Written by Simone Weil in 1929 and read, in translation, by S. A. Kotva.
Chance
The beings I love are creatures. They were born by chance. My meeting with them was also by chance. They will die. What they think, do and say is limited and is a mixture of good and evil.
I have to know this with all my soul and not love them the less.
I have to imitate God who infinitely loves finite things in that they are finite things.
We want everything which has a value to be eternal. Now everything which has a value is the product of a meeting, lasts throughout this meeting and ceases when those things which met are separated. That is the central idea of Buddhism (the thought of Heraclitus). It leads straight to God.
Meditation on chance which led to the meeting of my father and mother is even more salutary than meditation on death.
Is there a single thing in me of which the origin is not to be found in that meeting? Only God. And yet again, my thought of God had its origin in that meeting.
Stars and blossoming fruit-trees: utter permanence and extreme fragility give an equal sense of eternity.
The theories about progress and the ‘genius which always pierces through’, arise from the fact that it is intolerable to suppose that what is most precious in the world should be given over to chance. It is because it is intolerable that it ought to be contemplated.
Creation is this very thing.
The only good which is not subject to chance is that which is outside the world.
The vulnerability of precious things is beautiful because vulnerability is a mark of existence.
The destruction of Troy. The fall of the petals from fruit trees in blossom. To know that what is most precious is not rooted in existence—that is beautiful. Why? It projects the soul beyond time.
The woman who wishes for a child white as snow and red as blood gets it, but she dies and the child is given over to a stepmother.
Hasard
Les êtres que j'aime sont des créatures. Ils sont nés du hasard. Ma rencontre avec eux est aussi un hasard. Ils mourront. Ce qu'ils pensent, ce qu'ils sentent et ce qu'ils font est limité et mélangé de bien et de mal. Savoir cela de toute son âme et ne pas les aimer moins. Imiter Dieu qui aime infiniment les choses finies en tant que choses finies.
Nous voudrions que tout ce qui a une valeur fût éternel. Or tout ce qui a une valeur est le produit d'une rencontre, dure par rencontre et cesse lorsque ce qui s'était rencontré se sépare. C'est la pensée centrale du bouddhisme (pensée héraclitéenne). Elle mène tout droit à Dieu. La méditation sur le hasard qui a fait rencontrer mon père et ma mère est plus salutaire encore que celle de la mort.
Y a-t-il une chose en moi qui n'ait pas son origine dans cette rencontre ? Dieu seul. Et encore ma pensée de Dieu a son origine dans cette rencontre. Étoiles et arbres fruitiers en fleur. La permanence complète et l'extrême fragilité donnent également le sentiment de l'éternité.
Les théories sur le progrès, sur le «génie qui perce toujours », procèdent de ce qu'il est intolérable de se représenter ce qu'il y a de plus précieux dans le monde livré au hasard. C'est parce que cela est intolérable que cela doit être contemplé. La création, c'est cela même. Le seul bien qui ne soit pas sujet au hasard est celui qui est hors du monde. La vulnérabilité des choses précieuses est belle parce que la vulnérabilité est une marque d'existence.
Destruction de Troie. Chute de pétales d'arbres fruitiers en fleur. Savoir que le plus précieux n'est pas enraciné dans l'existence. Cela est beau. Pourquoi ? Projette l'âme hors du temps. La femme qui souhaite un enfant blanc comme la neige, rouge comme le sang, l'obtient, mais elle meurt et l'enfant est livré à une belle-mère.