Après plusieurs heures de route sur l’autoroute, une voie certes assez rapide (110 km/h), mais qui ne semble pas très sûre avec de gros camions et la possibilité pour n’importe qui d’entrer et de sortir à n’importe quel endroit, nous franchissons le portail de Atallah, à qui nous avons confié notre périple au Wadi Rum, sur les traces de Lawrence (non pas une copine, mais le gars d’Arabie). Le premier contact est chaleureux, ce qui ne gâche rien. Grisemote a néanmoins échangé avec Anne, une française qui vit là-bas depuis des années et qui co-organise les voyages avec Attalah . C’est un avantage indéniable pour comprendre où nous mettons les sandales. Nous avons hâte de la rencontrer. http://wadirumbedouinfriends.com/

D’un 4x4 qui doit avoir mon âge, sort Anne. Du premier coup d’œil, pas de doute, c’est une baroudeuse. La chevelure au vent, un pantalon aéré, le regard qui en a vu passé, décontractée mais sans se laisser faire dans ce monde d’hommes, Anne nous prend en charge pour notre première étape. Nous chargeons nos affaires pour les quatre prochaines journées dans son fameux 4x4. Quand je dis « chargeons », en fait, nous mettons nos affaires où nous pouvons dans ce qui ressemble à un entassement anarchique de toutes sortes de choses : du bois, de l’eau, des couvertures, de la nourriture et tout ce qui a dû être entassé ces dix dernières années. Bigre, cela ne va pas être simple de monter à l’intérieur, vu qu’il y a devant le chauffeur et le guide. Heureusement, Anne nous donne le choix entre les places arrières si nous y arrivons, ou sur le toit. Après dix longues secondes de réflexion, nous choisissons le vent dans les cheveux. Pour atteindre ce sommet, le mode d’emploi nous est donné : simple, un pied sur le parechoc, le suivant sur le capot, un petit coup de rein et hop, nous prenons place sur la galerie aménagée de matelas sur le toit. Top ! On prend vite le coup de main. L’équipage s’ébroue, quitte rapidement le bitume pour arpenter la piste sableuse, en se dandinant gentiment. Le chemin défile devant nous. Caressés par un vent chaud, nous goûtons le plaisir d’admirer les merveilles architecturales que Dame Nature s’est réjouie de faire ici. Le sable passe du blanc au rouge, ocre, voire violet parfois.

Nous nous arrêtons sur le trajet , guidés par le jeune bédouin Sanad, pour admirer quelques peintures rupestres.

Le soleil s’incline dangereusement avant de disparaitre, nous laissant juste le temps de rejoindre notre premier camp : un gros bloc rocheux à étages. Nous prenons la chambre du haut, (une grande dalle plate), celle qui donne directement sur les étoiles.

Sama le cuisinier, s’affaire pour préparer le repas, sur un feu de bois, bien entendu. Il faut dire que même si c’est le désert, ici le bois ne manque pas. On ne parle pas de gros troncs bien sûr, mais il y a de quoi faire sans avoir à chercher particulièrement. Deux filles scandinaves sont déjà au camp et nous en profitons pour échanger sur leur trip et nos voyages respectifs. Pour ce qui est de dormir, il y a tout le confort bédouin, un poil rustique, mais confortable : un matelas (ceux qui sont sur le toit), une grosse couverture, bien appréciée le matin un poil frais et un plafond d’étoiles particulièrement lumineuses dans cet endroit secret sans lumières parasites (enfin, c’est quand même la pleine lune !). Dans ces conditions, il ne faut pas attendre longtemps pour rêver.

8 heures du mat, le soleil est déjà bien haut et personne ne nous a encore réveillés. C’est normal docteur ? En fait, les deux filles sont reparties tôt, avec notre voiture car la leur n’a pas démarré. Le temps de prendre notre p’tit dej et la voiture est revenue au camp avec celui qui sera notre guide, Abdallah..

Côté voiture, elles ont quand même bien vécues. Il n’y a plus grand chose qui fonctionne à part le moteur qui semble increvable et la direction. Les portières ferment difficilement, comme le coffre, les accessoires comme les rétroviseurs, essuie-glace et autres clignotants ne sont que des vestiges d’un temps très ancien et servent à la décoration. Les vitres ont dû être lavées dans les années 90. J’avais demandé à conduire un peu le 4x4. Je n’ai pas été déçu. Pas de direction assistée et sur un gros 4x4 sur piste cela veut dire des bras de camionneur, pas de frein (quand même !), des vitesses qui se passent quasiment sans embrayage : tout une éducation à refaire, mais au final, le bidule nous mène où l’on veut avec un petit mode d’emploi et c’est bien l’essentiel. Le mieux, reste quand même d’être sur le toit. Donc, oublions la voiture, ce qu’elle nous offre remplit parfaitement son œuvre et sur un véhicule récent, jamais nous n’aurions goûté le plaisir de voyager en hauteur.

Le schéma classique d’une journée est d’atteindre en voiture un site d’intérêt : en général un canyon étroit, un point de vue ou toute autre attraction dont le Wadi Rum a le secret, puis de marcher (souvent 4 à 5 heures dans une journée, tous arrêts cumulés). A partir de midi, quoi qu’il arrive, il faut s’arrêter tant le soleil est tenace et la chaleur accablante. Nous sommes en juillet quand même. L’équipage s’arrête alors à l’ombre, pour manger, faire une sieste et discuter jusqu’à environ 16h00, puis repartir sur un point d’intérêt.

Le soir, en général l’arrêt s’effectue sur un site magnifique offrant des possibilités de trouver LA chambre à coucher sous les étoiles, qui nous convient. Nous choisirons toujours des endroits en hauteur, pour être sous les étoiles et avoir un petit vent qui nous rafraichit et évite les moustiques.

Tableau de guides : ils sont jeunes, décontractés, élégants dans leur djellaba qu’il leur faut remonter jusqu’aux genoux lors des passages techniques montagneux. Plutôt joueurs entre eux, d’un anglais que l’on comprend parfaitement, toujours prêts à chanter, ils auront été un petit soleil durant notre séjour du Wadi Rum et pourtant il y a de la concurrence. Avec tous les temps morts de la journée, nous avons de longues plages pour discuter et mieux comprendre leur culture (même si ce sont des « pro » du tourisme, nous sommes bien loin du formatage comportemental de nos contrées européennes). Un des derniers soirs ils nous ont exécutés de façon spontanée une de leurs danses réalisée durant les mariages – une sorte d’imitation du cri du dromadaire (plutôt hilarant pour nous comme pour eux). Au poil !

Nous rencontrons Wajed, ami de nos bédouins et qui vient leur faire une petite visite. Il vit et travaille à Amman dans les excursions offrant de l'aventure aux touristes. Ce qui est amusant, c'est que lors de notre séjour à Pétra où nous fûmes bloqués pendant un long moment dans le siq, pendant qu'un grimpeur aguerri faisait tomber les blocs de roche, et bien ce grimpeur, tout en haut, c'était lui!!!! Nous passerons deux ou trois jours en sa compagnie.

Anne nous avait proposé de passer une nuit dans un authentique camp bédouin. (Le père de Atallah et ses frères est encore un bédouin nomade qui vit du commerce de ses chèvres). Ce n’est pas trop notre truc, mais nous n’avons pas osé refuser, de peur de vexer. C’est ainsi que nous nous dirigeons vers ce fameux camp bédouin.

A notre arrivée, sur le site, nous nous asseyons en tailleur sur des tapis sous une tente. Le père est visiblement préoccupé (une chèvre blessée à la patte à priori). Il ne nous adresse pas la parole, nous regarde à peine. Nos guides discutent en Jordanien, l’air sombre, à ne pas savoir pour nous s’ils se font réprimander ou s’ils discutent tout simplement. Peut-être gênons-nous ? Les minutes passent. Le soleil descend. Nous trouvons le temps long, très long. Toujours pas un regard. Du coup nous nous échappons discrètement pour aller voir le coucher de soleil.

Sylvie, à l’appel de la plus jeune des filles du bédouin, s’arrête à l’enclos des chèvres, pour une initiation à la traite. L’échec fut total : la traite, ratée, et par inadvertance elle casse la barrière et met un pied dans l’écuelle de lait fraîchement trait !La jeune fille s’esclaffe de rire et répare les dégâts puis amène Grisemote sous la tente des femmes pour la préparation du repas (que je ne verrai pas, si ce n’est des ombres sous une tente sombre). Quasiment dans le noir, elles préparent le thé et le dîner. Ici pas d’électricité. Il faut attendre la lune pour y voir clair … A bien y regarder, ce sont deux tentes plantées au milieu du désert, avec quelques chèvres, une réserve d’eau et pas beaucoup plus que ça. En hiver, ils déménagent sur un autre camp. C’est bien le retour aux sources, mais pour ma part, j’ai du mal à m’imaginer à leur place, ce qui doit certainement être réciproque d’ailleurs.

De retour parmi mes joyeux lurons toujours en discussion tendue, je pousse un ouf de soulagement quand j’apprends que nous ne prenons ici que le thé et pas le repas. C’est alors que Grisemote nous rejoint discrètement, mais dans le noir total, et en oublie les cordes qui tendent les tentes. C’est à plat ventre qu’elle se présente devant tous les hommes réunis autour du père qui justement entamait un chant bédouin avec son rababah. Une grande solitude l’habite alors !!!Le père finira par se dérider lorsque Grisemote lui dira au revoir dans sa langue. Il n’est jamais trop tard…

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