: les allèles. L'un de ces allèles est transmis aléatoirement par le père et l'autre par la mère (voir notre rubrique "Génétique"). Les allèles peuvent être tous deux semblables: ils sont homozygotes. Dans ce cas, l'animal exprimera physiquement le résultat de cette homozygotie (un rat porteur des deux allèles "Husky" sera visiblement "Husky").
Les allèles peuvent aussi être différents. Dans ce cas de figure, l'un des deux allèles va s'imposer. Seul le dominant sera exprimé physiquement tandis que l'autre allèle (récessif) ne sera pas visible: pour le connaître, il faudra connaître la génétique de l'animal. On dit que l'animal est "porteur" de l'allèle récessif (exemple: un allèle "Husky" et un allèle "Hooded": le rat sera visiblement Hooded porteur "Husky"). C'est le principe de la dominance et de la récessivité.
Imaginons l'allèle d'une maladie héréditaire, M. Cette maladie n'est causée que par ce gène, quelle chance ! La plupart des maladies héréditaires sont plutôt liées à l'action combinée de plusieurs gènes.
Nous avons donc potentiellement un "allèle malade": M et un "allèle sain" S. N'oublions pas que l'animal a besoin de deux allèles pour constituer la paire du gène. Les allèles sont présentés comme suit: lettre/lettre. La majuscule représentant un allèle dominant et la minuscule un allèle récessif.
Si M est dominant:
Si M est récessif:
L'animal porte: M/M: il est malade
L'animal porte: M/s: il est malade
L'animal porte: s/s: il est sain
L'animal porte: m/m: il est malade
L'animal porte: m/S: il est sain
L'animal porte: S/S: il est sain
Arrivé à ce point là de la lecture, il paraît très simple de se débarrasser de l'allèle malade: il suffit de ne sélectionner que des animaux sains. Mais cela est sans compter la présence des récessifs !
En effet, dans le cas de figure: m/S, l'animal est sain, mais il est porteur de l'allèle malade "m" de manière "invisible". Il suffit de croiser cet animal avec un autre possédant aussi m/S pour avoir un risque d'obtenir des bébés m/m, donc malades !
Et si nous avons la chance de ne croiser cet individu m/S qu'avec des animaux eux-mêmes sains (S/S): nous n'aurons pas de bébés malades mais l'individu m/S pourra tout de même transmettre son allèle malade "m" à sa descendance, sans qu'il ne s'exprime. L'allèle malade se "promènera" donc secrètement dans la génétique de la famille, jusqu'à ce qu'il ressorte soudain un jour par le biais d'un mauvais mariage avec un autre animal lui aussi porteur "m". L'allèle malade aura eu le temps de "corrompre" plusieurs générations de la famille discrètement sans que l'éleveur n'en sache rien !
Enfin, la génétique n'est pas si simple ni évidente que cela. C'est sans compter l'influence d'autres phénomènes tels que la pénétrance incomplète. La pénétrance incomplète influe sur l'expression d'un allèle: il peut donc être présent mais sans s'exprimer sur l'animal. De plus, comme nous l'avons dit, il est très rare qu'un affect ne soit lié qu'à un seul gène: la plupart sont polygéniques et aussi influencé par l'environnement et le mode de vie de l'animal.
Il s'agit d'une notion rarement prise en compte mais pourtant importante, en particulier lorsqu'il est question de travailler et de démocratiser un nouveau type chez une espèce animale (nouvelle couleur, nouveau marquage, nouvelle race...).
La prévalence d'une maladie représente le taux d'incidence de cet affect dans la population animale. Plus la prévalence est haute et plus le nombre d'individus atteints sera élevé.
Il est évidemment plus aisé d'écarter de la reproduction les animaux porteurs d'une maladie lorsque la population de reproducteurs est élevée. Mieux encore, l'éradication d'une maladie à faible prévalence dans une population à fort effectif sera théoriquement possible.
L'inverse n'est pas vrai.
Cela paraît simple en théorie, mais moins évident qu'il n'y paraît en pratique. Pour lutter contre un affect, il faut le connaître et savoir le dépister !
Hors, il n'est pas irréaliste de penser qu'un certain pourcentage des causes de décès affichées ne sont pas exactes. Mon expérience me permet d'affirmer qu'un certain nombre d'adoptants se leurrent ou ignorent la réelle cause de décès de leur rat. Des décès de "vieillesse" à l'âge de 2 ans cachant plutôt des symptômes d'AVC, des rhumes dissimulant certainement un cancer des poumons... Les cas sont nombreux, plus nombreux qu'on ne le croit.
Il serait donc nécessaire -dans le cadre d'un objectif d'assainissement d'une population envers un gène délétère- de pratiquer des autopsies systématiques des animaux de la famille travaillée en ce sens.
Lorsqu'on parle de maladies chez le rat, on pense immédiatement aux tumeurs et aux cancers qui nous prennent nos boules de poils bien trop vite et bien trop souvent.
Si lutter au mieux contre ces affects est une nécessité, songer à les éliminer complètement est illusoire. Pourquoi ? Tout simplement parce que la part héréditaire des tumeurs chez le rat est limitée. S'il est indéniable qu'il existe des prédispositions génétiques aux tumeurs, il est tout aussi avéré qu'une part non négligeable des cas est environnementale. Stress, luminosité, hygiène alimentation, produits chimiques utilisés... Beaucoup de facteurs sont potentiellement responsables des cancers et tumeurs chez le rat domestique.
L'objectif d'un éleveur ne peut guère être d'éliminer complètement tumeurs et cancers dans sa famille, mais il peut travailler à écarter au mieux les susceptibilités génétiques grâce au suivi de ses portées et à la sélection.